CA Rouen, ch. civ. et com., 24 juillet 2025, n° 24/03830
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/03830 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JZUL
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 24 JUILLET 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
24/00411
Ordonnance du président du tribunal judiciaire du Havre du 22 octobre 2024
APPELANTE :
S.A.S. COMPAGNIE NOUVELLE DE LOGISTIQUE
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Me Richard FIQUET de la SELARL SUREL LACIRE-PROFICHET FIQUET, avocat au barreau du HAVRE et assistée par Me Olivier MUL de la SELARL MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jorge MENDES CONSTANTE de la SELARL MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE :
S.C.I. SAF
[Adresse 9]
[Localité 8]
représentée et assistée par Me Anne TUGAUT de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 avril 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme VANNIER, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 03 avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 juin 2025 puis prorogé à ce jour.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 juillet 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 16 janvier 2019, la Compagnie Nouvelle de Manutention et de Transports (la CNTL) a conclu des conventions d'occupation précaire d'une durée de 12 mois à compter du 1er janvier 2019, avec la SCI Alizés Entrepôts portant sur le local commercial à usage de stockage situé au [Adresse 11] Sandouville et avec la SCI AVL Entrepôts sur le local commercial à usage de stockage situé au n° 5006 dans la même rue.
La CNTL s'est maintenue dans les locaux au-delà de l'échéance du 31 décembre 2019 et après avoir obtenu l'agrément des propriétaires, elle a cédé son fonds de commerce à la société Compagnie Nouvelle de Logistique ( la CNL) le 31 mars 2023, à compter du 1er avril suivant.
Le 23 juin 2023, la société CNL a informé les SCI Alizés Entrepôts et AVL Entrepôts de sa volonté de ne pas prolonger le bail souscrit au-delà d'un délai de préavis de six mois, soit le 31 décembre 2023 à minuit.
Par acte reçu par maître [C], notaire au [Localité 10], le 23 janvier 2024, la société SAF a acquis les deux biens immobiliers situés au [Adresse 2] [Localité 12].
Le 14 mai 2024, la société SAF a fait délivrer à la société CNL un commandement de payer.
Par acte de commissaire de justice du 25 juillet 2024, la société SAF a fait citer la société CNL devant le président du tribunal judiciaire du Havre statuant en référé, afin d'obtenir, à titre principal, sa condamnation à lui payer une provision de 641.524,80 euros HT représentant les loyers relatifs au bail portant sur les locaux commerciaux à usage de stockage échus et à échoir jusqu'à la fin de la première période triennale du bail commercial qui les lie fixée au 31 décembre 2025, ou à titre subsidiaire la somme de 187.111,40 euros HT correspondant aux loyers échus au 14 juillet 2024 à actualiser au jour de l'audience.
Par ordonnance du 22 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire du Havre a :
- condamné la société Compagnie Nouvelle de Logistique à payer à la société SAF la somme provisionnelle de 267.302 euros HT à valoir sur les loyers échus impayés au 7 octobre 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance ;
- condamné la société Compagnie Nouvelle de Logistique aux dépens, en ce compris le coût de commandement de payer du 14 mai 2024 ;
- condamné la société Compagnie Nouvelle de Logistique à payer à la société SAF, une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétention.
La société Compagnie Nouvelle de Logistique a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 5 novembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 27 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société Compagnie Nouvelle de Logistique qui demande à la cour de :
- juger Ia société Compagnie Nouvelle Logistique recevable et bien fondée en son appel, et ;
- infirmer l'ordonnance de référé du 22 octobre 2024 du tribunal judiciaire du Havre dont appel en toutes ses dispositions.
Et, statuant à nouveau :
- juger que les prétentions de la société SAF mettant à la charge de la société Compagnie Nouvelle Logistique une obligation de paiement de loyers commerciaux se heurtent manifestement à l'existence de contestations sérieuses qui ne relèvent pas des pouvoirs du juge des référés.
En conséquence :
- débouter la société SAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Compagnie Nouvelle Logistique ;
- dire n'y avoir lieu à référé.
En tout état de cause,
- condamner la société SAF à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société SAF aux entiers dépens de la présente instance.
Vu les conclusions du 31 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société SAF qui demande à la cour de :
- confirmer, en toutes ses dispositions, l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire du Havre du 22 octobre 2024 ;
- y ajoutant dire que la dette locative arrêtée au 17 mars 2025 représente la somme de 400.953,00 euros.
En conséquence :
- condamner la société Compagnie Nouvelle Logistique à régler à la société SAF la somme de 400.953,00 euros au titre des loyers dus arrêtés au 17 mars 2025 ;
- débouter la société Compagnie Nouvelle Logistique de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Compagnie Nouvelle Logistique à régler à la société SAF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la provision
Moyens des parties
La société Compagnie Nouvelle Logistique soutient que :
* rien ne permet de déduire qu'au terme des conventions précaires conclues le 16 janvier 2019 soit le 31 décembre 2019, et contrairement à la façon dont elles avaient procédé précédemment avec la convention de 2016, les parties ont souhaité donner une nature commerciale à la convention les liant ;
* les termes du courrier du 23 juin 2023 émanant d'une partie venant aux droits du locataire initial ne saurait suffire à conclure à l'existence d'un bail commercial ;
* la question de l'exigibilité des sommes réclamées par la société SAF nécessite de juger de la validité du congé délivré par la société CNL qui découle de la qualification juridique donnée à la relation contractuelle des parties à l'instance ;
* le juge des référés a appliqué le statut des baux commerciaux à la relation contractuelle pour remettre en cause la validité des congés délivrés pour non-respect de la période triennale exigée par l'article L.145-4 du Code de commerce et pour entrer en voie de condamnation sur le paiement des loyers commerciaux subséquents ;
* trois conventions d'occupation précaire ont été souscrites et aucun contrat de bail commercial n'a été conclu entre les parties ; la première convention d'occupation précaire conclue pour une durée de douze mois à compter du 1er janvier 2016 a donné lieu au maintien dans les lieux du preneur jusqu'à la signature d'une seconde convention le 16 janvier 2019, sans qu'aucune des parties ne revendiquent l'existence d'un quelconque bail statutaire ;
* le point de départ de la prescription biennale de l'action en requalification desdites conventions court à compter de la date de conclusion de celle dont la requalification est recherchée ; les deux dernières conventions d'occupation ayant été conclues le 16 février 2019, toute action en requalification en bail commercial et/ou bail dérogatoire était recevable jusqu'au 16 février 2021 ;
* elle n'a jamais donné son accord pour que les conventions d'occupation précaires arrivées à terme soient soumises au droit commun du bail commercial ; elle n'a jamais acquis un droit au bail commercial près de l'ancienne société exploitante ;
* le fait que la société CNMT se soit maintenue dans les lieux après le 31 décembre 2019 ne rend pas applicable le statut des baux commerciaux ;
* contrairement au bail dérogatoire, la convention d'occupation précaire permet à chaque partie de mettre fin au contrat à tout moment en raison d'un événement dont la survenance est exceptionnelle et indépendante de leur seule volonté ; le 23 juin 2023, sous le coup de l'arrêté préfectoral du 9 décembre 2020 et de la mise en demeure de se mettre en conformité, elle pouvait légitimement mettre un terme aux conventions d'occupation précaire ;
* il ressort du constat d'huissier réalisé le 5 janvier 2024, que les locaux sont vides de toute occupation par la société CNL ; le site ne possède pas de système de fermeture et il n'est fait mention d'aucune clé, remise de clé ou autres dans la convention d'occupation précaire ;
* elle pouvait légitimement déduire qu'à l'instar des conventions d'occupation précaire précédentes, la dernière avait été implicitement conclue pour une durée d'un an, à compter du 1er janvier 2023 pour se terminer au 31 décembre 2023.
La société SAF réplique que :
* le premier juge ne s'est livré qu'à la lecture des échanges des parties ; les rapports contractuels entre la CNMT et les société Alizés Entrepôts et AVL Entrepôts se sont orchestrés en deux temps et régis par deux régimes distincts : d'abord les conventions d'occupation précaire du 16 janvier 2019 qui expiraient au 31 décembre 2019, puis l'occupation commerciale postérieure aux conventions d'occupation précaire ce que consacre le courrier de congé de CNL du 23 juin 2023;
* dans la mesure où les parties étaient en accord avec la nature du bail commercial les liant postérieurement aux conventions précaires, une action en requalification n'était nullement impérative ;
* dans ses courriers des 15 et 23 février 2024, à aucun moment la société CNL n'argue d'une nouvelle occupation précaire, mais ne fait qu'opposer qu'elle a dû donner congé en raison de la non-conformité du bâtiment ;
* l'occupante s'est maintenue dans les lieux après le 31 décembre 2019, à défaut de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant une précarité, au sens de l'article L 145-5-1 du code de commerce, la société CNMT s'est vue locataire des deux bâtiments, sous régime commercial de droit commun depuis le 1er janvier 2020 ;
* la société CNL a cru pouvoir s'en délier dans des conditions irrégulières ; or la faculté de donner congé par période triennale, et uniquement au terme des périodes triennales de l'article L. 145-4 du Code de commerce est d'ordre public ;
* la société CNL ne peut pas à la fois se prévaloir de l'existence d'une convention d'occupation précaire, qui par définition exclut l'application du régime du bail, et invoquer des obligations incombant à un bailleur ;
* quant au courrier du 16 janvier 2024 émanant des précédents propriétaires des entrepôts qui auraient accepté le principe d'un départ anticipé au 31 décembre 2024, il en ressort en réalité qu'ils répondent sans véritablement se positionner et il fixe un préalable à la sortie, celui de la remise en état des locaux.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.
C'est au demandeur en référé qu'il appartient de démontrer le bien-fondé de sa créance, tandis qu'il revient au défendeur de démontrer l'existence d'une contestation sérieuse.
Le montant de la provision allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Mais la qualification d'un bien ou d'un acte, de même que l'interprétation d'un contrat, échappe aux pouvoirs du juge des référés.
Il apparaît que la SCI Alizés Entrepôts a mis à disposition de la compagnie CNMT un bâtiment à usage d'entrepôt logistique situé [Adresse 3] au terme d'une première convention d'occupation précaire pour une durée de 12 mois consécutifs entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016 puis, par une nouvelle convention d'occupation précaire signée entre elles le 16 janvier 2019, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019 et, à la même date, la SCI AV Entrepôts a mis à disposition de la CNMT un autre bâtiment à usage d'entrepôt situé [Adresse 4] pour une durée de 12 mois consécutifs à compter du 1er janvier 2019.
La société CNMT est restée dans les lieux au-delà du 31 décembre 2019 puis après elle la société CNL sans que les parties ne signent une nouvelle convention d'occupation précaire.
La société SAF fonde sa demande en paiement par la société CNL d'une provision représentant les loyers relatifs au bail portant sur les locaux à usage de stockage situés au [Adresse 1] [Adresse 5] à [Localité 12] échus et à échoir jusqu'au 17 mars 2025 au motif que lesdites conventions d'occupation précaire parvenues à leur terme ont été soumises au statut des baux commerciaux en accord avec la société CNL qui a acquis le 31 mars 2023 le fonds de commerce de la société CNMT comprenant le droit au bail.
Les conventions d'occupation précaire produites aux débats mentionnent que la société CNMT ayant la qualité d'occupant à titre précaire ne pourra en aucun cas revendiquer le bénéfice des dispositions du statut des baux commerciaux tel qu'il résulte des articles L 145-1 et R 145-1 et suivants du code de commerce.
Sont versés aux débats les courriers recommandés adressés par le directeur général de la société Compagnie Nouvelle Logistique aux sociétés Alizés Entrepôts et AVL Entrepôts datés du 23 juin 2023 aux termes desquels il informe les bailleresses de l'intention de la société Compagnie Nouvelle Logistique de procéder à « la résiliation du bail commercial à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la présente notification de résiliation, soit le 31 décembre 2019 à minuit ». Les autres courriers produits datés des 13 octobre 2023, 15 et 24 février 2024 qui émanent du directeur général de la société Compagnie Nouvelle Logistique ne font plus référence à un bail commercial mais à des baux précaires ou à des locations et le courriel du 13 octobre 2023 adressé par la société Compagnie Nouvelle Logistique à l'agent immobilier en charge de la vente des biens immobiliers loués pour faire une offre de prix s'il évoque une fin de bail, il ne vise nullement un bail commercial.
A hauteur d'appel sont versés aux débats, d'une part, l'acte de cession du fonds de commerce conclu le 15 février 2023 entre la Compagnie Nouvelle de Manutentions et de Transports et la société Compagnie Nouvelle Logistique et, d'autre part, l'acte de vente du 23 janvier 2024 des entrepôts situés au [Adresse 1] [Adresse 5] à Sandouville par les SCI Alizés Entrepôts et VLS Entrepôts à la société SAF.
L'acte sous seing privé du 15 février 2023 fait référence aux conventions d'occupation précaire du 16 janvier 2019 conclues pour une durée de 12 mois jusqu'au 31 décembre 2019, la société Compagnie Nouvelle Logistique étant informée que l'occupation s'est poursuivie paisiblement sans régularisation d'une nouvelle convention écrite ou la régularisation d'un bail commercial écrit et y étant noté que l'acquéreur déclare en faire son affaire personnelle tant en ce qui concerne le montant du loyer que la précarité de l'occupation des locaux loués.
L'acte notarié du 23 janvier 2024 mentionne les conventions d'occupation précaire signées le 16 janvier 2019 pour une durée d'une année à compter du 1er janvier 2019, renouvelées tacitement depuis. Il y est noté que le locataire a donné un congé ayant effet le 31 décembre 2023, qu'il a libéré les lieux ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat du 5 janvier 2024, que l'acquéreur (la société SAF) a pu le constater en visitant les lieux. Il est encore stipulé que le vendeur subroge l'acquéreur dans ses droits éventuels dans le bail commercial, déclarant en faire son affaire personnelle.
Est par ailleurs produit par l'appelante à hauteur d'appel le courrier du 16 janvier 2024 de la gérante des SCI Alizés Entrepôts et AVL Entrepôts adressé Directeur général de la société Compagnie Nouvelle Logistique aux termes duquel elle évoque un départ anticipé de la locataire par rapport à la fin de bail fixée au 31 décembre 2024 sous réserve d'une restitution des lieux en bon état de réparations et d'entretien, ajoutant que dans l'attente les loyers continuent à courir. La société SAF fait valoir dans ses conclusions qu'il ressort de ce courrier que les précédents propriétaires répondent sans véritablement se positionner. Il apparaît ainsi que pour le bailleur ce courrier n'est pas pertinent sur la nature du bail liant les parties.
Il n'apparaît pas de ces éléments avec l'évidence requise en référé et plus particulièrement des courriers de résiliation du 23 juin 2023 émanant de la société Compagnie Nouvelle Logistique qui sont les seuls à évoquer la résiliation du bail commercial tout en se référant aux conventions d'occupation précaire que les parties ont entendu se soumettre au statut des baux commerciaux à l'issue de l'échéance des conventions d'occupation précaire soit à compter du 1er janvier 2020 puisque renouvelées tacitement ainsi que mentionné dans l'acte de vente des entrepôts du 23 janvier 2024.
Et il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de procéder à une interprétation sur la nature des relations contractuelles liant les parties et sur l'existence ou non d'un bail commercial né du maintien dans les lieux de la CNMT puis de la CNL ce qui relève du juge du fond.
La contestation opposée par la société Compagnie Nouvelle Logistique à la prétention de la société SAF mettant à la charge de la première le paiement de loyers commerciaux étant sérieuse, il convient d'infirmer l'ordonnance de référé et de dire n'y avoir lieu à référé sans qu'il soit dès lors nécessaire de répondre au moyen arguant d'une contestation sérieuse fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance des locaux loués afin d'en assurer la jouissance paisible du preneur.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance sera également infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Partie perdante, la société SAF sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il serait inéquitable que la société Compagnie Nouvelle Logistique conserve la charge des frais engagés en marge des dépens de sorte que la société SAF sera condamnée à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 22 octobre 2024,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Y ajoutant,
Condamne la société SAF aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société SAF à payer à la société Compagnie Nouvelle Logistique la somme de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
La greffière, La présidente,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 24 JUILLET 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
24/00411
Ordonnance du président du tribunal judiciaire du Havre du 22 octobre 2024
APPELANTE :
S.A.S. COMPAGNIE NOUVELLE DE LOGISTIQUE
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Me Richard FIQUET de la SELARL SUREL LACIRE-PROFICHET FIQUET, avocat au barreau du HAVRE et assistée par Me Olivier MUL de la SELARL MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jorge MENDES CONSTANTE de la SELARL MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE :
S.C.I. SAF
[Adresse 9]
[Localité 8]
représentée et assistée par Me Anne TUGAUT de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 avril 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme VANNIER, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 03 avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 juin 2025 puis prorogé à ce jour.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 juillet 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 16 janvier 2019, la Compagnie Nouvelle de Manutention et de Transports (la CNTL) a conclu des conventions d'occupation précaire d'une durée de 12 mois à compter du 1er janvier 2019, avec la SCI Alizés Entrepôts portant sur le local commercial à usage de stockage situé au [Adresse 11] Sandouville et avec la SCI AVL Entrepôts sur le local commercial à usage de stockage situé au n° 5006 dans la même rue.
La CNTL s'est maintenue dans les locaux au-delà de l'échéance du 31 décembre 2019 et après avoir obtenu l'agrément des propriétaires, elle a cédé son fonds de commerce à la société Compagnie Nouvelle de Logistique ( la CNL) le 31 mars 2023, à compter du 1er avril suivant.
Le 23 juin 2023, la société CNL a informé les SCI Alizés Entrepôts et AVL Entrepôts de sa volonté de ne pas prolonger le bail souscrit au-delà d'un délai de préavis de six mois, soit le 31 décembre 2023 à minuit.
Par acte reçu par maître [C], notaire au [Localité 10], le 23 janvier 2024, la société SAF a acquis les deux biens immobiliers situés au [Adresse 2] [Localité 12].
Le 14 mai 2024, la société SAF a fait délivrer à la société CNL un commandement de payer.
Par acte de commissaire de justice du 25 juillet 2024, la société SAF a fait citer la société CNL devant le président du tribunal judiciaire du Havre statuant en référé, afin d'obtenir, à titre principal, sa condamnation à lui payer une provision de 641.524,80 euros HT représentant les loyers relatifs au bail portant sur les locaux commerciaux à usage de stockage échus et à échoir jusqu'à la fin de la première période triennale du bail commercial qui les lie fixée au 31 décembre 2025, ou à titre subsidiaire la somme de 187.111,40 euros HT correspondant aux loyers échus au 14 juillet 2024 à actualiser au jour de l'audience.
Par ordonnance du 22 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire du Havre a :
- condamné la société Compagnie Nouvelle de Logistique à payer à la société SAF la somme provisionnelle de 267.302 euros HT à valoir sur les loyers échus impayés au 7 octobre 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance ;
- condamné la société Compagnie Nouvelle de Logistique aux dépens, en ce compris le coût de commandement de payer du 14 mai 2024 ;
- condamné la société Compagnie Nouvelle de Logistique à payer à la société SAF, une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétention.
La société Compagnie Nouvelle de Logistique a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 5 novembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 27 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société Compagnie Nouvelle de Logistique qui demande à la cour de :
- juger Ia société Compagnie Nouvelle Logistique recevable et bien fondée en son appel, et ;
- infirmer l'ordonnance de référé du 22 octobre 2024 du tribunal judiciaire du Havre dont appel en toutes ses dispositions.
Et, statuant à nouveau :
- juger que les prétentions de la société SAF mettant à la charge de la société Compagnie Nouvelle Logistique une obligation de paiement de loyers commerciaux se heurtent manifestement à l'existence de contestations sérieuses qui ne relèvent pas des pouvoirs du juge des référés.
En conséquence :
- débouter la société SAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Compagnie Nouvelle Logistique ;
- dire n'y avoir lieu à référé.
En tout état de cause,
- condamner la société SAF à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société SAF aux entiers dépens de la présente instance.
Vu les conclusions du 31 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société SAF qui demande à la cour de :
- confirmer, en toutes ses dispositions, l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire du Havre du 22 octobre 2024 ;
- y ajoutant dire que la dette locative arrêtée au 17 mars 2025 représente la somme de 400.953,00 euros.
En conséquence :
- condamner la société Compagnie Nouvelle Logistique à régler à la société SAF la somme de 400.953,00 euros au titre des loyers dus arrêtés au 17 mars 2025 ;
- débouter la société Compagnie Nouvelle Logistique de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Compagnie Nouvelle Logistique à régler à la société SAF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la provision
Moyens des parties
La société Compagnie Nouvelle Logistique soutient que :
* rien ne permet de déduire qu'au terme des conventions précaires conclues le 16 janvier 2019 soit le 31 décembre 2019, et contrairement à la façon dont elles avaient procédé précédemment avec la convention de 2016, les parties ont souhaité donner une nature commerciale à la convention les liant ;
* les termes du courrier du 23 juin 2023 émanant d'une partie venant aux droits du locataire initial ne saurait suffire à conclure à l'existence d'un bail commercial ;
* la question de l'exigibilité des sommes réclamées par la société SAF nécessite de juger de la validité du congé délivré par la société CNL qui découle de la qualification juridique donnée à la relation contractuelle des parties à l'instance ;
* le juge des référés a appliqué le statut des baux commerciaux à la relation contractuelle pour remettre en cause la validité des congés délivrés pour non-respect de la période triennale exigée par l'article L.145-4 du Code de commerce et pour entrer en voie de condamnation sur le paiement des loyers commerciaux subséquents ;
* trois conventions d'occupation précaire ont été souscrites et aucun contrat de bail commercial n'a été conclu entre les parties ; la première convention d'occupation précaire conclue pour une durée de douze mois à compter du 1er janvier 2016 a donné lieu au maintien dans les lieux du preneur jusqu'à la signature d'une seconde convention le 16 janvier 2019, sans qu'aucune des parties ne revendiquent l'existence d'un quelconque bail statutaire ;
* le point de départ de la prescription biennale de l'action en requalification desdites conventions court à compter de la date de conclusion de celle dont la requalification est recherchée ; les deux dernières conventions d'occupation ayant été conclues le 16 février 2019, toute action en requalification en bail commercial et/ou bail dérogatoire était recevable jusqu'au 16 février 2021 ;
* elle n'a jamais donné son accord pour que les conventions d'occupation précaires arrivées à terme soient soumises au droit commun du bail commercial ; elle n'a jamais acquis un droit au bail commercial près de l'ancienne société exploitante ;
* le fait que la société CNMT se soit maintenue dans les lieux après le 31 décembre 2019 ne rend pas applicable le statut des baux commerciaux ;
* contrairement au bail dérogatoire, la convention d'occupation précaire permet à chaque partie de mettre fin au contrat à tout moment en raison d'un événement dont la survenance est exceptionnelle et indépendante de leur seule volonté ; le 23 juin 2023, sous le coup de l'arrêté préfectoral du 9 décembre 2020 et de la mise en demeure de se mettre en conformité, elle pouvait légitimement mettre un terme aux conventions d'occupation précaire ;
* il ressort du constat d'huissier réalisé le 5 janvier 2024, que les locaux sont vides de toute occupation par la société CNL ; le site ne possède pas de système de fermeture et il n'est fait mention d'aucune clé, remise de clé ou autres dans la convention d'occupation précaire ;
* elle pouvait légitimement déduire qu'à l'instar des conventions d'occupation précaire précédentes, la dernière avait été implicitement conclue pour une durée d'un an, à compter du 1er janvier 2023 pour se terminer au 31 décembre 2023.
La société SAF réplique que :
* le premier juge ne s'est livré qu'à la lecture des échanges des parties ; les rapports contractuels entre la CNMT et les société Alizés Entrepôts et AVL Entrepôts se sont orchestrés en deux temps et régis par deux régimes distincts : d'abord les conventions d'occupation précaire du 16 janvier 2019 qui expiraient au 31 décembre 2019, puis l'occupation commerciale postérieure aux conventions d'occupation précaire ce que consacre le courrier de congé de CNL du 23 juin 2023;
* dans la mesure où les parties étaient en accord avec la nature du bail commercial les liant postérieurement aux conventions précaires, une action en requalification n'était nullement impérative ;
* dans ses courriers des 15 et 23 février 2024, à aucun moment la société CNL n'argue d'une nouvelle occupation précaire, mais ne fait qu'opposer qu'elle a dû donner congé en raison de la non-conformité du bâtiment ;
* l'occupante s'est maintenue dans les lieux après le 31 décembre 2019, à défaut de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant une précarité, au sens de l'article L 145-5-1 du code de commerce, la société CNMT s'est vue locataire des deux bâtiments, sous régime commercial de droit commun depuis le 1er janvier 2020 ;
* la société CNL a cru pouvoir s'en délier dans des conditions irrégulières ; or la faculté de donner congé par période triennale, et uniquement au terme des périodes triennales de l'article L. 145-4 du Code de commerce est d'ordre public ;
* la société CNL ne peut pas à la fois se prévaloir de l'existence d'une convention d'occupation précaire, qui par définition exclut l'application du régime du bail, et invoquer des obligations incombant à un bailleur ;
* quant au courrier du 16 janvier 2024 émanant des précédents propriétaires des entrepôts qui auraient accepté le principe d'un départ anticipé au 31 décembre 2024, il en ressort en réalité qu'ils répondent sans véritablement se positionner et il fixe un préalable à la sortie, celui de la remise en état des locaux.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.
C'est au demandeur en référé qu'il appartient de démontrer le bien-fondé de sa créance, tandis qu'il revient au défendeur de démontrer l'existence d'une contestation sérieuse.
Le montant de la provision allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Mais la qualification d'un bien ou d'un acte, de même que l'interprétation d'un contrat, échappe aux pouvoirs du juge des référés.
Il apparaît que la SCI Alizés Entrepôts a mis à disposition de la compagnie CNMT un bâtiment à usage d'entrepôt logistique situé [Adresse 3] au terme d'une première convention d'occupation précaire pour une durée de 12 mois consécutifs entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016 puis, par une nouvelle convention d'occupation précaire signée entre elles le 16 janvier 2019, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019 et, à la même date, la SCI AV Entrepôts a mis à disposition de la CNMT un autre bâtiment à usage d'entrepôt situé [Adresse 4] pour une durée de 12 mois consécutifs à compter du 1er janvier 2019.
La société CNMT est restée dans les lieux au-delà du 31 décembre 2019 puis après elle la société CNL sans que les parties ne signent une nouvelle convention d'occupation précaire.
La société SAF fonde sa demande en paiement par la société CNL d'une provision représentant les loyers relatifs au bail portant sur les locaux à usage de stockage situés au [Adresse 1] [Adresse 5] à [Localité 12] échus et à échoir jusqu'au 17 mars 2025 au motif que lesdites conventions d'occupation précaire parvenues à leur terme ont été soumises au statut des baux commerciaux en accord avec la société CNL qui a acquis le 31 mars 2023 le fonds de commerce de la société CNMT comprenant le droit au bail.
Les conventions d'occupation précaire produites aux débats mentionnent que la société CNMT ayant la qualité d'occupant à titre précaire ne pourra en aucun cas revendiquer le bénéfice des dispositions du statut des baux commerciaux tel qu'il résulte des articles L 145-1 et R 145-1 et suivants du code de commerce.
Sont versés aux débats les courriers recommandés adressés par le directeur général de la société Compagnie Nouvelle Logistique aux sociétés Alizés Entrepôts et AVL Entrepôts datés du 23 juin 2023 aux termes desquels il informe les bailleresses de l'intention de la société Compagnie Nouvelle Logistique de procéder à « la résiliation du bail commercial à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la présente notification de résiliation, soit le 31 décembre 2019 à minuit ». Les autres courriers produits datés des 13 octobre 2023, 15 et 24 février 2024 qui émanent du directeur général de la société Compagnie Nouvelle Logistique ne font plus référence à un bail commercial mais à des baux précaires ou à des locations et le courriel du 13 octobre 2023 adressé par la société Compagnie Nouvelle Logistique à l'agent immobilier en charge de la vente des biens immobiliers loués pour faire une offre de prix s'il évoque une fin de bail, il ne vise nullement un bail commercial.
A hauteur d'appel sont versés aux débats, d'une part, l'acte de cession du fonds de commerce conclu le 15 février 2023 entre la Compagnie Nouvelle de Manutentions et de Transports et la société Compagnie Nouvelle Logistique et, d'autre part, l'acte de vente du 23 janvier 2024 des entrepôts situés au [Adresse 1] [Adresse 5] à Sandouville par les SCI Alizés Entrepôts et VLS Entrepôts à la société SAF.
L'acte sous seing privé du 15 février 2023 fait référence aux conventions d'occupation précaire du 16 janvier 2019 conclues pour une durée de 12 mois jusqu'au 31 décembre 2019, la société Compagnie Nouvelle Logistique étant informée que l'occupation s'est poursuivie paisiblement sans régularisation d'une nouvelle convention écrite ou la régularisation d'un bail commercial écrit et y étant noté que l'acquéreur déclare en faire son affaire personnelle tant en ce qui concerne le montant du loyer que la précarité de l'occupation des locaux loués.
L'acte notarié du 23 janvier 2024 mentionne les conventions d'occupation précaire signées le 16 janvier 2019 pour une durée d'une année à compter du 1er janvier 2019, renouvelées tacitement depuis. Il y est noté que le locataire a donné un congé ayant effet le 31 décembre 2023, qu'il a libéré les lieux ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat du 5 janvier 2024, que l'acquéreur (la société SAF) a pu le constater en visitant les lieux. Il est encore stipulé que le vendeur subroge l'acquéreur dans ses droits éventuels dans le bail commercial, déclarant en faire son affaire personnelle.
Est par ailleurs produit par l'appelante à hauteur d'appel le courrier du 16 janvier 2024 de la gérante des SCI Alizés Entrepôts et AVL Entrepôts adressé Directeur général de la société Compagnie Nouvelle Logistique aux termes duquel elle évoque un départ anticipé de la locataire par rapport à la fin de bail fixée au 31 décembre 2024 sous réserve d'une restitution des lieux en bon état de réparations et d'entretien, ajoutant que dans l'attente les loyers continuent à courir. La société SAF fait valoir dans ses conclusions qu'il ressort de ce courrier que les précédents propriétaires répondent sans véritablement se positionner. Il apparaît ainsi que pour le bailleur ce courrier n'est pas pertinent sur la nature du bail liant les parties.
Il n'apparaît pas de ces éléments avec l'évidence requise en référé et plus particulièrement des courriers de résiliation du 23 juin 2023 émanant de la société Compagnie Nouvelle Logistique qui sont les seuls à évoquer la résiliation du bail commercial tout en se référant aux conventions d'occupation précaire que les parties ont entendu se soumettre au statut des baux commerciaux à l'issue de l'échéance des conventions d'occupation précaire soit à compter du 1er janvier 2020 puisque renouvelées tacitement ainsi que mentionné dans l'acte de vente des entrepôts du 23 janvier 2024.
Et il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de procéder à une interprétation sur la nature des relations contractuelles liant les parties et sur l'existence ou non d'un bail commercial né du maintien dans les lieux de la CNMT puis de la CNL ce qui relève du juge du fond.
La contestation opposée par la société Compagnie Nouvelle Logistique à la prétention de la société SAF mettant à la charge de la première le paiement de loyers commerciaux étant sérieuse, il convient d'infirmer l'ordonnance de référé et de dire n'y avoir lieu à référé sans qu'il soit dès lors nécessaire de répondre au moyen arguant d'une contestation sérieuse fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance des locaux loués afin d'en assurer la jouissance paisible du preneur.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance sera également infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Partie perdante, la société SAF sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il serait inéquitable que la société Compagnie Nouvelle Logistique conserve la charge des frais engagés en marge des dépens de sorte que la société SAF sera condamnée à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 22 octobre 2024,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Y ajoutant,
Condamne la société SAF aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société SAF à payer à la société Compagnie Nouvelle Logistique la somme de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
La greffière, La présidente,