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Décisions

CA Metz, 6e ch., 24 juillet 2025, n° 24/01976

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 24/01976

24 juillet 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 24/01976 - N° Portalis DBVS-V-B7I-GIMS

Minute n° 25/00114

[M]

C/

S.A.R.L. GLOBAL AD, MINISTERE PUBLIC

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9], décision attaquée en date du 23 Octobre 2024, enregistrée sous le n° 24/00134

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 24 JUILLET 2025

APPELANTE :

Madame [K] [M]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

S.A.R.L. GLOBAL AD Sous le nom commercial et l'enseigne GLOBAL ART DESIGN.

Représentée par son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 4]

MINISTERE PUBLIC

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Monsieur le Procureur général près la cour d'appel de METZ

DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Juin 2025 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 24 Juillet 2025.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Rendue par défaut

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

S'estimant créancière de la SARL à associé unique (ci après désignée EURL) Global AD et dans l'impossibilité d'exécuter l'arrêt constatant sa créance, M. [K] [M] a assigné ladite société par acte du 02 septembre 2024 réceptionné au greffe du tribunal judiciaire de Metz le 09 septembre 2024, en ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 23 octobre 2024, le tribunal judiciaire de Metz a :

- Déclaré irrecevable l'assignation délivrée à l'encontre de l'EURL Global AD :

- Dit que les dépens exposés resteront à la charge du créancier assignant.

Par déclaration du 25 octobre 2024, enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 29 octobre 2024, Mme [M] a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, de ce jugement et visé chacune de ses dispositions.

Malgré signification de l'acte et des conclusions d'appel selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile le 12 décembre 2024, l'EURL Global AD n'a pas constitué avocat en appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 juin 2025.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 05 décembre 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [M] demande à la cour d'appel de :

- " Recevoir l'appel de Mme [K] [M]

- Infirmer le jugement du 23 octobre 2024 prononcé par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable l'assignation délivrée à l'encontre de l'EURL Global AD

- Dit que les dépens exposés resteront à la charge du créancier assignant.

Et statuant à nouveau :

- Déclarer recevable l'assignation en redressement judiciaire du 02 septembre 2024 délivrée à l'encontre de l'EURL Global AD et déclarer Madame [M] recevable en l'ensemble de ses demandes, notamment en sa demande tendant à voir prononcer l'ouverture d'une procédure à l'encontre de l'EURL Global AD.

- Constater l'état de cessation des paiements de l'EURL Global AD,

- Prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'EURL Global AD avec toutes les conséquences de droit,

- Ordonner le retour du dossier à la Chambre commerciale du Tribunal de Grande instance de Metz, aux fins de voir fixer la date de cessation des paiements, de voir désigner les organes de la procédure collective, notamment le mandataire judiciaire et le juge commissaire et ordonner toutes les mesures découlant de l'ouverture de la procédure collective, notamment de publication,

- Dire que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure de redressement judiciaire et inscrits au passif de la société Global AD ;

- Ordonner la restitution à Mme [M] de la consignation de 400 euros. "

Au soutien de ses prétentions, Mme [M] expose que le point de départ du délai d'un an prescrit à l'article L. 631-5 alinéa 2 du code de commerce court, s'il s'agit d'une personne morale, à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation. Mme [M] soutient que l'extrait K-bis qu'elle produit permet de constater qu'il s'agit d'une personne morale, qu'elle a été radiée d'office et qu'il n'apparait pas de publication de la clôture des opérations de liquidation. A l'appui de l'article R. 123-127 et suivants du code de commerce, Mme [M] précise que la radiation d'office est une sanction administrative pour défaut de formalités ou non respect par la personne morale des délais pour réaliser des démarches obligatoires et qu'il ne s'agit donc pas d'une radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation, exposant alors que le délai précité ne lui serait par conséquent pas opposable.

Mme [M] expose ensuite que l'EURL Global AD a été condamnée à lui payer la somme totale de 11 942,83 euros par arrêt de la cour d'appel de Metz du 29 mars 2023, qu'elle détient donc une créance certaine, liquide et exigible, mais qu'elle se trouve confrontée à l'impossibilité de faire exécuter cette décision du fait de la radiation administrative de la société. Mme [M] soutient que l'EURL Global AD a cessé son activité et se trouve en état de cessation des paiements justifiant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par conclusions du 12 juin 2025, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le ministère public demande à la cour d'appel de :

- " Déclarer l'appel recevable,

- Infirmer le jugement rendu le 23 octobre 2024 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz ;

- Statuant à nouveau, déclarer recevable l'assignation en redressement judiciaire du 02 septembre 2024 délivrée à l'encontre de l'EURL Global AD par Mme [M], constater l'état de cessation des paiements de ladite société et prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL AD Global. "

Au soutien de ses prétentions, le ministère public indique que l'appel a été interjeté dans le délai de 10 jours prescrit à l'article R.661-3 du code de commerce et est donc recevable.

Sur la recevabilité de l'assignation en redressement judiciaire, le ministère public se prévaut de l'article L. 631-5, alinéa 2 du code de commerce et précise que le délai d'un an prescrit ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle la radiation du débiteur est mentionnée sur le registre du commerce et des sociétés (RCS) et ne court que si cette radiation est consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation amiable.

Le ministère public soutient que le Kbis de l'EURL Global AD fait mention d'une radiation d'office du RCS de [Localité 9] le 21 juin 2023 avec effet au 31 décembre 2022, sans que le motif exact de la radiation ne soit connu et en déduit que le délai d'un an n'a pas commencé à courir puisque la radiation ne fait pas mention de la clôture des opérations de liquidation. Le ministère public considère donc que l'assignation signifié par commissaire de justice le 02 septembre 2024 est recevable.

Sur le redressement judiciaire, le ministère public se prévaut des dispositions de l'article L. 631-1 du code de commerce et précise qu'il n'y a cessation des paiements que si le débiteur est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible, c'est-à-dire échu, avec son actif disponible, que la cessation des paiements est appréciée au jour où la juridiction statue, même en cause d'appel, et que la charge de la preuve incombe au créancier qui demande l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Le ministère public retient qu'en l'espèce, les actes de signification ont donné lieu à des procès verbaux de recherches infructueuses, qu'il est mentionné sur les extraits INPI et Kbis que la société a fait l'objet d'une décision de non dissolution après constat que ses capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social à compter du 31 octobre 2015, outre la mention de la radiation d'office sus-évoquée. Le ministère public ajoute que l'EURL Global AD apparait n'avoir aucune activité tandis que Mme [M] détient une créance de 11 942,83 euros à son encontre selon arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Metz du 29 mars 2023. Le ministère public en déduit que Mme [M] a suffisamment prouvé que l'EURL Global AD se trouvait dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et est ainsi en cessation des paiements justifiant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, l'EURL Global AD n'ayant jamais comparu, il sera fait application de l'article 472 du code de procédure civile, selon lequel, lorsque l'intimé ne comparait pas, il n'est fait droit à la demande que si elle est régulière, recevable, et bien fondée.

De plus, le jugement dont appel rendu le 23 octobre 2024 statuant sur une demande d'ouverture de redressement judiciaire et l'appel de Mme [M] ayant été interjeté par déclaration du 25 octobre 2024, soit nécessairement dans le délai de 10 jours à compter de la notification du jugement conformément à l'article R.661-3 du code de commerce, l'appel est recevable.

I- Sur la recevabilité de l'action

En application de l'article L. 631-5 du code de commerce, lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, la procédure de redressement judiciaire peut être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de :

1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation ;

2° La cessation de l'activité, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité artisanale, d'un agriculteur ou d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

3° La publication de l'achèvement de la liquidation, s'il s'agit d'une personne morale non soumise à l'immatriculation.

Il est constant que le délai précité est un délai préfix.

En l'espèce, d'une part, l'EURL Global AD est une société commerciale ayant acquis la personnalité morale par son immatriculation au RCS, dont elle a été radiée d'office le 21 juin 2023 avec effet au 31 décembre 2022, selon les extraits Kbis et INPI produits au débat.

N'étant cependant pas établi que cette radiation soit consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation, elle ne peut constituer le point de départ du délai d'un an mentionné à l'article L. 631-5 précité s'agissant des personnes morales immatriculées au RCS.

Ainsi, le délai d'un an n'a donc pas commencé à courir et l'action initiée par assignation du 02 septembre 2024 n'est pas forclose.

D'autre part, Mme [M] établit sa qualité de créancière de l'EURL Global AD par la production de l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Metz condamnant cette dernière à lui payer la somme totale de 11 942,83 euros.

Dès lors, l'action de Mme [M] est recevable.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

II- Sur la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire

En application de l'article L. 631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est ouverte au débiteur qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

Aux termes de l'articles L. 631-3 du code de commerce, alinéa premier, la procédure de redressement judiciaire est également applicable aux personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 631-2 après la cessation de leur activité professionnelle si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière.

Il est constant que la charge de prouver la cessation des paiements, et donc que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, incombe au créancier qui demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard.

En l'espèce, Mme [M] produit un arrêt contradictoire de la chambre sociale de la cour d'appel de Metz du 29 mars 2023 condamnant l'EURL Global AD à lui payer la somme totale de 11 942,83 euros ainsi que l'acte de signification de cet arrêt, par procès verbal de recherches infructueuses, daté du 23 mai 2023.

Mme [M] dispose donc d'une créance certaine, liquide et exigible auprès de l'EURL Global AD et démontre ainsi l'existence d'un passif exigible de cette dernière.

Il est observé par ailleurs que l'adresse du destinataire de l'acte, comme celle de l'intimé présent à la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 29 mars 2023, est le [Adresse 1], apparaissant sur l'extrait Kbis produit comme étant l'adresse personnelle de son gérant M. [I] [X].

Il est mentionné dans l'acte par le commissaire de justice que " Sur place la société requise n'a plus d'activité, son nom ne figure nulle part ; RCS aucun changement d'adresse ; Annuaire électronique : n'y figure pas ".

De plus, l'assignation devant le tribunal judiciaire aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire a été signifié à l'EURL Global AD par acte du 02 septembre 2024, cette fois non pas à l'adresse personnelle du gérant mais à celle du siège social de l'EURL telle qu'indiquée sur l'extrait Kbis, soit au [Adresse 7]. La signification de l'acte a également été faite par procès verbal de recherches infructueuses, lequel comporte les mêmes constatations que le précédent.

Si le procès verbal de recherches infructueuses du 23 mai 2023 ne permet pas d'établir la cessation de l'activité faute d'avoir été signifié non pas au siège social de la société mais à l'adresse personnelle du gérant, cette cessation d'activité est néanmoins établie par les constatations du commissaire de justice faite à l'occasion de la signification de l'acte d'assignation devant le tribunal judiciaire en date du 02 septembre 2024.

La cessation d'activité est également déduite de la radiation de L'EURL Global AD du RCS en date du 21 juin 2023 avec effet au 31 décembre 2022, justifiée par les extraits Kbis et INPI.

Dès lors, la cessation de l'activité de l'EURL Global AD ainsi que sa radiation du RCS établissent l'absence d'actif disponible et par conséquent l'impossibilité pour l'EURL Global AD de faire face à son passif exigible.

La cessation des paiements est ainsi établie et justifie l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Enfin, aux termes de l'article L. 631-8 alinéa 1 du code de commerce, le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

En l'espèce, Mme [M] demande que soit constaté l'état de cessation des paiements de l'EURL Global AD sans évoquer de date précise et les éléments produits ne permettent pas d'en déterminer la date exacte.

La date de cessation des paiements est donc réputée intervenir à la date du jugement d'ouverture.

Il y a donc lieu de la fixer à la date du présent arrêt.

Ainsi, statuant à nouveau, il y a donc lieu de constater la cessation des paiements, d'en fixer la date au 24 juillet 2025 et d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire au profit de l'EURL Global AD.

L'affaire sera renvoyée devant le tribunal judiciaire de Metz pour la désignation d'un juge-commissaire et d'un mandataire judiciaire, les publications légales et le suivi de la procédure.

La consignation de 400 euros étant une avance permettant d'ouvrir la procédure collective et d'engager les frais y afférant, elle ne donne lieu à aucune restitution au stade de l'ouverture de la procédure collective. La demande sur ce point est donc rejetée.

III- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La cour infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 23 octobre 2024 en ce qu'il a condamné Mme [M] aux dépens.

Statuant à nouveau, les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Y ajoutant, les dépens d'appel suivront le même sort.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'appel principal interjeté par Mme [K] [M] ;

Infirme le jugement rendu le 23 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action de Mme [K] [M] ;

Constate l'état de cessation des paiements de l'EURL Global AD ;

Fixe la date de cessation des paiements au 24 juillet 2025 ;

Prononce l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de l'EURL Global AG;

Renvoie l'affaire devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins de désigner le juge-commissaire, de désigner le mandataire judiciaire, de procéder aux publications légales et de suivre la procédure ;

Déboute Mme [K] [M] de sa demande de restitution de la consignation ;

Dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

La greffière La Présidente de chambre

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