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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 24 juillet 2025, n° 24/00432

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/00432

24 juillet 2025

N° RG 24/00432 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JSFO

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 24 JUILLET 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/04179

Tribunal judiciaire de Rouen du 20 décembre 2023

APPELANTE :

Madame [V] [T]

née le 25 janvier 1969 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Isabelle LEMONNIER, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

COMMUNE DE [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Marie TESSIER de la SCP BOBEE TESSIER ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 avril 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme VANNIER, présidente de chambre

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 10 avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 juillet 2025 puis prorogé à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 juillet 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [V] [T], entrepreneuse individuelle, exerce une activité de soins de beauté sous l'enseigne « L'Atelier de la [7] ».

Par acte sous seing privé du 24 août 2012, Monsieur et Madame [M] ont consenti à Mme [T] un bail commercial portant sur un local situé [Adresse 3] [Localité 10] ([Localité 6] en contrepartie d'un loyer mensuel initial de 450 euros.

Par acte authentique du 25 mars 2019, la propriété de l'immeuble a été transférée à la commune de [Localité 10].

Un avenant au bail commercial a été signé entre Madame [V] [T] et la commune de [Localité 10].

En janvier 2020, la commune de [Localité 10] a entrepris des travaux de rénovation de l'immeuble.

Se plaignant de nuisances incompatibles avec son activité et impactant la pérennité de celle-ci, Madame [T] a cessé de payer son loyer à compter du mois de mars 2020.

Par acte d'huissier de justice du 29 décembre 2020, la commune de [Localité 10] lui a fait délivrer un commandement de payer la somme de 3 294,54 euros correspondant aux loyers et charges échus et impayés, outre les frais d'acte.

Le 10 février 2021, Mme [T] a remis les clés du local commercial.

Par acte d'huissier de justice du 18 novembre 2021, Mme [T] a fait assigner la commune de Sainte-Marie-des-Champs devant le tribunal judiciaire de Rouen aux fins de voir condamner sa bailleresse à lui verser une indemnité d'éviction et des dommages et intérêts ainsi que de voir fixer le montant de son arriéré locatif à la somme de 1 880,74 euros.

Par jugement du 20 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- condamné la commune de [Localité 10] à payer à Madame [V] [T] :

* la somme de 800,00 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires ;

* la somme de 223,29 euros au titre du constat d'huissier du 27 octobre 2020.

- rejeté les autres demandes indemnitaires formées par Madame [V] [T] ;

- rejeté la demande au titre de l'indemnité d'éviction formée par Madame [V] [T] ;

- condamné Madame [V] [T] à payer à la commune de [Localité 10] la somme de 3 645,98 euros au titre des loyers impayés ;

- rejeté la demande de la commune de [Localité 10] en paiement du coût du commandement de payer ;

- ordonné la compensation entre les sommes dues par chacune des parties ;

- dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande ;

- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Madame [V] [T] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er février 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 18 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de Madame [V] [T] qui demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel de Madame [T] à l'encontre du Jugement du tribunal judiciaire de Rouen en date du 20 décembre 2023 ;

- infirmer le Jugement du tribunal judiciaire de Rouen en date du 20 décembre 2023 en ce qu'il a :

* condamné la commune de [Localité 10] à payer à Madame [T] la somme de 800 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires et la somme de 223,29 euros au titre du constat d'huissier du 27 octobre 2020 ;

* rejeté les autres demandes indemnitaires de Madame [V] [T] ;

* rejeté la demande au titre de l'indemnité d'éviction formée par Madame [T] ;

* condamné Madame [T] à payer à la commune de [Localité 10] la somme de 3 645,98 euros au titre des loyers impayés ;

* ordonné la compensation entre les sommes dues par chacune des parties ;

* dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;

* dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* rejeté toute autre demande.

Statuant à nouveau,

- juger que la commune de [Localité 10] en sa qualité de bailleur est entièrement responsable du trouble de jouissance subi par Madame [T] exerçant sous l'enseigne « L'Atelier de la Beauté » en janvier et février 2020 et du 17 mai 2020 au 1er février 2021.

En conséquence,

- condamner la commune de [Localité 10] à verser à Madame [V] [T] la somme de 13 330 euros à titre de dommages et intérêts se décomposant comme suit :

* préjudice lié à la perte de chiffre d'affaires : 9 730 euros ;

* préjudice moral : 3 000 euros ;

* remboursement des frais exposés : 600 euros ;

- juger que la rupture du bail commercial est imputable au bailleur.

En conséquence,

- condamner la commune de [Localité 10] à verser à Madame [V] [T] la somme de 11 000 euros à titre d'indemnité d'éviction ;

- débouter la commune de [Localité 10] de sa demande au titre des loyers impayés ;

- fixer le montant mensuel du loyer pour la période de mai 2020 à janvier 2021 à la somme de 200 euros par mois soit un total dû de 1 800 euros.

En conséquence,

- fixer le montant de l'arriéré de loyer dû par Madame [T] à la somme de 1 680,74 euros ;

- ordonner la compensation des sommes dues de part et d'autre ;

- condamner la commune de [Localité 10] à verser à Madame [V] [T] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de la procédure d'appel et de la procédure de 1ère instance.

Vu les conclusions du 25 juillet 2024 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la commune de [Localité 10] qui demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 20 décembre 2023 en ce qu'il a condamné la commune de [Localité 10] à payer à Madame [V] [T] la somme de 800 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires ;

- infirmer le jugement du 20 décembre 2023 en ce qu'il a condamné la commune de [Localité 10] à payer à Madame [V] [T] la somme de 223,29 euros au titre du constat d'huissier du 27 octobre 2020 ;

- infirmer le jugement du 20 décembre 2023 en ce qu'il a limité à la somme de

3 645,98 euros la somme due par Madame [T] à la commune de [Localité 10] au titre des loyers impayés ;

- infirmer le jugement du 20 décembre 2023 en ce qu'il a débouté la commune de [Localité 10] de sa demande en paiement du coût du commandement de payer ;

- confirmer le jugement du 20 décembre 2023 en ce qu'il a débouté Madame [T] de ses autres demandes indemnitaires et de sa demande au titre de l'indemnité d'éviction ;

- infirmer le jugement du 20 décembre 2023 en ce qu'il a débouté la commune de [Localité 10] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Statuant à nouveau,

- juger que la commune de [Localité 10], en sa qualité de bailleur, n'a commis aucune faute au sens de l'article 1719 du code civil dans l'exécution du contrat de bail commercial conclu avec Madame [T] le 6 janvier 2019 ;

- débouter Madame [T] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

En tout état de cause,

- condamner Madame [T] au paiement de sa dette locative soit la somme de 4 245,98 euros au titre des loyers impayés, outre la somme de 163,88 euros au titre des frais de commandement, assorti des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

A titre subsidiaire,

- ordonner la compensation des dettes sur le fondement des article 1289 et suivants du code civil.

En tout état de cause,

- débouter Madame [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [T] à verser à la commune de [Localité 10] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [T] aux entiers dépens de la présente instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité du bailleur

Moyens des parties

Madame [T] fait valoir que :

* le local occupé était en bon état et avait subi un seul dégât des eaux en 10 ans d'occupation causé par le locataire de l'appartement du 1 er étage et pris en charge par l'assurance ;

* la fuite d'eau constatée par Maître [Z], huissier de justice, en octobre 2020 est la conséquence directe des travaux au 1er étage notamment lors de la réfection des sols ; concernant l'inondation venant du jardin extérieur, il n'y avait jamais eu de problème particulier d'évacuation des eaux pluviales jusqu'à ce que les travaux commencent ;

* initialement les travaux avaient lieu sur la façade et le toit du petit immeuble et dans l'appartement situé au-dessus du local occupé par Madame [T] ;

* les attestations de ses clientes sont précises sur les nuisances constatées et sur l'impossibilité de recevoir des soins dans de bonnes conditions ;

* le bailleur n'a pas respecté son obligation d'assurer à sa locataire une jouissance paisible de son local, en lui imposant des travaux de plus de 10 mois, rendant la poursuite de son activité impossible ; les travaux entrepris ont été la cause directe des dégradations intervenues dans le local ; la commune a reconnu sa responsabilité puisqu'elle lui avait proposé un dédommagement.

La commune de [Localité 10] réplique que :

* les travaux réalisés étaient absolument nécessaires puisque l'ancien propriétaire avait laissé l'immeuble dans un état d'insalubrité et Mme [T] avait d'ailleurs subi les conséquences de l'état déplorable du local loué du temps du précédent propriétaire ;

* aucun trouble de jouissance ne saurait être reproché à la commune puisque les travaux des plafonds étaient indispensables et incombaient normalement à l'ancien propriétaire ; Mme [T] n'a réalisé aucun entretien du local arrière de l'atelier ; les dégâts des eaux ne sont pas en lien avec les travaux de rénovation effectués par la commune ;

* lors de la rénovation du plancher de l'appartement au dessus du local de Mme [T] un trou a été réalisé pour la recherche des infiltrations d'eau anciennes afin d'assainir définitivement les murs ; les gros travaux de réfection de plancher au dessus de l'atelier ont duré seulement 15 jours ; le reste des travaux réalisés n'empêchait pas l'activité de Madame [T] ; la durée de 10 mois n'est pas anormale car le chantier a été interrompu en raison du confinement ;

* aucun des témoignages produits par Mme [T] ne respecte la forme prescrite pour les attestations de témoins, à savoir la mention manuscrite de l'article 441-7 du code pénal, et certaines ne comportent pas même la copie de la pièce d'identité ;

* si un trouble a existé, il n'a pu exister que durant une période de 15 jours pour laquelle la commune a proposé un dédommagement ;

* Mme [T] ne venait pas travailler à son atelier avant même le début des travaux et n'est pas revenue l'exploiter après la période de confinement ; dès le 16 novembre 2020, la commune lui a indiqué que les travaux avaient été réalisés et que le dégât des eaux était réparé.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1719 du code civil : « Le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : (...)

1 0 De délivrer au preneur la chose louée (...)

3 0 D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.(...) »

En application de ce texte, le bailleur est tenu, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de garantir au preneur la jouissance paisible des locaux, ce qui le rend responsable des troubles qui y sont apportés et qu'il ne peut s'en exonérer qu'en cas de force majeure.

L'article 202 du code de procédure civile dispose que « l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles. Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production 'en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. »

Il convient de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu'il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement si l'attestation non conforme présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

Madame [T] fait valoir qu'elle a subi des nuisances sur deux périodes soit en janvier et février 2020 et du 17 mai 2020 au 1er février 2021 liées aux travaux entrepris par le bailleur.

Il n'est pas discuté que des travaux ont été entrepris par la commune de [Localité 9] dans l'immeuble dont cette dernière est devenue propriétaire en mars 2019 et dont une partie était occupée par Mme [T] au titre d'un bail commercial qui lui avait été consenti le 24 août 2012 par les anciens propriétaires.

Mme [T] verse aux débats le procès-verbal dressé le 14 mai 2020 par Maître [G], huissier de justice, qui a notamment constaté que la façade de l'immeuble et le pignon ouest sont échafaudés dont l'importance est illustrée par un cliché photographique annexé au constat, que dans l'atelier de soins le parquet flottant est légèrement gondolé et se soulève avec le décollement d'une plinthe.

Les témoignages des clientes de Mme [T] si ils ne contiennent pas tous les mentions prescrites par l'article 202 du code de procédure civile, sont accompagnés de la copie de leur carte d'identité ce qui rend leur auteur identifiable. Sont évoqués à plusieurs reprises par ces témoins les nuisances sonores dues au bruit des perceuses et des marteaux, l'état dégradé du salon et notamment du plafond, la présence d'eau dans le salon, la difficulté d'accès en raison de l'échafaudage ce qui est corroboré par le constat d'huissier cité plus haut. Ainsi ces attestations suffisamment probantes ne seront pas écartées des débats. Les clientes de Mme [T] évoquent ainsi les désagréments subis à compter du début de l'année 2020. Au delà des nuisances sonores et dès lors qu'un salon de beauté se doit de respecter des normes d'hygiène et de propreté, la présence de poussières ou débris s'échappant du plafond ainsi qu'attesté par mesdames [B] et [F] cause également un trouble de jouissance. Ces désagréments apparaissent en lien avec les travaux réalisés par le bailleur ou imputables à ce dernier dès lors qu'il effectuait des travaux notamment de réfection du plancher du dessus du local occupé par Mme [T] et qu'il a reconnu dans un courrier du 5 mars 2020 adressé à cette dernière la réalité des nuisances sonores pendant 15 jours. Or Mme [T] dans son courrier en réponse du 21 mars 2020 a indiqué au bailleur que si le bruit le plus fort avait eu lieu pendant ces 15 jours, il avait néanmoins perduré, l'obligeant en janvier et février 2020 à refuser les soins relaxant à cause du bruit intérieur et extérieur ce qui est corroboré par les témoignages produits. Ainsi les clientes attestent avoir reporté des soins, avoir cessé de fréquenter le salon et ne pas être revenu après le premier confinement en raison de l'état dégradé de l'institut. Un salon de beauté étant un lieu offrant des soins destinés à se détendre et à se relaxer, les désagréments occasionnés par les travaux et qui sont démontrés sont à l'origine d'un trouble manifeste à la quiétude nécessaire à l'exercice de cette activité et ont ainsi nécessairement empêché la demanderesse de jouir paisiblement de son local durant ces deux mois et également au-delà de cette période.

Ainsi, il ressort du constat d'huissier du 27 octobre 2020 que des travaux étaient toujours en cours. Il est mentionné notamment la présence d'une bâche en plastique de protection tendue en travers de la pièce, des traces de reprise de plâtre, une découpe dans le placo plâtre au plafond de 40 centimètres sur 40 centimètres laissant apparaître la laine de verre et le vide entre le plafond du rez-de-chaussée et le plancher du premier étage. Maître [Z], huissier de justice, a constaté l'eau s'écoulant en goutte à goutte de cette découpe sur le sol en parquet flottant apparaissant détrempé et ceci jusqu'au niveau de l'un des appareils d'UV. L'huissier de justice note, au vu de ses constatations, l'impossibilité d'exploiter l'activité d' institut de beauté, les conditions d'hygiène et de propreté ne pouvant être respectées. Les clichés photographiques joints au procès-verbal de constat illustrent la situation d'un lieu en chantier ne permettant pas l'exercice de l'activité de Madame [V] [T].

Il n'est pas discuté que le bailleur a réalisé ou fait réaliser le trou dans le plafond afin d'éradiquer les infiltrations d'eau. La commune de [Localité 9] ne conteste pas être à l'origine de l'état dans lequel se trouve le bien loué, à savoir la présence d'une bâche au centre de la pièce et de nombreux outils. Si elle impute au précédent bailleur l'état dans lequel elle a trouvé le bien immobilier, Mme [T] conteste l'état d'insalubrité de son local avant les travaux de réfection entrepris par la commune et cette dernière n'en justifie nullement par un état des lieux. Elle ne justifie pas plus de la date de réception des travaux entrepris et si elle indique dans un courrier du 23 novembre 2020 adressé à sa locataire que les travaux au plafond ont été effectués, elle n'en rapporte pas la preuve.

Un salon de beauté étant un lieu offrant des soins, il se doit de respecter des normes d'hygiène et de propreté. Les travaux engagés par la bailleresse au sein du local n'ont pas rendu cela possible.

En l'absence de preuve de la date de remise en état du salon par la bailleresse qui admet 10 mois de durée de travaux, il y a lieu de retenir, en plus du manquement de deux mois précédemment démontré, un manquement du bailleur à son obligation d'assurer la jouissance paisible de Mme [T] du 17 mai 2020 jusqu'au 1er février 2021, date à laquelle le bail a pris fin.

Sur les préjudices

- Sur la perte de chiffre d'affaires

Madame [T] soutient que :

* elle avait une clientèle d'habitués ; en 2019, son chiffre d'affaires en prestations de service s'élevait à la somme de 13.232 euros ; en 2020, elle n'a eu aucune rentrée d'argent de mars à juillet ;

* la bailleresse est entièrement responsable de la baisse significative du chiffre d'affaires et de la perte de clientes jusqu'au 1 er février 2021 compte tenu de l'impossibilité de proposer la plupart des prestations et de stocker des produits ; en février 2021, son chiffre d'affaires est revenu à la normale dès lors qu'elle a pu reprendre pleinement son activité.

La commune de [Localité 10] réplique que :

* Mme [T] se plaignait d'une baisse de clientèle bien avant le début des travaux ; les montants de chiffre d'affaires déclarés par Madame [T] démontrent qu'il n'y a pas eu de baisse pour les mois de janvier et février 2020 ;

* il convient de prendre en considération l'impact de la crise sanitaire après la durée du confinement ;

* Mme [T] a choisi de travailler de son domicile à l'issue du déconfinement plutôt que d'exploiter le local commercial ; elle indique avoir effectué des prestations d'onglerie qui n'apparaissent pas dans son résultat comptable pour l'année 2020.

* dans le cas où une perte de chiffre d'affaires devrait être calculée, il conviendrait de comparer le chiffre du mois correspondant pour l'année 2019 à celui du mois de l'année 2020, sans se référer à une moyenne annuelle.

Réponse de la cour

Le manquement à l'obligation du bailleur d'assurer la jouissance paisible de sa locataire a été retenu au titre des mois de janvier et février 2020 et au titre de la période du 17 mai 2020 au 1er février 2021

Il n'est nullement démontré par le bailleur que Madame [T] n'exploitait plus par choix son fonds de commerce pendant ces deux périodes alors qu'il a été retenu que les travaux effectués étaient incompatibles avec l'activité exercée ni même que la locataire s'était plaint d'une baisse de clientèle en lien avec le départ de l'ancien propriétaire et ceci avant le début des travaux dès lors que si la commune l'affirme dans un courrier du 5 mars 2020, Mme [T] lui a répondu par courrier du 21 mars 2020 que son activité qui avait connu une baisse lors des manifestations des « gilets jaunes » avait repris depuis lors son cours normal.

Il convient de relever qu'à titre subsidiaire, la commune de [Localité 10] fait valoir que le calcul de la perte du chiffre d'affaires ne pourrait être effectué qu'en comparant le chiffre du mois correspondant à l'année 2019 à celui du même mois de l'année 2020. Il s'agit de la méthode adoptée par le premier juge et que la cour adopte également afin de prendre en compte l'impact de la crise Covid sur la crise économique ce que ne permettrait pas un calcul de perte de chiffre d'affaires sur la base d'une moyenne annuelle comme sollicité par Mme [T]. La commune de [Localité 10] ne remet donc pas en cause un chiffrage lié à la perte du chiffre d'affaires.

S'agissant des mois de janvier et février 2020, il ressort des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires produites par l'appelante (pièces 19 et 20) qui sont parfaitement lisibles que le chiffre d'affaires de janvier 2020 est équivalent à celui du mois de janvier 2019, que celui du mois de février 2020 est supérieur à celui du mois de février 2019 de sorte qu'aucune indemnisation ne pourra intervenir sur cette période.

S'agissant de la période du 17 mai 2020 au 31 décembre 2021, il convient de prendre en considération la fermeture du commerce de Mme [T] intervenue du 30 octobre au 15 décembre 2020 conformément à la mesure de confinement de la population mise en place par le gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 entraînant une perte totale de son chiffre d'affaires qui n'est pas imputable à la bailleresse sur cette période.

Il ressort des déclarations mensuelles de chiffre d'affaire que le chiffre d'affaires de Mme [T] quant aux prestations de soins en mai 2020 a été de 0 euros contre 1063 euros en mai 2019, de 0 euros en juin 2020 contre 739 euros en mai 2019, de 0 euros en juillet 2020 contre 1421 euros en juillet 2019, de 150 euros en août 2020 contre 1004 euros en août 2019, de 155 euros en septembre 2020 contre 1120 euros en septembre 2019, de 257 euros en octobre 2020 contre 676 euros en octobre 2019, de 340 euros en décembre 2020 contre 1732 euros en décembre 2019.

Il s'ensuit que Madame [V] [T] sera indemnisée de la perte de son chiffre d'affaires pour la période du 17 mai 2020 au 31 décembre 2020 (en retranchant la période de confinement) à hauteur de 5 675 euros (15 jours en mai = 514 euros + juin = 739 euros + juillet = 1421 euros + août = 854 euros + septembre = 965 euros + octobre = 419 euros + 17 jours en décembre = 763 euros).

Enfin s'agissant du mois de janvier 2021, le chiffre d'affaires en 2019 a été de 1003 euros et équivalent en 2020 et en 2021 de 542 euros soit une perte de 461 euros.

Madame [V] [T] peut donc prétendre à une indemnité compensant le manque à gagner qui sera fixée par la Cour compte tenu de ces éléments à la somme de 6 136 euros (5 675 + 461) au paiement de laquelle la commune de [Localité 10] sera condamnée. Le jugement sera infirmé sur le montant de la somme allouée.

- Sur le préjudice moral

Madame [T] fait valoir que :

* ses courriers adressés à la commune font état de sa situation financière catastrophique et de son désarroi ;

* la proposition amiable de dédommagement bien insuffisante n'est intervenue qu'en novembre 2020 ; il a été très difficile moralement de recevoir un commandement de payer les loyers par un huissier de justice alors même que le local était inutilisable ;

* elle a pu finalement reprendre une activité à son domicile, à compter de février 2021 , lorsque sa fille a quitté le domicile pour ses études ;

* elle a également subi un préjudice moral et financier à la suite du jugement, la commune n'ayant pas hésité à faire pratiquer une saisie sur son compte bancaire en ne tenant pas compte de la compensation ; elle n'a jamais reçu le virement annoncé par le Trésor Public et la commune en remboursement des sommes prélevées indûment.

La commune de [Localité 10] réplique que :

* compte tenu de l'absence d'investissement de Mme [T] dans son salon et de la perte de clientèle qui existait avant le début des travaux, Mme [T] ne souffre d'aucun préjudice moral imputable aux agissements de la commune ; elle ne produit aucune pièce justifiant l'existence de son préjudice moral.

Réponse de la cour

Il a été jugé de la réalité du préjudice de jouissance subi par Mme [T] qui s'est adressée à de nombreuses reprises au bailleur les 21 mars, 3 juillet et 17 novembre 2020 pour l'informer de l'état de son local, de sa difficulté à travailler et à payer le loyer, de son souhait de reprendre son activité au plus vite dans « mon institut de beauté digne de ce non avec tous les dégâts réparés », la réponse du bailleur ayant consisté d'une part à lui reprocher d'avoir suspendu les prélèvements de loyer sauf à accepter de lui faire grâce de deux loyers et d'autre part à lui indiquer que le conseil municipal allait voter une délibération le 17 novembre 2020 pour engager une procédure de recouvrement pour non paiement des loyers. Le 29 décembre 2020, un commandement de payer a effectivement été délivré à Mme [T]. Par ailleurs, cette dernière démontre avoir reçu une notification de saisie administrative à tiers détenteur pour un montant de 4 245,98 euros dans la suite du jugement entrepris alors qu'elle a été condamnée à payer au bailleur la somme de 3 645,98 euros au titre des loyers impayés et que eu égard à la compensation ordonnée par le premier juge la somme de 1 023,29 euros devait être déduite du montant mis à sa charge. Et si le 26 mars 2024 dans la suite d'une demande de mainlevée de la saisie, il a été répondu à Madame [V] [T] que « une mainlevée partira demain pour annuler la saisie bancaire (') En attendant le résultat de la procédure judiciaire, un empêchement a été mis sur son dossier pour éviter les poursuites inutiles. » la saisie sur son compte a bien été pratiquée pour un montant de 4 245,98 euros malgré cet engagement ce qui a été reconnu par un mail du 25 avril 2024 adressé au conseil de Madame [V] [T].

Il s'ensuit que le bailleur par son comportement a occasionné à Mme [T] un préjudice moral qui sera réparé par la condamnation de la commune à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera infirmé sur ce point.

- Sur le préjudice financier résultant des démarches entreprises

Madame [T] fait valoir que :

* elle justifie de ses envois en lettres recommandées et de nombreuses démarches tant dans un cadre amiable que judiciaire et que ce temps passé et les frais y afférents (notamment les frais de constat d'huissier) doivent faire l'objet d'une indemnisation.

La commune de [Localité 10] réplique que :

* il n'appartient pas à la commune de supporter des frais engagés par Madame [T] à sa seule demande et dans son seul intérêt.

Réponse de la cour

Madame [T] a réalisé des démarches et le caractère probant des deux constats d'huissier a été retenu de sorte que le bailleur sera condamné à lui payer la somme de 463,38 euros qui correspond au coût de ces actes ainsi qu'il en est justifié par la production des deux factures (240,09 euros + 223,29 euros).

Sur la demande au titre de l'indemnité d'éviction

Madame [V] [T] soutient que :

* elle a été dans l'obligation de quitter les lieux car elle ne pouvait plus exercer son activité dans son local et qu'il lui était dans le même temps fait commandement de payer ses loyers alors qu'elle ne pouvait générer aucun revenu ; il lui a également été annoncé dans le même temps que son bail ne serait pas renouvelé ;

* lorsqu'elle a libéré les lieux, elle n'a pas pu louer un nouveau local compte tenu de sa situation financière ; elle n'a pas eu d'autre choix que de continuer à exercer son activité à domicile ;

* en septembre 2020, elle avait fait évaluer la valeur de son fonds de commerce.

La commune de [Localité 10] réplique que :

* Mme [T] a remis les clefs du local le 10 février 2021, après que la commune bailleresse lui ait indiqué qu'elle ne renouvellerait pas le bail qui prenait fin en juin 2021 ;

* la rupture du bail ne peut être regardée comme imputable au bailleur ; le bailleur pouvait se prévaloir des dispositions de la clause résolutoire puisqu'il n'a pas été satisfait au commandement de payer délivrer le 29 décembre 2020 ;

* l'activité de Mme [T] a perduré et le fonds de commerce a conservé une valeur bien qu'ayant été déplacé ;

* si un préjudice d'éviction devait exister il ne saurait être fixé sur la valeur du fonds de commerce.

Réponse de la cour

L'article L145-14 du code de commerce prévoit que « le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

La preuve du motif grave et légitime justifiant le non-renouvellement du bail sans indemnité d'éviction incombe au bailleur.

Si la commune de [Localité 10] a conclu que la rupture de bail est intervenue à l'initiative de Mme [T] qui a remis les clefs du local le 10 février 2021, elle ajoute que la commune bailleresse a indiqué à Mme [T] qu'elle ne renouvellerait pas le bail qui prenait fin en juin 2021.

Par ailleurs la commune verse aux débats un courrier du 30 juillet 2020 émanant de sa locataire qui indique «(...) vous m'avez annoncé que vous ne souhaitiez pas reconduire mon bail qui arrive à échéance au bout de neuf ans en juillet 2021, vous devrez donc m'envoyer un courrier recommandé 6 mois avant au minimum pour que je puisse m'organiser (') », suit une demande d'indemnisation.

La commune bailleresse n'a pas notifié de congé à Mme [T] et n'a donc argué d'aucun motif grave et légitime.

Si le 10 février 2021, Mme [T] a remis volontairement les clefs du local commercial et a déclaré être libérée du bail à compter du février 2021, elle n'en a pas pour autant perdu son droit à prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction.

S'agissant du montant de l'indemnité, Mme [T] a produit deux estimations de son fonds de commerce émanant du cabinet LBH et du cabinet FVP datées de septembre 2020 évalué entre 10 000 et 12 000 euros.

Toutefois, il ressort du répertoire Sirene que postérieurement à ces estimations, Madame [T] a déplacé en début d'année 2021son activité à son domicile [Adresse 1] à [Localité 11] et elle ne justifie pas de la perte de clientèle alléguée ni de ce qu'elle ne peut pas proposer les mêmes prestations. Il ressort au contraire des captures d'écran de son site transféré que les prestations proposées sont nombreuses et variées. Il ressort de la fiche Sirène ainsi que du cliché photographique produit par la commune de [Localité 10] que Mme [T] exerce à son domicile sous la même enseigne « l'Atelier de la [7] » et elle indique elle même en page 10 de ses écritures que son chiffre d'affaires est revenu à la normale en février 2021 lorsqu'elle a pu reprendre pleinement son activité. Il s'ensuit que Madame [T] en déplaçant son activité n'a pas perdu son fonds de commerce. Elle fait valoir que lorsqu'elle a libéré les lieux, elle n'a pas pu louer un nouveau local compte tenu de sa situation financière et qu'elle n'a pas eu d'autre choix que de continuer son activité chez elle. Il en résulte qu'elle invoque par la même un préjudice lié à l'absence de renouvellement du bail pouvant être réparé au titre de l'indemnité d'éviction mais à la condition d'en établir l'existence. Or les estimations produites ne comportent aucune indication sur ce point et aucune pièce actualisée n'est versées aux débats par l'appelante concernant le prix du marché d'un local équivalent à la date du 1er février 2021 de sorte que Mme [T] échoue à démontrer l'existence d'un préjudice lié au déplacement de son fonds de commerce à son domicile. Le jugement entrepris qui a rejeté sa demande d'indemnité d'éviction sera confirmé.

Sur la demande en paiement des loyers impayés et la demande de diminution des loyers

Madame [V] [T] fait valoir que :

* l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce partiellement ou totalement a duré toute l'année 2020 ; la commune a continué à facturer un loyer normal alors qu'en raison des travaux il était impossible d'exercer normalement l'activité prévue dans le bail ;

* le matériel de soin volumineux et les meubles sont restés dans le local pendant les travaux et à ce titre il paraît équitable de prévoir que le loyer pour la période de mai 2020 à janvier 2021 ne pourra excéder la somme de 200 euros par mois.

La commune de [Localité 10] réplique que :

* il a été démontré que le local était exploitable et ce n'est que de sa seule initiative que Mme [T] a choisi de ne plus l'exploiter, et cela avant même le début des travaux ;

* la durée des travaux de plus de 21 jours n'est pas excessive compte tenu des difficultés rencontrées en lien avec la crise Covid.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1728 du code civil : « le preneur est tenu de deux obligations principales : 1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ; 2° De payer le prix du bail aux termes convenus. »

L'article 1724 du même code énonce que « si, durant le bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes et qui ne puissent être différées jusqu'à sa fin, le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu'elles lui causent, et quoiqu'il soit privé, pendant qu'elles se font, d'une partie de la chose louée. Mais, si ces réparations durent plus de vingt et un jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé. »

Il n'est pas discuté que Madame [T] n'a plus réglé ses loyers à compter du mois de mars 2020 ce dont elle a tenu informé le bailleur par courriers recommandés des 21 mars et 3 juillet 2020 en lui expliquant que son institut de beauté étant inexploitable, elle se trouve dans l'incapacité de payer.

La commune de [Localité 10] produit le commandement de payer du 29 décembre 2020 d'un montant de 3294,54 euros en principal. Les loyers des mois de décembre 2020 et janvier 2021 se sont élevés à 951 euros. La somme de 4 245,98 euros est réclamée par la commune de [Localité 10] au titre des loyers impayés,

Mme [T] sollicite la diminution du loyer sur la période de mai 2020 à janvier 2021.

Il a été retenu que les réparations engagées par le bailleur ont duré sur la période de janvier et février 2020 et sur la période du 17 mai 2020 au 31 janvier 2021 soit pendant plus de 21 jours.

Compte tenu de la nature de l'activité de Mme [T], les travaux entrepris ne lui ont pas permis d'exploiter pleinement son fonds de commerce.

Le bailleur était tenu d'assurer au preneur la jouissance paisible des lieux donnés à bail à défaut de cas de force majeure ou fortuit, le preneur se trouve bien fondé à opposer l'exception d'inexécution pour prétendre être dispensé partiellement du paiement du loyer.

Dès lors, il y a lieu de réduire le loyer de Mme [T] sur la période du 17 mai 2020 au 31 janvier 2021, en excluant la période concernée par la fermeture administrative liée au Covid 19 du 30 octobre au 15 décembre 2020 soit une réduction pour sept mois de loyers qui sera fixée à la somme de 1 400 euros à déduire du montant des loyers impayés.

En conséquence, Mme [T] sera tenue de payer à la la commune de [Localité 10] la somme de 2 845,98 euros (4 245,98 euros ' 1 400 euros) au titre des loyers impayés.

Il n'y a pas lieu de condamner Mme [T] au paiement du coût du commandement de payer dès lors qu'il n'était pas nécessaire dans le cadre de la présente procédure.

Sur la compensation

L'article 1347 du code civil prévoit que la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.

L'article 1347-1 du même code dispose que sous réserve des dispositions prévues à la sous section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Sont fongibles les obligations de somme d'argent, même en différentes devises, pourvu qu'elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre.

En l'espèce, la commune de [Localité 10] doit 8 599,38 euros à Madame [T] (perte du chiffre d'affaires, préjudice moral, coût des deux constats) tandis que cette dernière doit 2 845,98 euros à l'intimée (loyers impayés).

Par conséquent, il y a lieu d'ordonner la compensation des dettes des parties jusqu'à leur quotités respectives.

Sur les autres demandes

La commune de [Localité 10] étant pour l'essentiel la partie perdante, les dépens tant de première instance que d'appel seront mis à sa charge. Il serait inéquitable que Madame [V] [T] conserve la charge des frais exposés en marge des dépens de sorte que la commune de [Localité 10] sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :

- rejeté la demande au titre de l'indemnité d'éviction formée par Madame [V] [T] ;

- rejeté la demande de la commune de [Localité 10] en paiement du coût du commandement de payer ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la commune de [Localité 10] à payer à Madame [V] [T]:

* la somme de 6 136 euros euros au titre de la perte de chiffre d'affaires,

* la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral,

* la somme de 240,09 euros au titre du constat d'huissier du 14 mai 2020,

* la somme de 223,29 euros au titre du constat d'huissier du 27 octobre 2020 ;

Condamne Madame [V] [T] à payer à la commune de [Localité 10] la somme de 2 845,98 euros au titre des loyers impayés ;

Ordonne la compensation entre les sommes dues par chacune des parties jusqu'à leur quotités respectives.

Condamne la commune de [Localité 10] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la commune de [Localité 9] à payer à Madame [V] [T] la somme de 3 000 euros au titre des ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.

La greffière, La présidente,

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