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CA Lyon, 3e ch. a, 24 juillet 2025, n° 21/02870

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/02870

24 juillet 2025

N° RG 21/02870 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NRBZ

Décision du

Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE

Au fond

du 01 avril 2021

RG : 2018j00077

ch n°

S.A.S.U. RENAULT TRUCKS

C/

E.U.R.L. TRANSPORTS MOYEN WILLIAM

S.A.S. BERNARD TRUCKS

S.A.S.U. VFS FINANCE FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 24 Juillet 2025

APPELANTE :

S.A.S.U. RENAULT TRUCKS,

au capital de 50.000.000 €, immatriculée au Registre du Commerce

et des Sociétés de [Localité 10] sous le n° 954 506 077, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

Sis [Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Maître Me Nathalie Rose, avocat au Barreau de Lyon, avocat postulant

INTIMEES :

L'EURL TRANSPORTS MOYEN WILLIAM,

au capital de 10 000,00 €, inscrite au RCS de [Localité 8] sous le numéro 525 263 539, représentée par son dirigeant en exercice légal domicilié

audit siège.

Sis [Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Ludovic SIREAU, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Et

La société BERNARD TRUCKS SAS,

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOURG EN BRESSE sous le numéro B 332 011 287, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Sis [Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

Et

La Société VFS FINANCE FRANCE,

Société par actions simplifiée à associé unique au capital de 63.164.340 Euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 392 532 230, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

Sis [Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Séverine MARTIN de la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1792

******

Date de clôture de l'instruction : 22 Novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Mai 2025

Date de mise à disposition : 24 Juillet 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Courant 2014, la SARL Transports Moyen William s'est rapprochée de la SAS Bernard Trucks, concessionnaire à [Localité 11] de la marque Renault, pour s'équiper d'un véhicule tracteur Renault, à financer par le biais d'un crédit-bail.

Le 17 octobre 2014, la société Bernard Trucks a émis une offre pour un tracteur Renault T520 Euro 6 High Sleeper pour un montant de 94 800 euros.

Le véhicule a été mis en circulation pour la première fois le 24 mars 2014, son numéro de châssis est le VF610A36XED000705 et il est immatriculé [Immatriculation 9].

Par courriel du 22 octobre 2014, la société Bernard Trucks a annoncé à la société Transports Moyen William l'accord de la société Renault Trucks Finances (SAS VFS Finance) pour le financement de ce tracteur par le biais d'un crédit-bail d'une durée de 60 mois, ce dernier étant soumis à deux conditions :

un apport de 12 000 euros HT,

la garantie du gérant par un acte de cautionnement solidaire.

Un bon de commande a été établi entre les parties, le 22 octobre 2014 concernant le véhicule de marque Renault Trucks, numéro de châssis VF610A36XED000705, immatriculé [Immatriculation 9] avec un kilométrage de 8.809 kms, pour un prix de 102.517 euros HT outre TVA de 20.503,40 euros, soit 123.020,40 euros TTC.

Une garantie constructeur totale était prévue la première année, outre une garantie constructeur moteur boite et pont la deuxième année dans la limite de 300 000 kilomètres, ainsi qu'une extension de garantie Expandis Maxi pour cinq ans ou 600 000 kms.

La remise de prix du crédit-bail a été régularisée par les parties le 22 octobre 2014.

Le 12 novembre 2014, les services financiers de la SASU Renault Trucks ont confirmé le contrat de financement conclu avec la SASU VFS Finance, et ont adressé un exemplaire du contrat signé ainsi que le calendrier des loyers, chaque prélèvement d'un montant de 2.058,53 euros TTC intervenant le 25 du mois à compter du 25 octobre 2014.

La société VFS, crédit-bailleur et propriétaire du véhicule, a mis à disposition de la société Transports Moyen, crédit-preneur, le matériel commandé.

Le procès-verbal de réception a été signé par cette dernière le 31 octobre 2014 et le contrat de crédit-bail a été publié au greffe du tribunal de commerce de Créteil le 12 novembre 2014.

Le 3 novembre 2014, une demande de modification du certificat d'immatriculation du véhicule a été établie, la société VFS Finance étant indiquée comme propriétaire et la SARL Transports Moyen William comme locataire.

La société Transports Moyen a constaté que la date de première mise en circulation indiquée dans tous les documents relatifs au véhicule était le 24 mars 2014 et non le 28 août 2014. Sur réclamation de sa part, la société Renault Trucks a accordé une extension de la prise en charge de la garantie Expandys Maxi, celle-ci couvrant la période du 24 mars 2019 au 28 août 2019.

Suite à la mise en service du véhicule, la société Transports Moyen a constaté un bruit de craquement lors du rétrogradage des rapports de la boîte de vitesse et en a informé immédiatement la SAS Bernard Trucks, venderesse.

Plusieurs essais et interventions ont été confiés à la société établissements Guillummette à [Localité 12] qui a procédé au remplacement de plusieurs pièces du véhicule dont la boîte de vitesse et l'embrayage aux dates suivantes :

le 3 décembre 2014 (20.590 kms au compteur) : essai routier réalisé afin d'identifier la provenance du bruit de craquement indiqué par l'acquéreur et mise en 'uvre d'un calibrage du split,

du 24 décembre 2014 au 5 janvier 2015 (28.520 kms au compteur) : entretien du véhicule avec installation d'une climatisation auxiliaire et travaux de recul de la sellette afin de réaliser des interventions plus poussées,

du 3 février 2014 au 18 mars 2015 (40.422 kms au compteur) : changement de nombreuses pièces dont la boîte de vitesse, l'embrayage et mise en 'uvre de plusieurs essais pour un total de 1.200 kms.

La société Transports Moyen a fait valoir que les difficultés matérielles et techniques demeuraient en dépit des différentes interventions.

Par courriel du 25 mars 2015, la société Renault Trucks indiquait à la société Transports Moyen que le bruit et/ou ressenti en cause ne relevait pas d'un défaut technique et n'avait aucun impact sur la fiabilité du véhicule au sens où ce bruit faisait partie de son fonctionnement et était provoqué par le turbocompresseur lors de la reprise de la suralimentation.

Par courriel du 30 mars 2015, la société Bernard Trucks faisait état de l'absence de tout vice caché ou de tout autre élément laissant penser qu'il existait un problème permanent sur le tracteur vendu, en réponse à un courriel de l'acquéreur faisant état de son mécontentement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 avril 2015, la société Transports Moyen a sollicité la reprise du véhicule par la société Bernard Trucks et le remboursement de toutes les sommes payées pour l'acquisition du bien, la pause d'un climatiseur auxiliaire et pour les travaux de recul de la sellette.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 avril 2015, la société Renault Trucks a maintenu sa position initiale et a proposé à titre purement commercial, du fait de la durée d'immobilisation, un bon d'achat d'une valeur de 3 000 euros HT, sous réserve d'une renonciation expresse à tout réclamation concernant le dossier.

Le 4 mai 2015, le véhicule a fait l'objet d'une nouvelle panne nécessitant le remplacement de la boîte à vitesse et du ralentisseur hydraulique, autre pièce importante du véhicule, occasionnant une nouvelle immobilisation de trois semaines.

Suivant exploit en date du 20 juillet 2015, la société Transports Moyen William a assigné la société Bernard Trucks aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.

Par ordonnance du 15 octobre 2015, le juge des référés du tribunal de Villefranche-Tarare a fait droit à cette demande et a désigné M. [R] [U] en qualité d'expert.

Par ordonnance du 28 juillet 2016, les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables aux sociétés Renault Trucks France, établissements Guillummette et Renault Trucks Grand Paris.

M. [U], a déposé son rapport d'expertise le 14 novembre 2017.

Par actes introductifs d'instance en date des 24 et 26 juillet 2018, la société Transports Moyen William a fait assigner les sociétés Renault Trucks et Bernard Trucks ainsi que la société VFS Finance devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare.

Par jugement contradictoire du 1er avril 2021, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :

rejeté toute autre demande,

prononcé sur le fondement de la garantie des vices cachés, la résolution du contrat souscrit entre la SAS Bernard Trucks et l'EURL Transports Moyen William le 22 octobre 2014,

prononcé la résolution du contrat de crédit-bail entre la SASU VFS Finance France et l'EURL Transports Moyen William en date du 27 octobre 2014,

ordonné à la SAS Bernard Trucks de rentrer en possession du véhicule litigieux sous un mois et à ses frais au siège de l'EURL Transports Moyen William, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois, et ce pendant 60 jours, période au-delà de laquelle il sera à nouveau fait droit sur la question de l'astreinte,

condamné la SASU VFS Finance France à payer à l'EURL Transports Moyen William la somme de 135 899,40 euros au titre des loyers payés,

condamné la SAS Bernard Trucks à payer à la SASU VFS Finance France la somme de 123020,40 euros,

dit et jugé que la SAS Bernard Trucks sera relevée et garantie de cette condamnation par la SASU Renault Trucks, moyennant remise du camion,

condamné in solidum la SASU Renault Trucks et la SAS Bernard Trucks à payer à l'EURL Transports Moyen William :

1° la somme de 11 967,30 euros au titre des préjudices annexes,

2° la somme de 15 614,55 euros à titre de dommages et intérêts divers au titre des préjudices commerciaux (pertes d'exploitation '), matériels et moraux,

3° la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

4° les entiers dépens liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 115,46 euros TTC et qui comprendront les frais d'huissier pour la délivrance des assignations en référé concernant l'expertise judiciaire, l'assignation au fond et la signification du présent jugement, outre les frais de greffe et le coût de l'expertise judiciaire,

ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 21 avril 2021, la SAS Renault Trucks a interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.

L'affaire a été enrôlée sous le n° RG 21/02870.

Par déclaration reçue au greffe le 6 mai 2021, la SASU VFS Finance France a interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.

L'affaire a été enrôlée sous le n° RG 21/03931.

Par ordonnance du 25 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures N° RG 21/03931 et 21/02870 sous le numéro 21/02870.

***

Par ordonnance de référé du 28 juillet 2021, la juridiction du premier président de la cour d'appel de Lyon a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare le 1er avril 2021 mais a autorisé les différentes parties à consigner les sommes accordées à la société Transports Moyen soit :

139.618,96 euros pour la société Renault Trucks,

16.958,65 euros pour la société Bernard Trucks,

135.899,40 euros pour la société VFS.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 24 octobre 2022, la société Renault Trucks demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, 1353 du code civil, 9 et 16 du code de procédure civile, 237, 238 et 246 du code de procédure civile, 1240 du code civile et 700 du code de procédure civile, de :

débouter la société Transports Moyen William de son appel incident comme infondé,

déclarer bien fondé l'appel principal et l'appel incident de la société Renault Trucks à l'encontre du jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône en ce qu'il a :

rejeté toute autre demande de la société Renault Trucks,

prononcé sur le fondement de la garantie des vices cachés, la résolution du contrat souscrit entre la société Bernard Trucks et la société Transports Moyen William le 22 octobre 2014,

prononcé la résolution du contrat de crédit-bail entre la société VFS Finance France et la société Transports Moyen William en date du 27 octobre 2014,

ordonné à la société Bernard Trucks de rentrer en possession du véhicule litigieux sous un mois et à ses frais au siège de la société Transports Moyen William, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois, et ce pendant 60 jours, période au-delà de laquelle il sera à nouveau fait droit sur la question de l'astreinte,

condamné la société VFS Finance France à payer à la société Transports Moyen William la somme de 135.899,40 euros au titre des loyers payés,

condamné la société Bernard Trucks à payer à la société VFS Finance France la somme de 123 020,40 euros,

dit et jugé que la société Bernard Trucks sera relevée et garantie de cette condamnation par la société Renault Trucks, moyennant remise du camion,

condamné in solidum la société Renault Trucks et la société Bernard Trucks à payer à la société Transports Moyen William :

1° la somme de 11 967,30 euros au titre des préjudices annexes,

2° la somme de 15 614,55 euros à titre de dommages et intérêts divers au titre des préjudices commerciaux (pertes d'exploitation '), matériels et moraux,

3° la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

4° les entiers dépens liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 115,46 euros TTC et qui comprendront les frais d'huissier pour la délivrance des assignations en référé concernant l'expertise judiciaire, l'assignation au fond et la signification du présent jugement, outre les frais de greffe et le coût de l'expertise judiciaire,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

l'infirmer de ces chefs et statuant à nouveau :

À titre principal :

juger que les conditions de l'article 1641 et suivant du code civil ne sont pas remplies et que la société Transports Moyen William ne rapporte la démonstration d'aucun vice ayant affecté le véhicule en cause,

débouter la société Transports Moyen William et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Renault Trucks,

condamner la société Transport Moyen William au paiement de la somme de 10.000 euros à la société Renault Trucks à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'image,

débouter la société Bernard Trucks de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris tout appel en garantie à l'encontre de la société Renault Trucks, notamment au titre des frais inhérents au rapatriement du véhicule et/ou au titre des frais de gardiennage du véhicule litigieux, ou à défaut, limiter leur montant dans de plus justes proportions,

À titre subsidiaire :

prononcer la réduction du prix de vente entre les sociétés Bernard Trucks et Transports Moyen William,

réduire dans de plus justes proportions le quantum des préjudices de la société Transports Moyen William,

rejeter toute demande de condamnation in solidum sollicitée à l'encontre de la société Renault Trucks et fixer la part contributive de chacune des parties en présence, dont celle imputable à la société Transports Moyen William,

débouter la société Transports Moyen William du surplus de ses demandes,

En tout état de cause :

débouter les parties de toutes demandes contraires et/ou formées à l'encontre de la société Renault Trucks en ce compris tout appel en garantie et/ou demande de condamnation quelle qu'elle soit de la société Bernard Trucks,

condamner la société Transports Moyen William au paiement de la somme de 10.000 euros à la société Renault Trucks à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'image,

condamner la société Transports Moyen William et/ou tout autre succombant à payer à la société Renault Trucks la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 14 novembre 2022, la société Bernard Trucks demande à la cour, au visa des articles 1641 du code civil et 564 du code de procédure civile, de :

débouter les sociétés VFS Finance, Renault Trucks et Transports Moyen William de leurs appels incidents,

déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par la société Bernard Trucks du jugement rendu le 1er avril 2021 en ce qu'il a :

rejeté toute autre demande,

prononcé sur le fondement de la garantie des vices cachés, la résolution du contrat souscrit entre la société Bernard Trucks et la société Transports Moyen William le 22 octobre 2014,

prononcé la résolution du contrat de crédit-bail entre la société VFS Finance France et la société Transports Moyen William en date du 27 octobre 2014,

ordonné à la société Bernard Trucks de rentrer en possession du véhicule litigieux sous un mois et à ses frais au siège de la société Transports Moyen William, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois, et ce pendant 60 jours, période au-delà de laquelle il sera à nouveau fait droit sur la question de l'astreinte,

condamné la société VFS Finance France à payer à la société Transports Moyen William la somme de 135 899,40 euros au titre des loyers payés,

condamné la société Bernard Trucks à payer à la société VFS Finance France la somme de 123 020,40 euros,

condamné in solidum la société Renault Trucks et la société Bernard Trucks à payer à la société Transports Moyen William :

1° la somme de 11 967,30 euros au titre des préjudices annexes,

2° la somme de 15 614,55 euros à titre de dommages et intérêts divers au titre des préjudices commerciaux (pertes d'exploitation '), matériels et moraux,

3° la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

4° les entiers dépens liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 115,46 euros TTC et qui comprendront les frais d'huissier pour la délivrance des assignations en référé concernant l'expertise judiciaire, l'assignation au fond et la signification du présent jugement, outre les frais de greffe et le coût de l'expertise judiciaire,

réformer le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare en ce qu'il a :

rejeté toute autre demande,

prononcé sur le fondement de la garantie des vices cachés, la résolution du contrat souscrit entre la société Bernard Trucks et la société Transports Moyen William le 22 octobre 2014,

prononcé la résolution du contrat de crédit-bail entre la société VFS Finance France et la société Transports Moyen William en date du 27 octobre 2014,

ordonné à la société Bernard Trucks de rentrer en possession du véhicule litigieux sous un mois et à ses frais au siège de la société Transports Moyen William, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois, et ce pendant 60 jours, période au-delà de laquelle il sera à nouveau fait droit sur la question de l'astreinte,

condamné la société VFS Finance France à payer à la société Transports Moyen William la somme de 135 899,40 euros au titre des loyers payés,

condamné la société Bernard Trucks à payer à la société VFS Finance France la somme de 123 020,40 euros,

condamné in solidum la société Renault Trucks et la société Bernard Trucks à payer à la société Transports Moyen William :

1° la somme de 11 967,30 euros au titre des préjudices annexes,

2° la somme de 15 614,55 euros à titre de dommages et intérêts divers au titre des préjudices commerciaux (pertes d'exploitation '), matériels et moraux,

3° la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

4° les entiers dépens liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 115,46 euros TTC et qui comprendront les frais d'huissier pour la délivrance des assignations en référé concernant l'expertise judiciaire, l'assignation au fond et la signification du présent jugement, outre les frais de greffe et le coût de l'expertise judiciaire,

L'infirmer de ces chefs et statuant à nouveau :

À titre principal,

débouter la société Transports Moyen William de l'ensemble des demandes en ce qu'elles sont infondées et injustifiées, la preuve du vice caché et de ses différents caractères n'étant pas établie,

débouter la société VFS Finance de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Bernard Trucks,

débouter la société Renault Trucks de toute demande dirigée à l'encontre de la société Bernard Trucks,

déclarer irrecevables les demandes présentées par la société Transports Moyen William du chef de l'assurance du véhicule et de la taxe annuelle à l'essieu, en ce qu'elles constituent des demandes nouvelles,

les rejeter en ce qu'elles se justifient par l'utilisation intensive du camion par la société Transports Moyen William elle-même,

condamner la société Transports Moyen William à régler à la société Bernard Trucks les sommes de :

11 911,03 euros TTC, au titre des frais inhérents au rapatriement du véhicule,

10 579,20 euros TTC au titre des frais de gardiennage du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022, à parfaire à la date de l'arrêt,

mettre hors de cause la société Bernard Trucks,

En tant que de besoin et à titre subsidiaire,

condamner la société Renault Trucks à relever et garantir la société Bernard Trucks de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, en principal, dommages et intérêts, frais, article 700 et dépens, sauf à être condamnée à indemniser directement la société Transports Moyen William sur le fondement de l'action directe dont celle-ci dispose contre le constructeur et dans cette hypothèse mettre hors de cause la société Bernard Trucks,

condamner la société Renault Trucks à régler à la société Bernard Trucks les sommes de :

11 911,03 euros TTC, au titre des frais inhérents au rapatriement du véhicule,

10 579,20 euros TTC au titre des frais de gardiennage du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022, à parfaire à la date de l'arrêt,

condamner la société Renault Trucks à venir récupérer, à ses frais, le camion actuellement stationné sur le site de [Localité 13], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

en toute hypothèse,

condamner la société Transports Moyen William, ou qui mieux le devra, à payer à la société Bernard Trucks la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Transports Moyen William, ou qui mieux le devra, aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire dont elle a fait l'avance, dont distraction au profit de la SCP Baufume Sourbe, avocat sur son affirmation de droit.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 novembre 2022, la société Transports Moyen William demande à la cour, au visa des articles 1641 et 1644 du code civil, de :

déclarer recevable et bien fondés les divers appels incidents formés par la société Transports Moyen William,

À titre principal :

confirmer le jugement du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare du 1er avril 2021 en ce qu'il a :

prononcé sur le fondement de la garantie des vices cachés, la résolution du contrat souscrit entre la société Bernard Trucks et la société Transports Moyen William le 22 octobre 2014,

réformer ledit jugement en ce qu'il a :

prononcé la résolution du contrat de crédit-bail entre la société VFS finance France et la société Transports Moyen Williams en date du 27 octobre 2014,

Statuant à nouveau :

homologuer le rapport d'expertise rendu le 14 novembre 2017 par l'expert M. [U],

prononcer la caducité du contrat de crédit-bail entre la société VFS finance France et la société Transports Moyen Williams en date du 27 octobre 2014,

À titre subsidiaire :

prononcer sur le fondement de la garantie constructeur la résolution du contrat souscrit entre la société Bernard Trucks et la société Transports Moyen William le 22 octobre 2014,

prononcer la caducité du contrat de crédit-bail entre la société VFS finance France et la société Transports Moyen Williams en date du 27 octobre 2014,

en tout état de cause :

confirmer le jugement du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare du 1er avril 2021 en ce qu'il a :

ordonné à la société Bernard Trucks de rentrer en possession du véhicule litigieux sous un mois et à ses frais au siège de la société Transports Moyen William, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois, et ce pendant 60 jours, période au-delà de laquelle il sera à nouveau fait droit sur la question de l'astreinte,

condamné la société VFS Finance à payer à la société Transports Moyen William la somme de 135 899,40 euros au titre des loyers payés,

condamné la société Bernard Trucks à payer à la société VFS Finance France la somme de 123 020,40 euros,

dit et jugé que la société Bernard Trucks sera relevée et garantie de cette condamnation par la société Renault Trucks, moyennant remise du camion,

condamné in solidum la société Renault Trucks et la société Bernard Trucks à payer à la société Transports Moyen William :

3° la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

4° les entiers liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 115,46 euros TTC et qui comprendront les frais d'huissier pour la délivrance des assignations en référé concernant l'expertise judiciaire, l'assignation au fond et la signification du présent jugement, outre les frais de greffe et le coût de l'expertise judiciaire,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare du 1er avril 2021 en ce qu'il a :

condamné in solidum la société Renault Trucks et la société Bernard Trucks à payer à la société Transports Moyen William :

1° la somme de 11 967,30 euros au titre des préjudices annexes,

2° la somme de 15 614,55 euros à titre de dommages et intérêts divers au titre des préjudices commerciaux (pertes d'exploitation '), matériels et moraux,

Statuant à nouveau,

condamner in solidum la société Renault Trucks et la société Bernard Trucks à payer à la société Transports Moyen William :

1° la somme actualisée de 16 763,32 euros au titre des préjudices annexes,

2° la somme de 16 597,55 euros à titre de dommages et intérêts divers au titre des préjudices commerciaux (pertes d'exploitation') matériels et moraux,

y ajoutant,

condamner in solidum, la société Renault Trucks et la société Bernard Trucks à payer à la société Transports Moyen William :

1° la somme de 4 612,00 euros TTC au titre de l'assurance automobile du tracteur Renault immatriculé [Immatriculation 9],

2° la somme de 497,62 euros TTC au titre de la taxe annuelle à l'essieu,

condamner in solidum les sociétés Renault Trucks, Bernard Trucks et VFS Finance France à verser à la société Transports Moyen William la somme de 4 704,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile engagée en cause d'appel,

débouter la société Bernard Trucks de ses demandes au titre des frais de rapatriement et des frais de gardiennage,

condamner les mêmes aux entiers dépens d'appel,

débouter les parties de toute demande contraire.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 août 2021, la société VFS Finance France demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1641 du code civil, de :

À titre principal,

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare,

Statuant à nouveau,

débouter la société Transports Moyen William de l'ensemble de ses demandes,

condamner la société Transports Moyen William au paiement à la société VFS Finance de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par Me Séverine Martin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement,

condamner la société Bernard Trucks à payer à la société VFS Finance la somme de 123.020,40 euros TTC,

condamner la société Bernard Trucks au paiement à la société VFS Finance la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par Me Séverine Martin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 22 novembre 2022, les débats étant fixés au 21 mai 2025.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résolution du contrat de vente fondée sur l'existence d'un vice caché

La société Renault Trucks fait valoir que :

les conditions cumulatives permettant de caractériser un vice caché et de prononcer la résolution de la vente ne sont pas réunies, la preuve n'étant pas rapportée qu'il existait un vice caché, antérieur à la vente et connu de l'acquéreur, rendant la chose impropre à sa destination,

l'acquéreur ne démontre pas l'existence d'un tel vice et son antériorité à la vente, aucune présomption n'existant en la matière,

le jugement s'est fondé sur les seules conclusions du rapport d'expertise judiciaire, dénué de toute forme probante puisque l'expert a déposé son rapport en l'état, reconnaissant ne pas pouvoir prendre position quant à la cause exacte du désordre,

l'expert n'a mis en avant aucun élément objectif, clair et probant, susceptible d'établir l'existence d'un désordre constitutif d'un vice caché,

il n'a pas respecté le principe du contradictoire en contactant un ingénieur de la société Renault Trucks hors de toute réunion d'expertise sans en informer les parties,

elle n'a jamais reconnu que le bruit allégué était anormal et a toujours soutenu le contraire, indiquant qu'il faisait partie du fonctionnement normal du véhicule,

le bruit indiqué peut être provoqué par le turbocompresseur lors de la reprise de la suralimentation procédant du fonctionnement normal du matériel, ce qui n'entraîne aucun désordre, piste que n'a pas retenu l'expert sans en expliquer le motif,

elle a effectué des recherches dans le cadre des investigations et a rencontré des difficultés qu'elle a communiquées à l'expert,

le véhicule n'est pas impropre à son usage comme retenu dans le rapport d'expertise d'autant plus que la société Transports Moyen l'utilise encore,

les données issues du logiciel de monitoring démontrent que le véhicule a parcouru plus de 790.000 kms au 28 juin 2021 avec une utilisation régulière, sauf en 2021 pour une raison indéterminée et étrangère au phénomène vibratoire, sachant que le véhicule a une note technique de 10/10,

à titre subsidiaire, suivant la jurisprudence en vigueur, l'acheteur ne peut obtenir qu'une diminution de prix si le vice n'est pas rédhibitoire, ce qui écarte toute résolution du contrat,

une demande de réduction du prix ne peut être fondée sur le fait que le bien acquis est difficilement revendable,

le désordre allégué n'est pas d'une gravité suffisante et ce d'autant moins que la société Transports Moyen a fait le choix d'acquérir un véhicule d'occasion, « dans l'état où il se trouve » comme l'indique le bon de commande,

les phénomènes vibratoires ressentis à la conduite ne constituent pas un désordre grave puisque le véhicule a été utilisé suite au signalement des désordres et jusqu'en 2021,

l'intimée ne démontre pas en quoi le bruit serait anormal et aurait un impact sur l'usage ou la sécurité du véhicule, sachant qu'il n'est pas récurrent et ne se produit que ponctuellement.

La société Bernard Trucks fait valoir que :

la boîte de vitesse qui faisait l'objet d'une réclamation a été changée à deux reprises après la vente, sous la garantie constructeur, ce qui signifie que le véhicule n'est plus dans sa configuration d'origine et que l'éventuel défaut de celle-ci relève de la responsabilité exclusive de la société Renault Trucks et de la société Guillummette qui a réalisé les réparations,

le rapport d'expertise déposé en l'état ne met pas en évidence un vice caché, l'expert reconnaissant qu'il n'est pas en mesure de déterminer la cause exacte du désordre et se bornant à donner l'hypothèse la plus probable sur l'origine des bruits sans avoir réalisé les investigations techniques nécessaires propres à confirmer sa position,

les défauts allégués ne répondent pas aux critères de l'article 1641 du code civil, puisque l'expert indique que le tracteur n'est pas impropre à son usage, les bruits de craquement étant aléatoires et sans gravité suffisante pour être assimilés à un vice caché,

le véhicule litigieux a parcouru plus de 650.000 kms entre l'expertise et son enlèvement suite à la décision des premiers juges, soit pendant une période de 6 ans, le compteur affichant le 23 juillet 2022 815.054 kms, ce qui démontre un usage intensif incompatible avec l'existence d'un vice caché,

la société Transports Moyen n'a fait état du bruit de craquement qu'un mois après la vente ce qui signifie qu'il n'existait pas au jour de la vente, et ne caractérise pas le critère d'antériorité.

La société Transports Moyen fait valoir que :

le rapport d'expertise doit être homologué malgré un dépôt en l'état, la société Renault Trucks ayant refusé de coopérer alors qu'elle était la seule à disposer du matériel de diagnostic adapté pour le véhicule,

l'expert a retenu que l'ingénieur qualité de l'appelante a reconnu que le bruit était anormal sur ce type de tracteur,

il a conclu que l'origine probable des craquements était une réaction inadaptée du calculateur de la boîte de vitesse avec un temps de réponse trop long,

les désordres sont apparus seulement un mois après la vente d'un véhicule quasi neuf ce qui démontre l'antériorité du vice,

le désordre était nécessairement caché puisque lié à la boîte de vitesse et ne se manifestant que dans certaines conditions, lors de la conduite en charge et en côte,

si le vice ne rend pas le véhicule totalement impropre à sa destination, il en diminue tellement l'usage qu'elle n'aurait pas procédé à son achat en ayant connaissance de ce défaut,

l'expert a indiqué que le véhicule ne pourrait être revendu sous peine de se voir opposer le vice caché, ce qui en diminue la valeur,

contrairement à ce qu'affirme la société Bernard Trucks, elle a acquis un nouveau camion en novembre 2020 et n'a utilisé l'ancien que ponctuellement au lieu d'un usage normal bien plus intensif, ayant adopté la conduite d'un gardien raisonnable,

la société Bernard Trucks avait convenu d'une extension de garantie pour le véhicule,

le vice étant apparu avant les deux remplacements de la boîte de vitesse, la responsabilité de la société Bernard Trucks ne peut être écartée.

La société VFS valoir que :

les conditions relatives à la garantie des vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil ne sont pas réunies,

l'acquéreur ne rapporte pas la preuve d'un vice caché et de son antériorité par rapport à la vente,

en cas d'incertitude ou de doute face à la production d'une preuve, ils doivent être retenus au détriment de celui qui supporte la charge de la preuve soit la société Transports Moyen,

il n'existe aucune présomption suivant laquelle tout désordre sur un véhicule serait nécessairement consécutif à un vice caché,

le juge n'est pas lié par les conclusions de l'expert judiciaire,

l'expert a exclu l'existence d'un vice caché puisqu'il a précisé que le problème relevé ne rend pas le véhicule impropre à son usage,

les difficultés éventuelles en cas de revente ne peuvent donner lieu à une indemnisation au titre de la perte de chance puisque le véhicule lui appartient,

les premiers juges n'ont pas statué en droit, se contenant de sanctionner l'attitude de l'une des parties au détriment de la sécurité juridique des transactions.

Sur ce,

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Aux termes de ces dispositions, il est exigé que le vice soit rédhibitoire et de nature à empêcher tout usage du bien acquis, et en cas de vice d'agrément ou inconstant n'ayant aucune influence sur l'utilité économique objective du bien, il ne peut être retenu.

De même, il est impératif que le vice préexiste à l'acquisition du bien et empêche tout usage normal de celui-ci.

Concernant le bien meuble utilisé par la société Transports Moyen, il ressort des éléments du dossier, mais aussi du rapport d'expertise, que seule une hypothèse a été émise concernant l'origine du craquement invoqué par la société intimée lors de l'usage du tracteur litigieux, craquement ne se produisant que dans les montées ou lorsque le tracteur est chargé sans pour autant que celui-ci ne soit empêché de rouler.

Il est rappelé en outre que ce craquement n'a pas disparu en dépit du changement de la boite de vitesse, démontrant qu'aucun vice n'affectait cette dernière, même si le bruit pouvait être atténué.

Enfin, il est constant que l'intimée a fait part de l'existence de ce bruit un mois après la mise à disposition du tracteur et pas immédiatement après la réception de celui-ci.

La lecture du rapport d'expertise déposé en l'état permet de relever que l'expert n'a pas été en mesure de déterminer l'existence d'un vice rédhibitoire empêchant l'usage normal du véhicule acquis par la société Transports Moyen, se contentant d'émettre une hypothèse aux termes de ses conclusions.

Plusieurs hypothèses ont été émises par les parties, notamment la société Renault Trucks, qui n'ont pourtant pas été vérifiées de manière complète par l'expert dont c'était la mission qu'il ne pouvait déléguer à l'une des parties, notamment à un ingénieur de Renault Trucks, en dehors du principe du contradictoire impératif dans l'exécution d'une telle mesure, sans passer par les avocats de chacune.

De plus, l'expert confirme que, si le bruit dénoncé par la société Transports Moyen existait effectivement et intervenait de manière irrégulière, même après le changement de boite de vitesses, celui-ci n'était pas de nature à empêcher un usage normal du bien acquis. Il a noté après le second changement de boite de vitesses une modification de la force du bruit, sa présence irrégulière et le fait que le véhicule n'était pas impropre à sa destination.

Les différentes pièces versées en procédure démontrent que l'acquéreur a pu, en dehors des périodes de réparation, continuer à faire usage du véhicule sans difficulté, étant rappelé que le véhicule, lors de sa prise en charge par la société Transports Moyen, affichait 8.809 kms au compteur, et que lors de la première intervention sur celui-ci en décembre 2014, le compteur affichait 40.480 kilomètres.

Enfin, il est constant qu'à la reprise du véhicule faisant suite au premier jugement, le compteur affichait 815.054 kilomètres, ce qui démontre un usage intensif du véhicule.

Les différents éléments du dossier ne permettent pas de retenir l'existence d'un vice caché ayant rendu la chose mise à disposition impropre à sa destination puisque la société Transports Moyen a été en mesure de faire usage du véhicule de manière normale depuis sa réception jusqu'à son remisage en 2021 en raison de l'ancienneté du véhicule et de la nécessité d'en acquérir un nouveau.

La présence d'un bruit irrégulier n'empêchant pas la conduite renvoie à une problématique d'agrément dans la conduite et non à un dysfonctionnement.

Au regard de ces éléments, il convient d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a prononcé sur le fondement de la garantie des vices cachés, la résolution du contrat souscrit entre la SAS Bernard Trucks et l'EURL Transports Moyen William le 22 octobre 2014.

En l'absence de vice caché, les demandes indemnitaires présentées par la société Transports Moyen ne peuvent qu'être rejetées, infirmant également sur ce point le jugement entrepris.

Sur la demande de résolution des contrats au titre de la garantie constructeur de la société Renault Trucks

La société Transports Moyen fait valoir que :

le véhicule était quasi neuf lors de la vente et bénéficiait de la garantie constructeur,

il lui a été présenté comme ayant été mis en service 2 mois auparavant, ce qui était erroné puisqu'il l'avait été 5 mois avant,

les désordres sont apparus seulement un mois après l'achat ce qui démontre que le véhicule n'était pas en parfait état de fonctionnement,

les différentes prises en charge pour réparation n'ont permis ni à la société Renault Trucks ni à la société Bernard Trucks, d'identifier l'origine du problème, les intéressées prétendant que les désordres étaient normaux alors qu'ils résultaient d'une défaillance technique.

Les sociétés adverses ne font pas valoir de moyens sur ce point.

Sur ce,

L'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que : « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

Les contrats versés aux débats démontrent que les parties ont convenu de la mise en 'uvre d'une garantie constructeur au profit du bien acheté dans une limite de 600.000 kms.

Il est avéré par les pièces versées aux débats que la société Renault Trucks a respecté les obligations mises à sa charge en procédant au changement de la boîte de vitesses à deux reprises à ses frais, prenant également à sa charge dans ce cadre des frais d'amélioration du tracteur utilisé par la société Transports Moyen.

Si le bruit a persisté, il est noté qu'à aucun moment le véhicule utilisé par la société Transports Moyen n'a été immobilisé de manière définitive avant 2021 et son usure en raison du kilométrage effectué.

La société Transports Moyen ne peut donc prétendre que la société Renault Trucks n'aurait pas respecté la garantie contractuelle constructeur mise à sa charge pour solliciter la résolution du contrat.

En effet, elle ne démontre pas que le constructeur n'a pas répondu à ses demandes, et ne démontre pas non plus que l'absence de résolution du problème lié au bruit dont elle se plaignait lors de la conduite était de nature à l'empêcher d'utiliser le tracteur loué. Les différents éléments versés aux débats, dont notamment l'expertise judiciaire, démontrent que le véhicule pouvait être utilisé et que le bruit était moins fort depuis l'intervention du constructeur.

Dès lors, la résolution du contrat ne peut être prononcée étant donné que la société Renault Trucks a respecté l'obligation mise à sa charge au titre de la garantie constructeur et que le véhicule était en état de fonctionnement, ce que ne peut contester la société Transports Moyen.

En conséquence, la demande présentée ne peut qu'être rejetée, ajoutant au jugement entrepris.

Sur la caducité du contrat de crédit-bail

Le tribunal a prononcé la résolution du contrat de crédit-bail, interdépendant du contrat principal.

La société locataire sollicite l'infirmation du jugement sur ce point et le prononcé de la caducité de ce contrat, conséquence de droit de la résolution du contrat principal.

Le jugement étant infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat souscrit entre la SAS Bernard Trucks et l'EURL Transports Moyen William le 22 octobre 2014, il sera également infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de crédit-bail et la société locataire sera déboutée de sa demande aux fins de voir prononcer la caducité de ce contrat et de sa demande de restitution des loyers qu'elle a versés, infirmant également la décision sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation formée par la société Bernard Trucks au titre des frais de convoyage du véhicule et de gardiennage

La société Bernard Trucks fait valoir que :

en dépit de l'exécution provisoire prononcée, la société Transports Moyen est restée en possession du tracteur et n'a jamais répondu aux demandes adressées par son conseil concernant la reprise de celui-ci, le soi-disant courriel du 28 avril 2021 n'ayant jamais été reçu,

elle a repris le véhicule sous contrôle d'huissier le 23 juillet 2022 à ses frais,

si un vice de construction est retenu par la cour d'appel, la charge finale de ces frais de convoyage et de gardiennage doit être imputée à la société Renault Trucks,

les frais de gardiennage et de convoyage sont établis de manière objective, le véhicule ayant été convoyé et non remorqué pour éviter toute augmentation du kilométrage et d'éventuelles dégradations, ces deux modes de transport n'offrant pas la même garantie de préservation du véhicule.

La société Transports Moyen fait valoir que :

elle a répondu aux différents courriers officiels et a fixé plusieurs dates pour la reprise du véhicule avant de solliciter la liquidation de l'astreinte prononcée par les premiers juges,

l'exécution provisoire n'ayant pas été suspendue, elle n'a pas à supporter les coûts de convoyage et de gardiennage,

les montants sont exorbitants sachant qu'elle avait réglé la somme de 500 euros TTC pour une année de gardiennage avant le rapatriement,

aucun coût n'est supporté par la société Bernard Trucks qui assure le gardiennage dans ses locaux,

les frais de gardiennage sont sollicités à compter du 1er janvier 2022 alors que le véhicule n'a été repris que le 23 juillet 2022,

elle a transmis un devis de rapatriement avec un tarif plus abordable et la société Bernard Trucks ne lui a jamais demandé son avis sur les modalités de celui-ci.

La société Renault Trucks fait valoir que :

en qualité de constructeur, elle n'était pas concernée par la problématique de restitution du véhicule,

le montant réclamé au titre du rapatriement du véhicule n'est pas fondé, la somme ne pouvant excéder 1.500 euros, soit un tarif normal pour ce type d'opération,

elle n'a pas été consulté quant au choix de procéder au transfert un samedi soit un surcoût avéré du fait du remorquage obligatoire,

les frais de gardiennage sont exorbitants comparés aux 500 euros TTC payés par an par la société Transports Moyen,

les frais de gardiennage ne peuvent courir qu'à compter du 23 juillet 2022.

La société VFS Finance France ne fait pas valoir de moyens sur ce point.

Sur ce,

Le jugement déféré étant infirmé, la société Bernard Trucks est en droit de réclamer, dans le cadre des restitutions inhérentes à la décision, la restitution des sommes exposées dans le cadre de l'exécution du premier jugement qui était assorti de l'exécution provisoire.

Le jugement a ordonné à la SAS Bernard Trucks de rentrer en possession du véhicule litigieux sous un mois et à ses frais au siège de l'EURL Transports Moyen William, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois, et ce pendant 60 jours, période au-delà de laquelle il sera à nouveau fait droit sur la question de l'astreinte.

Concernant le convoyage du véhicule, il ne saurait être fait grief à la société Bernard Trucks d'avoir eu recours à ce mode de transport alors même que le kilométrage du véhicule était un des éléments du litige.

Les différents échanges entre les parties versés aux débats tant par la société venderesse que par la société Transports Moyen, démontrent que le conseil de cette dernière n'a pas répondu aux propositions de reprise faites concernant le véhicule litigieux.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande relative au coût du convoyage soit la somme de 11.301,83 euros.

S'agissant des frais de gardiennage, sur ce point, une difficulté ne peut qu'être relevée puisque, du fait de la décision, aucune notification quant à l'existence de ces frais n'a été effectuée à l'égard de la société Transports Moyen qui n'avait pas à les acquitter s'agissant d'une résolution de contrat.

De plus, la société Bernard Trucks n'apporte aucun élément concret concernant les conditions de gardiennage du véhicule litigieux alors qu'il est reconnu par toutes les parties que ce dernier a peu de valeur en raison de son ancienneté et de son kilométrage.

En conséquence, la demande relative aux frais de gardiennage ne pourra qu'être rejetée.

Dès lors, la société Transports Moyen sera condamnée à payer à la société Bernard Trucks la somme de 11.301,83 euros au titre des frais de convoyage du véhicule.

Sur la demande reconventionnelle d'indemnisation formée par la société Renault Trucks pour atteinte à son image

La société Renault Trucks fait valoir que :

la société Transports Moyen a réclamé des dommages-intérêts pour préjudice moral au motif qu'elle n'aurait pas agi dans l'intérêt de son client, alors que les pièces versées aux débats montrent la prise en charge de la réclamation de celle-ci immédiatement,

son courrier du 28 avril 2015 liste tous les examens réalisés sur le véhicule et d'autres concernant la problématique liée au bruit, le remplacement des pièces à neuf, le prêt d'un véhicule de location pendant les périodes d'immobilisation pour réparation et l'octroi d'un bon d'achat.

Les sociétés Bernard Trucks, VFS Finance France et Transports Moyen ne font pas valoir de moyens sur ce point.

Sur ce,

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La société Renault Trucks ne rapporte pas la preuve d'une faute dolosive commise par la société Transports Moyen qui, dans le cadre d'une action en justice mais aussi, préalablement, d'une garantie constructeur, a entendu faire valoir ses droits.

Il est constant, comme cela a déjà été noté, que la société Renault Trucks, dans le cadre de la garantie constructeur, a respecté ses obligations en mettant à disposition un véhicule de prêt mais aussi en remplaçant d'autres pièces à neuf afin de permettre à la société Transports Moyen de disposer d'un tracteur conforme à ses attentes.

La société Renault Trucks ne saurait émettre de critiques alors même qu'elle a uniquement respecté ses obligations contractuelles.

Par ailleurs, si elle fait état d'une atteinte à son image, elle ne démontre pas en quoi, du fait du litige l'opposant à la société Transports Moyen, elle aurait perdu des parts de marché ou de la clientèle.

Dès lors, la demande présentée ne peut qu'être rejetée, ajoutant au jugement déféré.

Sur les demandes accessoires

La société Transports Moyen succombant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel, en ce compris les frais de la mesure d'expertise.

L'équité ne commande pas d'accorder à l'une ou l'autre des parties une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, les demandes de la société Renault Trucks, de la société Transports Moyen, de la société Bernard Trucks et de la société VFS seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel,

Infirme dans son intégralité le jugement rendu par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare le 1er avril 2021,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la SARL Transports Moyen William de l'intégralité de ses demandes,

Condamne la SARL Transports Moyen William à payer à la SASU Bernard Trucks la somme de 11.301,83 euros au titre des frais de convoyage,

Déboute la SAS Bernard Trucks de ses autres demandes indemnitaires,

Déboute la SASU Renault Trucks de ses demandes d'indemnisation,

Condamne la SARL Transports Moyen William à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel, en ce compris les frais d'expertise,

Déboute la SARL Transports Moyen William de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SASU Renault Trucks de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Bernard Trucks de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SASU VFS Finance France de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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