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Décisions

CA Rennes, ch. etrangers/hsc, 31 juillet 2025, n° 25/00565

RENNES

Ordonnance

Autre

CA Rennes n° 25/00565

31 juillet 2025

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 25-335

N° RG 25/00565 - N° Portalis DBVL-V-B7J-WCHO

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 30 Juillet 2025 à 12 h58 par Me Nathalie DUPAS, avocat au barreau de RENNES :

M. [X] [K]

né le 09 Avril 2005 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

ayant pour avocat Me Nathalie DUPAS, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 29 Juillet 2025 à 17 h42 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [X] [K] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-six jours à compter du 28 juillet 2025 à 24 heures;

En l'absence de représentant de la PREFECTURE DU CALVADOS, dûment convoqué, (observations écrites du 31 juillet 2025 communiquées à Me DUPAS, avocat)

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 31 juillet 2025 lequel a été mis à disposition des parties.

En présence de [X] [K],par le biais de la visio-conférence assisté de Me Nathalie DUPAS, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 31 Juillet 2025 à 11 H 00 l'appelant assisté de M. [N] [S], interprète en langue arabe, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

Par arrêté du 24 mai 2025 le Préfet du Calvados a fait obligation à Monsieur [X] [K] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 25 juillet 2025 notifié le même jour le Préfet du Calvados a placé Monsieur [K] en rétention dans des locaux ne relavant pas de l'administration pénitentiaire.

Par requête du 28 juillet 2025 le Préfet du Calvados a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du même jour Monsieur [K] a contesté la régularité de l'arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance du 29 juillet 2025 le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes a rejeté la contestation de l'arrêté de placement en rétention, dit que le contrôle d'identité et l'interpellation de Monsieur [K] étaient régulières, dit que la consultation du Fichier des Personnes Recherchées par un agent ne mentionnant pas qu'il était habilité était sans incidence sur le placement en rétention et a autorisé la prolongation de la rétention de Monsieur [K] pour une durée de vingt-six jours à compter du 28 juillet 2025 à 24 h.

Par déclaration de son avocat du 30 juillet 2025 Monsieur [K] a formé appel de cette décision en soutenant que le Préfet n'avait pas procédé à un examen approfondi de sa situation, que son contrôle d'identité était irrégulier comme étant hors du cadre fixé par l'article 78-2 du Code de Procédure Pénale et des réquisitions du Procureur de la République, que ce contrôle n'avait pas ailleurs pas été fait sur ordre et sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire et que la consultation du Fichier des Personnes recherchées, qui avait conduit à son placement en retenue puis à son placement en rétention, était également irrégulière, l'agent ayant consulté ce fichier ne mentionnant pas qu'elle y était habilitée.

Il a conclu à la condamnation du Préfet du Calvados au paiement de la somme de 1.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

A l'audience, Monsieur [K] est assisté de son avocat et fait soutenir oralement sa déclaration d'appel et maintient sa demande indemnitaire.

Le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée selon avis du 31 juillet 2025.

Selon mémoire du 31 juillet 2025 le Préfet du Calvados a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

Sur le contrôle d'identité, l'interpellation et la consultation du Fichier des Personnes Recherchées,

Il ressort des pièces de la procédure débattues contradictoirement que le Procureur de la République du Tribunal Judiciaire de Caen a requis le 07 juillet des contrôles d'identité dans le cadre procédural de l'article 78-2-2 I aux fins de rechercher les auteurs d'infractions en matières d'armes, trafic de stupéfiants, vol et recel.

L'article 78-2-2 I du Code de Procédure Pénale visé par le Procureur de la République, dispose :

I.-Sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du présent code, peuvent procéder aux contrôles d'identité prévus au septième alinéa de l'article 78-2, aux fins de recherche et de poursuite des infractions suivantes :

1° Actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

2° Infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs mentionnées aux 1° et 2° du I de l'article L. 1333-9, à l'article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense ;

3° Infractions en matière d'armes mentionnées à l'article 222-54 du code pénal et à l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;

4° Infractions en matière d'explosifs mentionnés à l'article 322-11-1 du code pénal et à l'article L. 2353-4 du code de la défense ;

5° Infractions de vol mentionnées aux articles 311-3 à 311-11 du code pénal ;

6° Infractions de recel mentionnées aux articles 321-1 et 321-2 du même code ;

7° Faits de trafic de stupéfiants mentionnés aux articles 222-34 à 222-38 dudit code.

Par ailleurs, l'article 15-5 du Code de Procédure Pénale dispose que :

Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction.

La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.

Il ressort des pièces de la procédure que selon procès-verbal du 24 juillet 2025 à 16 h 35 un agent de police judiciaire a procédé, « agissant conformément aux instructions reçues de notre Haute Autorité » à « une opération de sécurisation des transports en commun », au visa des réquisitions du Procureur de la République du 07 juillet 2025 et a contrôlé l'identité d'une personne, au motif qu'elle était démunie de titre de transport et de pièce d'identité, se déclarant être [K] [X] né le 09 avril 2005.

Il résulte de ces premières mentions que cet agent de police judiciaire n'a pas agi sur l'ordre et sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire, la formulation « notre Haute Autorité » n'ayant aucune signification légale ou procédurale et a en outre agi hors du cadre légal limité par l'article 78-2-2 I du Code de Procédure Pénale et des réquisitions du Procureur de la République, puisque le contrôle d'identité était fondé sur le défaut de titre de transport, de même que la demande de pièce d'identité, cette infraction n'entrant pas dans les infractions de l'article 78-2-2 I et a en conséquence irrégulièrement contrôlé l'identité de Monsieur [K].

Il résulte des autres mentions du même procès-verbal que l'agent de police judiciaire a consulté le Fichier des Personnes Recherchées sans mentionner y être habilité, a constaté l'existence de deux fiches de recherche pour une interdiction de retour et une obligation de quitter le territoire français, a interpellé Monsieur [K] pour ce motif, a informé l'officier de police judiciaire, qui, selon procès-verbal du 24 juillet 2025 à 17 h 10 l'a placé en retenue et enfin qu'à l'issue de cette mesure le Préfet du Calvados a placé l'intéressé en rétention.

Il résulte de ces derniers éléments que l'agent de police judiciaire a obtenu des fiches de recherche par une consultation du Fichier des Personnes Recherchées, sans y être habilité, ce qui a entraîné directement la retenue puis la rétention de Monsieur [X] [K], étant souligné qu'aucune habilitation de figure à la procédure et que l'identité de la personne ayant consulté le fichier reste inconnue.

Les procédures de contrôle d'identité, d'interpellation et de placement en retenue sont irrégulières et ont porté gravement atteinte aux droits de Monsieur [X] [K] qui a illégalement fait l'objet d'une mesure privative de liberté.

L'ordonnance sera infirmée .

Le Préfet du Calvados devra payer la somme de 1.000,00 euros à l'avocat de Monsieur [K] au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes du 29 juillet 2025 et statuant à nouveau, rejetons la requête en prolongation de la rétention de Monsieur [X] [K],

Condamnons le Préfet du Calvados à payer à Maître Nathalie DUPAS, avocat au barreau de Rennes, la somme de 1.000,00 euros au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Ainsi jugé le 31 juillet 2025 à 15 heures

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

Jean-Denis BRUN

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [X] [K], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier

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