CA Cayenne, ch. civ., 28 juillet 2025, n° 23/00416
CAYENNE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE CAYENNE
[Adresse 5]
Chambre Civile
ARRÊT N° 120
N° RG 23/00416 -
N° Portalis 4ZAM-V-B7H-BHI7
[C] [T] [B]
[U] [L]
C/
[I] [V]
ASSOCIATION POUR L'INSERTION, LE DÉVELOPPEMENT ET L'EDUCATION - AIDE représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
ARRÊT DU 28 JUILLET 2025
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 12], décision attaquée en date du 21 Août 2023, enregistrée sous le n° 22/00132
APPELANTS :
Monsieur [C] [T] [B]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Monsieur [U] [L]
[Adresse 4]
[Localité 9]
représentés par Me Boris CHONG SIT de la SELAS CHONG SIT & DOUTRELONG, avocat au barreau de GUYANE
INTIMES :
Monsieur [I] [V]
[Adresse 6],
[Localité 11]
ASSOCIATION POUR L'INSERTION, LE DÉVELOPPEMENT ET L'EDUCATION - AIDE représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentés par Me Julie PAGE, avocat au barreau de GUYANE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 décembre 2024 en audience publique et mise en délibéré au 24 février 2025 prorogé au 28 juillet 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Aurore BLUM,
Mme Patricia GOILLOT, Conseillère, rédacteur
M. Laurent SOCHAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER :
Mme Hélène PETRO, Greffier, présente lors des débats et du prononcé
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Pour l'exploitation d'une radiodiffusion appelée 'Mosaïque', l'Association pour l'Insertion le Développement et l'Education, ci-après dénommée AIDE, association régie par la loi du 1er juillet 1901, a loué selon contrat de location signé le 1er octobre 2013 un local sis [Adresse 1] à [Localité 12] (97).
Le 11 novembre 2019, à l'occasion d'une assemblée générale ordinaire présidée par Mme [Z] [R] dont le mandat se terminait le 10 décembre 2019, les adhérents ont proposé de réunir l'assemblée générale ordinaire le 8 mars 2020 afin que soit désigné le nouveau président de l'association.
Le 1er mars 2020, une assemblée générale ordinaire organisée à l'initiative d'un groupe d'adhérents, dont M. [B] et M. [L], a abouti à l'election d'un bureau exécutif, avec l'élection de M. [U] [L] en qualité de Président et M. [B] vice-président.
Le 8 mars 2020, une autre assemblée générale présidée par Mme [Z] [R] a élu M. [I] [V] président de l'association.
Par acte d'huissier en date des 9 et 14 décembre 2021, l'association Aide a fait assigner M. [B] et M. [L] devant le tribunal judiciaire de Cayenne, aux fins de voir notamment annuler l'assemblée générale du 1er mars 2020 et obtenir l'expulsion de ceux-ci des locaux loués par l'association.
Par jugement contradictoire du 21 août 2023, le tribunal judiciaire de Cayenne a :
- déclaré recevable la présente action intentée par l'association AIDE,
- débouté la demande de M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] en annulation de la résolution en date du 11 novembre 2019,
- annulé l'assemblée générale qui s'est tenue le 1er mars 2020 dans son intégralité,
- ordonné l'expulsion de M. [C] [T] [B] et de M. [U] [L] et de tout occupant de leur chef, des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 13] avec si besoin le recours à la force publique,
- rejeté la demande aux fins d'expertise judiciaire formulée par M. [B] et M. [L],
- condamné M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer à l'association AIDE la somme de 28 160€ correspondant aux loyers payés pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 12] (97) entre le mois de juin 2020 et février 2023,
- condamné M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer la somme mensuelle de 880€ par mois à compter du mois de février 2023 et ce jusqu'à parfaite libération des lieux,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande d'un montant de 50 000€ au titre du préjudice de jouissance,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de ses demandes indemnitaires correspondant aux frais de location du matériel de diffusion,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande au titre du préjudice d'image et de crédibilité,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande d'astreinte,
- condamné M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à verser à l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [B] et M. [L] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Julie Page,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 15 septembre 2023, M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] ont relevé appel des chefs de ce jugement, hormis ceux ayant débouté l'association AIDE de ses demandes.
Par avis en date du 26 septembre 2023, l'affaire a a fait l'objet d'un renvoi devant le conseiller de la mise en état de la chambre civile de la cour d'appel.
La déclaration d'appel a été signifiée à l'association AIDE le 25 octobre 2023.
L'association AIDE a constitué avocat le 5 décembre 2023.
M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] ont déposé leurs premières conclusions d'appelants le 13 décembre 2023. L'association AIDE a déposé ses premières conclusions d'intimée le 7 février 2014.
Aux termes de leurs dernières conclusions d'appelants N°4 signifiées le 25 novembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] sollicitent que la cour :
- Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne en date du 21 août 2023 en toutes ses dispositions telles que mentionnées aux termes de la déclaration d'appel,
- Dise et juge que l'assemblée générale du 1er mars 2020 ne souffre d'aucune critique,
- Dise et juge que la délibération du conseil d'administration du 11 novembre 2019 portant modification de l'échéance statutaire fixée pour la tenue l'assemblée générale élective de décembre 2019 est nulle et de nul effet,
- Dise et juge que l'occupation des locaux par les défendeurs s'inscrit dans le cadre de leur mandat électif comme étant membres régulièrement élus du conseil d'administration d'AIDE,
- Rejette la demande d'expulsion,
- Dise et juge qu'il n'est aucunement rapporté la preuve que l'association AIDE ait subi le moindre préjudice à compter du 1er mars 2021,
- Nomme un expert judiciaire qui serait chargé d'identifier quelle serait la nature et l'ampleur du prétendu préjudice d'AIDE après examen impartial et contradictoire de sa situation financière depuis l'assemblée générale élective du 1er mars 2020 qui serait à comparer avec celle imputable à la gestion des intimés,
- Rejette toutes demandes de dommages-intérêts improprement formulées en son nom et pour son compte,
- Condamne M. [V] à payer à M. [B] et M. [L] chacun la somme de 3000€ à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre une somme de 3.000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Le condamne aux dépens.
Au soutien de leurs prétentions, M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] exposent que le conseil d'administration de l'association a vu son mandat expirer le 10 décembre 2019, les mandats des membres du bureau dont celui de la présidente étant expirés à cette même date. Ils expliquent que la présidente a failli à son obligation de convoquer une nouvelle assemblée générale élective afin de mettre en place un nouveau conseil d'administration, et qu'elle a refusé le renouvellement de l'adhésion de membres identifiés comme n'étant pas ses partisans. Ils indiquent que face à cette situation de blocage, certains membres ont envisagé la mise en oeuvre de l'article 18 des statuts et ont décidé de convoquer une assemblée générale devant se tenir le 1er mars suivant, laquelle a ainsi été régulièrement organisée et tenue conformément aux statuts.
Les appelants soutiennent que contrairement à ce qu'a retenu le jugement critiqué, la lettre et l'esprit de l'article 18 des statuts permettent au quorum requis du quart des adhérents de vaincre l'inertie du président de l'association et de convoquer une assemblée sans le lui demander.
M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] font par ailleurs valoir que les locaux d'AIDE sont occupés sous leur responsabilité an qualité de représentants légaux. Ils affirment que l'association n'a subi aucun préjudice financier au cours de la période litigieuse, dans la mesure où l'équipe dirigeante régulièrement élue le 1er mars 2020 a pris soin d'assainir la situation comptable et financière de l'association. Ils précisent que AIDE n'est pas propriétaire des locaux qu'elle occupe mais simple locataire, et qu'ils ne peuvent être contraints de lui rembourser des loyers dont seule la bailleresse propriétaire est créancière, et ce d'autant plus que ces charges fixes ont régulièrement été payées.
Les appelants ajoutent que AIDE ne justifie d'aucun préjudice qui serait indemnisable, et qu'au contraire, les résultats d'exploitation de la radio Mosaique ont connu une notable amélioration.
Aux termes de leurs dernières conclusions responsives et récapitulatives notifiées le 22 novembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, l'association AIDE sollicite que la cour :
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté l'association AIDE de sa demande d'indemnisation du préjudice de jouissance, de location du matériel, du préjudice d'atteinte à son image et de sa demande d'astreinte,
- Annule l'assemblée générale du 1er mars 2020,
- Déboute Messieurs [B] et [L] de l'ensemble de leurs fins et prétentions,
- Interdise à Messieurs [B] et [L] de réaliser tout acte ou entreprendre toutes démarches en se présentant comme les représentants de l'association AIDE,
- Constate que Messieurs [B] et [L] sont occupants sans titre,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à évacuer les lieux, sous astreinte de 500€ par jour de retard,
- Ordonne l'expulsion de Messieurs [B] et [L] ainsi que tous occupants de leur chef du local sis [Adresse 2] à [Localité 12], et ce avec le concours de la force publique si nécessaire,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de
880€ par mois au titre des loyers jusqu'à complète libération des lieux,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de 45760€ au titre des loyers de juin 2020 à septembre 2024 (à actualiser),
- Déboute Messieurs [B] et [L] de l'intégralité de leurs demandes,
- Déboute Messieurs [B] et [L] de leur demande d'indemnisation pour procédure abusive,
- Infirme le jugement uniquement en ce qu'il a débouté l'association AIDE de sa demande d'indemnisation du préjudice de jouissance, de location du matéiel, du préjudice d'atteinte à son image et de sa demande d'astreinte,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de
85427,16€ au titre de la location du matériel de radiodiffusion de juin 2020 à septembre 2024 (à actualiser),
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de1642,83€ jusqu'à la complète libération des lieux au titre de la location du matériel de radiodiffusion,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de
50000€ en indemnisation de son trouble de jouissance,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de 20000€ en indemnisation de l'atteinte portée à son image et à sa crédibilité,
- Condamne Monsieur [B] à payer à l'association AIDE la somme de 8000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre du présent appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Julie Page, avocat.
Au soutien de ses prétention, l'association AIDE expose que Mme [Z] [R] a été élue présidente de l'association le 10 décembre 2017, que l'élection relative au renouvellement n'a pu être organisée en décembre 2019 en raison de circonstances exceptionnelles, le conseil d'administration ayant ainsi voté selon procès-verbal du 11 novembre 2019 le report de la tenue de l'assemblée générale élective au 8 mars 2020. Elle explique que M. [I] [V] a été élu président aux termes de cette assemblée.
L'intimée affirme que M. [B] et M. [L] se sont installés sans droit ni titre dans les locaux loués par l'association, qu'ils lui en empêchent l'accès et qu'elle ne peut jouir du matériel necessaire pour diffuser sur les ondes radio. Elle estime que l'assemblée générale du 1er mars 2020 n'a aucune valeur juridique et a été organisée par des personnes n'ayant aucune qualité pour y procéder. Elle soutient que les membres ne peuvent directement convoquer une assemblée générale mais qu'ils doivent en faire la demande au Président, ce dont ils ne justifient pas. Elle indique par ailleurs que les participants à cette assemblée générale n'étaient pas ou plus adhérents de l'association.
L'association AIDE rappelle que l'assemblée générale du 8 mars 2020 a été régulièrement convoquée par la présidente de l'époque. Elle indique que messieurs [B] et [L] maintiennent une administration de l'association AIDE malgré le jugement exécutoire de première instance, et alors que M. [V] en est toujours le président. Elle fait par ailleurs valoir qu'un huissier a constaté que le local avait été réquisitionné par M. [B], exclu de l'association, et par M. [L], la privant ainsi de la jouissance de son local.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 9 décembre 2024.
Sur ce, la cour
Sur la délibération prise le 11 novembre 2019 et l' assemblée générale du 1er mars 2020
A titre liminaire, il sera relevé que les appelants produisent plusieurs attestations concernant une assemblée générale qui a eu lieu en décembre 2017, des attestations de personnes indiquant qu'elles se seraient vues refuser leur adhésion, ainsi que divers échanges de courriers concernant l'association avant l'année 2019, et que lesdits éléments sont sans relation avec les demandes relatives à la délibération du 11 novembre 2019 et l'assemblée générale du 1er mars 2020 , objets du présent litige.
Il ressort des statuts de l'association AIDE (pièce N°1 appelants) à l'article 15 que 'Le conseil d'administration est investi d'une manière générale des pouvoirs les plus étendus dans la limite des buts de l'association. Il peut autoriser tous actes et opérations permis à l'association (...)'
L'article 18 des statuts relatif aux dispositions communes pour la tenue des assemblées générales prévoit notamment que 'Les assemblées se réunissent sur convocation du Président de l'association ou sur la demande des membres représentant au moins le quart de ses membres. Les convocations doivent mentionner obligatoirement l'ordre du jour prévu et fixé par les soins du conseil d'administration. Elles sont adressées aux membres quinze jours au moins à l'avance. La présidence de l'assemblée générale appartient au président, ou en son absence au vice-président ou par tout autre membre du bureau désigné par lui.'
En l'espèce, les appelants produisent un courrier en date du 3 janvier 2020 adressé à Mme [Z] [R] (pièce N°14) ayant pour objet 'Demande de règlement de dysfonctionnement', demandant notamment conformément à l'article 18alinéa 2 'de réunir dans le plus bref délai l'assemblée générale de l'association en vue de procéder au renouvellement du mandat des membres du CA (...), ainsi qu'un autre courrier ayant pour objet 'injonction de convoquer l'assemblée générale annuelle de l'association' courrier en date du 25 janvier 2020.
Le Procès-verbal du conseil d'administration de l'association AIDE en date du 11 novembre 2019 (pièce N°14 intimée) et présidé par sa présidente Mme [Z] [R] prévoit d'aborder dans son ordre du jour notamment le point 3/'Arrêter la date de la prochaine assemblée générale' et indique sur ce point: 'Après plusieurs échanges et un long débat sur la disponibilité des uns et des autres, plusieurs conseillers ont évoqué des raisons professionnelles qui pourraient les empêcher d'être présents, livraison de chantier pour certains, et organisation de départ en vacances pour d'autres etc. Compte tenu du fait que plusieurs administrations ne pouvaient se libérer pour le 10 décembre 2019, la présidente leur demande de proposer une date qui peut convenir à tout le monde pour le report de l'AG du 10 décembre 2019. Un des collègues a proposé la date du 8 mars 2020 pour l'organisation de l'AG. La Présidente a soumis la proposition au vote, les administrateurs ont voté POUR à l'unanimité des personnes présentes. Il a été acté donc que prochain assemblée générale de l'association AIDE aura lieu le 8 mars 2020".
Dans ces conditions, le jugement déféré a exactement constaté que la résolution prenait acte du caractère tardif de la prochaine assemblée générale par rapport à la fin de mandat du conseil d'administration alors en place, et relevé qu'aucune disposition statutaire ne permettait de déduire la nullité de cette résolution prise au cours d'un conseil d'administration régulièrement tenu.
La décision entreprise sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation de la résolution fixant la future assemblée générale au 8 mars 2020.
Concernant l'assemblée générale du 1er mars 2020, il ne peut qu'être constaté que le juge de première instance a relevé par des motifs pertinents que la cour approuve que l'article 18 des statuts de l'association permettait à un groupe représentant un quart des adhérents de demander à l'organe compétent, soit le président, la convocation d'une assemblée générale, mais ne permettait pas à ce groupe d'adhérents de procéder directement aux convocations à l'assemblée générale sollicitée, la carence du président leur permettant seulement d'agir en
justice, étant relevé de surcroît que les adhérents avaient alors connaissance de la date à venir de la prochaine assemblée générale fixée au 8 mars 2020, soit très peu de temps après la date fixée par eux-mêmes.
Par conséquent, M. [B] et M. [L] ayant eux-mêmes procédé aux convocations de certains adhérents ne sont pas fondés à soutenir que l'assemblée générale du 1er mars 2020 a été régulièrement convoquée, puisque les convocations n'ont pas été adressées par l'organe compétent.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a annulé l'assemblée générale qui s'est tenue le 1er mars 2020 dans son intégralité, étant relevé à titre surabondant l'absence de prétention relative à l'annulation de l'assemblée générale du 8 mars 2020 ayant alors élu M. [I] [V] en qualité de président de l'association, lequel a été rélu en cette qualité selon procès-verbaux des assemblées générales en date du 9 janvier 2022 (pièce N°32 intimée) et du 3 mars 2024 (pièce N°35 intimé).
Sur la demande en expulsion et les demandes indemnitaires
Il est constant en l'espèce que selon contrat de bail signé le 1er octobre 2013, l'association AIDE a loué un local sis [Adresse 1] à [Localité 12] (97) moyennant un loyer de 880€ par mois.
Les constats d'huissier établis en date du 26 mai 2020 et du 10 février 2021 (pièces N°7 et 20 intimée) démontrent que M. [B] et M. [L] occupent les locaux en se revendiquant être les locataires, après avoir changé les serrures et avoir empêché l'accès aux locaux à Mme [R] et M. [V].
Par conséquent, M. [B] et M. [L] occupant irrégulièrement les locaux devront libérer les lieux, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 30ème jours suivant la notification de la présente décision, et ce pendant une durée de un an, l'astreinte apparaissant nécessaire au regard de la décision de première instance non exécutée malgré l'exécution provisoire de droit qui avait été ordonnée.
Il convient également d'ordonner l' expulsion de M. [B] et de M. [L], ainsi que celle de tout occupant de leur chef, si besoin avec le concours de la force publique.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé s'agissant de l'expulsion ordonnée, mais infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte .
Sur la demande en remboursement des loyers et charges impayés
Il convient de constater que l'association AIDE n'est pas propriétaire des locaux concernés, et qu'en sa qualité de locataire de ces derniers, elle est seule débitrice des loyers envers le propriétaire qui en est le seul créancier.
Dans ces conditions, l'association AIDE n'est pas fondée à solliciter le remboursement des loyers qu'elle verse régulièrement en sa qualité de locataire en vertu du contrat de bail, ni à solliciter le versement d'une indemnité d'occupation.
Elle sera par conséquent déboutée de ses demandes à ce titre, et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes d'indemnisation
Sur la demande formée par M. [B] et M. [L] tendant à ce qu'une expertise judiciaire soit ordonnée.
Aucun élément ne permet de justifier que l'intervention d'un expert permettrait d'éclairer utilement la cour concernant les demandes d'indemnisations formulées par l'association AIDE.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formulée à ce titre par M. [B] et M. [L].
Sur les frais de location de matériel
L'association AIDE sollicite le remboursement des frais de location de matériel de diffusion radiophonique en soutenant qu'elle n'a pu jouir de ce matériel présent dans les locaux. Elle produit des factures émanant de TDF correspondant aux frais de diffusion de la station [14].
Le jugement déféré a relevé à juste titre que la seule production de ces factures ne permettait pas d'établir que la diffusion n'avait pu avoir lieu, et ne permettait pas non plus de démontrer l'existence d'un préjudice financier pour l'association.
Par ailleurs, si l'association AIDE affirme que le matériel a été utilisé pour des diffusions non autorisées par elle, les éléments versées aux débats ne permettent pas de déterminer les conditions d'exploitation des matériels, étant relevé de surcroît que des adhérents ont pu intervenir dans les diffusions sans qu'aucun préjudice au détriment de l'association ne soit établi en l'espèce.
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté l'association AIDE de sa demande en remboursement des frais de location de matériel.
Sur l'indemnisation du préjudice moral
L'association AIDE sollicite la somme de 20 000€ en indemnisation de l'atteinte portée à son image et sa crédibilité.
En l'absence d'éléments permettant d'établir un préjudice subi au regard de son image ou de sa crédibilité, elle sera déboutée de sa demande, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
Sur la demande au titre du préjudice de jouissance
L'association AIDE sollicite la somme de 50 000€ en indemnisation de son trouble de jouissance.
Ainsi que motivé ci-dessus, les constats d'huissier versés aux débats établissent que l'accès aux locaux a été empêché, et que M. [B] et M. [L] occupent irrégulièrement les locaux, ceci n'étant d'ailleurs pas contesté.
Dans ces conditions, l'association est fondée à solliciter une indemnisation au titre de son préjudice de jouissance, qu'il conviendra de fixer au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats à la somme de 10 000€.
Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a débouté l'association AIDE de sa demande à ce titre.
Sur la demande au titre de procédure abusive formée par M. [B] et M. [L]
Au vu de la solution du litige, M. [B] et M. [L] ne pourront qu'être déboutés de leur demande au titre de procédure abusive, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, M. [C] [B] et M. [U] [L] seront condamnés à payer à l'association AIDE la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés à hauteur d'appel et seront déboutés de leur demande formée sur ce fondement.
M. [C] [B] et M. [U] [L] seront condamnés aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne en date du 21 août 2023, hormis en ce qu'il a :
- condamné M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer à l'association AIDE la somme de 28 160€ correspondant aux loyers payés pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 12] (97) entre le mois de juin 2020 et février 2023, et la somme mensuelle de 880€ par mois à compter du mois de février 2023 et ce jusqu'à parfaite libération des lieux,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande d'un montant de 50 000€ au titre du préjudice de jouissance,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande d'astreinte,
Et statuant de nouveau des chefs infirmés,
DIT que M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] devront libérer les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 12] sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 30 ème jour suivant la notification de la présente décision, et ce pendant une durée de un an,
DEBOUTE l'association AIDE de ses demandes au titre du remboursement des loyers et au titre du paiement d'une indemnité d'occupation,
CONDAMNE M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer à l'association AIDE la somme de 10 000€ au titre du préjudice de jouissance,
et y ajoutant,
DEBOUTE M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer à l'association AIDE la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,
CONDAMNE M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à supporter les dépens d'appel, et autorise Maître Julie Page, Avocat, à recouvrer les siens conformément aux dispositions de l'article 695 du code de procédure civile.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.
La Greffière La Présidente de chambre
Hélène PETRO Aurore BLUM
[Adresse 5]
Chambre Civile
ARRÊT N° 120
N° RG 23/00416 -
N° Portalis 4ZAM-V-B7H-BHI7
[C] [T] [B]
[U] [L]
C/
[I] [V]
ASSOCIATION POUR L'INSERTION, LE DÉVELOPPEMENT ET L'EDUCATION - AIDE représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
ARRÊT DU 28 JUILLET 2025
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 12], décision attaquée en date du 21 Août 2023, enregistrée sous le n° 22/00132
APPELANTS :
Monsieur [C] [T] [B]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Monsieur [U] [L]
[Adresse 4]
[Localité 9]
représentés par Me Boris CHONG SIT de la SELAS CHONG SIT & DOUTRELONG, avocat au barreau de GUYANE
INTIMES :
Monsieur [I] [V]
[Adresse 6],
[Localité 11]
ASSOCIATION POUR L'INSERTION, LE DÉVELOPPEMENT ET L'EDUCATION - AIDE représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentés par Me Julie PAGE, avocat au barreau de GUYANE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 décembre 2024 en audience publique et mise en délibéré au 24 février 2025 prorogé au 28 juillet 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Aurore BLUM,
Mme Patricia GOILLOT, Conseillère, rédacteur
M. Laurent SOCHAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER :
Mme Hélène PETRO, Greffier, présente lors des débats et du prononcé
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Pour l'exploitation d'une radiodiffusion appelée 'Mosaïque', l'Association pour l'Insertion le Développement et l'Education, ci-après dénommée AIDE, association régie par la loi du 1er juillet 1901, a loué selon contrat de location signé le 1er octobre 2013 un local sis [Adresse 1] à [Localité 12] (97).
Le 11 novembre 2019, à l'occasion d'une assemblée générale ordinaire présidée par Mme [Z] [R] dont le mandat se terminait le 10 décembre 2019, les adhérents ont proposé de réunir l'assemblée générale ordinaire le 8 mars 2020 afin que soit désigné le nouveau président de l'association.
Le 1er mars 2020, une assemblée générale ordinaire organisée à l'initiative d'un groupe d'adhérents, dont M. [B] et M. [L], a abouti à l'election d'un bureau exécutif, avec l'élection de M. [U] [L] en qualité de Président et M. [B] vice-président.
Le 8 mars 2020, une autre assemblée générale présidée par Mme [Z] [R] a élu M. [I] [V] président de l'association.
Par acte d'huissier en date des 9 et 14 décembre 2021, l'association Aide a fait assigner M. [B] et M. [L] devant le tribunal judiciaire de Cayenne, aux fins de voir notamment annuler l'assemblée générale du 1er mars 2020 et obtenir l'expulsion de ceux-ci des locaux loués par l'association.
Par jugement contradictoire du 21 août 2023, le tribunal judiciaire de Cayenne a :
- déclaré recevable la présente action intentée par l'association AIDE,
- débouté la demande de M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] en annulation de la résolution en date du 11 novembre 2019,
- annulé l'assemblée générale qui s'est tenue le 1er mars 2020 dans son intégralité,
- ordonné l'expulsion de M. [C] [T] [B] et de M. [U] [L] et de tout occupant de leur chef, des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 13] avec si besoin le recours à la force publique,
- rejeté la demande aux fins d'expertise judiciaire formulée par M. [B] et M. [L],
- condamné M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer à l'association AIDE la somme de 28 160€ correspondant aux loyers payés pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 12] (97) entre le mois de juin 2020 et février 2023,
- condamné M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer la somme mensuelle de 880€ par mois à compter du mois de février 2023 et ce jusqu'à parfaite libération des lieux,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande d'un montant de 50 000€ au titre du préjudice de jouissance,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de ses demandes indemnitaires correspondant aux frais de location du matériel de diffusion,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande au titre du préjudice d'image et de crédibilité,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande d'astreinte,
- condamné M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à verser à l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [B] et M. [L] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Julie Page,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 15 septembre 2023, M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] ont relevé appel des chefs de ce jugement, hormis ceux ayant débouté l'association AIDE de ses demandes.
Par avis en date du 26 septembre 2023, l'affaire a a fait l'objet d'un renvoi devant le conseiller de la mise en état de la chambre civile de la cour d'appel.
La déclaration d'appel a été signifiée à l'association AIDE le 25 octobre 2023.
L'association AIDE a constitué avocat le 5 décembre 2023.
M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] ont déposé leurs premières conclusions d'appelants le 13 décembre 2023. L'association AIDE a déposé ses premières conclusions d'intimée le 7 février 2014.
Aux termes de leurs dernières conclusions d'appelants N°4 signifiées le 25 novembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] sollicitent que la cour :
- Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne en date du 21 août 2023 en toutes ses dispositions telles que mentionnées aux termes de la déclaration d'appel,
- Dise et juge que l'assemblée générale du 1er mars 2020 ne souffre d'aucune critique,
- Dise et juge que la délibération du conseil d'administration du 11 novembre 2019 portant modification de l'échéance statutaire fixée pour la tenue l'assemblée générale élective de décembre 2019 est nulle et de nul effet,
- Dise et juge que l'occupation des locaux par les défendeurs s'inscrit dans le cadre de leur mandat électif comme étant membres régulièrement élus du conseil d'administration d'AIDE,
- Rejette la demande d'expulsion,
- Dise et juge qu'il n'est aucunement rapporté la preuve que l'association AIDE ait subi le moindre préjudice à compter du 1er mars 2021,
- Nomme un expert judiciaire qui serait chargé d'identifier quelle serait la nature et l'ampleur du prétendu préjudice d'AIDE après examen impartial et contradictoire de sa situation financière depuis l'assemblée générale élective du 1er mars 2020 qui serait à comparer avec celle imputable à la gestion des intimés,
- Rejette toutes demandes de dommages-intérêts improprement formulées en son nom et pour son compte,
- Condamne M. [V] à payer à M. [B] et M. [L] chacun la somme de 3000€ à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre une somme de 3.000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Le condamne aux dépens.
Au soutien de leurs prétentions, M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] exposent que le conseil d'administration de l'association a vu son mandat expirer le 10 décembre 2019, les mandats des membres du bureau dont celui de la présidente étant expirés à cette même date. Ils expliquent que la présidente a failli à son obligation de convoquer une nouvelle assemblée générale élective afin de mettre en place un nouveau conseil d'administration, et qu'elle a refusé le renouvellement de l'adhésion de membres identifiés comme n'étant pas ses partisans. Ils indiquent que face à cette situation de blocage, certains membres ont envisagé la mise en oeuvre de l'article 18 des statuts et ont décidé de convoquer une assemblée générale devant se tenir le 1er mars suivant, laquelle a ainsi été régulièrement organisée et tenue conformément aux statuts.
Les appelants soutiennent que contrairement à ce qu'a retenu le jugement critiqué, la lettre et l'esprit de l'article 18 des statuts permettent au quorum requis du quart des adhérents de vaincre l'inertie du président de l'association et de convoquer une assemblée sans le lui demander.
M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] font par ailleurs valoir que les locaux d'AIDE sont occupés sous leur responsabilité an qualité de représentants légaux. Ils affirment que l'association n'a subi aucun préjudice financier au cours de la période litigieuse, dans la mesure où l'équipe dirigeante régulièrement élue le 1er mars 2020 a pris soin d'assainir la situation comptable et financière de l'association. Ils précisent que AIDE n'est pas propriétaire des locaux qu'elle occupe mais simple locataire, et qu'ils ne peuvent être contraints de lui rembourser des loyers dont seule la bailleresse propriétaire est créancière, et ce d'autant plus que ces charges fixes ont régulièrement été payées.
Les appelants ajoutent que AIDE ne justifie d'aucun préjudice qui serait indemnisable, et qu'au contraire, les résultats d'exploitation de la radio Mosaique ont connu une notable amélioration.
Aux termes de leurs dernières conclusions responsives et récapitulatives notifiées le 22 novembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, l'association AIDE sollicite que la cour :
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté l'association AIDE de sa demande d'indemnisation du préjudice de jouissance, de location du matériel, du préjudice d'atteinte à son image et de sa demande d'astreinte,
- Annule l'assemblée générale du 1er mars 2020,
- Déboute Messieurs [B] et [L] de l'ensemble de leurs fins et prétentions,
- Interdise à Messieurs [B] et [L] de réaliser tout acte ou entreprendre toutes démarches en se présentant comme les représentants de l'association AIDE,
- Constate que Messieurs [B] et [L] sont occupants sans titre,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à évacuer les lieux, sous astreinte de 500€ par jour de retard,
- Ordonne l'expulsion de Messieurs [B] et [L] ainsi que tous occupants de leur chef du local sis [Adresse 2] à [Localité 12], et ce avec le concours de la force publique si nécessaire,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de
880€ par mois au titre des loyers jusqu'à complète libération des lieux,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de 45760€ au titre des loyers de juin 2020 à septembre 2024 (à actualiser),
- Déboute Messieurs [B] et [L] de l'intégralité de leurs demandes,
- Déboute Messieurs [B] et [L] de leur demande d'indemnisation pour procédure abusive,
- Infirme le jugement uniquement en ce qu'il a débouté l'association AIDE de sa demande d'indemnisation du préjudice de jouissance, de location du matéiel, du préjudice d'atteinte à son image et de sa demande d'astreinte,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de
85427,16€ au titre de la location du matériel de radiodiffusion de juin 2020 à septembre 2024 (à actualiser),
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de1642,83€ jusqu'à la complète libération des lieux au titre de la location du matériel de radiodiffusion,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de
50000€ en indemnisation de son trouble de jouissance,
- Condamne Messieurs [B] et [L] à payer à l'association AIDE la somme de 20000€ en indemnisation de l'atteinte portée à son image et à sa crédibilité,
- Condamne Monsieur [B] à payer à l'association AIDE la somme de 8000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre du présent appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Julie Page, avocat.
Au soutien de ses prétention, l'association AIDE expose que Mme [Z] [R] a été élue présidente de l'association le 10 décembre 2017, que l'élection relative au renouvellement n'a pu être organisée en décembre 2019 en raison de circonstances exceptionnelles, le conseil d'administration ayant ainsi voté selon procès-verbal du 11 novembre 2019 le report de la tenue de l'assemblée générale élective au 8 mars 2020. Elle explique que M. [I] [V] a été élu président aux termes de cette assemblée.
L'intimée affirme que M. [B] et M. [L] se sont installés sans droit ni titre dans les locaux loués par l'association, qu'ils lui en empêchent l'accès et qu'elle ne peut jouir du matériel necessaire pour diffuser sur les ondes radio. Elle estime que l'assemblée générale du 1er mars 2020 n'a aucune valeur juridique et a été organisée par des personnes n'ayant aucune qualité pour y procéder. Elle soutient que les membres ne peuvent directement convoquer une assemblée générale mais qu'ils doivent en faire la demande au Président, ce dont ils ne justifient pas. Elle indique par ailleurs que les participants à cette assemblée générale n'étaient pas ou plus adhérents de l'association.
L'association AIDE rappelle que l'assemblée générale du 8 mars 2020 a été régulièrement convoquée par la présidente de l'époque. Elle indique que messieurs [B] et [L] maintiennent une administration de l'association AIDE malgré le jugement exécutoire de première instance, et alors que M. [V] en est toujours le président. Elle fait par ailleurs valoir qu'un huissier a constaté que le local avait été réquisitionné par M. [B], exclu de l'association, et par M. [L], la privant ainsi de la jouissance de son local.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 9 décembre 2024.
Sur ce, la cour
Sur la délibération prise le 11 novembre 2019 et l' assemblée générale du 1er mars 2020
A titre liminaire, il sera relevé que les appelants produisent plusieurs attestations concernant une assemblée générale qui a eu lieu en décembre 2017, des attestations de personnes indiquant qu'elles se seraient vues refuser leur adhésion, ainsi que divers échanges de courriers concernant l'association avant l'année 2019, et que lesdits éléments sont sans relation avec les demandes relatives à la délibération du 11 novembre 2019 et l'assemblée générale du 1er mars 2020 , objets du présent litige.
Il ressort des statuts de l'association AIDE (pièce N°1 appelants) à l'article 15 que 'Le conseil d'administration est investi d'une manière générale des pouvoirs les plus étendus dans la limite des buts de l'association. Il peut autoriser tous actes et opérations permis à l'association (...)'
L'article 18 des statuts relatif aux dispositions communes pour la tenue des assemblées générales prévoit notamment que 'Les assemblées se réunissent sur convocation du Président de l'association ou sur la demande des membres représentant au moins le quart de ses membres. Les convocations doivent mentionner obligatoirement l'ordre du jour prévu et fixé par les soins du conseil d'administration. Elles sont adressées aux membres quinze jours au moins à l'avance. La présidence de l'assemblée générale appartient au président, ou en son absence au vice-président ou par tout autre membre du bureau désigné par lui.'
En l'espèce, les appelants produisent un courrier en date du 3 janvier 2020 adressé à Mme [Z] [R] (pièce N°14) ayant pour objet 'Demande de règlement de dysfonctionnement', demandant notamment conformément à l'article 18alinéa 2 'de réunir dans le plus bref délai l'assemblée générale de l'association en vue de procéder au renouvellement du mandat des membres du CA (...), ainsi qu'un autre courrier ayant pour objet 'injonction de convoquer l'assemblée générale annuelle de l'association' courrier en date du 25 janvier 2020.
Le Procès-verbal du conseil d'administration de l'association AIDE en date du 11 novembre 2019 (pièce N°14 intimée) et présidé par sa présidente Mme [Z] [R] prévoit d'aborder dans son ordre du jour notamment le point 3/'Arrêter la date de la prochaine assemblée générale' et indique sur ce point: 'Après plusieurs échanges et un long débat sur la disponibilité des uns et des autres, plusieurs conseillers ont évoqué des raisons professionnelles qui pourraient les empêcher d'être présents, livraison de chantier pour certains, et organisation de départ en vacances pour d'autres etc. Compte tenu du fait que plusieurs administrations ne pouvaient se libérer pour le 10 décembre 2019, la présidente leur demande de proposer une date qui peut convenir à tout le monde pour le report de l'AG du 10 décembre 2019. Un des collègues a proposé la date du 8 mars 2020 pour l'organisation de l'AG. La Présidente a soumis la proposition au vote, les administrateurs ont voté POUR à l'unanimité des personnes présentes. Il a été acté donc que prochain assemblée générale de l'association AIDE aura lieu le 8 mars 2020".
Dans ces conditions, le jugement déféré a exactement constaté que la résolution prenait acte du caractère tardif de la prochaine assemblée générale par rapport à la fin de mandat du conseil d'administration alors en place, et relevé qu'aucune disposition statutaire ne permettait de déduire la nullité de cette résolution prise au cours d'un conseil d'administration régulièrement tenu.
La décision entreprise sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation de la résolution fixant la future assemblée générale au 8 mars 2020.
Concernant l'assemblée générale du 1er mars 2020, il ne peut qu'être constaté que le juge de première instance a relevé par des motifs pertinents que la cour approuve que l'article 18 des statuts de l'association permettait à un groupe représentant un quart des adhérents de demander à l'organe compétent, soit le président, la convocation d'une assemblée générale, mais ne permettait pas à ce groupe d'adhérents de procéder directement aux convocations à l'assemblée générale sollicitée, la carence du président leur permettant seulement d'agir en
justice, étant relevé de surcroît que les adhérents avaient alors connaissance de la date à venir de la prochaine assemblée générale fixée au 8 mars 2020, soit très peu de temps après la date fixée par eux-mêmes.
Par conséquent, M. [B] et M. [L] ayant eux-mêmes procédé aux convocations de certains adhérents ne sont pas fondés à soutenir que l'assemblée générale du 1er mars 2020 a été régulièrement convoquée, puisque les convocations n'ont pas été adressées par l'organe compétent.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a annulé l'assemblée générale qui s'est tenue le 1er mars 2020 dans son intégralité, étant relevé à titre surabondant l'absence de prétention relative à l'annulation de l'assemblée générale du 8 mars 2020 ayant alors élu M. [I] [V] en qualité de président de l'association, lequel a été rélu en cette qualité selon procès-verbaux des assemblées générales en date du 9 janvier 2022 (pièce N°32 intimée) et du 3 mars 2024 (pièce N°35 intimé).
Sur la demande en expulsion et les demandes indemnitaires
Il est constant en l'espèce que selon contrat de bail signé le 1er octobre 2013, l'association AIDE a loué un local sis [Adresse 1] à [Localité 12] (97) moyennant un loyer de 880€ par mois.
Les constats d'huissier établis en date du 26 mai 2020 et du 10 février 2021 (pièces N°7 et 20 intimée) démontrent que M. [B] et M. [L] occupent les locaux en se revendiquant être les locataires, après avoir changé les serrures et avoir empêché l'accès aux locaux à Mme [R] et M. [V].
Par conséquent, M. [B] et M. [L] occupant irrégulièrement les locaux devront libérer les lieux, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 30ème jours suivant la notification de la présente décision, et ce pendant une durée de un an, l'astreinte apparaissant nécessaire au regard de la décision de première instance non exécutée malgré l'exécution provisoire de droit qui avait été ordonnée.
Il convient également d'ordonner l' expulsion de M. [B] et de M. [L], ainsi que celle de tout occupant de leur chef, si besoin avec le concours de la force publique.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé s'agissant de l'expulsion ordonnée, mais infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte .
Sur la demande en remboursement des loyers et charges impayés
Il convient de constater que l'association AIDE n'est pas propriétaire des locaux concernés, et qu'en sa qualité de locataire de ces derniers, elle est seule débitrice des loyers envers le propriétaire qui en est le seul créancier.
Dans ces conditions, l'association AIDE n'est pas fondée à solliciter le remboursement des loyers qu'elle verse régulièrement en sa qualité de locataire en vertu du contrat de bail, ni à solliciter le versement d'une indemnité d'occupation.
Elle sera par conséquent déboutée de ses demandes à ce titre, et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes d'indemnisation
Sur la demande formée par M. [B] et M. [L] tendant à ce qu'une expertise judiciaire soit ordonnée.
Aucun élément ne permet de justifier que l'intervention d'un expert permettrait d'éclairer utilement la cour concernant les demandes d'indemnisations formulées par l'association AIDE.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formulée à ce titre par M. [B] et M. [L].
Sur les frais de location de matériel
L'association AIDE sollicite le remboursement des frais de location de matériel de diffusion radiophonique en soutenant qu'elle n'a pu jouir de ce matériel présent dans les locaux. Elle produit des factures émanant de TDF correspondant aux frais de diffusion de la station [14].
Le jugement déféré a relevé à juste titre que la seule production de ces factures ne permettait pas d'établir que la diffusion n'avait pu avoir lieu, et ne permettait pas non plus de démontrer l'existence d'un préjudice financier pour l'association.
Par ailleurs, si l'association AIDE affirme que le matériel a été utilisé pour des diffusions non autorisées par elle, les éléments versées aux débats ne permettent pas de déterminer les conditions d'exploitation des matériels, étant relevé de surcroît que des adhérents ont pu intervenir dans les diffusions sans qu'aucun préjudice au détriment de l'association ne soit établi en l'espèce.
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté l'association AIDE de sa demande en remboursement des frais de location de matériel.
Sur l'indemnisation du préjudice moral
L'association AIDE sollicite la somme de 20 000€ en indemnisation de l'atteinte portée à son image et sa crédibilité.
En l'absence d'éléments permettant d'établir un préjudice subi au regard de son image ou de sa crédibilité, elle sera déboutée de sa demande, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
Sur la demande au titre du préjudice de jouissance
L'association AIDE sollicite la somme de 50 000€ en indemnisation de son trouble de jouissance.
Ainsi que motivé ci-dessus, les constats d'huissier versés aux débats établissent que l'accès aux locaux a été empêché, et que M. [B] et M. [L] occupent irrégulièrement les locaux, ceci n'étant d'ailleurs pas contesté.
Dans ces conditions, l'association est fondée à solliciter une indemnisation au titre de son préjudice de jouissance, qu'il conviendra de fixer au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats à la somme de 10 000€.
Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a débouté l'association AIDE de sa demande à ce titre.
Sur la demande au titre de procédure abusive formée par M. [B] et M. [L]
Au vu de la solution du litige, M. [B] et M. [L] ne pourront qu'être déboutés de leur demande au titre de procédure abusive, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, M. [C] [B] et M. [U] [L] seront condamnés à payer à l'association AIDE la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés à hauteur d'appel et seront déboutés de leur demande formée sur ce fondement.
M. [C] [B] et M. [U] [L] seront condamnés aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne en date du 21 août 2023, hormis en ce qu'il a :
- condamné M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer à l'association AIDE la somme de 28 160€ correspondant aux loyers payés pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 12] (97) entre le mois de juin 2020 et février 2023, et la somme mensuelle de 880€ par mois à compter du mois de février 2023 et ce jusqu'à parfaite libération des lieux,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande d'un montant de 50 000€ au titre du préjudice de jouissance,
- débouté l'association pour l'insertion, le développement et l'éducation (AIDE) de sa demande d'astreinte,
Et statuant de nouveau des chefs infirmés,
DIT que M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] devront libérer les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 12] sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 30 ème jour suivant la notification de la présente décision, et ce pendant une durée de un an,
DEBOUTE l'association AIDE de ses demandes au titre du remboursement des loyers et au titre du paiement d'une indemnité d'occupation,
CONDAMNE M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer à l'association AIDE la somme de 10 000€ au titre du préjudice de jouissance,
et y ajoutant,
DEBOUTE M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à payer à l'association AIDE la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,
CONDAMNE M. [C] [T] [B] et M. [U] [L] à supporter les dépens d'appel, et autorise Maître Julie Page, Avocat, à recouvrer les siens conformément aux dispositions de l'article 695 du code de procédure civile.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.
La Greffière La Présidente de chambre
Hélène PETRO Aurore BLUM