CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 30 juillet 2025, n° 23/04210
TOULOUSE
Arrêt
Autre
30/07/2025
ARRÊT N°25-223
N° RG 23/04210 - N° Portalis DBVI-V-B7H-P3ON
CGG/CD
Décision déférée du 15 Novembre 2023 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F22/00561)
X. BELLON
Section Activités Diverses
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à Me RUEDA
Me SOREL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TRENTE JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANT
Monsieur [U] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Sara RUEDA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM''S
Maître [M] [G] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la
SAS INTERCOM
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
Représenté par Me Isilde QUENAULT, avocat au barreau de PARIS
Organisme AGS CGEA ILE DE FRANCE EST Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C.GILLOIS-GHERA, présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C.GILLOIS-GHERA, présidente
M. DARIES, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] [F] a été embauché le 19 novembre 2019 par la Sas Intercom technologies, employant plus de 10 salariés, en qualité de coordinateur logistique suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale dite « syntec ».
Après avoir été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 8 décembre 2021, il a été licencié par courrier du 13 décembre 2021 pour faute grave.
M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 8 avril 2022 pour contester son licenciement et solliciter le versement de diverses sommes au titre notamment du travail dissimulé, du rappel de salaires, du préjudice lié à l'atteinte à sa dignité, de l'exécution déloyale du contrat de travail et des indemnités de déplacement.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section activité diverses, par jugement du 15 novembre 2023, a :
- dit et jugé le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la Sas Intercom technologies à régler à M. [F] les sommes suivantes :
8 580,63 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 720,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 572,04 euros au titre de congés payés afférents,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné la Sas Intercom technologies au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, port ant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse,
- fixé les dépens à la charge de la Sas Intercom technologies,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire autre que de droit.
Par déclaration du 5 décembre 2023, M. [U] [F] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 novembre 2023, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
Par jugement du 7 décembre 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sas Intercom technologies.
Par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire. Me [G] a été désigné en qualité de liquidateur et a été attrait à la présente instance en cours.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 5 mars 2024, M. [U] [F] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de M. [F],
statuant à nouveau,
- fixer le salaire de référence de M. [F] à la somme de 3.245,21€ bruts mensuels,
sur le travail dissimulé,
- juger que la Sas Intercom technologies est l'employeur de M. [F] depuis le 16 septembre 2018,
- juger que l'ancienneté de M. [F] doit être fixée au 16 septembre 2018, date réelle d'embauche par la Sas Intercom technologies,
- condamner Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes à M. [F]:
19.471,26€ au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
10.716,51€ bruts de rappel de salaires sur les périodes des mois de septembre 2018, octobre 2018, mars, avril et mai novembre 2019,
1.071,65€ de congés payés afférents,
sur le paiement des salaires
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de 3.272,50€ bruts au titre du rappel de salaires sur la période d'avril 2021 à décembre 2021, au profit de M. [F],
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de 1.398,83€ bruts, au titre de l'année 2020, au profit de M. [F],
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de 2.000€ au titre du travail pendant le confinement, au profit de M. [F],
sur l'atteinte à la dignité du salarie
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de la somme de 45.000€ de dommages et intérêts pour atteinte à la dignité du salarié, et exécution déloyale du contrat de travail, au titre du préjudice moral subi par Monsieur [F].
sur les déplacements
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes à M. [F] :
350€ au titre des paniers repas de l'année 2019,
658€ au titre des paniers repas de l'année 2020,
832€ au titre des paniers repas de l'année 2021,
248,18€ au titre des indemnités de petit déplacement,
7.843,20€ au titre des indemnités de grand déplacement,
- fixer la créance de M. [F] au passif du redressement de la Sas Intercom technologies,
en tout état de cause
- ordonner la délivrance des bulletins de salaires rectifiés ainsi que des documents de fin de contrats conforme sous astreinte de 300€ par jour de retard, au profit de M. [F],
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de la somme de 3.500 € au profit de M. [F], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des entiers dépens d'appel,
- déclarer commun et opposable aux AGS la décision à intervenir,
- condamner les AGS à garantir le paiement des condamnations précitées.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 16 juin 2024, Me [M] [G], mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Intercom technologies demande à la cour de :
- déclarer les demandes de condamnation au paiement ou de remise sous astreinte irrecevables en application des dispositions des articles L 622-21 et suivants du code de commerce,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [F] du surplus de ses demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* jugé le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la Sas Intercom technologies à régler à M. [F] les sommes suivantes :
8 580,63 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 720,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 572,04 euros au titre de congés payés afférents,
2 500 euros au titre des frais d'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau des chefs dont l'infirmation est sollicitée,
- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [F] aux dépens et au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 3 juillet 2024, l'Ags CGEA Île de France-Est demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] du surplus de ses demandes,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* jugé le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la Sas Intercom technologies à régler à M. [F] les sommes suivantes :
8 580,63 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 720,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 572,04 euros au titre de congés payés afférents,
2 500 euros au titre des frais d'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau des chefs dont l'infirmation est sollicitée,
- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes et à tout le moins les réduire,
à titre subsidiaire,
- juger irrecevables car prescrites les demandes de paniers repas concernant la période antérieure au 8 avril 2020,
- juger irrecevables car prescrites les demandes de primes de grand déplacement concernant la période antérieure au 8 avril 2020,
- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes et à tout le moins les réduire,
en tout état de cause,
- juger que les astreintes étant liées à l'exécution d'une décision de justice, elles ne bénéficient pas de la garantie de l'AGS,
- juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19, L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, étant précisé que le plafond applicable en l'espèce s'élève, toutes créances avancées pour le compte du salarié,
- juger que les indemnités réclamées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont exclues de la garantie, les conditions spécifiques de celle-ci n'étant pas remplies,
- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 16 mai 2025.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I/ Sur la recevabilité des demandes :
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, soutient que, étant en liquidation judiciaire, les demandes de M. [F] tenant au paiement de certaines sommes et à la remise de documents sous astreinte à l'égard de la Sas Intercom technologies sont irrecevables au regard des dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce, toute action en paiement étant interdite ou suspendue à l'égard d'une société en procédure collective.
Sur ce,
L'article 369 du code de procédure civile dispose que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.
L'article L 622-21 du code de commerce prévoit que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Il s'ensuit que l'action du salarié ne peut avoir pour objet que de fixer la créance au passif de la société en liquidation judiciaire, sans préjudice de la garantie de l'AGS.
Nonobstant le dispositif des dernières écritures de M. [F] du 5 mars 2024 qui sollicite la condamnation de la Sas Intercom technologies au paiement de sommes d'argent et à la délivrance de documents sous astreinte, il ressort des pièces de la procédure que, par acte d'huissier de justice du 18 mars 2024, M. [F] a signifié au liquidateur de la Sas Intercom technologies sa déclaration d'appel ainsi que son jeu de conclusions d'appel, de sorte que les demandes de M. [F] ont nécessairement pour objet la fixation des créances au passif de la liquidation de la Sas Intercom technologies.
Par conséquent, les demandes de M. [F] seront déclarées recevables.
II/ Sur la demande de rappels de salaire
M. [F] soutient que son employeur s'était engagé, à compter du 1er janvier 2021, à lui verser un complément de rémunération à hauteur de 385 euros bruts, soit 300 euros nets mensuels, qu'il a cessé d'honorer.
Il ajoute que son employeur a opéré de manière injustifiée, des retenues sur son salaire pour des absences inexistantes.
Il sollicite à ce titre des rappels à hauteur de 1.398,83 euros au titre de l'année 2020 et de 3.272,50 euros au titre de l'année 2021 ainsi que la délivrance sous astreinte des bulletins de salaires rectifiés sur les années 2020 et 2021.
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, conclut au débouté.
Elle expose que la Sas Intercom technologies avait déterminé une prime sur objectifs d'un montant de 300 euros mensuels, mais que M. [F] n'a pas atteint ses objectifs, de sorte que cette prime ne lui a pas été versée.
Sur le complément de rémunération
M. [F] ne précise pas la nature de ce complément de rémunération, dont l'employeur prétend pour sa part qu'il s'agirait d'une prime sur objectifs.
L'examen des conditions de rémunération prévues au contrat de travail ne révèle pourtant aucune prime en sus du salaire convenu.
S'il ressort des bulletins de salaire de M. [F] qu'aucun versement n'a été formalisé en ce sens au titre de l'année 2021, pas plus d'ailleurs qu'au titre de l'année 2020, il résulte par contre des relevés des comptes bancaires de M. [F] que le 12 mai 2021, la Sas Intercom technologies lui a versé à trois reprises la somme de 300,00 euros, sans que l'intimée ne s'explique sur ces 3 versements uniques ni sur l'absence de mention de ces sommes sur les bulletins de salaire de l'intéressé.
M. [F] verse aux débats un SMS du 10 septembre, sans préciser l'année, dans lequel il demande à M. [V] [K] le versement de ses primes (pièce 18). Toutefois, un tel message n'est pas suffisamment circonstancié et ne comporte pas la réponse de l'intéressé, de sorte qu'il n'emporte pas la conviction de la cour.
En l'absence d'éléments supplémentaires, le simple versement à trois reprises de 300 euros sur le compte bancaire de M. [F] est insuffisant à caractériser un engagement de son employeur à lui verser un complément de salaire.
Par conséquent, il sera débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de l'année 2021 ainsi que de sa demande de fixer son salaire brut moyen à 3.245,21 euros mensuels.
Au regard des bulletins de salaire, le salaire brut moyen sera fixé à 2.860,21 euros mensuels.
Sur les retenues sur salaire
Il ressort des bulletins de salaire de M. [F] que des retenues sur salaire ont bien été réalisées au titre d'« absences non rémunérées » en janvier, février, mars et juillet 2020, sans que l'intimée ne justifie de la réalité ni du motif de ces absences.
Par contre, la cour constate que le salarié ne justifie pas de l'existence de retenues injustifiées au titre de l'année 2021, de sorte que sa demande de ce chef ne peut prospérer.
Il sera donc alloué à M. [F] la seule somme de 1.398,83 euros au titre du rappel de salaire sur l'année 2020.
***
Si M. [F] demande également dans le corps de ses écritures, le paiement de la somme de 2.071 euros au titre du préjudice résultant des erreurs de calcul dans le cadre de la conversion brut / net dans certains bulletins de salaires, force est de constater que cette prétention ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour.
Il n' y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
***
L'appelant sollicite enfin le paiement de la somme de 2.000 euros au titre du travail fourni pendant la période du confinement, affirmant avoir travaillé à temps plein sur la période, alors que l'employeur indique qu'il a travaillé à hauteur de 77 heures en mars 2020.
Au soutien de ses allégations, il verse aux débats :
- un justificatif de déplacement professionnel signé par M. [K] pour le compte de la Sas Intercom technologies du 1er mars 2021 (pièces 8 et 10). Toutefois, ce justificatif n'est pas relatif à la période visée par la demande de M. [F] ;
- un compte-rendu de travail sous forme de tableau établi par M. [F] entre juin 2020 (pièce 7). Néanmoins, outre le fait qu'il n'est pas relatif à la période visée par la demande du salarié, les éléments qu'il comporte ne permettent pas d'éclairer la cour quant au temps de travail réellement effectué par le salarié ;
- une attestation de M. [P], technicien en télécommunication, indiquant que M. [F] travaille pour le compte de la Sas Intercom technologies depuis septembre 2019 (pièce 31). Néanmoins, il ne décrit pas avec précision l'activité du salarié sur la période du confinement.
Il résulte de ces éléments que M. [F] n'apporte pas la preuve qu'il a travaillé à temps plein pendant la période invoquée.
Force est de constater que le salarié ne s'explique pas quant au montant du rappel de salaire sollicité. Il sera débouté de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement déféré.
II/ Sur le travail dissimulé
Il est rappelé que M. [F] a été embauché par la société tunisienne Tunisair à compter de 2010, puis qu'il a été recruté par la Sarl Intercom technologies en Tunisie selon contrat de travail à durée indéterminée signé le 17 juin 2019 à compter du 19 juin 2019.
Il a ensuite été détaché auprès de la Sas Intercom technologies en France selon contrat de travail à durée indéterminée signé le 30 mai 2019 pour une prise de poste indiquée à la date du 19 novembre 2019.
M. [F] formule une demande indemnitaire pour travail dissimulé.
Il soutient qu'en réalité, alors qu'il était embauché par la société tunisienne Tunisair, puis par la société Intercom technologies en Tunisie, il a travaillé pour la Sas Intercom technologies en France préalablement à la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée avec cette société, sans contrat ni rémunération et sans déclaration, à plusieurs reprises sur les périodes suivantes :
- du 16 septembre au 11 octobre 2018,
- du 18 octobre au 17 novembre 2018,
- du 10 mars au 30 mars 2019,
- du 14 avril au 4 mai 2019.
En outre, il explique qu'il a été contraint de démissionner de son poste au sein de la société Tunisair sans indemnités de rupture.
Il ajoute qu'il a commencé à exécuter son contrat de travail entre le 19 et le 30 novembre 2019, sans rémunération ni bulletin de paie et sans être déclaré.
Il prétend au versement d'une indemnité de 6 mois de salaire, soit 19.471,26 euros, ainsi que le paiement des salaires sur les périodes considérées, soit 10.716,51 euros, outre 1.071,65 euros au titre des congés payés afférents.
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, conteste tout travail dissimulé.
Elle soutient en réponse que M. [F] est intervenu en qualité de prestataire de service pour le compte de la Sas Intercom technologies, uniquement entre le 17 septembre et le 23 novembre 2018, que cette prestation a été rémunérée et les frais professionnels de M. [F] pris en charge, que M. [F] a librement démissionné de son poste de la société Tunisair, que la date d'entrée au service de la Sas Intercom technologies a été décalée au 1er décembre 2019.
Elle conclut donc au débouté et subsidiairement à la minoration de l'indemnité pour travail dissimulé à 17.161,26 euros.
Sur ce,
L'article L 8221-5 du code du travail prévoit qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par les textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Sur la période antérieure à la conclusion du contrat de travail
Pour démontrer la réalité de ses allégations, M. [F] verse aux débats diverses pièces dont :
- une grande quantité de mails entre 2018 et 2019 (pièces 15 et 24) dont il ressort que :
. M. [F] utilisait une adresse mail dénommée « intercom-technologies.fr », au même titre que le personnel de cette société, dès le 16 septembre 2018 ;
. Il a échangé avec M. [V] [K], directeur des opérations et des achats, à propos de ses frais de transport professionnel et de la conclusion de son contrat en France (mails du 15 novembre 2018 et du 21 février 2019) ;
. Il a reçu des directives de la part du personnel de la Sas Intercom technologies, qui lui a fourni du matériel et un véhicule professionnels. Il en est ainsi notamment de M. [V] [K] (mails du 14 octobre 2018 dans lequel M. [F] dit : « comme vous avez demandé, vous trouverez ci-joint le rapport de la première partie de la mission » ; du 24 octobre 2018, du 1er novembre 2018, du 22 novembre 2018, dans lequel M. [K] lui donne une grande quantité d'instructions et du 13 mars 2019), de M. [X] [K], directeur logistique (mail du 6 octobre 2018 pour l'affectation d'un véhicule professionnel), de M. [S] [K], directeur général (mails des 23 et 25 septembre 2019), de M. [J] [K], directeur des achats (mails des 25 septembre et 4 octobre 2019), de M. [Y], responsable de l'agence de [Localité 9] (mails des 25 septembre et 4 octobre 2019), de M. [A] (mail du 2 octobre 2018 relatif à une certification d'habilitation) et de M. [B] (mail du 5 novembre 2018 dans lequel M. [F] indique : « Vous trouverez ci-joint le fichier demandé ») ;
. Il a échangé avec des clients de la Sas Intercom technologies (mails des 16 septembre, 9, 14 et 15 novembre 2018 dans lesquels M. [F] indique « M. [V] [K] est mon chef hiérarchique et c'est lui qui va poursuivre le dossier d'aménagement des véhicules en mon absence » ; « j'ai besoin d'un devis complet pour mr [V] ») ;
- une attestation de M. [P], technicien en télécommunication, indiquant avoir constaté la présence de M. [F] au sein de la Sas Intercom technologies depuis septembre 2019, en novembre de la même année, en été 2020 ainsi qu'en août et septembre 2021 (pièce 31).
En réponse, l'employeur produit :
- un historique des salaires annuels tunisiens de M. [F] (pièce 1) ;
- une lettre d'invitation de M. [F] du 17 septembre jusqu'au 23 novembre 2018 pour réaliser une formation professionnelle en logistique au sein de la Sas Intercom technologies, ainsi que les billets d'avion correspondants et un chèque à l'attention de M. [F] (pièce 2) ;
- le formulaire Cerfa 15616 pour une demande de carte de séjour passeport talent du 30 octobre 2019 dans lequel M. [F] indique que sa relation contractuelle avec la Sas Intercom technologies débutera le 14 novembre 2019 (pièce 3).
Sur le mois de novembre 2019
Il n'est pas contesté que la Sas Intercom technologies n'a pas versé de salaire ni fourni de fiche de paie en novembre 2019.
M. [F] verse aux débats diverses pièces dont :
- une attestation de travail du 14 janvier 2020 dans laquelle M. [S] [K] indique que M. [F] est employé par la Sas Intercom technologies depuis le 19 novembre 2019 (pièce 13)
- des échanges de SMS entre le 19 et le 30 novembre 2019 dans lesquels M. [J] [K] donne des directives à M. [F] (pièce 9) ;
- un échange de mails du 12 mai 2020 à propos de jours supplémentaires travaillés par M. [F] du 25 novembre au 31 décembre 2019 (pièce 9) ;
- un échange de mails du 30 janvier 2020 dans lesquels M. [Y] fait référence à une facture du 22 novembre 2019 de la Sarl LMP Auto services (alors que M. [F] était embauché en qualité de coordinateur des achats), laquelle est également produite (pièce 14).
L'examen conjugué de ces éléments révèle l'existence d'un lien de subordination ininterrompu avec la Sas Intercom technologies dès le 16 septembre 2018.
En effet, à compter de cette date, il est caractérisé à l'égard de M. [F] la fourniture d'un travail, le versement d'un salaire, la fourniture du matériel professionnel ainsi que l'exercice d'un pouvoir de direction, sans que la Sas Intercom technologies ne justifie du versement d'un salaire en France ni des différentes déclarations nécessaires.
De ces conditions, il se déduit que la soustraction aux obligations découlant de l'article L 8221-5 du code du travail par la Sas Intercom technologies ne saurait être le résultat d'une simple omission involontaire et ne peut que constituer une dissimulation intentionnelle.
Il y a donc lieu à versement de l'indemnité de l'article L 8223-1 du code du travail.
Le jugement sera infirmé de ce chef et la somme de 17.161,26 euros fixée au passif de la procédure de la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur.
En outre, au regard des périodes travaillées, il y a lieu de verser le montant de rappel de salaire demandé, qui n'est pas spécialement contesté.
Le jugement sera infirmé de ce chef et les sommes de 10.716,51 euros, outre 1.071,65 euros au titre des congés payés afférents, seront fixées au passif de la procédure de la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur.
En revanche, il n'est pas démontré que M. [F] a été contraint de démissionner du poste qu'il occupait au sein de la société tunisienne. Aucune demande n'était toutefois formulée quant à cette allégation devant la cour.
V/ Sur l'atteinte à la dignité
M. [F] sollicite le versement de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral découlant d'une atteinte à sa dignité.
Il explique avoir été hébergé par la Sas Intercom technologies de novembre 2019 à juillet 2020 dans un logement insalubre et ajoute qu'il a été victime de harcèlement moral.
Sur l'insalubrité du logement
Pour étayer ses allégations quant à l'insalubrité du logement, M. [F] verse aux débats :
- des photocopies de photographies (pièce 23). Toutefois, de telles images, pour certaines floues, ne sont pas datées ni ne comportent des données de localisations, de sorte qu'il est impossible de démontrer qu'elles ont été prises dans le logement qui aurait mis à la disposition du salarié ;
- une attestation dans laquelle M. [C], collègue de travail de M. [F], expose que « au mois de février 2020 (') l'affectation a changer et qu'il s'est retrouvé avec 5 personnes (') pendant le covid à chaque fois il dormait chez les techniciens dans des appartements déjà occupés par 4 et 5 personnes (') un mois après (') M. [F] a exigé d'avoir une couverture propre et vu qu'il n'y avait pas une place il a passer la nuit éveiller » (pièce 20). Néanmoins, cette attestation n'est pas complète, étant dépourvue de la page 1 qui doit normalement contenir la mention manuscrite de reconnaissance de la peine prévue en cas de faux témoignage, de sorte qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et sera écartée ;
- une attestation dans laquelle M. [D], ancien collègue de travail de M. [F], indique qu'au mois de novembre 2021, M. [F] s'est plaint de l'absence de couverture (pièce 21) ;
- une attestation dans laquelle M. [P] fait état du fait que « un vendredi on a été contraint de loger deux équipes de [Localité 8] (11 personnes) qui sont venu suite à l'instruction de la direction dans un camion de 7 places et un camion 3 places » (pièce 31). Néanmoins, il n'est pas précisé si M. [F] était présent à ce moment-là.
De tels éléments sont insuffisamment circonstanciés pour établir les faits allégués.
Par ailleurs, les réservations d'hôtel d'octobre et novembre 2020 par la Sas Intercom technologies (pièce employeur 9) ne corroborent pas l'état d'insalubrité avancé par le salarié.
Sur le harcèlement moral
En application de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, le salarié présente, conformément à l'article L. 1154-1 du code du travail, des éléments de fait qui font supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En application de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Au cas présent, M. [F] prétend avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ce qui a dégradé ses conditions de travail et son état de santé.
Il déplore une rétrogradation, expliquant qu'il était responsable des achats et de la logistique avant que ne lui soient confiées des missions de technicien.
Il affirme que ces agissements ont eu des incidences sur son état de santé mentale.
Pour en justifier, il s'appuie notamment sur :
- des factures d'achat de la Sas Intercom technologies libellées à son nom (pièce 23) ;
- des échanges de mails dont il ressort que son employeur lui confiait la gestion de certains achats (pièce 24) ;
- un courrier du 9 juin 2020 par lequel M. [Y] indiquait qu'il occupait le poste de coordinateur achat et logistique (pièce 25).
De ces éléments ainsi que du contrat de travail et des fiches de paie du salarié, il se déduit qu'il était bien coordinateur achat / logistique, et non responsable achats comme le salarié le prétend à tort, relevant de la classification conventionnelle de technicien supérieur.
M. [F] produit également :
- une attestation dans laquelle M. [R], technicien télécom, explique avoir « constaté que M. [F] était passé de son poste de coordinateur à un simple technicien qui travaillait avec nous sur chantiers » (pièce 26) ;
- une attestation dans laquelle M. [L], expliquant que M. [F] « a intégré la société en tant que "coordinateur achat / logistique" » (pièce 28) ;
- une attestation dans laquelle M. [T], contrôleur qualité en télécom, relate : « en avril et mai 2021 (') j'étais témoin de la maltraitance subite par Mr [F] de la part de Mr le chef d'agence qui lui criait dessus et le harcelait sans raison » (pièce 27). Outre son imprécision, cette attestation sera écartée par la cour, le témoignage n'étant pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, ne comportant pas de pièce d'identité permettant d'identifier son auteur.
Ces documents, formulés dans des termes généraux et non corroborés par des éléments objectifs circonstanciés, sont trop imprécis pour démontrer la matérialité du grief invoqué par le salarié.
M. [F] verse également un mail du 14 avril 2021 dans lequel il reproche à MM. [S] et [V] [K] le retrait de son véhicule de fonction, son absence d'augmentation de salaire ainsi qu'une dégradation de sa situation.
Outre le fait qu'il s'agit d'un document rédigé par le salarié lui-même sans que la réponse de ses supérieurs hiérarchiques ne soit fournie, l'absence de mise à disposition d'un véhicule de fonction ainsi que l'absence d'augmentation salariale ne sont pas de nature à caractériser un agissement s'apparentant à du harcèlement moral.
Enfin, le certificat médical du 30 novembre 2021 du Dr [Z], qui décrit un état anxio-dépressif, n'est pas de nature à établir un lien de causalité entre l'état de santé du salarié et ses conditions de travail, dès lors que le médecin généraliste se borne aux seules constatations qu'il a pu effectuer.
Par voie de conséquence, la cour considère que l'ensemble des griefs avancés, qui ne sont pas matériellement établis, ne permettent pas de laisser supposer une situation de harcèlement moral au détriment de M. [F].
Par voie de conséquence, il convient de rejeter la demande M. [F] au titre des dommages et intérêts sollicités à ce titre, par confirmation du jugement déféré.
VI/ Sur la détermination de la convention collective applicable
Il est rappelé que le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la Sas Intercom technologies du 30 mai 2019, qui emploie M. [F] en qualité de coordinateur logistique soumet la relation de travail à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils dite « syntec ».
Pour soutenir qu'en réalité, la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment s'applique à la relation de travail, M. [F] expose que la Sas Intercom technologies réalise principalement des travaux publics.
Il demande le versement de diverses sommes consécutivement à l'application de cette convention collective.
Ainsi, il sollicite le paiement au titre des paniers repas des sommes suivantes :
- 350 euros sur l'année 2019,
- 658 euros sur l'année 2020,
- 832 euros sur l'année 2021.
Il demande également le paiement de primes de trajet pour un total de 248,18 euros pour les petits déplacements et pour un total de 7.843,20 euros pour les grands déplacements.
Sur ce,
Par application des dispositions de l'article L.2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.
M. [F] produit une carte de BTP (pièce 12). Outre le fait que cette carte est au nom de M. [N] et non à celui de M. [F], celle-ci comporte une date, le 9 décembre 2020, dont il n'est pas précisé à quoi elle correspond, de sorte qu'elle n'est pas de nature à entraîner la conviction de la cour.
L'intimée verse aux débats un extrait Kbis mentionnant comme activité « la conception, la promotion, la mise en 'uvre, l'étude et l'implantation des systèmes informatiques et de télécommunications (Ssii), l'assistance technique, les études et l'ingénierie informatiques et télécommunications, le déploiement, l'exploitation et la gestion commerciale des réseaux informatiques et télécoms » (pièce 14).
Par comparaison avec le champ d'application des conventions collectives nationales des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment tel que précisé sans son article 1.1, et de celui de la convention collective dite « Syntec » indiqué en son article 1, la cour en déduit, aussi bien au regard de l'activité exercée par la Sas Intercom technologies que des fonctions du salarié, que la convention collective nationale dite « Syntec » était applicable à la relation de travail entre les parties.
Par confirmation du jugement déféré, M. [F] sera débouté de sa demande de voir appliquer la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment et partant, des rappels de salaire.
VII/ Sur le bien fondé du licenciement
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, sollicite l'infirmation du jugement du 15 novembre 2023 du conseil de prud'hommes de Toulouse en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la Sas Intercom technologies au paiement de diverses sommes subséquentes.
La cour n'est saisie que d'une demande d'infirmation sur ce point, M. [F] ne critiquant pas le jugement sur ce chef.
Sur ce,
Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ou la poursuite du contrat de travail.
La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
Ainsi, il appartient à la société qui a procédé au licenciement pour faute grave de M [F] de rapporter la preuve de la faute qu'elle a invoquée à l'encontre de cette dernière.
La lettre de licenciement du 13 décembre 2021 est libellée comme suit :
« (') vous avez eu un comportement inapproprié le mardi 23 novembre à 20h30, avec Monsieur [I] [Y], Chef d'Agence de la région Languedoc-Roussillon. Vous l'avez agressé verbalement devant deux salariés, Messieurs [O] [E] et [W] [H] en sortant d'un café de [Localité 9].
Nous ne pouvons accepter ce comportement de la part de nos salariés, préjudiciable à la bonne marche de l'entreprise.
Par ailleurs, vous vous êtes plaint de complément de salaire non payé, de déplacements non indemnisés, sans nous apporter d'éléments concrets à vos demandes.
Le motif de votre licenciement repose donc sur votre comportement qui ne permet pas d'envisager la moindre continuation de votre contrat de travail.
Votre licenciement prend effet à la date d'expédition du présent courrier et il est exclusif de tout préavis (') ».
Aux termes de ce courrier, il est reproché à M. [F] :
- d'une part d'avoir été agressif verbalement à l'égard de M. [Y],
- d'autre part d'avoir contesté un complément de salaire non payé et des déplacements non indemnisés.
S'agissant de ce dernier point, de telles contestations ne sont pas de nature à constituer un grief et a fortiori à justifier d'une mesure de licenciement, s'agissant de l'exercice du droit reconnu à tout salarié de solliciter paiement de sommes qu'il estime lui être dues.
Quant au premier grief, l'employeur produit :
- un mail du 26 novembre 2021 dans lequel M. [Y] indique que le 23 novembre 2021 à 20 h 30 alors qu'il était en compagnie de MM. [E] et [H], il a été « agressé verbalement par [U] [F], il m'a insulté et m'a traité de tous les noms qui portent atteinte à ma personne plus des injures. Cet acte gratuit a porté préjudice et humiliation à ma personne ce qui n'est pas tolérable d'où toutes les règles de respect sont bafouées en plus de la nuisance à l'image de l'entreprise par l'attaque de sa hiérarchie » (pièce 10). Néanmoins, les propres propos de la personne accusant le salarié du grief ne permettent pas d'en établir la matérialité ;
- une attestation du 13 mars 2023, soit plus d'un an après les faits, dans laquelle M. [E], chargé d'affaires explique « Le 23/11/2021 soir, dans un café à [Localité 7] j'étais avec Mr [Y] et Mr [H]. En sortant, Mr [F] (qui était présent par hassard) a demandé à Mr [Y] de discuter d'un sujet qui les concerne du coup on est parti moi et Mr [H] pour les laisser. Mais après quelques instants on a entendu leurs voix (En effet Mr [Y] et Mr [F] étaient en train de discuter à hautes voix). Donc on est revenus moi et Mr [H] pour empêcher que la situation se dégrade et après chacun a pris son chemin » (pièce 22). Toutefois, il s'en déduit que M. [E] n'a pas été témoin des insultes et propos agressifs tenus à l'encontre de M. [Y], de sorte que son témoignage n'est pas susceptible de corroborer le mail de ce dernier.
Il s'en déduit que la matérialité des griefs reprochés au salarié n'est pas démontrée.
Par suite, par confirmation de la décision attaquée, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse.
En l'absence de toute demande formulée par le salarié, il convient de confirmer également la décision de première instance quant au quantum des sommes allouées au salarié.
VIII/ Sur les demandes annexes
En l'état de la décision rendue, il convient d'inviter la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, à remettre à M. [F] des bulletins de salaire rectifiés, et en tant que de besoin à l'y condamner, sans qu'il n'y ait lieu à astreinte.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA Île-de-France-Est qui garantira le paiement des créances de M. [F], dans les limites et suivant les plafonds fixés par la loi et le règlement.
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation de la décision déférée, ainsi qu'aux dépens d'appel.
L'équité commande par ailleurs de le condamner à payer à M. [F] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Prend acte de l'intervention de l'AGS,
Confirme le jugement rendu le 15 novembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Toulouse en ses dispositions, sauf en ce qui concerne le rejet des demandes :
- de rappel de salaire pour retenues injustifiées sur l'année 2020,
- d'indemnité au titre du travail dissimulé et du rappel de salaire pour la période associée,
- de remise de bulletins de salaire rectifiés.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes formulées par M. [U] [F],
Dit que M. [U] [F] a commencé à travailler dans le cadre d'une relation salariée pour la Sas Intercom technologies à compter du 16 septembre 2018,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur les sommes suivantes, au profit de M. [U] [F] :
- 17.161,26 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 10.716,51 euros au titre des rappels de salaire pour la période associée, outre 1.071,65 euros au titre des congés payés afférents,
- 1.398,83 euros au titre du rappel de salaire sur l'année 2020 pour retenues injustifiées
Déboute M. [U] [F] du surplus de ses demandes,
Invite la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, à remettre à M. [U] [F] des bulletins de salaire rectifiés, et en tant que de besoin à l'y condamne, sans qu'il n'y ait lieu à astreinte ,
Déclare que le présent arrêt sera opposable à l'AGS CGEA Île-de-France-Est qui garantira le paiement des créances de M. [U] [F], dans les limites et suivant les plafonds fixés par la loi et le règlement,
Condamne la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, aux dépens d'appel,
Condamne la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, à payer à M. [U] [F] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, de sa propre demande sur ce même fondement.
Le présent arrêt a été signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C. DELVER C.GILLOIS-GHERA
.
ARRÊT N°25-223
N° RG 23/04210 - N° Portalis DBVI-V-B7H-P3ON
CGG/CD
Décision déférée du 15 Novembre 2023 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F22/00561)
X. BELLON
Section Activités Diverses
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à Me RUEDA
Me SOREL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TRENTE JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANT
Monsieur [U] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Sara RUEDA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM''S
Maître [M] [G] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la
SAS INTERCOM
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
Représenté par Me Isilde QUENAULT, avocat au barreau de PARIS
Organisme AGS CGEA ILE DE FRANCE EST Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C.GILLOIS-GHERA, présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C.GILLOIS-GHERA, présidente
M. DARIES, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] [F] a été embauché le 19 novembre 2019 par la Sas Intercom technologies, employant plus de 10 salariés, en qualité de coordinateur logistique suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale dite « syntec ».
Après avoir été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 8 décembre 2021, il a été licencié par courrier du 13 décembre 2021 pour faute grave.
M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 8 avril 2022 pour contester son licenciement et solliciter le versement de diverses sommes au titre notamment du travail dissimulé, du rappel de salaires, du préjudice lié à l'atteinte à sa dignité, de l'exécution déloyale du contrat de travail et des indemnités de déplacement.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section activité diverses, par jugement du 15 novembre 2023, a :
- dit et jugé le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la Sas Intercom technologies à régler à M. [F] les sommes suivantes :
8 580,63 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 720,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 572,04 euros au titre de congés payés afférents,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné la Sas Intercom technologies au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, port ant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse,
- fixé les dépens à la charge de la Sas Intercom technologies,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire autre que de droit.
Par déclaration du 5 décembre 2023, M. [U] [F] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 novembre 2023, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
Par jugement du 7 décembre 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sas Intercom technologies.
Par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire. Me [G] a été désigné en qualité de liquidateur et a été attrait à la présente instance en cours.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 5 mars 2024, M. [U] [F] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de M. [F],
statuant à nouveau,
- fixer le salaire de référence de M. [F] à la somme de 3.245,21€ bruts mensuels,
sur le travail dissimulé,
- juger que la Sas Intercom technologies est l'employeur de M. [F] depuis le 16 septembre 2018,
- juger que l'ancienneté de M. [F] doit être fixée au 16 septembre 2018, date réelle d'embauche par la Sas Intercom technologies,
- condamner Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes à M. [F]:
19.471,26€ au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
10.716,51€ bruts de rappel de salaires sur les périodes des mois de septembre 2018, octobre 2018, mars, avril et mai novembre 2019,
1.071,65€ de congés payés afférents,
sur le paiement des salaires
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de 3.272,50€ bruts au titre du rappel de salaires sur la période d'avril 2021 à décembre 2021, au profit de M. [F],
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de 1.398,83€ bruts, au titre de l'année 2020, au profit de M. [F],
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de 2.000€ au titre du travail pendant le confinement, au profit de M. [F],
sur l'atteinte à la dignité du salarie
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de la somme de 45.000€ de dommages et intérêts pour atteinte à la dignité du salarié, et exécution déloyale du contrat de travail, au titre du préjudice moral subi par Monsieur [F].
sur les déplacements
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des sommes suivantes à M. [F] :
350€ au titre des paniers repas de l'année 2019,
658€ au titre des paniers repas de l'année 2020,
832€ au titre des paniers repas de l'année 2021,
248,18€ au titre des indemnités de petit déplacement,
7.843,20€ au titre des indemnités de grand déplacement,
- fixer la créance de M. [F] au passif du redressement de la Sas Intercom technologies,
en tout état de cause
- ordonner la délivrance des bulletins de salaires rectifiés ainsi que des documents de fin de contrats conforme sous astreinte de 300€ par jour de retard, au profit de M. [F],
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement de la somme de 3.500 € au profit de M. [F], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sas Intercom technologies au paiement des entiers dépens d'appel,
- déclarer commun et opposable aux AGS la décision à intervenir,
- condamner les AGS à garantir le paiement des condamnations précitées.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 16 juin 2024, Me [M] [G], mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Intercom technologies demande à la cour de :
- déclarer les demandes de condamnation au paiement ou de remise sous astreinte irrecevables en application des dispositions des articles L 622-21 et suivants du code de commerce,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [F] du surplus de ses demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* jugé le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la Sas Intercom technologies à régler à M. [F] les sommes suivantes :
8 580,63 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 720,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 572,04 euros au titre de congés payés afférents,
2 500 euros au titre des frais d'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau des chefs dont l'infirmation est sollicitée,
- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [F] aux dépens et au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 3 juillet 2024, l'Ags CGEA Île de France-Est demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] du surplus de ses demandes,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* jugé le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la Sas Intercom technologies à régler à M. [F] les sommes suivantes :
8 580,63 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 720,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 572,04 euros au titre de congés payés afférents,
2 500 euros au titre des frais d'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau des chefs dont l'infirmation est sollicitée,
- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes et à tout le moins les réduire,
à titre subsidiaire,
- juger irrecevables car prescrites les demandes de paniers repas concernant la période antérieure au 8 avril 2020,
- juger irrecevables car prescrites les demandes de primes de grand déplacement concernant la période antérieure au 8 avril 2020,
- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes et à tout le moins les réduire,
en tout état de cause,
- juger que les astreintes étant liées à l'exécution d'une décision de justice, elles ne bénéficient pas de la garantie de l'AGS,
- juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19, L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, étant précisé que le plafond applicable en l'espèce s'élève, toutes créances avancées pour le compte du salarié,
- juger que les indemnités réclamées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont exclues de la garantie, les conditions spécifiques de celle-ci n'étant pas remplies,
- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 16 mai 2025.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I/ Sur la recevabilité des demandes :
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, soutient que, étant en liquidation judiciaire, les demandes de M. [F] tenant au paiement de certaines sommes et à la remise de documents sous astreinte à l'égard de la Sas Intercom technologies sont irrecevables au regard des dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce, toute action en paiement étant interdite ou suspendue à l'égard d'une société en procédure collective.
Sur ce,
L'article 369 du code de procédure civile dispose que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.
L'article L 622-21 du code de commerce prévoit que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Il s'ensuit que l'action du salarié ne peut avoir pour objet que de fixer la créance au passif de la société en liquidation judiciaire, sans préjudice de la garantie de l'AGS.
Nonobstant le dispositif des dernières écritures de M. [F] du 5 mars 2024 qui sollicite la condamnation de la Sas Intercom technologies au paiement de sommes d'argent et à la délivrance de documents sous astreinte, il ressort des pièces de la procédure que, par acte d'huissier de justice du 18 mars 2024, M. [F] a signifié au liquidateur de la Sas Intercom technologies sa déclaration d'appel ainsi que son jeu de conclusions d'appel, de sorte que les demandes de M. [F] ont nécessairement pour objet la fixation des créances au passif de la liquidation de la Sas Intercom technologies.
Par conséquent, les demandes de M. [F] seront déclarées recevables.
II/ Sur la demande de rappels de salaire
M. [F] soutient que son employeur s'était engagé, à compter du 1er janvier 2021, à lui verser un complément de rémunération à hauteur de 385 euros bruts, soit 300 euros nets mensuels, qu'il a cessé d'honorer.
Il ajoute que son employeur a opéré de manière injustifiée, des retenues sur son salaire pour des absences inexistantes.
Il sollicite à ce titre des rappels à hauteur de 1.398,83 euros au titre de l'année 2020 et de 3.272,50 euros au titre de l'année 2021 ainsi que la délivrance sous astreinte des bulletins de salaires rectifiés sur les années 2020 et 2021.
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, conclut au débouté.
Elle expose que la Sas Intercom technologies avait déterminé une prime sur objectifs d'un montant de 300 euros mensuels, mais que M. [F] n'a pas atteint ses objectifs, de sorte que cette prime ne lui a pas été versée.
Sur le complément de rémunération
M. [F] ne précise pas la nature de ce complément de rémunération, dont l'employeur prétend pour sa part qu'il s'agirait d'une prime sur objectifs.
L'examen des conditions de rémunération prévues au contrat de travail ne révèle pourtant aucune prime en sus du salaire convenu.
S'il ressort des bulletins de salaire de M. [F] qu'aucun versement n'a été formalisé en ce sens au titre de l'année 2021, pas plus d'ailleurs qu'au titre de l'année 2020, il résulte par contre des relevés des comptes bancaires de M. [F] que le 12 mai 2021, la Sas Intercom technologies lui a versé à trois reprises la somme de 300,00 euros, sans que l'intimée ne s'explique sur ces 3 versements uniques ni sur l'absence de mention de ces sommes sur les bulletins de salaire de l'intéressé.
M. [F] verse aux débats un SMS du 10 septembre, sans préciser l'année, dans lequel il demande à M. [V] [K] le versement de ses primes (pièce 18). Toutefois, un tel message n'est pas suffisamment circonstancié et ne comporte pas la réponse de l'intéressé, de sorte qu'il n'emporte pas la conviction de la cour.
En l'absence d'éléments supplémentaires, le simple versement à trois reprises de 300 euros sur le compte bancaire de M. [F] est insuffisant à caractériser un engagement de son employeur à lui verser un complément de salaire.
Par conséquent, il sera débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de l'année 2021 ainsi que de sa demande de fixer son salaire brut moyen à 3.245,21 euros mensuels.
Au regard des bulletins de salaire, le salaire brut moyen sera fixé à 2.860,21 euros mensuels.
Sur les retenues sur salaire
Il ressort des bulletins de salaire de M. [F] que des retenues sur salaire ont bien été réalisées au titre d'« absences non rémunérées » en janvier, février, mars et juillet 2020, sans que l'intimée ne justifie de la réalité ni du motif de ces absences.
Par contre, la cour constate que le salarié ne justifie pas de l'existence de retenues injustifiées au titre de l'année 2021, de sorte que sa demande de ce chef ne peut prospérer.
Il sera donc alloué à M. [F] la seule somme de 1.398,83 euros au titre du rappel de salaire sur l'année 2020.
***
Si M. [F] demande également dans le corps de ses écritures, le paiement de la somme de 2.071 euros au titre du préjudice résultant des erreurs de calcul dans le cadre de la conversion brut / net dans certains bulletins de salaires, force est de constater que cette prétention ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour.
Il n' y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
***
L'appelant sollicite enfin le paiement de la somme de 2.000 euros au titre du travail fourni pendant la période du confinement, affirmant avoir travaillé à temps plein sur la période, alors que l'employeur indique qu'il a travaillé à hauteur de 77 heures en mars 2020.
Au soutien de ses allégations, il verse aux débats :
- un justificatif de déplacement professionnel signé par M. [K] pour le compte de la Sas Intercom technologies du 1er mars 2021 (pièces 8 et 10). Toutefois, ce justificatif n'est pas relatif à la période visée par la demande de M. [F] ;
- un compte-rendu de travail sous forme de tableau établi par M. [F] entre juin 2020 (pièce 7). Néanmoins, outre le fait qu'il n'est pas relatif à la période visée par la demande du salarié, les éléments qu'il comporte ne permettent pas d'éclairer la cour quant au temps de travail réellement effectué par le salarié ;
- une attestation de M. [P], technicien en télécommunication, indiquant que M. [F] travaille pour le compte de la Sas Intercom technologies depuis septembre 2019 (pièce 31). Néanmoins, il ne décrit pas avec précision l'activité du salarié sur la période du confinement.
Il résulte de ces éléments que M. [F] n'apporte pas la preuve qu'il a travaillé à temps plein pendant la période invoquée.
Force est de constater que le salarié ne s'explique pas quant au montant du rappel de salaire sollicité. Il sera débouté de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement déféré.
II/ Sur le travail dissimulé
Il est rappelé que M. [F] a été embauché par la société tunisienne Tunisair à compter de 2010, puis qu'il a été recruté par la Sarl Intercom technologies en Tunisie selon contrat de travail à durée indéterminée signé le 17 juin 2019 à compter du 19 juin 2019.
Il a ensuite été détaché auprès de la Sas Intercom technologies en France selon contrat de travail à durée indéterminée signé le 30 mai 2019 pour une prise de poste indiquée à la date du 19 novembre 2019.
M. [F] formule une demande indemnitaire pour travail dissimulé.
Il soutient qu'en réalité, alors qu'il était embauché par la société tunisienne Tunisair, puis par la société Intercom technologies en Tunisie, il a travaillé pour la Sas Intercom technologies en France préalablement à la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée avec cette société, sans contrat ni rémunération et sans déclaration, à plusieurs reprises sur les périodes suivantes :
- du 16 septembre au 11 octobre 2018,
- du 18 octobre au 17 novembre 2018,
- du 10 mars au 30 mars 2019,
- du 14 avril au 4 mai 2019.
En outre, il explique qu'il a été contraint de démissionner de son poste au sein de la société Tunisair sans indemnités de rupture.
Il ajoute qu'il a commencé à exécuter son contrat de travail entre le 19 et le 30 novembre 2019, sans rémunération ni bulletin de paie et sans être déclaré.
Il prétend au versement d'une indemnité de 6 mois de salaire, soit 19.471,26 euros, ainsi que le paiement des salaires sur les périodes considérées, soit 10.716,51 euros, outre 1.071,65 euros au titre des congés payés afférents.
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, conteste tout travail dissimulé.
Elle soutient en réponse que M. [F] est intervenu en qualité de prestataire de service pour le compte de la Sas Intercom technologies, uniquement entre le 17 septembre et le 23 novembre 2018, que cette prestation a été rémunérée et les frais professionnels de M. [F] pris en charge, que M. [F] a librement démissionné de son poste de la société Tunisair, que la date d'entrée au service de la Sas Intercom technologies a été décalée au 1er décembre 2019.
Elle conclut donc au débouté et subsidiairement à la minoration de l'indemnité pour travail dissimulé à 17.161,26 euros.
Sur ce,
L'article L 8221-5 du code du travail prévoit qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par les textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Sur la période antérieure à la conclusion du contrat de travail
Pour démontrer la réalité de ses allégations, M. [F] verse aux débats diverses pièces dont :
- une grande quantité de mails entre 2018 et 2019 (pièces 15 et 24) dont il ressort que :
. M. [F] utilisait une adresse mail dénommée « intercom-technologies.fr », au même titre que le personnel de cette société, dès le 16 septembre 2018 ;
. Il a échangé avec M. [V] [K], directeur des opérations et des achats, à propos de ses frais de transport professionnel et de la conclusion de son contrat en France (mails du 15 novembre 2018 et du 21 février 2019) ;
. Il a reçu des directives de la part du personnel de la Sas Intercom technologies, qui lui a fourni du matériel et un véhicule professionnels. Il en est ainsi notamment de M. [V] [K] (mails du 14 octobre 2018 dans lequel M. [F] dit : « comme vous avez demandé, vous trouverez ci-joint le rapport de la première partie de la mission » ; du 24 octobre 2018, du 1er novembre 2018, du 22 novembre 2018, dans lequel M. [K] lui donne une grande quantité d'instructions et du 13 mars 2019), de M. [X] [K], directeur logistique (mail du 6 octobre 2018 pour l'affectation d'un véhicule professionnel), de M. [S] [K], directeur général (mails des 23 et 25 septembre 2019), de M. [J] [K], directeur des achats (mails des 25 septembre et 4 octobre 2019), de M. [Y], responsable de l'agence de [Localité 9] (mails des 25 septembre et 4 octobre 2019), de M. [A] (mail du 2 octobre 2018 relatif à une certification d'habilitation) et de M. [B] (mail du 5 novembre 2018 dans lequel M. [F] indique : « Vous trouverez ci-joint le fichier demandé ») ;
. Il a échangé avec des clients de la Sas Intercom technologies (mails des 16 septembre, 9, 14 et 15 novembre 2018 dans lesquels M. [F] indique « M. [V] [K] est mon chef hiérarchique et c'est lui qui va poursuivre le dossier d'aménagement des véhicules en mon absence » ; « j'ai besoin d'un devis complet pour mr [V] ») ;
- une attestation de M. [P], technicien en télécommunication, indiquant avoir constaté la présence de M. [F] au sein de la Sas Intercom technologies depuis septembre 2019, en novembre de la même année, en été 2020 ainsi qu'en août et septembre 2021 (pièce 31).
En réponse, l'employeur produit :
- un historique des salaires annuels tunisiens de M. [F] (pièce 1) ;
- une lettre d'invitation de M. [F] du 17 septembre jusqu'au 23 novembre 2018 pour réaliser une formation professionnelle en logistique au sein de la Sas Intercom technologies, ainsi que les billets d'avion correspondants et un chèque à l'attention de M. [F] (pièce 2) ;
- le formulaire Cerfa 15616 pour une demande de carte de séjour passeport talent du 30 octobre 2019 dans lequel M. [F] indique que sa relation contractuelle avec la Sas Intercom technologies débutera le 14 novembre 2019 (pièce 3).
Sur le mois de novembre 2019
Il n'est pas contesté que la Sas Intercom technologies n'a pas versé de salaire ni fourni de fiche de paie en novembre 2019.
M. [F] verse aux débats diverses pièces dont :
- une attestation de travail du 14 janvier 2020 dans laquelle M. [S] [K] indique que M. [F] est employé par la Sas Intercom technologies depuis le 19 novembre 2019 (pièce 13)
- des échanges de SMS entre le 19 et le 30 novembre 2019 dans lesquels M. [J] [K] donne des directives à M. [F] (pièce 9) ;
- un échange de mails du 12 mai 2020 à propos de jours supplémentaires travaillés par M. [F] du 25 novembre au 31 décembre 2019 (pièce 9) ;
- un échange de mails du 30 janvier 2020 dans lesquels M. [Y] fait référence à une facture du 22 novembre 2019 de la Sarl LMP Auto services (alors que M. [F] était embauché en qualité de coordinateur des achats), laquelle est également produite (pièce 14).
L'examen conjugué de ces éléments révèle l'existence d'un lien de subordination ininterrompu avec la Sas Intercom technologies dès le 16 septembre 2018.
En effet, à compter de cette date, il est caractérisé à l'égard de M. [F] la fourniture d'un travail, le versement d'un salaire, la fourniture du matériel professionnel ainsi que l'exercice d'un pouvoir de direction, sans que la Sas Intercom technologies ne justifie du versement d'un salaire en France ni des différentes déclarations nécessaires.
De ces conditions, il se déduit que la soustraction aux obligations découlant de l'article L 8221-5 du code du travail par la Sas Intercom technologies ne saurait être le résultat d'une simple omission involontaire et ne peut que constituer une dissimulation intentionnelle.
Il y a donc lieu à versement de l'indemnité de l'article L 8223-1 du code du travail.
Le jugement sera infirmé de ce chef et la somme de 17.161,26 euros fixée au passif de la procédure de la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur.
En outre, au regard des périodes travaillées, il y a lieu de verser le montant de rappel de salaire demandé, qui n'est pas spécialement contesté.
Le jugement sera infirmé de ce chef et les sommes de 10.716,51 euros, outre 1.071,65 euros au titre des congés payés afférents, seront fixées au passif de la procédure de la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur.
En revanche, il n'est pas démontré que M. [F] a été contraint de démissionner du poste qu'il occupait au sein de la société tunisienne. Aucune demande n'était toutefois formulée quant à cette allégation devant la cour.
V/ Sur l'atteinte à la dignité
M. [F] sollicite le versement de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral découlant d'une atteinte à sa dignité.
Il explique avoir été hébergé par la Sas Intercom technologies de novembre 2019 à juillet 2020 dans un logement insalubre et ajoute qu'il a été victime de harcèlement moral.
Sur l'insalubrité du logement
Pour étayer ses allégations quant à l'insalubrité du logement, M. [F] verse aux débats :
- des photocopies de photographies (pièce 23). Toutefois, de telles images, pour certaines floues, ne sont pas datées ni ne comportent des données de localisations, de sorte qu'il est impossible de démontrer qu'elles ont été prises dans le logement qui aurait mis à la disposition du salarié ;
- une attestation dans laquelle M. [C], collègue de travail de M. [F], expose que « au mois de février 2020 (') l'affectation a changer et qu'il s'est retrouvé avec 5 personnes (') pendant le covid à chaque fois il dormait chez les techniciens dans des appartements déjà occupés par 4 et 5 personnes (') un mois après (') M. [F] a exigé d'avoir une couverture propre et vu qu'il n'y avait pas une place il a passer la nuit éveiller » (pièce 20). Néanmoins, cette attestation n'est pas complète, étant dépourvue de la page 1 qui doit normalement contenir la mention manuscrite de reconnaissance de la peine prévue en cas de faux témoignage, de sorte qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et sera écartée ;
- une attestation dans laquelle M. [D], ancien collègue de travail de M. [F], indique qu'au mois de novembre 2021, M. [F] s'est plaint de l'absence de couverture (pièce 21) ;
- une attestation dans laquelle M. [P] fait état du fait que « un vendredi on a été contraint de loger deux équipes de [Localité 8] (11 personnes) qui sont venu suite à l'instruction de la direction dans un camion de 7 places et un camion 3 places » (pièce 31). Néanmoins, il n'est pas précisé si M. [F] était présent à ce moment-là.
De tels éléments sont insuffisamment circonstanciés pour établir les faits allégués.
Par ailleurs, les réservations d'hôtel d'octobre et novembre 2020 par la Sas Intercom technologies (pièce employeur 9) ne corroborent pas l'état d'insalubrité avancé par le salarié.
Sur le harcèlement moral
En application de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, le salarié présente, conformément à l'article L. 1154-1 du code du travail, des éléments de fait qui font supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En application de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Au cas présent, M. [F] prétend avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ce qui a dégradé ses conditions de travail et son état de santé.
Il déplore une rétrogradation, expliquant qu'il était responsable des achats et de la logistique avant que ne lui soient confiées des missions de technicien.
Il affirme que ces agissements ont eu des incidences sur son état de santé mentale.
Pour en justifier, il s'appuie notamment sur :
- des factures d'achat de la Sas Intercom technologies libellées à son nom (pièce 23) ;
- des échanges de mails dont il ressort que son employeur lui confiait la gestion de certains achats (pièce 24) ;
- un courrier du 9 juin 2020 par lequel M. [Y] indiquait qu'il occupait le poste de coordinateur achat et logistique (pièce 25).
De ces éléments ainsi que du contrat de travail et des fiches de paie du salarié, il se déduit qu'il était bien coordinateur achat / logistique, et non responsable achats comme le salarié le prétend à tort, relevant de la classification conventionnelle de technicien supérieur.
M. [F] produit également :
- une attestation dans laquelle M. [R], technicien télécom, explique avoir « constaté que M. [F] était passé de son poste de coordinateur à un simple technicien qui travaillait avec nous sur chantiers » (pièce 26) ;
- une attestation dans laquelle M. [L], expliquant que M. [F] « a intégré la société en tant que "coordinateur achat / logistique" » (pièce 28) ;
- une attestation dans laquelle M. [T], contrôleur qualité en télécom, relate : « en avril et mai 2021 (') j'étais témoin de la maltraitance subite par Mr [F] de la part de Mr le chef d'agence qui lui criait dessus et le harcelait sans raison » (pièce 27). Outre son imprécision, cette attestation sera écartée par la cour, le témoignage n'étant pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, ne comportant pas de pièce d'identité permettant d'identifier son auteur.
Ces documents, formulés dans des termes généraux et non corroborés par des éléments objectifs circonstanciés, sont trop imprécis pour démontrer la matérialité du grief invoqué par le salarié.
M. [F] verse également un mail du 14 avril 2021 dans lequel il reproche à MM. [S] et [V] [K] le retrait de son véhicule de fonction, son absence d'augmentation de salaire ainsi qu'une dégradation de sa situation.
Outre le fait qu'il s'agit d'un document rédigé par le salarié lui-même sans que la réponse de ses supérieurs hiérarchiques ne soit fournie, l'absence de mise à disposition d'un véhicule de fonction ainsi que l'absence d'augmentation salariale ne sont pas de nature à caractériser un agissement s'apparentant à du harcèlement moral.
Enfin, le certificat médical du 30 novembre 2021 du Dr [Z], qui décrit un état anxio-dépressif, n'est pas de nature à établir un lien de causalité entre l'état de santé du salarié et ses conditions de travail, dès lors que le médecin généraliste se borne aux seules constatations qu'il a pu effectuer.
Par voie de conséquence, la cour considère que l'ensemble des griefs avancés, qui ne sont pas matériellement établis, ne permettent pas de laisser supposer une situation de harcèlement moral au détriment de M. [F].
Par voie de conséquence, il convient de rejeter la demande M. [F] au titre des dommages et intérêts sollicités à ce titre, par confirmation du jugement déféré.
VI/ Sur la détermination de la convention collective applicable
Il est rappelé que le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la Sas Intercom technologies du 30 mai 2019, qui emploie M. [F] en qualité de coordinateur logistique soumet la relation de travail à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils dite « syntec ».
Pour soutenir qu'en réalité, la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment s'applique à la relation de travail, M. [F] expose que la Sas Intercom technologies réalise principalement des travaux publics.
Il demande le versement de diverses sommes consécutivement à l'application de cette convention collective.
Ainsi, il sollicite le paiement au titre des paniers repas des sommes suivantes :
- 350 euros sur l'année 2019,
- 658 euros sur l'année 2020,
- 832 euros sur l'année 2021.
Il demande également le paiement de primes de trajet pour un total de 248,18 euros pour les petits déplacements et pour un total de 7.843,20 euros pour les grands déplacements.
Sur ce,
Par application des dispositions de l'article L.2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.
M. [F] produit une carte de BTP (pièce 12). Outre le fait que cette carte est au nom de M. [N] et non à celui de M. [F], celle-ci comporte une date, le 9 décembre 2020, dont il n'est pas précisé à quoi elle correspond, de sorte qu'elle n'est pas de nature à entraîner la conviction de la cour.
L'intimée verse aux débats un extrait Kbis mentionnant comme activité « la conception, la promotion, la mise en 'uvre, l'étude et l'implantation des systèmes informatiques et de télécommunications (Ssii), l'assistance technique, les études et l'ingénierie informatiques et télécommunications, le déploiement, l'exploitation et la gestion commerciale des réseaux informatiques et télécoms » (pièce 14).
Par comparaison avec le champ d'application des conventions collectives nationales des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment tel que précisé sans son article 1.1, et de celui de la convention collective dite « Syntec » indiqué en son article 1, la cour en déduit, aussi bien au regard de l'activité exercée par la Sas Intercom technologies que des fonctions du salarié, que la convention collective nationale dite « Syntec » était applicable à la relation de travail entre les parties.
Par confirmation du jugement déféré, M. [F] sera débouté de sa demande de voir appliquer la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment et partant, des rappels de salaire.
VII/ Sur le bien fondé du licenciement
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, sollicite l'infirmation du jugement du 15 novembre 2023 du conseil de prud'hommes de Toulouse en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la Sas Intercom technologies au paiement de diverses sommes subséquentes.
La cour n'est saisie que d'une demande d'infirmation sur ce point, M. [F] ne critiquant pas le jugement sur ce chef.
Sur ce,
Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ou la poursuite du contrat de travail.
La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
Ainsi, il appartient à la société qui a procédé au licenciement pour faute grave de M [F] de rapporter la preuve de la faute qu'elle a invoquée à l'encontre de cette dernière.
La lettre de licenciement du 13 décembre 2021 est libellée comme suit :
« (') vous avez eu un comportement inapproprié le mardi 23 novembre à 20h30, avec Monsieur [I] [Y], Chef d'Agence de la région Languedoc-Roussillon. Vous l'avez agressé verbalement devant deux salariés, Messieurs [O] [E] et [W] [H] en sortant d'un café de [Localité 9].
Nous ne pouvons accepter ce comportement de la part de nos salariés, préjudiciable à la bonne marche de l'entreprise.
Par ailleurs, vous vous êtes plaint de complément de salaire non payé, de déplacements non indemnisés, sans nous apporter d'éléments concrets à vos demandes.
Le motif de votre licenciement repose donc sur votre comportement qui ne permet pas d'envisager la moindre continuation de votre contrat de travail.
Votre licenciement prend effet à la date d'expédition du présent courrier et il est exclusif de tout préavis (') ».
Aux termes de ce courrier, il est reproché à M. [F] :
- d'une part d'avoir été agressif verbalement à l'égard de M. [Y],
- d'autre part d'avoir contesté un complément de salaire non payé et des déplacements non indemnisés.
S'agissant de ce dernier point, de telles contestations ne sont pas de nature à constituer un grief et a fortiori à justifier d'une mesure de licenciement, s'agissant de l'exercice du droit reconnu à tout salarié de solliciter paiement de sommes qu'il estime lui être dues.
Quant au premier grief, l'employeur produit :
- un mail du 26 novembre 2021 dans lequel M. [Y] indique que le 23 novembre 2021 à 20 h 30 alors qu'il était en compagnie de MM. [E] et [H], il a été « agressé verbalement par [U] [F], il m'a insulté et m'a traité de tous les noms qui portent atteinte à ma personne plus des injures. Cet acte gratuit a porté préjudice et humiliation à ma personne ce qui n'est pas tolérable d'où toutes les règles de respect sont bafouées en plus de la nuisance à l'image de l'entreprise par l'attaque de sa hiérarchie » (pièce 10). Néanmoins, les propres propos de la personne accusant le salarié du grief ne permettent pas d'en établir la matérialité ;
- une attestation du 13 mars 2023, soit plus d'un an après les faits, dans laquelle M. [E], chargé d'affaires explique « Le 23/11/2021 soir, dans un café à [Localité 7] j'étais avec Mr [Y] et Mr [H]. En sortant, Mr [F] (qui était présent par hassard) a demandé à Mr [Y] de discuter d'un sujet qui les concerne du coup on est parti moi et Mr [H] pour les laisser. Mais après quelques instants on a entendu leurs voix (En effet Mr [Y] et Mr [F] étaient en train de discuter à hautes voix). Donc on est revenus moi et Mr [H] pour empêcher que la situation se dégrade et après chacun a pris son chemin » (pièce 22). Toutefois, il s'en déduit que M. [E] n'a pas été témoin des insultes et propos agressifs tenus à l'encontre de M. [Y], de sorte que son témoignage n'est pas susceptible de corroborer le mail de ce dernier.
Il s'en déduit que la matérialité des griefs reprochés au salarié n'est pas démontrée.
Par suite, par confirmation de la décision attaquée, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse.
En l'absence de toute demande formulée par le salarié, il convient de confirmer également la décision de première instance quant au quantum des sommes allouées au salarié.
VIII/ Sur les demandes annexes
En l'état de la décision rendue, il convient d'inviter la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, à remettre à M. [F] des bulletins de salaire rectifiés, et en tant que de besoin à l'y condamner, sans qu'il n'y ait lieu à astreinte.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA Île-de-France-Est qui garantira le paiement des créances de M. [F], dans les limites et suivant les plafonds fixés par la loi et le règlement.
La Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation de la décision déférée, ainsi qu'aux dépens d'appel.
L'équité commande par ailleurs de le condamner à payer à M. [F] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Prend acte de l'intervention de l'AGS,
Confirme le jugement rendu le 15 novembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Toulouse en ses dispositions, sauf en ce qui concerne le rejet des demandes :
- de rappel de salaire pour retenues injustifiées sur l'année 2020,
- d'indemnité au titre du travail dissimulé et du rappel de salaire pour la période associée,
- de remise de bulletins de salaire rectifiés.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes formulées par M. [U] [F],
Dit que M. [U] [F] a commencé à travailler dans le cadre d'une relation salariée pour la Sas Intercom technologies à compter du 16 septembre 2018,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur les sommes suivantes, au profit de M. [U] [F] :
- 17.161,26 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 10.716,51 euros au titre des rappels de salaire pour la période associée, outre 1.071,65 euros au titre des congés payés afférents,
- 1.398,83 euros au titre du rappel de salaire sur l'année 2020 pour retenues injustifiées
Déboute M. [U] [F] du surplus de ses demandes,
Invite la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, à remettre à M. [U] [F] des bulletins de salaire rectifiés, et en tant que de besoin à l'y condamne, sans qu'il n'y ait lieu à astreinte ,
Déclare que le présent arrêt sera opposable à l'AGS CGEA Île-de-France-Est qui garantira le paiement des créances de M. [U] [F], dans les limites et suivant les plafonds fixés par la loi et le règlement,
Condamne la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, aux dépens d'appel,
Condamne la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, à payer à M. [U] [F] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Sas Intercom technologies, prise en la personne de Maître [G], ès qualités de liquidateur, de sa propre demande sur ce même fondement.
Le présent arrêt a été signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C. DELVER C.GILLOIS-GHERA
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