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Décisions

CA Metz, 6e ch., 29 juillet 2025, n° 24/01152

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 24/01152

29 juillet 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 24/01152 - N° Portalis DBVS-V-B7I-GF44

Minute n° 25/00115

S.A.R.L. DELICE

C/

S.C.I. BENJIE

Ordonnance Référé, origine Président du TJ de [Localité 7], décision attaquée en date du 14 Mai 2024, enregistrée sous le n° 24/00116

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 29 JUILLET 2025

APPELANTE :

S.A.R.L. DELICE, représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.C.I. BENJIE, représentée par son représentant légal.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Juin 2025 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 29 Juillet 2025, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon bail commercial du 21 mars 2022, la SCI Benjie a donné à bail à la SARL Délice un local commercial sis [Adresse 6] à 57000 Metz moyennant un loyer annuel de 18 000 euros.

Par acte de commissaire de justice du 1er décembre 2023, la SCI Benjie a fait délivrer à la SARL Délice un commandement de payer visant la clause résolutoire et portant sur la somme de 6 000 euros au titre de loyers impayés.

Par acte de commissaire de justice signifié le 11 mars 2024, la SCI Benjie a assigné la SARL Délice devant le juge des référés sur le fondement des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce et 1103 du code civil pour voir :

Déclarer la demande de la SCI Benjie recevable et bien fondée, et en conséquence,

Constater, par le jeu de la clause résolutoire, le bail consenti par la SCI Benjie à la SARL Délice résilié de plein droit depuis le 1er janvier 2024

Constater que la SARL Délice occupe sans droit ni titre les locaux commerciaux sis [Adresse 6] à [Localité 3] depuis cette date,

En conséquence,

Ordonner l'expulsion immédiate de leur personne, de tous occupants de leur chef ainsi que de leurs biens et de remettre les clés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir,

Autoriser la SCI Benjie, propriétaire, à l'expulser des lieux en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet assisté, le cas échéant, d'un technicien,

Séquestrer les effets mobiliers qui en sont susceptibles pour sûreté des loyers échus et charges locatives,

Condamner la SARL Délice à payer à la SCI Benjie par provision :

500 euros au titre des loyers et charges dus à la date du commandement de payer, avec intérêt au taux légal,

4 960 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dus pour la période du 1er janvier 2024 au 31 mars 2024, avec intérêts au taux légal,

1 500 euros par mois, indexés sur l'indice des loyers, jusqu'à l'expulsion, à titre d'indemnité d'occupation,

Condamner la SARL Délice à payer à la SCI Benjie la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SARL Délice aux entiers dépens, qui comprendront le coût du commandement de payer,

Ordonner que l'exécution de l'ordonnance de référé à intervenir aura lieu au seul vu de la minute.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 14 mai 2024, le président du tribunal judiciaire de Metz a :

Constaté la résiliation du bail conclu entre la SCI Benjie et la SARL Délice le 21 mars 2022 et ce à compter du 02 janvier 2024 ;

Ordonné à la SARL Délice et tous autres occupants de son chef de libérer les lieux sis [Adresse 6] à [Localité 3] et ce passé un mois suivant la signification de la présente ordonnance, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

Autorisé la SCI Benjie, propriétaire, à l'expulser des lieux en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet assisté, le cas échéant, d'un technicien ;

Autorisé la SCI Benjie à séquestrer les effets mobiliers qui en sont susceptibles pour sûreté des loyers échus et charges locatives ;

Condamné la SARL Délice à payer à la SCI Benjie, à titre provisionnel, la somme de deux mille euros au titre des loyers et charges impayées, incluant le loyer de janvier 2024, à la date de résiliation du bail, et ce avec intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

Condamné la SARL Délice, à titre provisionnel, au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de mille cinq cents euros et ce, à compter du 02 janvier 2024 jusqu'à la libération effective des locaux, tout mois commencé étant dû en intégralité ;

Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

Condamné la SARL Délice à payer à la SCI Benjie la somme de mille deux cents euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SARL Délice aux dépens, y compris le coût du commandement de payer signifié le 1er décembre 2023 ;

Rappelé que cette ordonnance de référé était immédiatement exécutoire.

La SARL Délice n'a pas comparu en première instance.

Par déclaration du 25 juin 2024 enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz, la SARL Délice a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, de cette ordonnance et visé l'ensemble de ses dispositions, sauf celle rejetant toute demande plus ample ou contraire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 novembre 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 22 aout 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Délice demande à la cour d'appel de :

« Recevoir la SARL Délice en son appel et le dire bien fondé.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a notamment :

constaté la résiliation du bail conclu le 21 mars 2022 entre la SCI Benjie et la SARL Délice, à compter du 2 janvier 2024,

ordonné à la SARL Délice et tous occupants de son chef de libérer les lieux situés [Adresse 5] à [Localité 7], et ce, dans un mois suivant la signification de la présente ordonnance, en disant qu'à défaut il sera procédé à leur expulsion avec au besoin le concours de la force publique et qu'il sera, le cas échéant, fait constater et estimer les réparations locatives par un dossier de justice qui sera commis à cet effet,

autorisé la SCI Benjie à séquestrer les effets mobiliers qui en sont susceptibles pour sûreté des loyers échus et charges locatives,

condamné la SARL Délice à payer à la SCI Benjie, à titre provisionnel :

la somme de 2 000 euros au titre des loyers et charges impayés, incluant le loyer de janvier 2024 à la date de résiliation du bail, et ce, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

une indemnité d'occupation mensuelle de 1 500 euros, et ce, à compter du 2 janvier 2024 jusqu'à la libération effective des locaux, tout mois commencé étant dû en intégralité,

condamné la SARL Délice à payer à la SCI Benjie la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens, comprenant notamment le coût du commandement de payer signifié le 1er décembre 2023.

Et, statuant à nouveau,

Annuler l'assignation introductive d'instance et l'ensemble de la procédure subséquente ;

Subsidiairement,

rejeter l'ensemble des demandes de la SCI Benjie.

Plus subsidiairement encore,

juger que la SARL Délice est bien fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution

Partant, débouter la SCI Benjie de l'ensemble de ses demandes

Condamner la SCI Benjie en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

Au soutien de ses prétentions, la SARL Délice affirme qu'il n'est pas justifié qu'elle ait été régulièrement assignée devant le tribunal judiciaire et en déduit que l'assignation introductive d'instance et la procédure subséquente doivent donc être annulés.

Concluant subsidiairement sur le fond, la SARL Délice soutient que la SCI Benjie s'est abstenue de communiquer les pièces sur lesquelles elle fonde ses prétentions et qu'elle doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Plus subsidiairement, la SARL Délice se prévaut de l'exception d'inexécution, évoquant que le preneur peut s'en prévaloir en cas de manquement du bailleur à l'une de ses obligations essentielles, à savoir procéder aux réparations et garantir la jouissance d'un local conforme à la destination contractuelle de ce dernier et reproche ainsi à la SCI Benjie de ne pas avoir réalisé les travaux nécessaires à l'exploitation du fond et donc un manquement rendant impossible la jouissance des locaux loués. La SARL Délice explique que c'est pour cette raison qu'elle a cessé le paiement des loyers.

Par conclusions du 11 septembre 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Benjie demande à la cour d'appel de :

« Dire l'appel de la SARL Délice mal fondé ;

En conséquence :

La débouter de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamner la SARL Délice à verser à la SCI Benjie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux entiers frais et dépens de l'instance. »

Au soutien de ses prétentions, la SCI Benjie rappelle dans un premier temps que la cour n'est saisie que dans la limite des moyens exposés devant elle.

Concernant la validité de l'assignation, la SCI Benjie précise la produire aux débats.

Sur l'absence de production de pièces, la SCI Benjie expose produire le bordereau de pièces daté du 16 aout 2024.

S'agissant du manquement reproché, la SCI Benjie affirme qu'aucune pièce n'est produite par la SARL Délice pour le démontrer et qu'il s'agit d'une allégation mensongère.

La SCI Benjie suggère enfin que l'appel est manifestement dilatoire, d'autant qu'il résulte de l'assignation que la SCI Benjie (sic) n'occupe plus les lieux.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est observé que la SARL Délice sollicite de voir déclarer son appel recevable et que ni demande ni moyen ne s'y oppose. L'appel sera donc déclaré recevable.

I- Sur la demande de nullité

L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, si la SARL Délice expose qu'il n'est pas justifié qu'elle ait été régulièrement assignée devant le tribunal, cette seule allégation, faute de préciser quelles seraient les causes d'irrégularité visées, est insuffisante à démontrer le bien fondé de la demande.

La demande est donc rejetée.

II- Sur l'acquisition de la clause résolutoire

A titre liminaire, l'article 954 alinéas 3 et 6 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

En vertu de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'article L.145-41 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai ».

La clause résolutoire ne peut jouer que si elle est invoquée de bonne foi par le bailleur.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par la SCI Benjie que le bail comporte bien une clause résolutoire précisant la résiliation de plain droit du bail en cas de défaut de paiement à échéance, que le commandement de payer en fait bien mention et indique le délai d'un mois laissé au locataire pour régler l'arriéré de loyer.

Il est précisé que la SARL Délice ne conteste ni l'existence ni la régularité de ces actes ou de ce qu'ils constatent, mais évoque une prétendue non communication des pièces par la SCI Benjie, alors pourtant que les pièces précitées figurent sur le bordereau de pièces joint à l'assignation. Ce moyen est donc sans emport.

Ensuite, la SARL Délice se défend en invoquant l'exception d'inexécution.

En application de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation.

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, si la SARL Délice allègue avoir suspendue le paiement de son obligation de paiement en raison de l'inexécution contractuelle de son bailleur, elle n'apporte pas la preuve, qui pourtant lui incombe, de l'existence d'une quelconque faute de la SCI Benjie.

Dès lors, le moyen est rejeté. La demande d'infirmation est donc mal fondée. L'ordonnance sera confirmée.

II- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La cour confirme l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Metz le 15 mai 2024 en ce qu'il a condamné la SARL Délice aux dépens ainsi qu'à payer à la SCI Benjie la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, la SARL Délice succombant à hauteur de cour, l'équité commande de la condamner aux dépens ainsi qu'à payer à la SCI Benjie la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'appel de la SARL Délice ;

Confirme l'ordonnance rendue le 15 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Délice aux dépens d'appel ;

Déboute la SARL Délice de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Délice à payer à la SCI Benjie la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente de chambre

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