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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 24 juillet 2025, n° 23/03108

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 23/03108

24 juillet 2025

PhD/PM

Numéro 25/2249

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 24 juillet 2025

Dossier : N° RG 23/03108 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IWHJ

Nature affaire :

Demande en paiement ou en indemnisation formée par un intermédiaire

Affaire :

[N] [L]

[X] [L]

[W] [L]

S.A.S. SOGEAT

C/

S.A. BANQUE MICHEL INCHAUSPE - BAMI

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 juillet 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Mai 2025, devant :

Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Mme SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame [N] [L]

née le 05 Juin 1983 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Madame [X] [L]

née le 07 Septembre 1950 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 2]

Monsieur [W] [L]

né le 16 Novembre 1949 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

S.A.S. SOGEAT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés par Me François PIAULT, avocat au barreau de PAU

assistée de Me Eric DECLETY, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A. BANQUE MICHEL INCHAUSPE - BAMI

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane MILLE, avocat au barreau de BAYONNE

assistée de Me Jean-François VEVRY, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 06 NOVEMBRE 2023

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

La société anonyme [B], qui exploite un camping à [Localité 11], était détenue par la société Sogeat, holding, Mme [N] [L], Mme [X] [L] et M. [W] [L] (les consorts [L]), outre deux autres actionnaires détenant une action chacun. Les actionnaires ont décidé de vendre le camping en cédant leurs actions.

Par acte sous seing privé du 12 mars 2020, la société Sogeat et les consorts [L] ont confié à la société anonyme Banque Michel Inchauspé (ci-après la Bami), une mission de recherche d'acquéreurs des titres [B] assorti d'une mission d'assistance, d'une durée d'un an, moyennant une commission de 3 % sur le montant brut de la transaction, jusqu'à 15 millions d'euros, et 2 % pour la partie du prix supérieure à 15 millions d'euros.

Par mail du 9 novembre 2020, les mandants ont informé leur mandataire qu'ils avaient été contactés par le groupe Capfun avec lequel ils étaient en train de finaliser les discussions pour la cession de leurs titres, et que la commission contractuelle n'était pas due en l'absence de clause d'exclusivité et d'intermédiation de la Bami dans l'opération directement négociée avec un candidat qu'elle ne lui a pas présenté.

La Bami, revendiquant l'exclusivité du mandat, a contesté l'analyse faite par les cédants et a réclamé le paiement de la commission contractuelle en vertu du droit de suite prévu en cas de réalisation de la cession dans les 18 mois de la fin du mandat.

Par acte sous seing privé du 22 décembre 2020, la société Sogeat, les consorts [L], et les deux autres actionnaires détenant chacun une action, ont signé avec la société Houé et associés, du groupe Capfun, une promesse de cession des actions, réitérée par acte du 29 mars 2021, moyennant le prix définitivement révisé de 13.492.856,21 euros.

En l'absence d'accord amiable, et suivant exploit du 28 juillet 2022, la société Bami a fait assigner la société Sogeat, Mme [N] [L], Mme [X] [L] et M. [W] [L] par devant le tribunal de commerce de Bayonne en paiement de la commission contractuelle de 404.785,65 euros sur le fondement du droit de suite prévu au mandat.

Par jugement du 6 novembre 2023, le tribunal de commerce a :

- condamné solidairement les consorts [L] au paiement de la somme de 404.785,65 HT, soit 485.742,80 euros TTC au titre de la commission contractuelle

- condamné les consorts [L] au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- prononcé l'exécution provisoire

- condamné les code pénal aux entiers dépens.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 28 novembre 2023 la société Sogeat, Mme [N] [L], Mme [X] [L] et M. [W] [L] ont relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 09 avril 2025.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2024 par les appelants qui ont demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- juger irrecevables et mal fondées les prétentions de la Bami

- juger que le contrat du 12 mars 2020 ne peut être qualifié de mandat de vente exclusif ouvrant droit à commission au profit de la Bami dans le cadre de la cession des titres de la société [B] ou encore en application d'un droit de suite

- débouter la Bami de la totalité de ses demandes et prétentions formées à leur encontre tant au titre de la commission que des dépens et indemnité de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la Bami aux dépens de première instance et d'appel

- condamner la Bami à leur payer une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- juger irrecevable car nouvelle devant la cour la demande de la Bami tendant à voir condamner solidairement les consorts [L] au paiement de la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi par elle du fait de la violation de l'article 5 du mandat et de la privation du droit de publication

- subsidiairement, juger cette demande indemnitaire mal fondée, et débouter la Bami de cette demande.

Vu les dernières conclusions notifiées le 21 mai 2024 par l'intimée qui a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant de :

- condamner solidairement les consorts [L] au paiement de la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice du fait de la violation de l'article 5 du mandat et de la privation du droit de publication

- condamner les consorts [L] au paiement d'une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* Au soutien de leur appel, les appelants font valoir que le jugement a qualifié, à tort, la convention liant les parties du 12 mars 2020 de mandat de vente exclusif alors qu'elle n'habilite pas le mandataire à conclure la vente des actions en leur nom.

Selon les appelants, il s'agit d'une convention de prestations de service ou d'une convention de courtage, laquelle exclut nécessairement celle de mandat exclusif et ce qui découle de cette notion en application de la loi Hoguet.

Faisant valoir que le courtier ne peut prétendre à commission que s'il prouve qu'il a mis en relation les deux parties qui ont conclu le contrat au vue duquel il a été missionné, les appelants en déduisent que la Bami, qui échoue à rapporter cette preuve, ne peut prétendre à aucune commission.

Par ailleurs, la clause d'exclusivité du contrat liant les parties n'est pas caractérisée alors que la notion d'exclusivité est mentionnée à une seule reprise dans l'acte, et que l'article 6 du contrat prévoit que la commission sera applicable à « 100 % pour tout acquéreur présenté par le mandataire », ce qui exclut nécessairement toute idée de mandat exclusif et tout droit à rémunération si l'opération se réalise avec un acquéreur non présenté par la Bami.

En outre, en application de l'article 1190 du code civil, dans le doute, le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé, c'est à dire contre la Bami qui a rédigé unilatéralement le contrat. Selon les appelants, ils étaient libres de négocier directement la cession des titres avec le groupe Capfun qui n'est pas entré dans le périmètre du contrat de courtage, la Bami n'ayant joué aucun rôle d'intermédiation dans cette opération.

Enfin, les appelants contestent le droit de suite prévu à l'article 7 du contrat, revendiqué par la Bami, dès lors que le groupe Capfun ne figure pas dans un document signé des mandants intitulé « les candidats sélectionnés », au sens de l'article 2 du contrat, et qu'ils n'ont jamais empêché la Bami d'intervenir auprès de cet acquéreur potentiel, de sorte que le droit de suite n'est pas applicable à l'opération conclue avec le groupe Capfun sans l'intermédiation de la Bami, et que le droit à commission n'est dû qu'en cas de réalisation de l'opération au profit d'un « acquéreur présenté par la Bami », selon l'article 6.

* L'intimée objecte d'abord que l'exclusivité du mandat de vente, peu important l'absence de clause habilitant le mandataire à conclure la vente au nom du mandant, résulte des clauses du contrat du 12 mars 2020, celles-ci ne comportant aucune exception à l'exclusivité concédée et reconnue par les mandants.

L'intimée ajoute qu'elle a réalisé les prestations mises à sa charge en vue d'optimiser la recherche d'acquéreurs potentiels et qu'elle n'a pas contacté le groupe Capfun à la demande des mandants qui ont, à son insu et de mauvaise foi, décidé de traiter directement avec cet acquéreur potentiel, au terme d'une man'uvre d'éviction du mandataire achevée par la rupture unilatérale du mandat qui l'a empêchée de poursuivre sa mission auprès de ce candidat potentiel et de percevoir la rémunération contractuelle. Le mandat de vente ayant été rompu le 9 novembre 2020, la conclusion de la vente des actions avec le groupe Capfun, acquéreur potentiel sélectionné par les mandats, dans les 18 mois de la rupture du contrat, tombe sous le coup du droit de suite de l'article 7 du mandat lui ouvrant droit au paiement de la commission contractuelle de l'article 6.

MOTIFS

sur la qualification du contrat du 12 mars 2020 :

Le contrat du 12 mars 2020, dénommé «mandat de vente », stipule que les mandants donnent conjointement et solidairement mandat exclusif à la Bami pour rechercher un acquéreur dans le cadre du projet de cession de la société Arnaoutchot, les modalités définitives de l'opération restant à définir.

En outre, selon le dit contrat, les mandants confient au mandataire la mission qui consiste à :

-élaborer un dossier mémorandum de présentation de la société

- valider une base de prix de négociation

- cibler et prendre contact avec des repreneurs potentiels

- apporter son assistance lors des négociations

- contribuer à l'élaboration des principaux éléments du protocole d'accord et de la convention de garantie d'actif/ passif ;

Il ajoute que, pour éviter toute contestation, les acquéreurs potentiels sélectionnés avec les mandants seront répertoriés dans un document signé par les mandants intitulé « candidats sélectionnés » et que par ailleurs tout nouveau contact fera l'objet d'une validation par les mandants avant envoi de l'engagement de confidentialité.

Les mandants devront présenter au mandataire tout tiers qu'ils estiment pouvoir être un potentiel acquéreur.

La mission aura une durée de 12 mois, courant à compter de la signature du présent contrat, durant laquelle le mandataire recherchera et présentera aux mandants un acquéreur éventuel.

Les mandants s'engagent toutefois à permettre au mandataire d'effectuer seul la mission auprès des candidats sélectionnés dans le cadre de la présente mission.

[...].

L'article 6, relatif à la rémunération, stipule que tout accord conclu en exécution du présent contrat ainsi que dans l'une des hypothèses visées à l'article 7, ouvrira droit pour le mandataire au paiement, par les mandants d'une commission calculée comme suit sur le montant brut de la transaction :

- 3 % jusqu'à 15 millions d'euros

- 2 % pour la partie supérieure à 15 millions d'euros.

Cette commission, hors taxes, qui ne sera pas inférieure à 160.000 euros, sera payable intégralement le jour du closing.

La clause prévoit également une rémunération forfaitaire au titre du lancement de la mission, venant en déduction de la commission de succès due au mandataire.

Il résulte des clauses qui précèdent que les cédants ont confié à la Bami une mission, sans pouvoir de conclure la vente au nom des mandants, de recherche d'acquéreurs des actions [B] doublée d'une mission d'assistance et de négociation en vue d'optimiser les chances de succès de l'opération projetée.

Il s'agit d'un mandat d'entremise doublé d'un contrat d'entreprise accessoire comportant la réalisation de prestations. En tout état de cause, la qualification du contrat du 12 mars 2020 ne présente aucun intérêt décisif sur le litige tel que déterminé par les prétentions des parties, aucun statut impératif n'étant applicable à cette convention.

Au demeurant, il résulte de son article 1er que les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, ne sont pas applicables à cette convention qui a pour objet la cession d'actions, et non de parts sociales, la société [B] étant une société anonyme, peu important qu'elle exploite un fonds de commerce.

Dès lors, conclue entre deux personnes morales commerçantes, cette convention est régie par le principe de liberté contractuelle en vertu duquel les parties étaient libres de convenir des conditions de la rémunération de la Bami y compris en cas de conclusion de l'opération sans son intermédiation, même dans le cadre d'un courtage.

En revanche, l'exclusivité du mandat liant les parties résulte des clauses concordantes qu'il renferme, en ce que l'exclusivité de la mission de recherche d'un acquéreur est expressément stipulée dans l'acte, que des clauses substantielles découlent de cette exclusivité en ce que les mandants se sont obligés à orienter vers la Bami tous les acquéreurs potentiels de leur connaissance et ont autorisé la Bami à réaliser sa mission auprès des « candidats sélectionnés » dans le cadre de la présente mission, et alors qu'aucune clause ne déroge à cette exclusivité en autorisant, pendant la durée du mandat, les mandants à céder directement leurs titres sans passer par l'intermédiaire de la Bami.

L'article 6 du contrat prévoyant que la commission sera applicable à 100 % à tout acquéreur présenté par le mandataire n'est pas, par elle-même, contradictoire avec l'exclusivité résultant des clauses précitées.

Il s'ensuit que le mandat d'entremise confié à la Bami était assorti d'une clause d'exclusivité, et non même de semi-exclusivité, qui interdisait aux consorts [L] de céder leurs titres sans l'intermédiation de la Bami pendant la durée du mandat.

A cet égard, les allégations des appelants concernant une prétendue exclusion du groupe Capfun du périmètre initial du mandat d'entremise ne sont étayées par aucun élément.

Cependant, l'action en paiement de la Bami n'est pas fondée sur la responsabilité contractuelle des consorts [L] pour violation de la clause d'exclusivité pendant la durée du mandant mais seulement sur le droit de suite exigible après la cessation du mandant dans les cas prévus à l'article 7 du contrat liant les parties.

sur le droit de suite :

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Et il résulte de l'article 1190 du code civil que la présente convention dont aucune clause n'a été négociée par les mandants, est un contrat d'adhésion qui, dans le doute, doit être interprété contre celui qui l'a proposé.

En l'espèce, l'article 7, intitulé « droit de suite », stipule que si dans les 18 mois suivant le terme du présent mandat ou de son renouvellement, les mandants entendent réaliser ou conclure un accord relatif à la transmission projetée ou substituée avec un acquéreur potentiel sélectionné, les mandants auront la possibilité soit de recourir au service du mandataire dans le cadre du présent mandat, soit de poursuivre les négociations sans s'adjoindre les services du mandataire. Dans les deux cas, si ces négociations aboutissaient à la réalisation de la transmission projetée ou substituée, directement ou indirectement par les mandats, la commission de succès ci-dessus évoquée sera due au mandataire.

Cette clause ne fait pas interdiction aux mandants de céder leurs titres au profit d'un « acquéreur potentiel sélectionné » mais les oblige à régler la commission prévue à l'article 6 du mandat si la cession intervient dans les 18 mois de la cessation du mandat.

La Bami considère que le mail du 9 novembre 2020 par lequel les consorts [L] lui ont notifié leur décision de négocier directement la cession de leurs actions avec le groupe Capfun, avant de lui proposer de payer les prestations accomplies, vaut rupture du mandant d'entremise du 12 mars 2020 ouvrant l'application du droit de suite.

Les actions [D] ont été cédées au groupe Capfun suivant acte du 29 mars 2021, réitérant une promesse synallagmatique du 22 décembre 2020.

Il est constant que par mail du 3 juillet 2020, M. [W] [L] a transmis au directeur de la Bami, en charge de l'opération, une « liste d'acheteurs potentiellement intéressés et intéressants » détaillée en deux groupes, le premier composé de trois noms de grande famille du secteur du camping non naturiste, en soulignant qu'[B], naturiste, puisse être pénalisant pour ces investisseurs », et un second composé du deux groupes exploitants des campings naturistes, Vacances Sélect et Capfun.

Le message précise : « je pense qu'il faut contacter les responsables du 1er groupe, en gardant en réserve, ceux du 2ème groupe. Donne moi ton avis. Amitiés ».

Ce message fait suite aux mails échangés à partir du 17 juin en lien avec l'intervention d'un certain [K] [G] intéressé par la supervision de l'opération de cession mais qui s'est vu rappeler l'exclusivité de la Bami pendant un an.

En revanche, contrairement à ce que soutient la Bami, le groupe Capfun n'a pris aucun contact direct en lien avec la cession d'[B], ce groupe lui ayant seulement manifesté son intérêt pour un éventuel financement de l'acquisition d'un camping aux [8].

La Bami a pris contact avec de deux investisseurs du premier groupe et une autre société issue de recherches.

La question que pose l'article 7 du mandat est donc de savoir si le groupe Capfun, objet du message du 3 juillet 2020, est un « acquéreur potentiel sélectionné », au sens du mandat.

Il est certain que, avisés par M. [G], qui leur avait signalé le groupe Capfun parmi d'autres investisseurs potentiels, les mandants ont exécuté leur obligation contractuelle de présenter au mandataire de tout tiers qu'ils estiment pouvoir être un potentiel acquéreur en lui communiquant la liste des acquéreurs potentiels figurant dans le mail du 3 juillet 2020.

Cependant, les clauses ambiguës du mandat n'autorisent pas l'assimilation pure et simple du « potentiel acquéreur » signalé par le mandant en exécution de ses obligations contractuelles avec « l'acquéreur potentiel sélectionné » par les parties.

En effet, l'article 2 du mandat prévoit, pour éviter toute contestation, la création « d'une liste d'acquéreurs sélectionnés avec les mandants » ainsi que la validation par les mandants de tout nouveau contact avant l'envoi de l'engagement de confidentialité qui doit être adressé aux acquéreurs intéressés.

La liste des candidats potentiels sélectionnés, qui n'obéit certes à aucune forme particulière, a pour spécificité d'être arrêtée non pas par, mais avec les mandants, ce qui induit une collaboration entre la Bami, contractuellement tenue de « cibler et prendre contact avec des repreneurs potentiels » et les cédants visant à opérer une sélection des candidats potentiels pertinents avant notamment de leur transmettre l'engagement de confidentialité accompagnant le mémorandum de présentation de l'entreprise cédée.

En l'espèce, force est de constater que le groupe Capfun, simplement signalé par les mandants, n'avait pas le statut contractuel de candidat potentiel sélectionné, au sens de l'article 2 précité, à la date de la rupture du mandat intervenue le 9 novembre 2020.

Le moyen de l'intimée pris d'une rupture unilatérale du mandat destinée à empêcher la Bami de poursuivre sa mission avec le groupe Capfun et de l'évincer de sa commission ne peut fonder le droit de suite dont l'exigibilité est subordonnée à la constatation d'une opération conclue par les mandants avec un candidat potentiel sélectionné au sens de l'article 2 précité, alors que ce moyen caractérise une faute des mandants de nature à engager leur responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil , se résolvant par l'allocation de dommages et intérêts.

Les conditions d'application du droit de suite n'étant pas réunies, le jugement entrepris sera donc entièrement infirmé et la Bami déboutée de sa demande de paiement de la commission contractuelle fondée sur l'article 7 du mandant.

La demande d'indemnisation formée par la Bami, au titre de la violation des articles 5 et 8 du mandat du 12 mars 2020 sera déclarée irrecevable comme se heurtant à la prohibition des demandes nouvelles en appel énoncée à l'article 564 du code de procédure civile et ne relevant d'aucune des exceptions à ce principe.

La Bami sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et statuant à nouveau, et y ajoutant,

DEBOUTE la société Banque Michel Inchauspé de sa demande de paiement de la commission au titre du droit de suite prévu à l'article 7 du mandat du 12 mars 2020,

DECLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts fondée sur la violation des articles 5 et 8 du mandat du 12 septembre 2020, formée par la société Banque Michel Inchauspé,

CONDAMNE la société Banque Michel Inchauspé aux dépens de première instance et d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

AUTORISE Me Piault, avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Le présent arrêt a été signé par Monsieur DARRACQ, Conseiller suite à l'empêchement de Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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