CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 24 juillet 2025, n° 24/15918
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 24 JUILLET 2025
(n° 316 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15918 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKBKB
Décision déférée à la cour : ordonnance du 27 août 2024 - président du TJ de [Localité 10] - RG n° 23/56446
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. DR [I] [V], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque: K0065
Ayant pour avocat plaidant Me Lucas VERGNAUD, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
ACADEMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES, personne morale de droit public à statut particulier, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Nicole M. Poirier du cabinet POIRIER, SCHRIMPF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
S.E.L.A.R.L. FIDES en qualité de mandataire judiciaire de la SELARL DR [I] [V] suivnt jugement d'ouverture de redressement judiciaire rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 26 septembre 2024, prise en la personne de Maître [M] [T]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque: K0065
Ayant pour avocat plaidant Me Lucas VERGNAUD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 avril 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
********
Par acte du 18 mai 2017, l'établissement public l'Académie des sciences morales et politiques a donné à bail professionnel à Mme [V], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de gérante et associée unique de la société Dr [I] [V], des locaux situés [Adresse 3] à [Localité 11], constitués d'un appartement au rez-de-chaussée gauche, pour une durée de six ans, moyennant un loyer en principal de 72 000 euros, payable à d'avance, à une fréquence trimestrielle, pour l'activité de centre ophtalmologique et spécialités ayant trait à la médecine oculaire.
Se plaignant de loyers impayés, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte extrajudiciaire en date du 9 mai 2022, à la société Dr [I] [V], pour une somme de 93 657,52 euros en principal, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 2 mai 2022.
Par acte extrajudiciaire du 1er août 2023, l'Académie des sciences morales et politiques a fait assigner la société Dr [I] [V] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
constater et à défaut juger acquise à la date du 10 juin 2022 la clause résolutoire contractuelle par l'effet du commandement de payer signifié le 9 mai 2022 demeuré infructueux plus d'un mois après sa délivrance ;
ordonner en conséquence l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tous occupants de son chef des locaux loués dépendant de l'immeuble sis [Adresse 4]) avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin est ;
ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au Juge des référés de choisir et ce aux frais, risques et périls de la société Dr [I] [V] ;
condamner la société Dr [I] [V] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle fixée à la somme de 9 510,60 euros HT, taxes et charges en sus, à compter du 1 er août 2023 et jusqu'à complète libération des locaux, et à défaut, provisionnellement à la somme de 6 340,40 euros HT charges et taxes en sus ;
condamner la société Dr [I] [V] au paiement d'une somme provisionnelle de 131 617,51 euros HT, taxes et charges en sus ;
juger acquis le dépôt de garantie entre les mains de la bailleresse à titre de premiers dommages et intérêts, ainsi que les loyers payés d'avance ;
ordonner, en cas de non-respect de l'échéancier accordé, la révocation de la suspension des effets de la clause résolutoire et la déchéance du terme encourue avec toutes conséquences de droit dont l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tous occupants de son chef.
Par ordonnance contradictoire du 27 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 juin 2022 à minuit;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de suspension de l'effet de la clause résolutoire;
ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de l' ordonnance, l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tout occupant de sol chef des lieux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 11] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution;
fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Dr [I] [V], à compter de la résiliation du bail du 10 juin 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme mensuelle égale au montant mensualisé du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
condamné par provision la société Dr [I] [V] à payer à l'Académie des sciences morales et politiques la somme de 197 838,37 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 30 juin 2024 (2ème trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 9 mai 2022 à hauteur de 93 657,52 euros, du commandement de payer du 15 septembre 2023 sur la somme de 18 856,81 euros et à compter de la décision pour le solde, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;
débouté la société Dr [I] [V] de sa demande de délais de paiement ;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale relative à la conservation du dépôt de garantie et des loyers payés d'avance ;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle tendant à voir accorder la suspension du paiement des loyers à compter de l'ordonnance à intervenir et jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires à l'exploitation conforme et paisible du local.
Par déclaration du 6 septembre 2024, la société Dr [I] [V] a relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 2 décembre 2024, la société Dr [I] [V] et la société Fides, intervenante volontaire en qualité de mandataire judiciaire de la société Dr [I] [V], demandent à la cour de :
déclarer recevable la société Dr [I] [V] en son appel, fins et prétentions ;
recevoir la société Fides prise en la personne de Me [C], ès qualités, en son intervention volontaire et en ses demandes, fins et prétentions ;
infirmer l'ordonnance de référé en date du 27 août 2024 en toutes ses dispositions, et donc en ce qu'elle a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 juin 2022 à minuit;
dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande de suspension de l'effet de la clause résolutoire;
ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tout occupant de sol chef des lieux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 11] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Dr [I] [V], à compter de la résiliation du bail du 10 juin 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme mensuelle égale au montant mensualisé du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
condamné par provision la société Dr [I] [V] à payer à L'Académie des sciences morales et politiques la somme de 197 838,37 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 30 juin 2024 (2ème trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 9 mai 2022 à hauteur de 93 657,52 euros, du commandement de payer du 15 septembre 2023 sur la somme de 18 856,81 euros et à compter de la présente décision pour le solde, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;
débouté la société Dr [I] [V] de sa demande de délais de paiement ;
dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande reconventionnelle tendant à voir accorder la suspension du paiement des loyers à compter de l'ordonnance à intervenir et jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires à l'exploitation conforme et paisible du local ; et
condamné la société Dr [I] [V] aux entiers dépens.
statuant à nouveau,
à titre principal,
déclarer irrecevables les demandes de l'Académie des sciences morales et politiques;
laisser à chacune des parties les charges des dépens et de leurs frais irrépétibles ;
à titre subsidiaire,
déclarer n'y avoir lieu à référé ;
débouter l'Académie des sciences morales et politiques de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
condamner l'Académie des sciences morales et politiques à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner l'Académie des sciences morales et politiques aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 31 janvier 2015, l'Académie des sciences morales et politiques demande à la cour de :
à titre principal,
constater l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Dr [I] [V] et sa déclaration de créance faite le 14 novembre 2024 ;
juger sans objet la présente procédure ;
à titre subsidiaire,
débouter la société Dr [I] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
en conséquence,
confirmer l'ordonnance du 27 août 2024 en ce que le juge des référés a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 juin 2022 à minuit;
dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande de suspension de l'effet de la clause résolutoire;
ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tout occupant de sol chef des lieux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 11] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution;
fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Dr [I] [V], à compter de la résiliation du bail du 10 juin 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme mensuelle égale au montant mensualisé du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
condamné par provision la société Dr [I] [V] à payer à L'Académie des sciences morales et politiques la somme de 197 838,37 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 30 juin 2024 (2ème trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 9 mai 2022 à hauteur de 93 657,52 euros, du commandement de payer du 15 septembre 2023 sur la somme de 18 856,81 euros et à compter de la présente décision pour le solde, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;
débouté la société Dr [I] [V] de sa demande de délais de paiement ;
dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande reconventionnelle tendant à voir accorder la suspension du paiement des loyers à compter de l'ordonnance à intervenir et jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires à l'exploitation conforme et paisible du local.
condamné la société Dr [I] [V] aux entiers dépens ;
condamné la société Dr [I] [V] à payer à L'Académie des sciences morales et politiques la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
l'infirmer en ce qu'elle a statué par le chef suivant : disons n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale relative à la conservation du dépôt de garantie et des loyers payés d'avance ;
statuant à nouveau,
juger que ses demandes relatives au montant de la clause pénale et à la conservation du dépôt de garantie et des loyers payés d'avance sont bien fondées, et, par conséquent, l'autoriser à conserver le dépôt de garantie ainsi que les loyers payés d'avance ;
condamner la société Dr [I] [V] aux entiers dépens de la présente procédure et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2025.
Sur ce,
Par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 26 septembre 2024, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Dr [I] [V], société d'exercice libéral.
La société Fides, mandataire judiciaire de société Dr [I] [V] a intérêt à intervenir en cause d'appel. Il y a donc lieu de déclarer recevable son intervention volontaire à l'instance en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Dr [I] [V].
La société Fides, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Dr [I] [V], se prévaut des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce qui prévoit :
'I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant:
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.'
Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
En l'espèce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de société Dr [I] [V] a été prononcé le 26 septembre 2024.
Il est constant que la décision de référé du 27 août 2024 n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture et que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.
En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé.
L'issue du litige commande de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés et de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Fides ès qualités de mandataire judiciaire de la société Dr [I] [V] ;
Vu l'évolution du litige,
Infirme la décision entreprise ;
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 24 JUILLET 2025
(n° 316 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15918 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKBKB
Décision déférée à la cour : ordonnance du 27 août 2024 - président du TJ de [Localité 10] - RG n° 23/56446
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. DR [I] [V], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque: K0065
Ayant pour avocat plaidant Me Lucas VERGNAUD, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
ACADEMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES, personne morale de droit public à statut particulier, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Nicole M. Poirier du cabinet POIRIER, SCHRIMPF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
S.E.L.A.R.L. FIDES en qualité de mandataire judiciaire de la SELARL DR [I] [V] suivnt jugement d'ouverture de redressement judiciaire rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 26 septembre 2024, prise en la personne de Maître [M] [T]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque: K0065
Ayant pour avocat plaidant Me Lucas VERGNAUD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 avril 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
********
Par acte du 18 mai 2017, l'établissement public l'Académie des sciences morales et politiques a donné à bail professionnel à Mme [V], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de gérante et associée unique de la société Dr [I] [V], des locaux situés [Adresse 3] à [Localité 11], constitués d'un appartement au rez-de-chaussée gauche, pour une durée de six ans, moyennant un loyer en principal de 72 000 euros, payable à d'avance, à une fréquence trimestrielle, pour l'activité de centre ophtalmologique et spécialités ayant trait à la médecine oculaire.
Se plaignant de loyers impayés, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte extrajudiciaire en date du 9 mai 2022, à la société Dr [I] [V], pour une somme de 93 657,52 euros en principal, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 2 mai 2022.
Par acte extrajudiciaire du 1er août 2023, l'Académie des sciences morales et politiques a fait assigner la société Dr [I] [V] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
constater et à défaut juger acquise à la date du 10 juin 2022 la clause résolutoire contractuelle par l'effet du commandement de payer signifié le 9 mai 2022 demeuré infructueux plus d'un mois après sa délivrance ;
ordonner en conséquence l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tous occupants de son chef des locaux loués dépendant de l'immeuble sis [Adresse 4]) avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin est ;
ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au Juge des référés de choisir et ce aux frais, risques et périls de la société Dr [I] [V] ;
condamner la société Dr [I] [V] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle fixée à la somme de 9 510,60 euros HT, taxes et charges en sus, à compter du 1 er août 2023 et jusqu'à complète libération des locaux, et à défaut, provisionnellement à la somme de 6 340,40 euros HT charges et taxes en sus ;
condamner la société Dr [I] [V] au paiement d'une somme provisionnelle de 131 617,51 euros HT, taxes et charges en sus ;
juger acquis le dépôt de garantie entre les mains de la bailleresse à titre de premiers dommages et intérêts, ainsi que les loyers payés d'avance ;
ordonner, en cas de non-respect de l'échéancier accordé, la révocation de la suspension des effets de la clause résolutoire et la déchéance du terme encourue avec toutes conséquences de droit dont l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tous occupants de son chef.
Par ordonnance contradictoire du 27 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 juin 2022 à minuit;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de suspension de l'effet de la clause résolutoire;
ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de l' ordonnance, l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tout occupant de sol chef des lieux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 11] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution;
fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Dr [I] [V], à compter de la résiliation du bail du 10 juin 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme mensuelle égale au montant mensualisé du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
condamné par provision la société Dr [I] [V] à payer à l'Académie des sciences morales et politiques la somme de 197 838,37 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 30 juin 2024 (2ème trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 9 mai 2022 à hauteur de 93 657,52 euros, du commandement de payer du 15 septembre 2023 sur la somme de 18 856,81 euros et à compter de la décision pour le solde, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;
débouté la société Dr [I] [V] de sa demande de délais de paiement ;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale relative à la conservation du dépôt de garantie et des loyers payés d'avance ;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle tendant à voir accorder la suspension du paiement des loyers à compter de l'ordonnance à intervenir et jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires à l'exploitation conforme et paisible du local.
Par déclaration du 6 septembre 2024, la société Dr [I] [V] a relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 2 décembre 2024, la société Dr [I] [V] et la société Fides, intervenante volontaire en qualité de mandataire judiciaire de la société Dr [I] [V], demandent à la cour de :
déclarer recevable la société Dr [I] [V] en son appel, fins et prétentions ;
recevoir la société Fides prise en la personne de Me [C], ès qualités, en son intervention volontaire et en ses demandes, fins et prétentions ;
infirmer l'ordonnance de référé en date du 27 août 2024 en toutes ses dispositions, et donc en ce qu'elle a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 juin 2022 à minuit;
dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande de suspension de l'effet de la clause résolutoire;
ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tout occupant de sol chef des lieux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 11] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Dr [I] [V], à compter de la résiliation du bail du 10 juin 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme mensuelle égale au montant mensualisé du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
condamné par provision la société Dr [I] [V] à payer à L'Académie des sciences morales et politiques la somme de 197 838,37 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 30 juin 2024 (2ème trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 9 mai 2022 à hauteur de 93 657,52 euros, du commandement de payer du 15 septembre 2023 sur la somme de 18 856,81 euros et à compter de la présente décision pour le solde, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;
débouté la société Dr [I] [V] de sa demande de délais de paiement ;
dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande reconventionnelle tendant à voir accorder la suspension du paiement des loyers à compter de l'ordonnance à intervenir et jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires à l'exploitation conforme et paisible du local ; et
condamné la société Dr [I] [V] aux entiers dépens.
statuant à nouveau,
à titre principal,
déclarer irrecevables les demandes de l'Académie des sciences morales et politiques;
laisser à chacune des parties les charges des dépens et de leurs frais irrépétibles ;
à titre subsidiaire,
déclarer n'y avoir lieu à référé ;
débouter l'Académie des sciences morales et politiques de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
condamner l'Académie des sciences morales et politiques à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner l'Académie des sciences morales et politiques aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 31 janvier 2015, l'Académie des sciences morales et politiques demande à la cour de :
à titre principal,
constater l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Dr [I] [V] et sa déclaration de créance faite le 14 novembre 2024 ;
juger sans objet la présente procédure ;
à titre subsidiaire,
débouter la société Dr [I] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
en conséquence,
confirmer l'ordonnance du 27 août 2024 en ce que le juge des référés a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 juin 2022 à minuit;
dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande de suspension de l'effet de la clause résolutoire;
ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Dr [I] [V] et de tout occupant de sol chef des lieux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 11] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution;
fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Dr [I] [V], à compter de la résiliation du bail du 10 juin 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme mensuelle égale au montant mensualisé du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
condamné par provision la société Dr [I] [V] à payer à L'Académie des sciences morales et politiques la somme de 197 838,37 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 30 juin 2024 (2ème trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 9 mai 2022 à hauteur de 93 657,52 euros, du commandement de payer du 15 septembre 2023 sur la somme de 18 856,81 euros et à compter de la présente décision pour le solde, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;
débouté la société Dr [I] [V] de sa demande de délais de paiement ;
dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande reconventionnelle tendant à voir accorder la suspension du paiement des loyers à compter de l'ordonnance à intervenir et jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires à l'exploitation conforme et paisible du local.
condamné la société Dr [I] [V] aux entiers dépens ;
condamné la société Dr [I] [V] à payer à L'Académie des sciences morales et politiques la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
l'infirmer en ce qu'elle a statué par le chef suivant : disons n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale relative à la conservation du dépôt de garantie et des loyers payés d'avance ;
statuant à nouveau,
juger que ses demandes relatives au montant de la clause pénale et à la conservation du dépôt de garantie et des loyers payés d'avance sont bien fondées, et, par conséquent, l'autoriser à conserver le dépôt de garantie ainsi que les loyers payés d'avance ;
condamner la société Dr [I] [V] aux entiers dépens de la présente procédure et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2025.
Sur ce,
Par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 26 septembre 2024, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Dr [I] [V], société d'exercice libéral.
La société Fides, mandataire judiciaire de société Dr [I] [V] a intérêt à intervenir en cause d'appel. Il y a donc lieu de déclarer recevable son intervention volontaire à l'instance en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Dr [I] [V].
La société Fides, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Dr [I] [V], se prévaut des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce qui prévoit :
'I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant:
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.'
Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
En l'espèce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de société Dr [I] [V] a été prononcé le 26 septembre 2024.
Il est constant que la décision de référé du 27 août 2024 n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture et que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.
En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé.
L'issue du litige commande de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés et de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Fides ès qualités de mandataire judiciaire de la société Dr [I] [V] ;
Vu l'évolution du litige,
Infirme la décision entreprise ;
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT