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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 24 juillet 2025, n° 24/16175

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/16175

24 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 24 JUILLET 2025

(n° 317 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16175 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKCD5

Décision déférée à la cour : ordonnance du 11 septembre 2024 - président du TJ de Paris - RG n° 24/53697

APPELANTE

S.A.R.L. LE GRAIN DE FOLIE, RCS de Paris n°802437277, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérémy ARMET de l'AARPI STONE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 854

INTIMÉE

S.C.I. TUNIPIERRE, RCS de Paris n°423464098, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry DOUËB, avocat au barreau de PARIS, toque : C1272

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mai 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Michel RISPE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte sous seing privé en date du 4 décembre 1972, M. [C] et Mme [P], son épouse, ont consenti à M. [K] et Mme [D], son épouse, un bail commercial portant sur des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 3].

Par acte du 27 mars 1982, Mme [P] veuve [C] et M. [C] ont consenti au renouvellement du bail pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel de 20 000 francs, en principal, outre 5% de charges, le tout payable trimestriellement les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année.

Par acte du 21 avril 1982, M. et Mme [K] ont cédé leur bail à M. [T] pour tout le temps restant à courir à compter de la date précitée.

Aux termes d'un avenant du 24 septembre 1991, M. [C] a consenti au renouvellement du bail au profit de M. [T] pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 1981.

Suivant acte authentique du 29 mai 1999, M. [C] a vendu les locaux objet du bail aux associés de la société Tunipierre alors en cours de formation.

Le bail conclu avec M. [T] a été renouvelé à compter du 1er janvier 2000 en vertu d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 22 mars 2006.

Le 4 juin 2007, M. [T] a cédé son fonds de commerce à Mme [F].

Le 23 février 2009, la société Tunipierre a notifié à Mme [F] son acceptation du renouvellement du bail aux mêmes charges et conditions que le bail expiré, à l'exception du montant du loyer qu'elle entendait voir fixer à 16 400 euros.

Par jugement définitif du 2 juillet 2012, le juge des loyers commerciaux a constaté que le bail était renouvelé à compter du 1er janvier 2009 aux mêmes charges et conditions que le bail expiré.

Par acte sous seing privé du 6 juin 2014, Mme [F] a cédé son fonds de commerce à la société Le Grain de folie.

Le 29 décembre 2022, la société Tunipierre a fait délivrer à la société Le Grain de folie un commandement de payer la somme de 26 202,74 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du 27 décembre 2022 outre le coût de l'acte.

Par acte de commissaire de justice du 21 juillet 2023, la société Tunipierre a dénoncé à la société Le Grain de folie un procès-verbal de commissaire de justice du 16 janvier 2023 constatant notamment que « le local est fermé et inexploité » et lui a fait sommation de reprendre l'activité dans un délai de 15 jours.

Par acte du 10 avril 2024, la société Tunipierre a fait assigner la société Le Grain de folie devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de notamment :

constater que le preneur n'a pas réglé à la société Tunipierre ses loyers et charges dans le délai prescrit ;

constater l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement du loyer et des charges locatives

constater l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut d'exploitation du fonds de commerce

en conséquence,

ordonner, l'expulsion de la société Le Grain de folie ainsi que celle de tout occupant de son chef, des lieux donnés à bail, avec au besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier, s'il y a lieu, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'Ordonnance jusqu'au départ définitif ;

dire que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

condamner à titre provisionnel la société Le Grain de folie au paiement de la somme de 34 557,82 euros suivant décompte arrêté au terme du mois de février 2024 inclus, assortie des intérêts légaux à compter du 29 décembre 2022, date du commandement de payer ;

condamner à titre provisionnel la société Le Grain de folie à une indemnité mensuelle d'occupation égale au « montant du loyer contractuellement en vigueur », qui sera perçue dans les mêmes conditions et aux mêmes dates que le loyer prévu au bail et qui subira, à compter du mois de mars 2024, à titre de réparation du préjudice subi jusqu'à la libération effective des lieux par remise des clés.

Par ordonnance réputée contradictoire du 11 septembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 29 janvier 2023 ;

ordonné, à défaut de libération volontaire des lieux dans les 30 jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Le Grain de folie des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] ainsi que celle de tous occupants et biens de son chef, avec, si nécessaire, le concours d'un serrurier et de la force publique ;

dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

dit que le sort des meubles et objets mobiliers se trouvant sur place sera régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Le Grain de folie à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés à une somme égale au montant du loyer contractuel outre les taxes, charges et accessoires qui auraient été perçus en vertu du bail à défaut de résiliation et condamnons la société Le grain de folie à payer cette indemnité à la société Tunipierre ;

condamné par provision la société Le Grain de folie à payer à la société Tunipierre la somme de 34 211,32 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 26 février 2024, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2024;

condamné la société Le Grain de folie à payer à la société Tunipierre la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Le Grain de folie aux dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement de payer et la dénonciation de l'assignation au créancier inscrit ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;

rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit

Par déclaration du 13 septembre 2024, la société Le Grain de folie a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble des chefs du dispositif sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 3 avril 2025, la société Le grain de folie demande à la cour de :

infirmer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris du 11 septembre 2024 (RG : 24/53697) en ce qu'il a décidé de ce qui suit :

constatons l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 29 janvier 2023 ;

ordonnons, à défaut de libération volontaire des lieux dans les 30 jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Le grain de folie des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] ainsi que celle de tous occupants et biens de son chef, avec, si nécessaire, le concours d'un serrurier et de la force publique ;

disons n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

disons que le sort des meubles et objets mobiliers se trouvant sur place sera régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

fixons à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Le grain de folie à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés à une somme égale au montant du loyer contractuel outre les taxes, charges et accessoires qui auraient été perçus en vertu du bail à défaut de résiliation et condamnons la société Le grain de folie à payer cette indemnité à la société Tunipierre ;

condamnons par provision la société Le grain de folie à payer à la société Tunipierre la somme de 34 211,32 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 26 février 2024, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2024 ;

condamnons la société Le grain de folie à payer à la société Tunipierre la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamnons la société Le grain de folie aux dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement de payer et la dénonciation de l'assignation au créancier inscrit ;

disons n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;

rappelons que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

statuant à nouveau,

déclarer la société Le Grain de folie recevable et bien fondée en ses demandes.

y faisant droit, a titre principal,

prononcer la nullité de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2024 compte tenu de la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

et, en tout état de cause,

juger que la clause résolutoire opposable à la la société Le Grain de folie ne vise expressément que le cas du « défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance » et qu'aucun commandement de faire visant la clause résolutoire au motif d'une inexploitation n'a été signifié au locataire ;

juger que la société Tunipierre est recevable à agir en justice, compte tenu des délais de prescriptions applicables, pour recouvrer les créances relatives au loyer et charges éventuellement dues par la société Le Grain de folie entre le 10 avril 2019 et le 31 juillet 2024 et juger que l'ordonnance de référé vise des créances prescrites.

juger que les commandements de payer visant la clause résolutoire du 29 décembre 2024 et 21 juillet 2023 sont irréguliers en ce qu'ils visent et ont été établis suivant un loyer non contractuel ;

juger que la société Tunipierre, compte tenu des versements réalisés par la société Le grain de folie jusqu'au 31 juillet 2024, a encaissé un trop perçu au titre des loyers de 9 672,58 euros ;

juger que les commandements de payer visant la clause résolutoire du 29 décembre 2024 et 21 juillet 2023 sont illisibles et/ou insuffisamment précis et détaillés ;

en conséquence,

constater l'existence de contestations sérieuses quant à la validé des commandements de payer visant la clause résolutoire et l'existence même de la créance de loyers et charges ;

débouter la société Tunipierre de toute demande et/ou prétention ;

condamner la société Tunipierre à verser, à titre provisionnel, à la société Le Grain de folie, la somme de 9 672,58 euros au titre des loyers indus ;

prononcer la nullité de l'opposition à la vente et sur le prix de cession formée par la société Tunipierre par exploit de commissaire de justice en date du 29 août 2024 et en ordonner la mainlevée ;

à titre subsidiaire,

fixer le montant de la créance impayée au titre des loyers et charges dus au titre des dispositions du bail applicable ;

prendre acte de la demande de paiement de la société Le grain de folie jusqu'au terme d'un délai de huit (8) jours suivant la notification de la décision à intervenir et suspendre les effets de la clause résolutoire jusqu'au terme d'un délai de huit (8) jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

prendre acte du règlement de la somme de 24 273,11 euros de la part de la société la société Le Grain de folie à la société Tunipierre suivant chèque CARPA n°3778477 ou tout du moins de sa capacité à régler le montant des loyers et charges sur le prix de cession actuellement séquestré ;

prendre acte, le cas échéant, de l'engagement de la société Le Grain de folie de donner instruction à Stone avocats [AARPI], prise en la personne de Me [E], de régler toute somme complémentaire au titre des loyers et charges dus sur le prix de cession actuellement séquestré au profit de la société Tunipierre ;

ordonner, sous réserve du paiement de la créance due à titre de loyers et charges dans un délai de 8 jours suivant la notification de la décision à intervenir, la mainlevée de l'opposition à la vente et au prix de cession en date du 29 août 2024;

en tout état de cause,

condamner la société Tunipierre à verser à la société Le Grain de folie la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Tunipierre aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution ;

assortir les condamnations prononcées des intérêts légaux.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 avril 2025, la société Tunipierre demande à la cour de :

débouter la société Le Grain de folie en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 11 septembre 2023 par la présidente du tribunal judiciaire de Paris ;

en conséquence,

constater que le preneur ne lui a pas réglé ses loyers et charges dans le délai prescrit ;

constater l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement du loyer et des charges locatives ;

constater l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut d'exploitation du fonds de commerce ;

en conséquence,

ordonner, à défaut de libération volontaire des lieux dans les 30 jours de la signification de la présente décision, l'expulsion de la société Le grain de folie des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] ainsi que celle de tous occupants et biens de son chef, avec, si nécessaire, le concours d'un serrurier et de la force publique ;

dire que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

fixer à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Le grain de folie à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés à une somme égale au montant du loyer contractuel outre les taxes, charges et accessoires qui auraient été perçus en vertu du bail à défaut de résiliation et condamnons la société Le grain de folie à lui payer cette indemnité ;

condamner par provision la société Le grain de folie à lui payer la somme de 52.738,69 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois d'avril 2025, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2024 ;

subsidiairement, pour le cas où la cour de céans estimerait que le loyer devait être fixé à 613,08 euros par mois ;

condamner par provision la société Le grain de folie à lui payer la somme de 13 799,08 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois d'avril 2025, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2024 ;

condamner la société Le grain de folie à payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Le grain de folie aux entiers dépens qui comprendront le coût du commandement de payer, de sa dénonciation de l'assignation aux créanciers inscrits ;

y ajoutant,

condamner la société Le grain de folie à payer la somme de 2 000 euros sur au titre des frais irrépétibles d'appel ; et

condamner la société Le grain de folie aux entiers dépens y compris aux dépens de première Instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Doueb, avocat aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2025.

Sur ce,

Sur la demande d'annulation de la décision de première instance

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, 'l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel'.

L'article 14 du même code prévoit que 'nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée'.

L'article 15 précise que 'les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense'.

Se fondant sur ces deux derniers textes, la société Le grain de folie soutient que le premier juge, en refusant sa demande de rouvrir les débats, après qu'elle a pu prendre connaissance de l'assignation du 10 avril 2024, a violé le principe du contradictoire. Elle reproche au bailleur d'avoir fait délivrer l'assignation au local commercial alors même qu'il savait que personne ne s'y trouvait.

Toutefois, l'appelante ne conclut pas à la nullité de l'acte introductif d'instance qui lui a été délivré le 10 avril 2024 à l'adresse du local objet du bail. Si, à cette date, ce local n'était pas exploité, la société Le Grain de folie ne prétend pas ne pas y avoir eu accès. Le commissaire de justice a, en outre, précisé dans son acte que : 'le domicile étant certain ainsi qu'il résulte des vérifications suivantes : le nom est inscrit sur la boîte aux lettres, l'adresse nous a été confirmée par le voisinage, un avis de passage a été laissé dans la boîte aux lettres, le nom figure sur l'enseigne, le nom est inscrit sur le tableau des occupants. Circonstances rendant impossible la signification à personne : la société est fermée lors de mon passage.'

L'appelante a donc été régulièrement mise en mesure de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des pièces produites par la bailleresse lors de l'audience du 7 août 2024 devant le premier juge.

Le premier juge, qui a reçu une demande de l'avocat de l'appelante pour obtenir la réouverture des débats, n'était pas tenu de faire droit à cette demande.

Dans ces conditions, la demande tendant à l'annulation de la première décision sera rejetée.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, 'dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend'.

L'article 835 du même code prévoit que 'le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite'.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, 'toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai'.

Sur le fondement de ces textes, le constat, en référé, de la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire est possible lorsque la mise en oeuvre de cette clause ne se heurte pas à des contestations sérieuses.

- sur l'absence de commandement d'exploiter les lieux visant la clause résolutoire

Les développements de la bailleresse concernant l'absence d'exploitation du local commercial sont inopérants dès lors qu'aucun commandement visant la clause résolutoire pour inexécution de cette obligation n'est produit.

La sommation du 21 juillet 2024 (pièce n° 13 de l'intimée) de reprendre l'activité dans un délai de 15 jours ne vaut pas commandement visant la clause résolutoire.

- sur la demande au titre du commandement de payer du 29 décembre 2022

Par acte du 29 décembre 2022, la SCI Tunipierre a fait délivrer à la société Le Grain de folie un commandement de payer la somme de 26 202, 74 euros visant la clause résolutoire dont nul ne conteste qu'il est resté sans effet dans le mois de sa délivrance.

Pour s'opposer aux effets de ce commandement, la société Le Grain de folie fait valoir que le bailleur a sollicité le paiement de sommes afférentes à des loyers et charges remontant à l'année 2014 de sorte que l'action en paiement est prescrite par application de l'article 2224 du code civil aux termes duquel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est exact que le décompte annexé au commandement de payer portant l'intitulé 'grand livre locataires' récapitule les sommes en débit et crédit à compter du 1er janvier 2020 mais indique un solde de 13 742, 06 euros pour la période antérieure. Or, pour cette période, le décompte ne permet pas d'identifier les causes des sommes réclamées, leur bien-fondé et les dates d'échéance desdites sommes. De plus, il se déduit des conclusions de la SCI Tunipierre que la cause du commandement de payer concernait, pour partie, des impayés très anciens puisque datant de l'année 2014.

Il apparaît donc que le preneur n'a pas été en capacité de vérifier l'exactitude des sommes réclamées.

La locataire fait encore valoir que, par application de l'acte de cession du 6 juin 2014, le montant du loyer et charges s'élevait à 551, 22 euros mais que le bailleur a appliqué un loyer irrégulier dès le 1er juillet 2014, soit 640, 37 euros par mois. Elle soutient que le bail prévoit une révision triennale du loyer à la demande d'une partie mais que, depuis 2014, aucune de révision n'a été émise par la bailleresse. Elle ajoute que le bail ne prévoit pas de clause d'indexation annuelle opposable au locataire de sorte que les révisions annuelles du loyer sont irrégulières. La société Le Grain de folie considère que la bailleresse est redevable de la somme de 9 672, 58 euros depuis le 1er janvier 2014 ou de 149, 49 euros si la prescription applicable au remboursement de l'indu devait être appliquée.

La SCI Tunipierre se borne à opposer que la dette locative ne cesse de s'aggraver, que la locataire - qui n'a jamais émis de contestation concernant les loyers imputés - a spontanément réglé la somme mensuelle de 613, 08 euros au titre des loyers et charges. Elle ajoute que la société Le Grain de folie n'a pas payé, pendant six mois, les loyers et charges dues en 2022.

Il se déduit de ces éléments qu'il existe une contestation sérieuse quant au montant du loyer dû par la locataire et l'existence de la créance de la bailleresse au jour de la délivrance du commandement de payer.

La demande tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire sur le fondement du commandement de payer du 29 décembre 2022 se heurte donc à une contestation sérieuse.

Par infirmation de l'ordonnance entreprise, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire sur le fondement du commandement signifié le 29 décembre 2022.

- sur la demande au titre du commandement de payer du 21 juillet 2023 visant la clause résolutoire

Par acte extrajudiciaire du 21 juillet 2023, la SCI Tunipierre a enjoint la société Le Grain de folie de payer la somme de 32 330, 94 euros en visant la clause résolutoire.

Mais ainsi que souligné par la société Le Grain de folie, le décompte annexé est pour partie illisible et il fait état d'un solde antérieur de 25 589, 66 euros sans précision sur les causes des sommes réclamées, leur bien-fondé et les dates d'échéance desdites sommes.

En outre, l'existence de la créance de la bailleresse à la date du commandement est sérieusement constable au regard de la prescription invoquée par la société Le Grain de folie et du désaccord sur le montant du loyer réclamé, ainsi que relevé supra.

La demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire sur le fondement du commandement de payer du 21 juillet 2023 se heurte par conséquent à une contestation sérieuse.

Il n'y a pas lieu à référé de ce chef.

Sur la demande de provision de la SCI Tunipierre

Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La SCI Tunipierre demande de condamner, par provision, la société Le Grain de folie à lui payer la somme de 52 738, 69 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois d'avril 2025 outre les intérêts au taux légal.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour estimerait que le loyer doit être fixé à 613, 08 euros par mois, la SCI Tunipierre demande de condamner la société Le Grain de folie à lui payer, par provision, la somme de 13 799, 08 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2025.

La SCI Tunipierre produit un décompte des loyers et charges réclamés arrêté au 6 mai 2025.

Cependant ce décompte contient des sommes qui ne peuvent être vérifiées (solde négatif de 30 457, 08 euros antérieur au 1er janvier 2020) ou qui ne correspondent pas à des loyers ou charges (frais administratifs hors quittances, constats, commandements, constitution dossier avocat, jugement, frais de recouvrement, frais d'avocat, appels de travaux).

En outre, ainsi que relevé supra la locataire élève une contestation sérieuse relative, d'une part, à l'irrecevabilité d'une partie des loyers réclamés pour cause de prescription, d'autre part, au montant du loyer effectivement dû jusqu'au 31 juillet 2024.

En revanche, il n'est pas utilement contesté qu'entre le 1er août 2024 et le 1er mai 2025, la SCI Tunipierre n'a pas réglé les loyers et charges courants, sans qu'il soit possible d'affirmer que la somme de 24 273, 11 euros que la société Le Grain de folie affirme avoir versée le 25 septembre 2024 à l'intimée vaut règlement des loyers et charges.

La somme mensuelle de 551, 22 euros au titre du loyer et charges correspond à la somme admise par par la locataire.

En conséquence, la provision sollicitée à hauteur de 5 512, 20 euros (551, 22 euros X 10) n'est pas sérieusement contestable.

La société Le Grain de folie sera condamnée, à titre provisionnel, à payer cette somme à la SCI Tunipierre.

L'ordonnance sera infirmée sur le quantum alloué.

Sur la demande de provision de la société Le Grain de folie

La société Le Grain de folie demande de condamner la SCI Tunipierre à lui payer la somme de 9 672, 58 euros, à titre provisionnel, au titre des loyers indus.

Il résulte des motifs précédents que la créance de la locataire au titre du remboursement de l'indu invoqué n'est pas établie avec l'évidence requise en référé.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé de ce chef.

Sur la nullité de l'opposition à la vente et sur le prix de cession

La cession du fonds de commerce est étrangère au présent litige.

Il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la nullité de l'opposition à la vente et au prix de cession du fonds de commerce formée par le bailleur.

Cette demande sera déclarée irrecevable.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de l'arrêt commande d'infirmer l'ordonnance en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d'annulation de la décision entreprise ;

Infirme les dispositions de l'ordonnance entreprise soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes ;

Condamne, par provision, la société Le Grain de folie à payer à la SCI Tunipierre la somme de 5 512, 20 euros et dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus réclamé ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société Le Grain de folie ;

Déclare irrecevable la demande de la société Le Grain de folie tendant à voir prononcer la nullité de l'opposition à la vente et sur le prix de cession du fonds de commerce formée par la SCI Tunipierre ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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