Livv
Décisions

CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 25 juillet 2025, n° 23/04209

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/04209

25 juillet 2025

25/07/2025

ARRÊT N°25-221

N° RG 23/04209 - N° Portalis DBVI-V-B7H-P3OL

CGG/CD

Décision déférée du 22 Novembre 2023 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F22/00562)

X. [Localité 8]

Section Activités Diverses

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à Me RUEDA

Me [Localité 11]

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [Y] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sara RUEDA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''S

Maître [A] [I] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la

SAS INTERCOM

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Isilde QUENAULT, avocat au barreau de PARIS

Organisme AGS CGEA ILE DE FRANCE EST Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C.GILLOIS-GHERA, présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C.GILLOIS-GHERA, présidente

M. DARIES, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Y] [U] a été embauché par la Sas Data business consulting, devenue par la suite la Sas Networks engineering & expertise, employant plus de 10 salariés, en qualité de technicien réseau télécommunication suivant contrat de travail à durée déterminée du 22 octobre 2019 au 7 octobre 2020 régi par la convention collective nationale dite « syntec ».

Par avenant du 9 juillet 2020, le contrat de travail a été renouvelé pour une durée fixée à un an du 8 octobre 2020 au 6 octobre 2021.

A compter du 1er mai 2021, M. [U] a été embauché par la Sas Intercom technologies, employant plus de 10 salariés, en qualité de technicien en télécommunication, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale dite « syntec ».

M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 8 avril 2022 pour demander la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur produisant les effets d'un licenciement nul et solliciter le versement de diverses sommes, notamment au titre du travail dissimulé, du rappel de salaires, du préjudice lié à l'atteinte à sa dignité, de l'exécution déloyale du contrat de travail et des indemnités de déplacement.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 22 novembre 2023, a :

- débouté M. [U] de toutes ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu à l'article 700 du code de procédure civile,

- fixe les dépens à la charge de M. [U].

Après avoir été convoqué par courrier du 24 novembre 2023 à un entretien préalable au licenciement fixé au 1er décembre 2023, M. [U] a été licencié par courrier du 5 décembre 2023 pour faute grave.

Par déclaration du 5 décembre 2023, M. [Y] [U] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 28 novembre 2023, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par jugement du 7 décembre 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sas Intercom technologies.

Par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire. Me [P] a été désigné en qualité de liquidateur et a été attrait à la présente instance en cours.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 5 mars 2024, M. [Y] [U] demande à la cour de :

- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :

* débouté M. [U] de toutes ses demandes,

* fixe les dépens à la charge de M. [U],

statuant à nouveau,

- fixer le salaire de référence à la somme de 2 750 euros bruts mensuels,

sur le travail dissimulé,

- juger que la Sas Intercom technologies est l'employeur de M. [U] depuis le 6 avril 2019,

- juger que l'ancienneté de M. [U] doit être fixée au 6 avril 2019, date réelle d'embauche dans la Sas Intercom technologies,

- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes à M. [U] :

16.500euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

8.250euros brut de rappel de salaires sur la période du 6 avril 2019 au 6 juillet 2019, outre 825euros de congés payés afférents,

sur le paiement des salaires,

concernant les rappels de salaires dus au titre de la modification de contrat de travail :

- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes, à M. [U] pour l'année 2021, 3.094euros brut, pour l'année 2022, 5.304euros brut. Pour l'année 2023, 5.304euros brut,

- condamner la Sas Intercom technologies à M. [U] au paiement des congés payés afférents soit la somme de 1 370,20 euros,

concernant les rappels de salaire dus au titre des prélèvements effectués par l'employeur :

- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes à M. [U] :

pour l'année 2019, la somme de 1.729,08euros brut,

pour l'année 2020, à la somme de 3.322euros brut,

pour l'année 2021 à la somme de 15.178euros brut,

pour l'année 2022, la somme de 5304euros brut,

pour l'année 2023 la somme de 1768euros brut à parfaire.

2.000euros au titre du travail pendant le confinement,

sur l'atteinte à la dignité du salarié,

- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de la somme de 45 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à la dignité du salarié, et exécution déloyale du contrat de travail, au titre du préjudice moral subi par M. [U],

sur les déplacements,

- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes à M. [U] :

700euros au titre des paniers repas de l'année 2019,

658euros au titre des paniers repas de l'année 2020,

832euros au titre des paniers repas de l'année 2021,

9.587,78euros au titre des indemnités de déplacement,

sur la rupture du contrat de travail,

- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes au profit de M. [U] :

33.000euros au titre de la nullité du licenciement,

5.500euros brut au titre du préavis, outre 550 euros au titre des congés payés afférents,

3.670euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- fixer la créance de M. [U] au passif du redressement de la Sas Intercom technologies,

en tout état de cause,

- ordonner la délivrance des bulletins de salaires rectifiés ainsi que des documents de fin de contrats conforme sous astreinte de 300 euros par jour de retard, au profit de M. [U],

- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de 3 500 euros au profit de M. [U], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel,

- déclarer commun et opposable aux AGS la décision à intervenir,

- condamner les AGS à garantir le paiement des condamnations précitées.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 12 juin 2024, Me [A] [P], mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Intercom technologies demande à la cour de :

- déclarer les demandes de condamnation au paiement ou de remise sous astreinte irrecevables en application des dispositions des articles L 622-21 et suivants du code de commerce,

- confirmer le juger déféré,

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [U] aux dépens et au versement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement, en cas d'infirmation,

- fixer le salaire moyen de M. [U] à 2.300,68 euros,

- fixer l'ancienneté de M. [U] au sein de la Sas Intercom technologies au 1er mai 2021,

- fixer la date d'effet de la résiliation judiciaire à la date du licenciement soit le 5 décembre 2023,

- ramener le quantum à de plus justes proportions.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 25 juin 2024, l'Ags CGEA Île de France-Est demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire,

- juger irrecevables car prescrites les demandes de paniers repas concernant la période antérieure au 8 avril 2020,

- juger irrecevables car prescrites les demandes de primes de grand déplacement concernant la période antérieure au 8 avril 2020,

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes et à tout le moins les réduire,

- juger que les astreintes étant liées à l'exécution d'une décision de justice, elles ne bénéficient pas de la garantie de l'AGS,

- juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, étant précisé que le plafond applicable en l'espèce s'élève, toutes créances avancées pour le compte du salarié,

- juger que les indemnités réclamées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont exclues de la garantie, les conditions spécifiques de celle-ci n'étant pas remplies,

- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 16 mai 2025.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I/ Sur la recevabilité des demandes :

La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, soutient que, étant en liquidation judiciaire, les demandes de M. [U] tenant au paiement de certaines sommes et à la remise de documents sous astreinte à l'égard de la Sas Intercom technologies sont irrecevables au regard des dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce, toute action en paiement étant interdite ou suspendue à l'égard d'une société en procédure collective.

Sur ce,

L'article 369 du code de procédure civile dispose que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

L'article L 622-21 du code de commerce prévoit que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Il s'ensuit que l'action du salarié ne peut avoir pour objet que de fixer la créance au passif de la société en liquidation judiciaire, sans préjudice de la garantie de l'AGS.

Nonobstant le dispositif des dernières écritures de M. [U] du 5 mars 2024 qui sollicite la condamnation de la Sas Intercom technologies au paiement de sommes d'argent et à la délivrance de documents sous astreinte, il ressort des pièces de la procédure que, par acte d'huissier de justice du 18 mars 2024, M. [U] a signifié au liquidateur de la Sas Intercom technologies sa déclaration d'appel ainsi que son jeu de conclusions d'appel, de sorte que les demandes de M. [U] ont nécessairement pour objet la fixation des créances au passif de la liquidation de la Sas Intercom technologies.

Par conséquent, les demandes de M. [L] seront déclarées recevables.

II/ Sur le co-emploi :

Il est rappelé que M. [U] a été embauché par la société tunisienne Networks engineering & expertise Tunisie à compter du 1er avril 2019, puis qu'il a été détaché auprès de la Sas Data business consulting selon contrat de travail à durée déterminée signé le 23 septembre 2019 à compter du 22 octobre 2019 jusqu'au 7 octobre 2020.

Par avenant du 9 juillet 2020, signé avec la Sas Networks engineering & expertise, la Sas Data business consulting ayant changé de dénomination commerciale, le contrat de travail à durée déterminée de M. [U] a été renouvelé pour la période du 8 octobre 2020 jusqu'au 6 octobre 2021.

M. [U] a ensuite été embauché par la Sas Intercom technologies à compter du 1er mai 2021 selon contrat de travail à durée indéterminée.

M. [U] soutient qu'en réalité, préalablement à son embauche par la Sas Intercom technologies, il était en situation de co-emploi avec la Sas Data business consulting devenue la Sas Networks engineering & expertise d'une part et la Sas Intercom technologies d'autre part.

Il affirme que ses conditions de travail n'ont pas changé après son embauche par la Sas Intercom technologies et qu'il était déjà sous la subordination de cet employeur à qui il rendait des comptes et qui s'immisçait de manière permanente dans la gestion de la Sas Networks engineering & expertise.

La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, soutient en réponse que la société n'a jamais pris de décision caractérisant une immixtion anormale dans la gestion de la Sas Data business consulting devenue la Sas Networks engineering et que l'existence de liens capitalistiques entre Intercom technologies et Networks engineering, qui était une filiale de Intercom technologies, ne peut suffire à établir l'existence d'un co-emploi.

Sur ce,

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination et moyennant une rémunération ; l'existence du contrat de travail nécessite ainsi la réunion de trois conditions cumulatives : la fourniture d'un travail, le paiement d'une rémunération et l'existence d'un lien de subordination juridique caractérisé par l'exécution du travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. C'est à la personne qui entend se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail, d'en apporter la preuve.

En application de l'article L. 1221-1 du code du travail, hors l'existence d'un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de co-employeur, à l'égard du personnel employé par une autre société, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l'état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Il ressort des extraits Kbis versés et des débats que :

- la Sas Networks engineering & expertise avait pour activité l'assistance technique, les études et l'ingénierie informatiques et télécommunications, le développement et la maintenance de logiciels ainsi que l'exploitation et la gestion commerciale de réseaux informatiques et télécoms, et pour président la Sas Intercom technologies,

- la Sas Intercom technologies avait pour activité la conception, la promotion, la mise en 'uvre, l'étude et l'implantation des systèmes informatiques et de télécommunications (Ssii), l'assistance technique, les études et l'ingénierie informatiques et télécommunications, le déploiement, l'exploitation et la gestion commerciale des réseaux informatiques et télécoms, pour président la Sas Afaaq holding et pour directeur général M. [R] ;

de sorte que les sociétés exerçaient dans le même secteur d'activité et avaient le même dirigeant de droit.

Il n'est pas contesté que la Sas Networks engineering & expertise et la Sas Intercom technologies faisaient toutes deux partie du groupe Intercom group.

Pour autant, la seule appartenance à un même groupe ne caractérise pas le co-emploi.

Pour en démontrer la réalité, M. [U] verse aux débats diverses pièces dont :

- un courrier du 2 mars 2020 intitulé « Promesse d'embauche en contrat CDI en France », dans lequel M. [R], directeur général de la Sas Intercom technologies, indique à M. [U] : « Suite à notre entretien du 24 février 2020, nous avons le plaisir de vous informer que votre candidature a été retenue pour rejoindre notre entreprise afin d'y occuper le poste de Technicien supérieur en Télécommunication (') nous vous proposons donc un contrat à durée indéterminée (') Votre entrée en fonctions débuterait alors le 11 mai 2020 » (pièce 12). Toutefois, la réponse du salarié à cette promesse d'embauche n'est pas produite, de sorte que le contrat ne peut être considéré comme conclu à cette date ;

- une demande d'autorisation de travail à la préfecture pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger signée par M. [H] le 13 mars 2020, la Sas Intercom technologies étant désignée comme l'employeur et M. [U] comme le salarié (pièce 9). La Sas Intercom technologies ne s'explique pas sur les raisons qui l'ont conduite à solliciter une autorisation de travail pour un salarié alors en relation contractuelle avec l'une de ses filiales ;

- une confirmation de la validation de l'enregistrement du visa long séjour valant titre de séjour de M. [U], celui-ci indiquant comme adresse en France : « Chez [Adresse 10] », ce qui est corroboré par l'attestation d'hébergement du 9 juillet 2020 jointe portant le cachet de la Sas Intercom technologies, M. [R] certifiant héberger M. [U] à son appartement situé au [Adresse 5] (pièce 19). Or, il ressort du constat d'état des lieux produit par la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, que cet appartement ne consiste pas en un logement personnel de M. [R], mais en un local de la société dans lequel certains de ses salariés logeaient (pièce employeur 10) ;

- un courrier du 6 novembre 2020 adressé au préfet, dans lequel M. [H] affirme : « notre société INTERCOM TECHNOLOGIES a obtenu une autorisation de travail en faveur de Monsieur [X] [U] (') au vu des différents projets que nous avons en cours, nous avons décidé d'affecter Monsieur [U] sur notre Bureau de [Localité 9]. En effet, créé en 2005, le groupe INTERCOM TECHNOLOGIES (') dispose de plusieurs bureaux en France (') INTERCOM TECHNOLOGIES France participe à un grand projet d'envergure avec son partenaire CIRCET (') M. [X] [U] correspond parfaitement à nos besoins et au c'ur de notre métier (') Ayant un large spectre de compétences dans le domaine du genie electrique et de la fibre optique, il a été recruté sous contrat CDI par NETWORKS ENGINEERING & EXPERTISE Tunisie le 1 avril 2019 et en position de détachement intragroupe sous statut de « salarié en mission ' passeport talent (') Monsieur [X] [U] a suivi chez INTERCOM Technologies le processus de recrutement dont les conclusions ont abouti à la validation de ses compétences professionnelles pour nos métiers et les projets de nos Clients (') » (pièce 13). Il s'en déduit que, antérieurement à son recrutement par la Sas Intercom technologies le 1er mai 2021, le dirigeant de cette société affirme avoir recruté M. [U] et décidé de son affectation ;

- plusieurs justificatifs de déplacements professionnels de M. [U] des 30 octobre 2020, 18 janvier, 1er mars et 2 avril 2021 à l'occasion de la crise sanitaire liée au virus de la covid-19. Les documents, signés par M. [R], comportent le cachet de la Sas Intercom technologies et désignent cette société comme l'employeur de M. [U] (pièce 21). Il s'agit d'un indice tendant à la caractérisation de l'usage du pouvoir de direction par la Sas Intercom technologies à l'égard de M. [U] ;

- un courrier du 24 novembre 2021, intitulé « Dossier renouvellement titre de séjour de Monsieur [X] [U] » dans lequel M. [R] affirme que la Sas Intercom technologies a obtenu une autorisation de travail en faveur du salarié le 31 juillet 2020. Il précise que « son contrat de travail NETWORKS de détachement pour 12 mois en qualité de salarié en mission ' passeport talent a été prolongé pour maintenir l'activité de notre employé (voir avenant contrat Networks). Monsieur [U] ayant obtenu son titre de séjour en qualité de « salarié » en Avril 2021, la déclaration DPAE a donc été faite pour notre employé à compter du 29/04/2021 par la société intercom Technologies ('). Nous tenons à préciser que la société Networks est une filiale de la société Intercom technologies » (pièce 14). Le dirigeant de la Sas Intercom technologie désigne ainsi M. [U] comme l'un de ses salariés et affirme avoir obtenu une autorisation de travail en sa faveur à compter du 31 juillet 2020, soit presqu'un an avant la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée ;

- des attestations du 8 mars 2023 de M. [C], technicien, expliquant que « Intercom technologies travaille pour les clients scopelec, projet Rip 82 Rip 31 mais on était des équipes d'intercom technologies intercom infra et networks qui travaillaient pour intercom technologies avec ces voitures et ces matériels » (pièce 17) et M. [D], technicien de fibre optique de mars 2020 à mars 2021,indiquant que sur cette période, la Sas Intercom technologies travaillait pour scopelec, Projet RIP 82 et RIP 31. Il ajoute : « J'étais parfois en binôme avec Mr [U] et parfois en équipe de intercom technologie et Infra » (pièce 18). Il s'en infère que les sociétés Networks engineering & expertise et Intercom technologies partageaient les mêmes clients ainsi que le même matériel. Si de tels éléments ne peuvent, à eux-seuls, caractériser une situation de co-emploi, ils constituent néanmoins des indices ;

- une attestation du 20 mars 2023 de M. [M], salarié également en contentieux avec la Sas Intercom technologies (pièce 26), laquelle sera écartée par la cour, le témoignage n'étant pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et ne comportant pas de pièce d'identité permettant d'identifier son auteur ;

- une grande quantité de mails entre 2019 à 2020 (pièce 16) dont il ressort que :

. M. [U] utilisait une adresse mail dénommée « intercom-technologies.fr », au même titre que le personnel de cette société ;

. M. [U] a échangé avec diverses personnes mentionnées sur l'organigramme de la Sas Intercom technologies au titre de la fonction support (pièce 6) : M. [F] [R], directeur général de la fonction support, Mme [B], de la gestion de paie (mail du 9 juillet 2020) et Mme [S], de la comptabilité des fournisseurs (mails des 3 juillet et 16 novembre 2020) ;

- Il a également échangé avec des membres de la Sas Intercom technologies : M. [G], responsable de l'agence de [Localité 12] à propos de son titre de séjour, du paiement de son salaire, ainsi que de réservations à l'occasion de voyages professionnels (mails du 21 octobre 2019, des 31 mars, 8 octobre et 16 novembre 2020) et MM. [E] [R], directeur des achats ainsi que [F] [R], directeur des opérations, à propos de sa fiche de paie ;

- Il a reçu des directives, à plusieurs reprises, de la part de M. [V], chargé d'affaires de l'agence de [Localité 12] (mails du 16 mai 2019 et des 12 juin, 10 et 13 novembre, 7 et 9 décembre 2020).

L'examen conjugué de ces éléments, révèle tout à la fois l'existence d'un lien de subordination avec la Sas Intercom technologies et d'une immixtion permanente de cette dernière dans la gestion économique et sociale de la Sas Networks engineering & expertise, conduisant à sa perte totale d'autonomie d'action, dont la cour d'appel constate la première manifestation à compter du 13 mars 2020, date à laquelle la société mère a demandé l'autorisation de travail de M. [U] à la préfecture.

En effet, les diverses interventions de la Sas Intercom technologies caractérisent à l'égard de M. [U] la fourniture d'un travail, le versement d'un salaire, la fourniture du matériel professionnel, ainsi que l'exercice d'un pouvoir de direction.

En outre, les actions de la Sas Intercom technologies à l'égard de la Sas Networks engineering & expertise ne sauraient être justifiées dans leur ensemble par la simple fourniture de prestations support de nature administrative à l'égard d'autres sociétés du groupe, dès lors que les éléments versés aux débats établissent bien qu'elle s'est substituée, à plusieurs reprises et dans la durée, à la Sas Networks engineering & expertise dans la gestion économique et sociale, de manière à emporter la conviction de la cour quant à l'absence de réelle autonomie d'action de cette société, qui n'avait que l'apparence d'un employeur à l'égard des salariés qu'elle recrutait.

Par suite, en l'absence d'élément permettant de caractériser l'immixtion sur la période antérieure, le co-emploi sera retenu à l'égard de la Sas Intercom technologies à compter du 13 mars 2020, par infirmation du jugement déféré.

II/ Sur la modification unilatérale du salaire

M. [U] sollicite un rappel de salaire de de 3.094 € pour la période de mai 2021 à décembre 2021, de 5.304 € au titre de l'année 2022 et de 5.304 € au titre de l'année 2023. Il soutient que son employeur a unilatéralement modifié le montant de sa rémunération, passant de 2.750 euros antérieurement au 1er mai 2021 à 2.308 € pour la période postérieure.

La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, conclut au débouté, prétextant que le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec M. [U] prévoit une rémunération d'un montant de 2.308 euros à compter du 1er mai 2021.

Sur ce,

Il ressort des pièces produites aux débats que :

- le contrat de travail à durée déterminée du 23 septembre 2019 de M. [U] conclu avec la Sas Data Business consulting, devenue par la suite la Sas Networks engineering & expertise prévoit une rémunération mensuelle d'un montant 2.750 euros (pièce salarié 3) ;

- les bulletins de salaire de M. [U] pour la période antérieure au 1er mai 2021 indiquent un salaire mensuel brut de 2749,93 euros et un salaire de 2.308,42 euros pour la période suivante (pièce salarié 2) ;

- le contrat de travail à durée indéterminée du 30 avril 2021 conclu entre la Sas Intercom technologies et M. [U] prévoit un salaire mensuel de 2.308 euros.

Ce dernier contrat n'est pas signé par le salarié tel qu'il est produit à la fois par le salarié en pièce 1 et par l'employeur en pièce 6.

Toutefois, la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, produit en pièce 17 une version du contrat de travail comportant la signature du salarié, similaire à celle apposée au contrat de travail à durée déterminée du 23 septembre 2019.

Pour autant, l'intimé ne s'explique pas sur le fait de verser aux débats la même pièce à deux reprises mais dont l'une comprend la signature du salarié alors qu'elle est absente de l'autre.

La cour l'examinera donc avec circonspection.

En tout état de cause, il s'en déduit que le salaire de M. [U] a bien été modifié à compter du 1er mai 2021, passant de 2.750 euros mensuels à 2.308 euros.

La cour a précédemment reconnu l'existence d'un co-emploi à compter du 13 mars 2020, de sorte que la Sas Intercom technologies était déjà l'employeur de M. [U] au 1er mai 2021.

Il s'ensuit qu'il ne pouvait procéder, unilatéralement, à la modification de son salaire sans avoir préalablement recueilli le consentement du salarié.

Au regard des éléments versés aux débats, la cour considère qu'il n'est pas établi que le salarié a valablement consenti à la modification de son salaire lors de la conclusion du contrat de travail avec la Sas Intercom technologies, un doute subsistant sur l'authenticité de la pièce 17 produite par l'employeur, de sorte que la modification unilatéralement opérée n'est pas valable.

La cour retient donc comme salaire de référence la valeur de 2.750 euros mensuels.

Il sera donc fait droit à la demande de l'appelant quant aux rappels de salaire au titre de la modification unilatérale de son contrat de travail, à savoir 3.094 € pour la période de mai 2021 à décembre 2021, de 5.304 € au titre de l'année 2022 et de 5.304 € au titre de l'année 2023, par infirmation du jugement déféré.

III/ Sur les autres rappels de salaire

M. [U] soutient que son employeur opérait, de manière injustifiée, des retenues sur son salaire et sollicite à ce titre des rappels à hauteur de 1.729,08 euros au titre de l'année 2019, de 3.322 euros au titre de l'année 2020 et de 15.178 euros au titre de l'année 2021 ainsi que la délivrance sous astreinte de bulletins de salaires rectifiés sur les années 2020 et 2021.

La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, conclut au débouté.

Sur ce,

Il ressort des bulletins de salaire de M. [U] qu'une retenue sur salaire a bien été réalisée au titre d'une « absence non rémunérée » en mai 2021, d'un montant de 319,62 euros, sans que l'intimé ne s'en justifie.

Du reste, la cour constate que le salarié ne justifie pas de l'existence d'autres retenues injustifiées.

Il sera donc alloué à M. [U] la somme de 319,62 euros au titre du rappel de salaire du mois de mai 2021 et la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, sera condamnée à lui remettre un bulletin de salaire rectifié en conséquence, sans qu'il ne soit lieu à astreinte, par infirmation de la décision attaquée.

***

M. [U] demande également le paiement de la somme de 3.000 euros au titre du préjudice résultant des erreurs de calcul dans le cadre de la conversion brut / net dans certains bulletins de salaires.

Toutefois, force est de constater que le salarié ne produit aucun élément au soutien de sa prétention et ne s'explique pas quant aux erreurs qu'il impute à son employeur.

Il sera donc débouté de sa demande à ce titre par confirmation de la décision attaquée.

***

L'appelant sollicite enfin le paiement de la somme de 2.000 euros au titre du travail fourni pendant la période du confinement, affirmant avoir travaillé à temps plein en mars 2020 et non à hauteur de 77 heures.

Au soutien de ses allégations, il verse aux débats :

- les justificatifs de déplacement professionnel signés par M. [R] pour le compte de la Sas Intercom technologies du 30 octobre 2020 pour une validité de 2 mois, du 18 janvier 2021 au 28 février 2021, du 1er mars au 30 avril 2021 et du 2 avril au 31 mai 2021 (pièce 21). Toutefois, ces justificatifs ne sont pas relatifs à la période visée par la demande de M. [U] ;

- les attestations employeur de la société Circet du 17 mars 2020 indiquant que « le personnel salarié(e) du prestataire INTERCOM TECHNOLOGIES présentant une attestation de déplacement dérogatoire, la présente attestation et son badge professionnel : est dans l'incapacité de travailler à distance ; dans le cadre de son déplacement doit pouvoir rejoindre du domicile son lieu d'exercice de l'activité professionnelle ; et l'exercice de sa mission est indispensable au maintien suffisant des activités : gestion et maintenance d'infrastructures du réseau de l'opérateur Télécom SFR ; interventions techniques chez les clients particuliers et entreprises de l'opérateur télécom SFR » (pièce 21). Toutefois, cette seule attestation n'établit pas que M. [U] était concerné par une telle intervention, ni le cas échéant le nombre d'heures qu'il aurait travaillées en mars 2020.

Force est de constater que le salarié ne s'explique pas quant au montant du rappel de salaire sollicité. Il sera donc débouté de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement déféré.

IV/ Sur le travail dissimulé

Le salarié formule une demande indemnitaire pour travail dissimulé.

Il en fait une conséquence nécessaire de la reconnaissance d'un co-emploi qu'il date au 6 avril 2019 alors qu'il était embauché par la société tunisienne Networks engineering & expertise Tunisie et soutient ne pas avoir perçu de salaire pendant 3 mois, du 6 avril au 6 juillet 2019.

Il prétend au versement d'une indemnité de 6 mois de salaire, soit 16.500 euros, ainsi que le paiement des salaires afférents, soit 8.250 euros, outre 825 euros au titre des congés payés afférents.

La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, conclut au débouté.

Sur ce,

L'article L 8221-5 du code du travail prévoit qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par les textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, la cour rappelle qu'elle a reconnu dans les développements précédents l'existence d'un co-emploi à compter du 13 mars 2020, de sorte qu'il convient de débouter le salarié de sa demande de paiement des salaires relatifs à la période du 6 avril au 6 juillet 2019.

Des conditions qui ont conduit à retenir l'existence du co-emploi, il se déduit que la soustraction aux obligations découlant de l'article L 8221-5 du code du travail par la Sas Intercom technologies ne saurait être le résultat d'une simple omission involontaire et ne peut que constituer une dissimulation intentionnelle.

Il y a donc lieu à versement de l'indemnité de l'article L 8223-1 du code du travail.

Le jugement sera infirmé de ce chef et la somme de 16.500 euros fixée au passif de la procédure de la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur.

V/ Sur l'atteinte à la dignité

M. [U] sollicite le versement de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral découlant d'une atteinte à sa dignité.

Il explique avoir été hébergé par la Sas Intercom technologies d'octobre 2019 à septembre 2020 dans un logement insalubre et ajoute que l'employeur a abusé de sa situation administrative précaire afin d'obtenir par le biais d'un chantage une diminution de son salaire au 1er mai 2021.

La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, conteste toute atteinte à la dignité de M. [U].

Pour étayer ses allégations quant à l'insalubrité du logement, M. [U] verse aux débats des photocopies de photographies (pièce 23).

Toutefois, de telles images, pour certaines floues, ne sont pas datées ni ne comportent des données de localisation, de sorte qu'il est impossible de démontrer qu'elles ont été prises dans le logement qui aurait été mis à la disposition du salarié.

De tels éléments sont donc insuffisamment circonstanciés pour établir les faits allégués.

Par ailleurs, les états des lieux relatifs aux logements mis à la disposition par la Sas Intercom technologies (pièces employeur 8 et 9) ne corroborent pas l'état d'insalubrité avancé par le salarié.

Pour le surplus, le salarié ne produit aucun élément quant à l'abus de précarité dont il se prévaut.

Si la cour a précédemment reconnu la diminution du salaire de M. [U] au 1er mai 2021, il n'est pas démontré que l'employeur aurait abusé de sa situation administrative précaire en procédant à un chantage pour ce faire.

Par voie de conséquence, il convient de rejeter la demande M. [U] au titre des dommages et intérêts sollicités en réparation de son préjudice moral, par confirmation du jugement déféré.

VI/ Sur la détermination de la convention collective applicable

Il est rappelé que, aussi bien le contrat de travail à durée déterminée conclu avec la Sas Data Business consulting devenue la Sas Networks engineering & expertise du 23 septembre 2019, qui recrute le salarié en qualité de technicien supérieur en télécommunications, que le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la Sas Intercom technologies du 30 avril 2021, qui emploie M. [U] en qualité de technicien en télécommunication, soumettent la relation de travail à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils dite « syntec ».

Pour soutenir qu'en réalité, la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment s'applique à la relation de travail, M. [U] expose que la Sas Intercom technologies réalise principalement des travaux publics.

Il demande le versement de diverses sommes consécutivement à l'application de cette convention collective.

Ainsi, il sollicite le paiementt au titre des paniers repas des sommes suivantes :

- 700 euros sur l'année 2019,

- 658 euros sur l'année 2020,

- 832 euros sur l'année 2021.

Il demande également le paiement de primes de trajet pour un total de 9.587,78 euros.

Sur ce,

Par application des dispositions de l'article L.2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.

M. [U] produit une carte de BTP à son nom (pièce 15) comportant une date, le 9 décembre 2020, dont il n'est pas précisé à quoi elle correspond, de sorte qu'elle n'est pas de nature à entraîner la conviction de la cour.

L'intimé verse aux débats un extrait Kbis mentionnant comme activité « la conception, la promotion, la mise en 'uvre, l'étude et l'implantation des systèmes informatiques et de télécommunications (Ssii), l'assistance technique, les études et l'ingénierie informatiques et télécommunications, le déploiement, l'exploitation et la gestion commerciale des réseaux informatiques et télécoms » (pièce 14).

Par comparaison avec le champ d'application des conventions collectives nationales des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment tel que précisé sans son article 1.1, et de celui de la convention collective dite « Syntec » indiqué en son article 1, la cour en déduit, aussi bien au regard de l'activité exercée par la Sas Intercom technologies que des fonctions du salarié, que la convention collective nationale dite « Syntec » était applicable à la relation de travail entre les parties.

Par confirmation du jugement déféré, M. [U] sera débouté de sa demande de voir appliquer la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment et partant, des rappels de salaire.

VII/ Sur la rupture du contrat de travail

Sur la demande de résiliation judiciaire

En vertu des dispositions de l'article 1224 du code civil, l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique peut en demander la résiliation judiciaire en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante.

Lorsque, comme en l'espèce, un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande de résiliation du contrat du travail est justifiée par des manquements de l'employeur d'une gravité suffisante.

Au cas présent, M. [U] sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur emportant les effets d'un licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, M. [U] invoque :

- la modification de sa rémunération sans son accord préalable,

- la minorisation des heures travaillées,

- un salaire de 200 euros pour un travail de trois mois,

- un chantage sur sa situation administrative,

- l'absence de visite médicale,

- des trajets importants portant ses heures de travail au-dessus du seuil légal,

- une exécution de sa prestation de travail dans des conditions indignes.

La cour a précédemment jugé que le chantage à la situation administrative et l'exécution du travail dans des conditions indignes ne sont pas caractérisés.

S'agissant du salaire perçu pour une durée de travail de trois mois, le salarié fait référence à une période antérieure à celle reconnue de co-emploi, de sorte qu'un tel grief ne peut être imputé à la Sas Intercom technologies.

Sur la réalisation de déplacements professionnels, M. [U] n'apporte pas d'éléments pour établir qu'il était amené à en réaliser de manière anormale au regard de ses fonctions, de sorte que la cour considère que ce manquement n'est pas davantage caractérisé.

Quant à la réalisation d'une visite médicale, il est produit aux débats un avis de visite médicale du 21 juin 2022 (pièce employeur 22) de sorte que la matérialité de ce grief n'est pas démontrée.

La cour considère toutefois que les manquements de l'employeur qui :

- d'une part, a modifié unilatéralement la rémunération de M. [U] sans son accord préalable,

- d'autre part, a minoré un certain nombre d'heures travaillées correspondant à 319,62 euros au titre du salaire du mois de mai 2021,

sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il y a donc lieu d'en prononcer la résiliation judiciaire, laquelle emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, par infirmation de la décision déférée.

Sur les demandes indemnitaires

La cour a précédemment fixé le salaire de référence à hauteur de 2.750 euros mensuels.

* sur l'indemnité légale de licenciement

M. [U] sollicite le versement d'une indemnité légale de licenciement de 3.670 euros.

Sur ce,

En vertu des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, le salarié est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement laquelle ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année de service, en tenant compte des mois accomplis au-delà des années pleines.

Il convient d'allouer à M. [U] la somme demande de 3.670 euros, dont le montant n'est pas discuté, à titre d'indemnité légale de licenciement.

Le jugement sera réformé en ce sens.

* sur l'indemnité de préavis

M. [U] demande également le paiement d'une somme de 5.500 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 550 euros de congés payés afférents.

Sur ce,

En vertu de l'article L 1234-1 3° du code du travail si le salarié justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, il a droit à un préavis de deux mois.

M. [U] est donc en droit de solliciter la somme de 5.500 euros, dont le montant n'est pas discuté, outre 550 euros au titre des congés payés afférents, par infirmation de la décision attaquée.

* sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [U] demande enfin l'allocation d'une somme de 13.750 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à 5 mois de salaire.

L'employeur conclut au débouté et subsidiairement à la minoration de l'indemnité.

Sur ce,

Licencié alors qu'il bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans et 8 mois dans une entreprise employant plus de 11 salariés, M. [U] peut prétendre au paiement d'une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire par application conjuguée des dispositions des articles L 1235-3, L 1235-3-1 et L 1235-3-2 du code du travail.

Sur la base d'un salaire brut mensuel de 2.750 euros, alors que M. [U] était âgé de 37 ans au moment de la rupture et qu'il ne justifie pas de l'évolution de sa situation personnelle et financière depuis son départ de l'entreprise, la cour considère que doit lui être allouée une indemnité de 10.000 euros, soit plus de 3 mois de salaire.

En définitive, il sera inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Intercom technologies les sommes suivantes :

- 3.670 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5.500 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 550 euros au titre des congés payés afférents,

- 10.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par infirmation de la décision entreprise.

VIII/ Sur les demandes annexes

En l'état de la décision rendue, il convient d'inviter l'employeur à remettre à M. [U] des documents de fin de contrat rectifiés, et en tant que de besoin à l'y condamner, sans qu'il n'y ait lieu à astreinte.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA Île-de-France-Est qui garantira le paiement des créances de M. [U], dans les limites et suivant les plafonds fixés par la loi et le règlement.

La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation de la décision déférée, ainsi qu'aux dépens d'appel.

L'équité commande par ailleurs de le condamner à payer à M. [U] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Prend acte de l'intervention de l'AGS,

Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Toulouse en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le rejet des demandes :

- de rappel de salaire au titre du préjudice résultant des erreurs de calcul dans le cadre de la conversion brut / net dans certains bulletins de salaires,

- de rappel de salaire au titre du travail fourni pendant la période du confinement,

- des dommages et intérêts pour préjudice moral découlant de l'atteinte à la dignité,

- de rappel de salaire au titre des paniers repas et des primes de trajets consécutifs à l'application de la convention collective du bâtiment,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes formulées par M. [X] [U],

Dit qu'il y a co-emploi de M. [X] [U] par la Sas Intercom technologies à compter du 13 mars 2020,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [X] [U] aux torts exclusifs de la Sas Intercom technologies,

Dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur les sommes suivantes, au profit de M. [X] [U] :

- 3.094 € pour la période de mai 2021 à décembre 2021, de 5.304 € au titre de l'année 2022 et de 5.304 € au titre de l'année 2023, au titre du rappel de salaire en raison de la modification unilatérale du salaire par l'employeur,

- 319,62 euros au titre du rappel de salaire du mois de mai 2021,

- 16.500 euros au titre du travail dissimulé,

- 3.670 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5.500 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 550 euros au titre des congés payés afférents,

- 10.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [X] [U] du surplus de ses demandes,

Invite la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, à remettre à M. [X] [U] un bulletin de salaire du mois de mai 2021 ainsi que des documents de fin de contrat rectifiés, et en tant que de besoin à l'y condamne,

Déclare que le présent arrêt sera opposable à l'AGS CGEA Île-de-France-Est qui garantira le paiement des créances de M. [X] [U], dans les limites et suivant les plafonds fixés par la loi et le règlement,

Condamne la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, à payer à M. [X] [U] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [P], ès qualités de liquidateur, de sa propre demande sur ce même fondement.

Le présent arrêt a été signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C.GILLOIS-GHERA

.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site