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Décisions

CA Orléans, ch. com., 24 juillet 2025, n° 24/00127

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

Défendeur :

Sweetcom (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Vilain, Me Bonin, Me Fossier, Me Abbal

JCP [Localité 7], du 4 déc. 2023

4 décembre 2023

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Le 21 mars 2017, les époux [G] [K] et [L] [U] ont conclu un contrat avec la société Sweetcom portant sur l'acquisition et l'installation d'un champ photovoltaïque pour un montant de 12'400 euros TTC, intégralement financé par un crédit du même montant souscrit le même jour par Mme [L] [U] auprès de la société BNP Paribas Personal Finance, remboursable au taux nominal de 4,70 % l'an en 156 mensualités de 108,48 euros hors assurance.

Par jugement du 14 avril 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la liquidation judiciaire de la société Sweetcom et désigné la Selarl Ekip' en qualité de liquidateur judiciaire.

Par actes du 16 mars 2022, les époux [K] ont fait assigner la Selarl Ekip' ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sweetcom ainsi que la société BNP Paribas Personal Finance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois en vue de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de prêt.

Par jugement du 4 décembre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois a :

- prononcé la nullité du contrat conclu le 21 mars 2017 entre la société Sweetcom d'une part et les époux [K] d'autre part,

- prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit conclu le 21 mars 2017 entre Mme [L] [U] et la société BNP Paribas Personal Finance,

- dit que M. [E] [K] et Mme [L] [U] devront mettre à la disposition de la société Sweetcom le matériel installé en vertu de ce contrat dans un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement, de le désinstaller et de le reprendre, et de remettre, dans les règles de l'art, la toiture des époux [K] dans l'état dans lequel elle se trouvait avant l'installation du matériel vendu, et ce aux frais de la société Sweetcom,

- dit qu'à défaut pour la société Sweetcom d'enlèvement du matériel dans le délai de 3 mois à compter de la signification du jugement, les époux [G] et [L] [K] pourront disposer du matériel comme bon leur semblera,

- débouté les époux [K] de leur demande tendant à ce que l'établissement de crédit soit destitué de son droit à restitution du capital,

- condamné Mme [L] [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 12'400 euros, déduction à faire des sommes dont ils se sont acquittés en exécution du contrat de crédit, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer aux époux [K] la somme totale de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de la procédure,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du jugement.

La société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 26 décembre 2023 en intimant la Selarl Ekip' ès-qualités ainsi que les époux [L] et [G] [K] et en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Aux termes de ses conclusions signifiées à la Selarl Ekip' par acte du 26 février 2024 et remises au greffe le 28 février 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

À titre principal :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 21 mars 2017 entre la société Sweetcom d'une part et les époux [K] d'autre part et prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit conclu le 21 mars 2017 entre Mme [L] [U] épouse [K] et la BNP Paribas Personal Finance,

Et statuant à nouveau,

- débouter les époux [K] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire, en cas d'annulation du prêt :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné Mme [L] [U] épouse [K] à payer à la BNP Paribas Personal Finance à titre de restitution la somme de 12'400 euros avec intérêts au taux légal à compter de la remise des fonds,

- débouter les époux [K] de toutes autres demandes, fins et conclusions,

En toute hypothèse :

- condamner in solidum M. [G] [K] et Mme [L] [U] épouse [K] à payer à la BNP Paribas Personal Finance la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [G] [K] et Mme [L] [U] épouse [K] aux dépens et admettre Me Pascal Vilain de la Selarl Celce Vilain au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les époux [G] et [L] [K] ont remis au greffe des conclusions d'intimé le 21 juin 2024. Celles-ci ont toutefois été déclarées irrecevables comme tardives par ordonnance du président de chambre chargé de la mise en état de cette cour en date du 24 octobre 2024.

La Selarl Ekip' s'est vue notifier ès-qualités de liquidateur de la société Sweetcom la déclaration d'appel de la BNP Paribas Personal Finance ainsi que ses conclusions, par acte du 26 février 2024 signifié à personne morale. Elle n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2025. L'affaire a été plaidée le 27 février suivant.

MOTIFS :

Sur l'irrecevabilité des conclusions des époux [K] devant la cour et ses conséquences :

Par ordonnance d'incident du 24 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. et Mme [K] remises au greffe le 21 juin 2024 et rappelé que toutes conclusions des intimés notifiées ultérieurement seraient frappées de la même irrecevabilité.

C'est donc en vain que les époux [K] ont déposé à l'occasion de l'audience du 27 février 2025 un dossier contenant un nouveau jeu de conclusions et des pièces, l'ensemble étant irrecevable, ainsi qu'il a été jugé le 24 octobre 2024.

Les époux [K] n'ayant dans ces conditions pas valablement conclu devant la cour, il convient de se reporter aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile dont il résulte que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé, d'une part que la cour doit statuer sur les prétentions de première instance de l'intimé lorsque celles-ci ont été accueillies par le premier juge, puisqu'elle en est saisie par l'effet dévolutif de l'appel'; d'autre part que par application de l'article 954 dernier alinéa du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.

Sur l'annulation du contrat principal :

Il résulte des articles L 111-1, L 221-5, L 221-9 et L 242-1 du code de la consommation, dans leur version applicable en la cause, qu'un contrat de vente de fourniture d'un bien ou de service conclu hors établissement doit indiquer, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service ainsi que la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, et ce à peine de nullité.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, la seule mention au bon de commande d'une pose de « 12 panneaux soit 3kw Sweet Power Surimposition - Onduleur garantie 20 ans » ne satisfait pas à l'exigence de désignation compréhensible des caractéristiques essentielles du bien ou du service, en ce qu'elle ne distingue pas la marque et le modèle des panneaux commandés, qu'elle ne donne aucun élément sur leur puissance unitaire, et surtout qu'elle ne contient aucune information sur la puissance et la marque de l'onduleur, élément qui constitue pourtant la pièce maîtresse d'une installation photovoltaïque.

Ce faisant, les époux [K] n'ont pas bénéficié de renseignements suffisamment précis sur la performance et la capacité de production qui pouvaient être réellement attendues de l'installation, caractéristiques essentielles dans ce type d'investissement. Ce manquement s'avère d'autant plus problématique que les époux [K] reprochent précisément au vendeur d'avoir exagéré la rentabilité de leur investissement, ainsi qu'il ressort des motifs du jugement entrepris.

À l'instar du tribunal, il convient encore de relever que la seule mention d'une installation « totale » ne donne pas d'indication compréhensible sur l'étendue de la prestation du vendeur, de l'installation de la centrale aux démarches administratives nécessaires au raccordement.

Il résulte de ces constats que le contrat litigieux est affecté de plusieurs causes de nullité, ce qu'a jugé à bon droit le tribunal.

Le non-respect des articles L 111-1 et suivants du code de la consommation est sanctionné par une nullité relative, laquelle peut donc être couverte par la volonté des parties de confirmer l'acte.

Suivant l'article 1182 du code civil, la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

La confirmation d'un acte nul exige donc à la fois la connaissance du vice l'affectant et la manifestation, expresse ou tacite, de l'intention de le réparer.

Au cas présent, le tribunal a pu relever que nul élément ne venait caractériser la connaissance effective par les époux [K] des vices affectant leur contrat et résultant de l'inobservation des dispositions d'ordre public du code de la consommation.

Ainsi qu'il a été retenu à bon droit, la seule reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ses dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat (Civ 1re, 24 janvier 2024, n°22-16.115).

Par ailleurs l'appelante ne peut sérieusement prétendre que l'indication de M. [K], dans son courrier à la banque du 22 décembre 2021, suivant laquelle « le contrat initial fait apparaître également un certain nombre d'anomalies », suffirait à traduire la connaissance de sa part des manquements du vendeur aux prescriptions du code de la consommation prévues à peine de nullité.

Dès lors, la confirmation de ce contrat ne saurait être retenue, et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il en a prononcé la nullité.

Sur l'annulation du contrat de prêt affecté :

En application de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.

Il s'ensuit que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a annulé le contrat de crédit affecté conclu entre la société BNP Paribas Personnal Finance et Mme [U] épouse [K].

Sur les conséquences de l'annulation des contrats :

L'annulation des contrats entraîne leur anéantissement rétroactif, en sorte que les parties doivent être replacées en l'état où elles se trouvaient avant leur conclusion.

S'agissant du contrat de crédit affecté, son annulation emporte pour le prêteur l'obligation de restituer aux emprunteurs l'intégralité des sommes par eux versées au titre du prêt, et pour les emprunteurs l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

La Cour de cassation juge régulièrement depuis 2020 que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut-être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (1re Civ, 25 nov. 2020, n°19-14.908).

En sa qualité de professionnel du crédit intervenant de façon habituelle pour le financement de ventes conclues dans le cadre de démarchages à domicile, la société BNP Paribas Personal Finance se devait, ne serait-ce que pour s'assurer de l'efficacité des contrats de crédit souscrits, de vérifier le respect par le vendeur des dispositions d'ordre public du droit de la consommation. À défaut d'une telle vérification, elle a commis une faute (1re Civ. 22 septembre 2021, n° 19-21.968).

Toutefois après examen des pièces produites devant lui par les époux [K], le tribunal a pu retenir, par des motifs non critiqués, que ces derniers ne démontraient pas avoir subi un préjudice en lien avec cette faute de la banque, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de priver l'établissement de crédit de son droit à restitution des fonds prêtés.

L'appelante concluant sans surprise dans le même sens, le jugement déféré ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a débouté les époux [K] de leur demande tendant à la destitution de l'établissement de crédit de son droit à restitution du capital, et condamné Mme [L] [U] épouse [K] à payer à la BNP Paribas Personal Finance la somme de 12'400 euros, sauf à déduire l'ensemble des sommes versées par les époux [K] à la banque en exécution du contrat de crédit.

De même la cour, faisant siens les motifs du premier juge statuant sur la demande indemnitaire des époux [K] au titre de la perte d'une chance de ne pas avoir contracté de crédit affecté, confirmera le jugement en son rejet d'une telle prétention.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

Compte tenu du sens du présent arrêt, la BNP Paribas Personal Finance, qui succombe au principal, supportera la charge des dépens d'appel et sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel,

Déboute la BNP Paribas Personal Finance de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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