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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 24 juillet 2025, n° 25/01457

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01457

24 juillet 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 24 JUILLET 2025

N° RG 25/01457 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPA27

Copie conforme

délivrée le 23 Juillet 2025

par courriel à :

- MINISTÈRE PUBLIC

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD TJ

- le retenu

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de Marseille en date du 22 juillet 2025 à 13H45.

APPELANTE

Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille

Représenté par Monsieur Yvon CALVET, avocat général près la cour d'appel d'Aix-en Provence,

INTIMÉ

Monsieur [O] [G]

né le 6 mars 1990 à [Localité 6] (Algerie)

de nationalité algérienne,

demeurant actuellement au CRA de [Localité 5]

Ayant pour conseil Maître Maeva LAURENS, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocate choisie

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique 24 juillet 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller, délégué par ordonnance du premier président, assisté de M. Achille TAMPREAU, Greffier.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée le 24 juillet 2025 à 16h55 par M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Achille TAMPREAU, greffier.

****

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu l'article L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté d'expulsion du territoire national pris par le préfet de Bouches du Rhône le 24 mars 2025, notifié le même jour ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 23 mai 2025 par le préfet des Bouches du Rhône et notifiée le 24 mai 2025 à 9H37 ;

Vu l'ordonnance rendue par le Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés du tribunal judiciaire de Marseille le 22 juillet 2025 à 13H45 ayant déclaré irrecevable la requête préfectorale en prolongation de la mesure de rétention et ayant mis fin à cette mesure ;

Vu l'appel interjeté par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille le 22 juillet 2025 à 17H57 ;

Vu l'ordonnance rendue le 23 juillet 2025 par la déléguée du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a déclaré recevable et fondée la demande formée par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille tendant à voir déclarer son appel suspensif et dit que Monsieur [O] [G] serait maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond à l'audience de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 24 juillet 2025 à 9H00 ;

A l'audience,

Monsieur [O] [G] a été entendu, il a notamment déclaré : ' je suis arrivé ici le 26 août 2001, arrivé à dix ans, j'ai fait des bêtises quand j'étais petit. En 2017 je me suis remarié, j'ai eu une dispute avec ma femme qui m'a valu huit mois de prison et j'ai été arrêté pour conduite sans permis, j'ai fait ma peine. J'ai eu un titre de séjour renouvelable, valide jusqu'en 2028 normalement. J'ai fait appel suite à la décision de la commission d'expulsion. Ma mesure d'éloignement avec ma femme m'obligeait à prendre le train et le bus pour aller au travail et ça me faisait des retards donc j'ai pas pu tenir mes obligations. Je suis allé habiter chez ma mère à [Localité 3] après les problèmes avec ma femme. Si la mesure de rétention est levée, j'embrasserai mes enfants et je serrerai ma mère dans les bras, j'irai au consulat algérien récupérer mes papiers et essayer de m'établir en Algérie. J'ai mon passeport, remis à l'administration. Je n'ai rien à ajouter'.

Monsieur l'avocat général a comparu et, entendu en ses explications, reprend les termes de l'appel ainsi que de ses conclusions complémentaires et sollicite l'infirmation de l'ordonnance attaquée ainsi que le maintien en rétention de M. [G]. Il fait notamment valoir que si les mentions de la requête du 26 juin 2025 aux fins d'annulation devant le tribunal administratif, de la procédure de référé suspension du 1er juillet devant le tribunal administratif de Marseille et de l'ordonnance notifiée le 17 juillet 2025 font effectivement défaut sur le registre de rétention l'intéressé n'en a subi aucun grief puisque ladite ordonnance lui a été notifiée le 17 juillet 2025. Il est à l'initiative de ces décisions du juge administratif. En outre la requête du préfet respecte les modalités de forme et de délais. Il ajoute que les conditions de la prolongation de la mesure de rétention sont réunies eu égard à la menace grave à l'ordre public que constitue la présence sur le territoire français de M. [G] qui ne présente par ailleurs aucune garantie de représentation.

Le représentant de la préfecture ne comparaît pas.

L'avocate du retenu, régulièrement entendue, demande la confirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention et ses observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience. Elle explique que, en ce qui concerne l'article L 743-12 du CESEDA, il ne s'agit de nullité mais d'irrecevabilité. La preuve d'un grief n'est pas nécessaire, les mentions du registre doivent permettre d'établir la capacité du retenu d'exercer ces droits. Dans sa déclaration d'appel le procureur conteste une jurisprudence constante en avançant que les mentions n'ont pas à être indiquées sur le registre.

Pour autant la décision de la Cour de cassation du 25 septembre 2024 se réfère à l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant création du registre, indiquant la nécessité des mentions. La lecture du registre doit permettre de savoir si le retenu a pu faire un recours, notamment devant le tribunal administratif concernant la décision de placement en rétention. On a les éléments de procédure. Le référé de suspension a été fait, ça devrait être mentionné sur le registre. Elle demande en outre au visa des articles 37 de la loi du 10 Juillet 1991 et 700 du code de procédure civile la condamnation du préfet à verser une indemnité de 800 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Sur la régularité de la saisine du juge des libertés et de la détention

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 7] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA depuis sa précédente présentation, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ. 1ère, 4 septembre 2024, n°23-12.550).

Le paragraphe III de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant notamment les procédures juridictionnelles suivantes mises en 'uvre au cours de la rétention:

1° Contentieux administratif type de recours, juridiction saisie date et heure de l'audience, décision, appel ;

2° Contentieux judiciaire présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;

3° Demande d'asile: date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de

français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.

En l'espèce le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, le 17 juillet 2025, rejeté la requête de M. [G] aux fins notamment de suspension de la décision préfectorale du 24 mars 2025, précisant en outre qu'une copie de son ordonnance devait être adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Or aucune mention ne figure sur le registre de rétention dans la rubrique 'tribunal administratif' au titre de cette procédure.

Dès lors, et sans que le retenu n'ait à justifier d'un grief, ledit registre, en ne mentionnant pas une décision juridictionnelle relative à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet et ce contrairement aux prescriptions susvisées, ne permet pas au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger.

Dans ces conditions l'ordonnance querellée ne pourra qu'être confirmée.

Sur la demande au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge du retenu les frais exposés pour faire valoir ses droits.

En conséquence il sera débouté de sa demande d'indemnité au titre des articles précités.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,

Confirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de Marseille en date du 22 juillet 2025.

Rejetons la demande de M. [G] au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier, Le président,

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre de l'urgence

[Adresse 4]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - Fax : [XXXXXXXX01]

Aix-en-Provence, le 23 Juillet 2025

À

- Monsieur [O] [G]

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 5]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE

- Me LAURENS Maeva

N° RG : N° RG 25/01457 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPA27

OBJET : Notification d'une ordonnance

Concernant Monsieur [O] [G]

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance, ci-jointe, rendue le 23 Juillet 2025, suite à l'appel interjeté par le procureur de la République près le Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE contre l'ordonnance rendue le 22 juillet 2025 par le Juge des libertés et de la détention du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE :

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

Le greffier,

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

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