CA Metz, 6e ch., 31 juillet 2025, n° 23/01265
METZ
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/01265 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F7K4
Minute n° 25/00120
[D]
C/
S.A.S. [11]
Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de METZ, décision attaquée en date du 06 Juin 2023, enregistrée sous le n° 20/00400
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 31 JUILLET 2025
APPELANT :
Monsieur [K] [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Gaspard GARREL, avocat postulant au barreau de METZ
et par Me Nathalie HAUSMANN, avocat plaidant du barreau de REIMS
INTIMÉE :
SAS [11], prise en la personne de Me [A] [H] es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [10]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2025 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 31 Juillet 2025,en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société [10] a été constituée le 19 janvier 1996 sous la forme d'une SARL au capital social de 15 244 euros, avec pour siège social le [Adresse 2]. La société [10] exerçait une activité d'agencement de magasins.
Par assemblée générale extraordinaire en date du 17 décembre 2007, les associés ont décidé de transformer la SARL en SA puis, en date du 07 janvier 2008, M. [K] [D] a été nommée en qualité de président du conseil d'administration. Le 21 janvier 2008, par assemblée générale extraordinaire, Mme [I] [D] et M. [Z] [D] ont été désignés en qualité d'administrateurs.
Le capital social de la SA [10] de 200 000 euros était réparti entre les actionnaires suivants :
EURL [Z] au capital de 1 000 euros, gérée par M. [K] [D] : 190 000 actions
Mme [D] : 5 actions
M. [K] [D] : 5 actions
M. [Z] [D] : 5 actions
Mme [B] [E] : 5 actions
M. [O] [W] : 4 990 actions
M. [P] [S] : 4 990 actions.
Une cession temporaire d'usufruit a été conclue entre les consorts [D] et la société [10].
La société [10] exerçait son activité dans un ensemble immobilier à usage industriel et commercial sis à [Adresse 13], propriété de la SCI [14], SCI au capital de 1 000 euros, gérée par M. [K] [D], pour un loyer annuel de 150 000 euros hors droits, taxes et charges dont la provision mensuelle est fixée à 1 500 euros.
La société [10] avait par ailleurs conclu plusieurs conventions avec l'associé majoritaire, l'EURL [Z], à savoir :
Une convention d'assistance management signée le 03 janvier 2008 en contrepartie d'une rémunération au taux de facturation journalier de 800 euros.
Une convention de gestion de trésorerie signée le 03 janvier 2008 aux termes de laquelle les parties se sont engagées à mettre à la disposition l'une de l'autre leur excédent de trésorerie sous forme d'avance en compte courant rémunéré en fonction des besoins et disponibilités de chacune. Les sommes mises à la disposition du groupe étant rémunérées sur la base de Euribor 3 mois + 0,25 point.
Par jugement rendu par le tribunal de grande instance de Metz le 26 septembre 2018, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société [10]. La société employant 35 salariés au jour de l'ouverture de la procédure.
Mme [U] [J] a été nommée en qualité de juge commissaire, la SCP [6], prise en la personne de Mme [X], en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL [15] [H], prise en la personne de Mme [H], en qualité de mandataire judiciaire.
La date de cessation des paiements a été fixée au 1er janvier 2018.
Par jugement du 23 octobre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Metz, la liquidation de la société [10] a été prononcée. La SELARL [15] et [H], prise en la personne de Mme [H], a été désignée liquidateur.
Estimant que M. [K] [D] a commis des fautes de gestion à l'origine de l'insuffisance d'actif de la société, la SELARL [15] [H], es qualité de liquidateur a assigné M. [D] par acte d'huissier délivré le 08 juin 2020, au visa de l'article L.651-2 du code de commerce, devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins de le voir :
Condamner M. [D] à payer à la SELARL [15] [H] la somme de 2 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Condamner M. [D] à payer à la [15] [H] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [D] pour une durée de 15 ans ;
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
Condamner M. [D] en tous les frais et dépens.
Selon ses dernières conclusions récapitulatives du 12 novembre 2021, M. [K] [D] a demandé au tribunal de :
Ordonner la réouverture des débats ;
Ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 23 novembre 2021 ;
Débouter la SELARL [15] [H] de ses demandes ;
Condamner la SELARL [15] [H] à payer à M. [D] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP ACG qui en fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Dire et juger ne pas y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement.
Le rapport du juge commissaire a été déposé le 23 novembre 2021.
Par note réceptionnée le 22 aout 2022, le conseil du mandataire judiciaire a déposé le mandat au nom de la SELARL [15] [H], s'est constituée au nom de la SAS [11], prise en la personne de Mme [H] es qualité de liquidateur judiciaire de la SA [10], et a déposé un acte d'intervention volontaire au nom de cette dernière.
Par jugement avant-dire droit du 06 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Metz a rejeté la demande de rabat de clôture et de réouverture des débats, a sursis à statuer sur le fond et a ordonné la réouverture des débats au regard du changement de forme juridique de l'étude du mandataire judiciaire, a invité le mandataire judiciaire à régulariser ses conclusions et a renvoyé à l'audience du 06 décembre 2022.
Par conclusions récapitulatives déposées le 07 février 2023, la SAS [11] a demandé que le tribunal judiciaire constate que l'instance est poursuivie par la SAS [11] et a maintenu les demandes telles que visées à l'assignation.
Par note sur la réouverture des débats déposée le 07 février 2023, M. [K] [D] a demandé au tribunal de :
Ordonner le rabat de la clôture intervenue le 06 juillet 2021 ;
Constater la disparition juridique de la SELARL [15] [H] depuis sa radiation le 29 septembre 2021 ;
Prononcer l'extinction de l'instance du fait de la disparition de la demanderesse ;
Débouter la SELARL [15] [H] de ses demandes en paiement ;
Déclarer irrecevable la constitution de la société [11] après la clôture et l'extinction de l'instance
A défaut, statuer sur les demandes de M. [K] [D] figurant dans les conclusions déposées avant la clôture
Condamner la société [11] à payer à l'EURL [Z] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 06 juin 2023, le tribunal judiciaire de Metz a :
Débouté M. [K] [D] de sa demande aux fins de prononcé de l'extinction de l'instance ;
Déclaré l'action diligentée par la SAS [11] prise en la personne de Mme [H] recevable ;
Condamné M. [K] [D] à payer à la SAS [11] la somme de 1 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Prononcé la faillite personnelle de M. [K] [D] pour une durée de quinze ans ;
Ordonné la notification de la décision au casier judiciaire par application de l'article 768 5° du code de procédure pénale ;
Dit qu'en application des articles L.128-1 et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la circulation de ces données ;
Ordonné l'exécution provisoire ;
Condamné M. [K] [D] aux dépens de l'instance ;
Condamné M. [K] [D] à payer à la SAS [11] prise en la personne de Mme [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [10] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 14 juin 2023, enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 15 juin 2023, M. [K] [D] a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, de ce jugement et visé l'ensemble de son dispositif.
La SAS [11] a formé appel incident sur le montant de la condamnation de M. [D] au titre de l'insuffisance d'actif et de celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile par voie de conclusions.
Par assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel de Metz délivrée le 12 juillet 2023, M. [D] a notamment demandé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 06 juin 2023.
Par ordonnance de référé contradictoire du 24 octobre 2023, le premier président a notamment déclaré la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 06 juin 2023 irrecevable.
Par assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel de Metz délivrée le 24 aout 2023, la SELARL [10] a dans un premier temps demandé la radiation de l'appel de M. [D] pour ensuite renoncer à sa demande et sollicité l'irrecevabilité et le débouté de l'ensemble des demandes de M. [D] présentées au stade du référé, parmi lesquelles figurait l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 06 juin 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Metz.
Par ordonnance de référé contradictoire du 06 juin 2024, le premier président de la cour d'appel de Metz a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 11 février 2025, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [K] [D] demande à la cour d'appel de :
« Après avoir Débouté l'intimée de sa demande de rejet,
Dire l`appel de monsieur [D] recevable et bien fondé,
Dire l'appel du ministère public et sa demande de confirmation irrecevable et mal fondée,
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
Débouté monsieur [D] de sa demande aux fins de prononcé de l'extinction de l'instance
Déclarer l'action diligentée parla SAS [11] venant aux droits de la SELARL [15] [H] recevable,
Condamne M. [D] à payer à la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], prise en la personne de Maître [H], la somme de 1 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actifs.
Prononcé la faillite personnelle de monsieur [D] pour une durée de 15 ans,
Ordonné la notification de la décision au casier judiciaire par application de l'article 768 5 du CPP,
Dit que cette sanction fera l'objet d'une Inscription au fichier national des interdits de gérer,
Ordonné l'exécution provisoire,
Condamné monsieur [D] aux dépens de l'instance et à payer la somme de 3000 euros à la société [11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
Prononcer la nullité du jugement du 6 juin 2022,
Prononcer l'extinction de l'instance introduite devant le tribunal judiciaire de Metz par la SELARL [15] [H] à compter de sa radiation au registre du commerce et des sociétés, action sans demandeur en capacité d'agir au jour de la clôture de la procédure au mois de novembre 2021.
En tout état de cause,
Débouter la société [11], es qualité de liquidateur de la société [10] de sa demande principale et subsidiaire de condamnation de monsieur [D] à lui payer la somme de 2 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, à lui payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et au prononcé d'une faillite personnelle d'une durée de 15 ans et à ses demandes nouvelles d'inscription au fichier national des interdits de gérer et à sa demande nouvelle de notification de la décision au casier judiciaire et toute formalité de publication, de sa demande nouvelle d'ordonner la capitalisation des intérêts sur toutes les condamnations à intervenir, de sa demande très subsidiaire en interdiction de gérer pendant une durée de 15 ans.
Ordonner le retrait de l'inscription au casier judiciaire et au fichier national des interdits de gérer.
Débouter, la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de Maitre [H] de sa demande de capitalisation des intérêts qui est une demande nouvelle.
Condamner la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], dont le siège social est [Adresse 3] prise en la personne de Maitre [H] à payer à monsieur [K] [D] la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer tous les dépens de première instance et d'appel. »
Au soutien de ses prétentions, M. [K] [D] affirme, en premier lieu, au visa des articles 329 du code de procédure civile et L.653-1 du code de commerce, que dans le cas d'une conversion du redressement en liquidation judiciaire, il n'y a qu'une seule procédure collective et que donc le délai de prescription triennal court à compter du jugement d'ouverture, soit le 26 septembre 2018 de sorte que le ministère public ne pouvait agir que jusqu'au 26 septembre 2021. M. [D] conteste, en tout état de cause, l'interprétation des chiffres et des données comptables faites par le tribunal et le ministère public.
M. [K] [D] soutient ensuite que le jugement est nul, évoquant l'extinction de l'instance et le droit à un procès équitable. Après avoir rappelé le rôle central du juge commissaire dans la procédure collective, M. [D] soutient qu'il existe un conflit d'intérêt entre la société [10] et le juge commissaire nommée dans cette procédure puisqu'il s'agit d'un créancier de la société. L'appelant soulève ensuite l'application des articles 444 et 803 du code de procédure civile et estime ne pas avoir été dans la capacité de déposer ses dernières conclusions au terme desquelles il soulevait la question de l'extinction de l'instance du fait de la disparition de la SELARL Fidry Schaming [H] alors partie à la procédure. Il considère ainsi ne pas avoir été à même de défendre ses intérêts, que cela est contraire à la bonne administration de la justice et viole le principe du contradictoire et du droit au procès équitable.
L'appelant allègue ensuite que l'extinction de l'instance aurait dû être prononcée puisque la demanderesse à l'assignation en paiement n'existe plus juridiquement depuis le 29 septembre 2021. M. [D] expose que, après la clôture des débats, il a été constitué avocat pour Mme [H] et non pour la SAS [11], or il estime que seule cette dernière ayant la capacité à agir ès qualités et qu'elle n'était donc pas partie à l'instance.
L'appelant ajoute que la SAS [11] ne peut venir aux droits de la SELARL [15] [H] car le pouvoir d'agir du liquidateur est créé par un mandat judiciaire intransmissible, évoquant ici les articles L. 812-1 et L. 641-4 du code de commerce. M. [D] affirme que c'est pour cela que le tribunal judiciaire a établi un autre mandat judiciaire pour la société [11] par ordonnance du 03 février 2022, donnant ainsi à cette dernière qualité à agir au nom et pour le compte de la société [10] à compter de cette date seulement. Combinant l'article 384 du code de procédure civile sur les conséquences de la disparition d'une partie, ainsi que les articles 31, 32 et 122 du même code relativement à la qualité à agir et aux conséquences de l'absence de celle-ci, M. [D] en déduit que la constitution après la disparition d'une personne morale et après la clôture des débats sans demande de rabat de clôture faite par une personne autre que la partie au procès, qui n'a donc pas la qualité de partie, est irrecevable.
Sur l'infirmation du jugement, M. [D] affirme tout d'abord que c'est à tort qu'il a été fait application de l'article L. 651-2 du code de commerce en sa version applicable lors de l'instruction de l'instance sans prendre en compte ses modifications, d'application immédiate selon l'appelant, issues de la loi 2016-1691 du 09 décembre 2016 ayant ajouté que la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif ne pouvait être engagée en cas de simple négligence dans la gestion de la société. M. [D] explique que la négligence doit être assimilée à la bonne foi. L'appelant allègue en outre que cette modification est cohérente avec le type de société choisi dont le principe légal est la responsabilité limitée au montant du capital investi.
M. [D] soutient ensuite que l'action du liquidateur nécessitait la triple démonstration, pour exclure la simple négligence, de fautes personnelles sanctionnables, d'une insuffisance d'actif et du lien de causalité entre les deux et affirme en somme que ces éléments ne sont pas réunis.
L'appelant évoque aussi, à l'appui des articles R662-12 du code de commerce et 16 du code de procédure civile, que le rapport du juge commissaire, sur lequel le juge devait statuer aurait, dû lui être communiqué.
M. [D] rappelle également que, en vertu de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient au liquidateur de prouver conformément à l'article L. 651-2 du code de commerce, les faits nécessaires au succès de sa demande en comblement de l'insuffisance d'actif, M. [D] expose qu'aucune faute personnelle n'est caractérisée mais que les faits et agissements évoqués ne sont constitutifs que de négligences et ne renvoient à aucun intérêt personnel ou entêtement fautif. M. [D] rappelle que c'est de sa propre initiative et dans le délai de 45 jours, qu'il a déposé le bilan. Après avoir repris les faits qui lui sont reprochés et expliqué en quoi ils ne constituent pas des fautes, M. [D] affirme que son successeur n'a pas de meilleurs résultats aujourd'hui, démontrant selon lui que la difficulté ne vient pas de la gestion mais du fait que l'activité soit devenue non rentable.
L'appelant affirme en outre que l'insuffisance d'actif peut être réduite du montant des créances que le dirigeant poursuivi a pu prendre en charge personnellement, ainsi que d'une créance de l'AGS réglée par le mandataire judiciaire et que les dirigeants sociaux ne peuvent être condamnés à combler le passif social qu'en présence d'une insuffisance d'actif dont l'existence et le montant sont appréciés au jour où le tribunal statue sur la sanction. Il ajoute que les dettes, nées après le jugement d'ouverture de la procédure collective, n'entrent pas dans le passif pris en compte pour calculer le montant de l'insuffisance d'actif qui peut être mis à la charge des dirigeants et les dettes postérieures ne sont pas prise en compte.
L'appelant rappelle en outre les obligations du liquidateur tirées de l'article R.814-34 du code de commerce et notamment en ce qu'il doit dresser des états chaque trimestre et les adressées au greffe du tribunal judiciaire ainsi qu'au procureur de la République. M. [D] précise qu'il n'a jamais été destinataire de ces rapports et qu'ils ne sont pas produits dans l'instance.
Sur sa condamnation au paiement de la somme de 1 500 000 euros, M. [D] expose d'une part qu'un tel montant n'est pas justifié et, d'autre part, qu'il est disproportionné par rapport à ses revenus, étant aujourd'hui à la retraite.
M. [D] expose encore que la date de cessation des paiements ne peut être retenue comme une faute sanctionnable, outre le fait qu'elle n'est pas justifiée par le liquidateur. De même, l'appelant affirme que les conventions avec les tiers, notamment le bail commercial avec la SCI [14], ne peuvent être retenues comme des fautes sanctionnables, évoquant le fait qu'elles n'ont jamais été remises en cause et ont continué à être exécutées sous la surveillance de l'administrateur qui a validé les paiements, précisant également qu'elles font l'objet d'un rapport spécial du commissaire aux comptes ou encore qu'il n'a pas participé à créer du passif.
S'agissant de la convention d'assistance management, M. [D] expose qu'elle a été valablement votée, par une assemblée générale extraordinaire pour laquelle il ne dispose que de 0,0025% des droits de vote, qu'elle a existé pendant 10 ans avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, que son compte courant a été remboursé sur les trois dernières années et une nette diminution s'en est suivi, qu'elle n'a pas été payée chaque année de ses prestations, et qu'elle a été considérablement réduite en 2016 puis réduite à zéro en 2017 faisant partie des mesures de soutien face aux difficultés de chiffre d'affaires de l'entreprise.
M. [D] précise également que seul l'article L. 651-2 du code de commerce fonde la demande du liquidateur et que l'argumentation adverse s'agissant de la demande en comblement de passif ne repose que sur la faute de gestion.
Sur la condamnation à la faillite personnelle pendant 15 ans, [D] soutient que cette demande n'était pas recevable, estimant que rien ne fonde ni en droit ni en fait une telle demande qui serait une double sanction et donc contraire à l'esprit de la loi nouvelle permettant le rebond outre le fait que les créanciers d'une entreprise savent que le capital de la société avec qui ils contractent est en principe la seule garantie dont il dispose et rappelant que les cas de faillite personnelle sont limitativement prévus par le code de commerce. M. [D] précise qu'une condamnation pour faillite personnelle ne peut être fondée sur une faute de gestion ni prononcée alors que la faute reprochée ne permet que le prononcé de l'interdiction de gérer.
M. [D] ajoute que les litiges en cours ont nuit à sa santé, tant sur le plan psychologique que physique, que la faillite personnelle lui imposerait de démissionner de la gestion de la holding EARL [8] et SCI [14] alors qu'une vente est en cours et que le liquidateur conteste la nomination du nouveau gérant risquant de faire annuler la vente. Il ajoute encore que l'EURL [Z] ne vaut plus rien du fait de la perte de valeur des actions de la société [10] en raison de sa liquidation judiciaire, qu'il est déjà retraité et aucune autre société avec une activité économique ne sera plus créée par lui et que donc qu'il est déjà à l'écart de la vie des affaires.
Par conclusions du 30 aout 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS [11] demande à la cour d'appel de :
« Ecarter des débats la pièce 3 pour non-respect du principe du contradictoire.
Rejeter l'appel de M. [K] [D],
Recevoir le seul appel incident de la SAS [11], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [10],
Infirmer le jugement uniquement en ce qu'il a :
« Condamné M. [K] [D] à payer à la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], prise en la personne de Maître [H], la somme de 1 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actifs »
« Condamné M. [K] [D] à payer à la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], prise en la personne de Maître [H], la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile »
Et statuant à nouveau :
Condamner M. [K] [D] à payer à la société [11] prise en la personne de Maître [A] [H], ès qualité de liquidateur de la société [10], la somme de 2 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actifs.
Condamner M. [K] [D] à payer à la société [11] prise en la personne de Maître [A] [H], ès qualité de liquidateur de la société [10] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance.
Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions, pour le surplus
Y ajoutant, ordonner la capitalisation des intérêts qui auront courus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.
Très subsidiairement, et si la cour rejetait la demande de faillite personnelle, prononcer à l'égard de M. [K] [D] une interdiction de gérer toute entreprise, pendant une durée de 15 années et ordonner les formalités de publication en ce sens.
Très subsidiairement, et si la cour faisait droit à la demande d'annulation du jugement,
Juger qu'il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif de l'appel
Evoquer le dossier devant la cour d'appel de Metz,
Déclarer M. [K] [D] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions, et les rejeter,
Déclarer la SAS [11] prise en la personne de Maître [A] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA [10] recevable en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions,
Condamner M. [K] : [D] à payer à la SAS [11] , prise en la personne de Maître [A] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [10] la somme de 2 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Prononcer la faillite personnelle de M. [K] [D] pour une durée de quinze ans ; Très subsidiairement, et si la cour rejetait la demande de faillite personnelle, prononcer à l'égard de M. [K] [D] une interdiction de gérer toute entreprise, pendant une durée de 15 années et ordonner les formalités de publication en ce sens.
Ordonner la notification de la décision au casier judiciaire, par application de l'article 768 5 ° du code de procédure pénale ;
Juger qu'en application des dispositions des articles L128-1 et R128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE 2016679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des
Ordonner la capitalisation des intérêts qui auront courus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil
Condamner M. [K] [D] aux dépens de l'instance ;
Condamner M. [K] [D] à payer à la SAS [11] prise en |a personne de Maître [A] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de |a société [10] le somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.
En tout état de cause :
Déclarer M. [K] [D] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions,
Condamner M. [K] [D] aux dépens d'appel
Condamner M. [K] [D] à payer à la SAS [11] prise en la personne de Maître [A] [H], et subsidiairement à celle de la SAS [11] , prise en la personne de Maître [A] [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la SA [10] une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Condamner M. [K] [D] aux entiers dépens d'appel,
Très subsidiairement, juger que les dépens d'instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SA [10],
Ordonner la capitalisation des intérêts qui auront courus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil sur toutes les condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir. »
Au soutien de ses prétentions et en premier lieu sur les pièces produites par l'appelant, la SAS [11] sollicite que la pièce 3 visée sur le bordereau de pièce de M. [D] soit écartée des débats faute de lui avoir communiquée malgré plusieurs demandes et sommations officielles, précisant que les autres pièces ont bien été communiquées après sommation du 03 aout 2023.
Sur la demande adverse tendant à voir prononcer la nullité du jugement rendu le 06 juin 2023, la SAS [11] allègue qu'à la lecture du dispositif de M. [D], ce dernier sollicite à titre principal l'infirmation du jugement sur les chefs de condamnations prononcées puis demande à la cour de statuer à nouveau pour prononcer la nullité du jugement. La SAS [11] considère donc, en application des articles 565, 910-4 et 954 du code de procédure civile, que la cour n'est saisie à titre principal que de la demande d'infirmation du jugement. De plus, la SAS [11] estime qu'il n'existe pas de nullité sans texte ni sans grief et que les moyens de nullité doivent être soulevés in limine litis.
La SAS [11] soutient en outre que cette demande de nullité est mal fondée. Elle invoque notamment l'article 798 du code de procédure civile, rappelant que la clôture de l'instruction est prononcée par ordonnance non motivée et ne peut être frappée d'aucun recours et relève ainsi de l'appréciation souveraine de la juridiction qui la rend. L'intimée ajoute que la décision statuant sur une demande de rabat de l'ordonnance de clôture relève de la même façon du pouvoir souverain de la juridiction ayant prononcé la clôture et n'est pas susceptible de recours, estimant ainsi que les moyens développés à ce titre ne sont pas de nature à emporter l'annulation ou l'infirmation du jugement, et que la juridiction saisie n'est tenue de rouvrir les débats qu'en présence d'une cause grave révélée postérieurement à la clôture. Le liquidateur judiciaire ajoute que l'article 444 du code de procédure civile ne concerne que la réouverture des débats, qui se distingue de la clôture de l'instruction.
La SAS [11] expose en outre que seul le manque de diligence de M. [D] lui a empêcher de déposer ses conclusions en temps voulu et ajoute qu'aucune demande de modification des organes de la procédure, notamment le juge commissaire, n'a été présentée par M. [D] qui n'a d'ailleurs pas agi en récusation contre le juge commissaire en application des articles 341 et suivants du code de procédure civile.
Sur l'extinction de l'instance alléguée par l'appelant, la SAS [11] soutient que Maître [Y] ne s'est pas constitué pour Mme [H], mais pour Mme [H] de la SAS [11] agissant en qualité de liquidateur de la SA [10]. L'intimée ajoute que la SELARL [15] [H] et la SAS [11] ont été successivement désignés mandataire judiciaire de la SA [10] et que c'est en tant que tel et non en leur nom personnel qu'elles étaient parties à la procédure. L'intimée en déduit que la partie qui a agi en première instance est et est restée la SA [10], rappelant que son dirigeant n'avait plus qualité pour la représenter. La SAS [11] ajoute que la question de la transmission d'un mandat de mandataire judiciaire se distingue de celle de la transmission de l'action engagée par le mandataire ès qualité de liquidateur judiciaire d'un administré.
La SAS [11] expose ensuite que, quand bien même la cour devait recevoir M. [D] en sa demande d'annulation du jugement, elle statuera par l'effet dévolutif de l'appel et par évocation, en application des articles 561 et 562 du code de procédure civile.
Sur la demande d'infirmation du jugement, reprenant les prétentions de M. [D], elle allègue que ce dernier omet que les condamnations ont été demandées et prononcées en faveur de la procédure collective de la SA [10] et non de son mandataire liquidateur, pris à titre personnel. N'ayant émis aucune critique du jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de la SAS [11] ès qualité, l'intimée estime que la cour ne pourra que constater qu'elle n'est pas saisie de la demande de débouté, qui sera déclarée au besoin irrecevable et subsidiairement mal fondée.
Sur les fautes de gestion reprochées, la SAS [11] se prévaut des dispositions des articles L.651-2, L.653-4, L653-5.5 et 6 et L 653-8 du code de commerce et oppose en premier lieu à M. [D] d'avoir dégagé des pertes significatives pendant plus de trois ans sans réagir, notamment concernant la convention d'assistance dont elle estime le poids trop lourd financièrement pour la société et que pour autant M. [D] n'y a pas mis fin. La SAS [11] évoque en outre deux prêts bancaires qui n'aurait servi qu'à résorber les découverts bancaires existants et accuse M. [D] d'avoir donné l'apparence d'une solvabilité factice lui permettant de continuer de bénéficier des rémunérations, avantages et autres contrats dont le dirigeant bénéficiait directement ou au travers des autres sociétés qu'il avait constituées.
La SAS [11] reproche également à M. [D] d'avoir volontairement poursuivi une activité déficitaire dans un intérêt personnel au regard de sa fonction de gérant et de principal associé de l'EURL [Z] et de la SCI [14]. Le liquidateur affirme en outre que M. [D] a volontairement tardé à déclarer l'état de cessation des paiements de sa société.
La SAS [11] accuse en outre M. [D] de poursuite d'une activité déficitaire dans son intérêt personnel et d'être resté totalement passif face aux pertes d'exploitation de la société [10].
La SAS [11] rappelle que le passif à retenir, après exclusion des créances de salaires avancées par le [7] postérieurement au jugement d'ouverture, s'élève à 3 565 601,41 euros et que l'actif recouvré à ce jour représente un montant de 399 360 euros. Le liquidateur en déduit que l'insuffisance d'actif s'élève à 3 166 241 euros.
La SAS [11] soutient que la gravité des fautes commises par M. [D] justifie également une mesure de faillite personnelle en application de l'article L.653-4 et suivants du code de commerce puisqu'il aurait manifestement fait des viens et du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement mais également poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
En réponse aux conclusions de M. [D], la SAS [11] expose que la loi applicable ne change strictement rien à la solution du présent litige et estime que le moyen soulevé par M. [D] ne se concentre finalement pas sur la loi applicable mais sur l'interprétation faite par les juges.
Sur le rapport du juge commissaire, la SAS [11] soutient qu'il a été joint au dossier le 09 novembre 2020, soit à une date permettant au défendeur d'en prendre connaissance et d'y répondre le cas échéant. Elle ajoute que M. [D] n'indique pas le fondement juridique selon lequel il aurait dû être destinataire du rapport du juge commissaire. La SAS [11] estime que le contradictoire a été respecté.
Sur le montant de la sanction, la SAS [11] affirme que celle-ci n'a pas à être proportionnée aux revenus ou au patrimoine du dirigeant fautif mais doit être appréciée souverainement, au regard de la gravité des faits et de l'insuffisance d'actif. Elle ajoute que les mandats conservés à ce jour par M. [D] ne vont pas dans le sens d'une mise à la retraite.
Sur la faillite personnelle, la SAS [11] ajoute que cette sanction ou celle de l'interdiction de gérer peuvent être prononcée cumulativement avec le comblement de passif, à l'appréciation du juge.
Sur son appel incident, la SAS [11] considère qu'au regard de la gravité des fautes constatées et de l'insuffisance d'actif qui en découle, une condamnation au paiement de la somme de 2 500 000 euros est le strict minimum.
Par conclusions du 03 juillet 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le ministère public demande à la cour d'appel de :
« Déclarer l'appel recevable,
Confirmer le jugement rendu la 06 juin 2023 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a débouté M. [K] [D] de sa demande aux fins de prononcé de l'extinction de l'instance, déclaré l'action diligentée par la SAS [11] prise en la personne de Mme [H] venant aux droits de la SELARL [15] [H] prise en la personne de Mme [H], es qualité de liquidateur judiciaire de la SA [10] recevable, condamné M. [K] [D] pour insuffisance d'actifs (et fixer le montant de la somme à payer à la SAS [11] et associés prise en la personne de Me [H] venant aux droits de la SELARL [15] [H] prise en la personne de Mme [H], es qualité de liquidateur judiciaire de la SA [10] et prononcé la faillite personnelle de M. [K] [D] pour une durée de quinze ans. »
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la procédure
Sur la demande de voir écarter la pièce numéro 3 produite par M. [D]
Il est observé que la pièce numéro 3 produite par M. [D] est un extrait des conclusions de la SELARL Schaming [V]. Il s'agit donc d'un document dont l'intimée a été l'auteur de sorte que la SAS [11] est mal fondé à se prévaloir d'un quelconque manquement supposé au principe du contradictoire.
La demande sera rejetée.
Sur la demande d'irrecevabilité de l'appel de M. [D]
L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Il est relevé que la SELARL [11] sollicite de recevoir son seul appel incident et ne présente de moyens, dans la partie discussion de ses dernières conclusions, qu'au soutien de l'irrecevabilité de la demande de nullité du jugement présentée par M. [D].
La demande d'irrecevabilité de l'appel est donc rejetée et l'appel sera déclaré recevable.
Sur la recevabilité de l'appel du ministère public
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il est constant que l'article précité ne procède pas à une énumération exhaustive des fins de non recevoir.
En application de l'article L. 653-1, II, du code de commerce dispose que les actions prévues par les articles L.653-1 à L.653-11 se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure collective. Toutefois, la prescription de l'action prévue à l'article L. 653-6 ne court qu'à compter de la date à laquelle la décision rendue en application de l'article L. 651-2 a acquis force de chose jugée.
Aux termes des articles 422 et 423 du code de procédure civile, le ministère public agit d'office dans les cas spécifiés par la loi et, en dehors de ces cas, il peut agir pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci.
L'article 424 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le ministère public est partie jointe lorsqu'il intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication.
En application de l'article 425, 2°, du même code, le ministère public doit avoir communication des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, des causes relatives à la responsabilité pécuniaire des dirigeants sociaux et des procédures de faillite personnelle ou relatives aux interdictions prévues par l'article L. 653-8 du code de commerce. Le ministère public doit également avoir communication de toutes les affaires dans lesquelles la loi dispose qu'il doit faire connaître son avis.
En l'espèce, il s'agit d'une action en responsabilité civile pour insuffisance d'actif contre M. [D] et pour voir prononcer une faillite personnelle et donc une procédure dont le ministère public doit avoir communication.
En outre, l'action a été initiée par le liquidateur et non par le ministère public, lequel n'intervient donc pas en tant que partie principale mais en tant que partie jointe faisant connaitre son avis, sachant que cet avis en qualité de partie jointe ne constitue pas une prétention.
Il s'en suit que l'intervention du ministère public ne peut être assimilée à une action dont il serait à l'initiative et n'est donc pas soumise aux délais de prescription.
De plus, s'agissant d'une procédure qui lui a été communiquée, le ministère public est parfaitement en droit d'intervenir.
La demande d'irrecevabilité doit donc être rejetée.
Sur la demande d'irrecevabilité des demandes de M. [D]
A titre limaire, il est observé que si la SELARL [11] ès qualités demande l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes de M. [D], elle évoque dans la partie discussion de ses dernières conclusions uniquement des moyens au soutien de l'irrecevabilité de la demande de nullité du jugement. En application de l'article 954 du code de procédure civile précédemment cité, il ne sera donc statué que sur l'irrecevabilité de la demande de nullité du jugement.
En application des articles 71 et 72 du code de procédure civile, une défense au fond est un moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire. Elle peut être proposée en tout état de cause.
Aux termes des articles 73 et 74 du code de procédure civile une exception de procédure est un moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. Elle doit être soulevée, à peine d'irrecevabilité, simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
En l'espèce, il ressort du dispositif de ses premières conclusions que M. [D] sollicite, précisément dans cet ordre, le débouté de la demande de rejet formée par l'intimé, l'irrecevabilité de l'appel et de la demande de confirmation formée par le ministère public, l'infirmation du jugement puis « statuant à nouveau » de voir prononcer la nullité du jugement.
Il en ressort que même s'il n'apparait pas possible d'infirmer un jugement et de prononcer ensuite sa nullité, la nullité étant habituellement et de manière logique normalement demandée en première prétention et l'infirmation n'étant sollicitée que si la nullité n'est pas accordée. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une prétention sollicitée par infirmation du jugement.
La demande d'irrecevabilité de la demande de nullité est donc rejetée.
Sur la demande de prononcer l'extinction de l'instance introduite devant le tribunal judiciaire de Metz par la SELARL [15] [H] à compter de sa radiation au RCS faute de demandeur en capacité d'agir au jour de la clôture de la procédure
Les dispositions de l'article 384 du code de procédure civile décrivent les causes d'extinction de l'instance.
Si le décès d'une des parties est une cause d'extinction de l'instance dans les actions non transmissibles, en l'espèce ce n'est que la personne physique en charge de la représentation de la Selarl [15] et [H], soit Maître [15] qui est décédée.
En outre il est justifié à la procédure que la Selarl [15] et [H] a fait l'objet d'une absorption par la SAS [11] le 3 septembre 2021, de sorte que la Selarl [15] et [H] n'a jamais « disparu juridiquement ».
Par ailleurs et surtout, la partie à l'instance n'est ni la société [15] [H] ès-qualités de liquidateur de la société [10] prise en la personne de Maître [H], ni Maitre [H], ni la SAS [11] mais la SA [10].
Si en raison de la liquidation intervenue, son dirigeant a été dessaisi et ne dispose plus des pouvoirs de représentation de la société, il reste que le demandeur à l'instance est exclusivement la SA [10] quelle que soit la personne physique ou morale en charge de la représenter depuis la liquidation judiciaire intervenue le 23 octobre 2019.
S'il est exact que la société désignée par le tribunal en qualité de liquidateur et en charge de représenter la SA [10] a changé selon ordonnance du 3 février 2022, ce changement ne constitue cependant pas une cause d'extinction de l'instance et de l'action et ce d'autant plus que selon cette ordonnance il y a eu continuité de désignation et que la SA [10] a toujours disposé d'un titulaire en charge d'exercer ses droits et actions.
Il en ressort que l'instance n'a pas été éteinte.
En conséquence la constitution intervenue même postérieurement à la clôture pour le compte de la SAS [11] et associés ès qualités est valide et recevable.
Il n'est donc établi aucune cause d'extinction de l'instance et la demande sera donc rejetée.
Il vient précédemment d'être indiqué qu'il n'existe aucune cause d'extinction de l'instance de sorte que la demande de nullité du jugement de ce chef doit être rejetée.
Sur la demande de nullité du jugement rendu en raison du droit à un procès équitable
S'agissant du droit à un procès équitable, il convient de relever que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que pour un motif grave qui est souverainement apprécié par le juge de la mise en état et qui constitue une mesure d'administration judiciaire. Il ne ressort pas des éléments produits qu'en refusant le rabat de la clôture le juge de la mise en état de première instance n'ait pas respecté les droits de M. [D], étant précisé que M. [D] disposait d'un avocat, que l'assignation est intervenue en juillet 2020, que de nombreux renvois sont intervenus notamment pour que le défendeur produise des pièces et que d'ailleurs le conseil de M. [D] a été sanctionné par une injonction de conclure le 18 mai 2021, que la clôture est intervenue le 23 novembre 2021 soit plus d'un an après l'assignation.
En outre aucune des pièces du dossier ne démontre l'existence d'un conflit d'intérêt ou d'une impartialité quelconque du juge commissaire désigné pour la procédure collective de la SA [10]. Le fait que cette société ait été reprise par la SARL [9] dont le dirigeant est un M. [L] qui est peut-être M. [T] [L] juge consulaire à [Localité 16], ne démontre pas que l'un des juges de l'instance en procédure collective de la SAS [10] puisse être en conflit d'intérêt ou présenter une partialité quelconque.
M. [D] doit en conséquence être débouté dans ses demandes de nullité du jugement de ces chefs.
II- Sur le fond
A- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
Selon l'article L. 651-2 du code de commerce lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
L'insuffisance d'actif s'apprécie au jour où statue la juridiction saisie et correspond à la différence entre le passif existant au jugement d'ouverture (créances vérifiées et admises) et l'actif de la personne morale ou du patrimoine affecté, disponible ou non.
La charge de la preuve de l'insuffisance d'actif incombe au mandataire judiciaire.
En l'espèce, contrairement aux allégations de M. [D], le tribunal judiciaire a fondé sa décision sur l'article précité, en sa version applicable au cas d'espèce. Il est observé que si M. [D] avance cet argument, il s'agit en réalité d'une contestation de l'application qui en a été faite par le tribunal judiciaire qui est donc, prise isolément, sans emport dans la mesure où l'objet de l'appel est précisément de procéder à une appréciation en fait et en droit.
De plus, il ressort du jugement que le rapport du juge commissaire a régulièrement été versé à la procédure, cela en application de l'article R. 662-12 du code de commerce.
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Sur l'insuffisance d'actif
L'insuffisance d'actif est la différence entre le passif réalisé et l'actif admis.
Pour appliquer l'article L 651-2 susvisé il n'est pas nécessaire que le passif soit entièrement chiffré, ni que l'actif ait été réalisé. Il suffit que l'insuffisance d'actif soit certaine.
L'insuffisance d'actif s'apprécie au jour où statue la juridiction saisie et correspond à la différence entre le passif existant au jugement d'ouverture (créances vérifiées et admises) et l'actif de la personne morale ou du patrimoine affecté, disponible ou non. La charge de la preuve de l'insuffisance d'actif incombe au mandataire judiciaire, étant précisé qu'il ne peut se prévaloir d'un passif déclaré à titre provisionnel, sauf si le passif non contesté et déclaré à titre définitif est supérieur à l'actif.
En l'espèce, la SAS [11] estime l'insuffisance d'actif à 3 166 241 euros.
Il ressort de la liste des créances produites aux débats en pièces 3 par l'intimé et établie en vue de l'admission des créances le 12 septembre 2019 que le montant total du passif définitif s'élève à la somme de 3 226 152,93 euros étant précisé que la proposition d'admission a été ratifiée par le juge commissaire et qu'il n'est fait mention d'aucune contestation.
De plus, l'actif réalisé et recouvré au 2 mars 2020, tel que cela ressort des pièces 9,10 et 11 de l'intimé au demeurant non contesté par les parties se porte à la somme de 329 548.19 euros (156 788.14+ 100 000+ 72 760.05).
Ainsi, la SAS [11] établit au vu des seuls éléments non contestés du dossier une insuffisance d'actif de 2 896 604.74 euros.
Sur les fautes reprochées
Les fautes de gestion de M. [D] invoquées par la SAS [11] ès qualités sont les suivantes : la soustraction des actifs de la SA [10] dans son intérêt personnel, la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel et la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements.
Sur la soustraction des actifs de la SA [10] dans un intérêt personnel :
Il est rappelé que les conventions suivantes ont été conclues entre la SA [10] et l'EURL [Z] :
Une convention d'assistance et de management
Une convention de gestion de trésorerie
De plus une cession temporaire d'usufruit des parts sociales de la SCI [14] a été conclu avec la SA [10].
Il convient de préciser que ce n'est pas l'existence ni la légalité de ces conventions qui est remise en cause par le mandataire judiciaire mais l'usage qu'il en a été fait par l'EURL [Z]. Contrairement aux allégations de M. [D], le fait que le mandataire judiciaire n'y ai pas mis fin ne peut donc exclure l'existence de faute de gestion.
De même, le fait que la SCI [14], dirigée par M. [D], n'ait pas déclaré sa créance de loyer, par ailleurs non établie, au passif de la procédure collective ne saurait faire la démonstration d'une gestion de la société [10] exempte de faute.
La SAS [11] reproche à M. [D] d'avoir commis plusieurs fautes de gestion dans l'exécution de ses contrats et notamment de les avoir exécutés dans son intérêt exclusif.
Sur les fautes reprochées au titre de l'exécution de la convention de trésorerie :
La SAS [11] soutient que l'EURL [Z] est débitrice de la SA [10] et que par conséquent la convention de trésorerie n'a pu être bénéfique qu'à l'EURL [Z] et a participé à l'augmentation du passif de la SA [10] en ce qu'elle lui a privée d'une trésorerie disponible.
D'abord, il ressort du jugement du 28 février 2023 que l'EURL [Z] a été condamnée, par le tribunal judiciaire de Metz, à payer la SA [10] la somme de 404 365,41 euros en application de la convention de gestion de trésorerie conclue entre les deux sociétés le 03 janvier 2008.
Aucune déclaration d'appel ni aucun arrêt infirmatif n'est produit de sorte que l'autorité de chose jugée de cette décision est acquise et il n'y donc pas lieu de remettre en cause le montant dont l'EURL [Z] est débitrice à l'égard de la SA [10], créance née au titre de la convention de gestion de trésorerie.
Ensuite, il ressort du bilan sur l'exercice 2016 de la SA [10] (pièce 7 [11]) établi par la société [12], que la société dispose à cette date d'une créance à hauteur de 708 516,24 euros et qu'elle était créancière de 684 074,87 euros sur l'exercice précédent et donc en 2015. Le bilan sur l'exercice 2017 fait état d'une créance détenue sur l'EURL [Z] pour un montant de 571 459,55 euros.
Il apparait en revanche dans le passif de la SA [10] des dettes auprès d'établissements bancaires pour un montant total de 1 259 469,49 euros en 2015, 1 330 404,94 euros en 2016 et 1 318 913,94 euros en 2017. En outre, la SA [10] enregistre une perte d'exploitation de 375 815 euros en 2015, 180 542 euros et 2016 et 63 967 euros en 2017.
Il s'en déduit que, bien que la SA [10] enregistrait des pertes d'exploitations significatives, à l'origine même de sa cessation de paiement, et ne générait donc ni bénéfices ni de liquidité sur cette période, elle demeurait prêteuse et créancière de sa cocontractante l'EURL [Z] et débitrice auprès d'établissements bancaires.
En dépit de ce constat et alors que la SAS [11], sur qui porte la charge de la preuve, apporte les éléments à même de déterminer l'intérêt exclusif de l'EURL [Z] dans la conclusion de cette convention de gestion de trésorerie, M. [D] n'apporte aucun élément permettant de contredire cet état de fait.
De plus, la SA [10] a dû recourir à des emprunts auprès d'établissement bancaires et supporter des taux d'intérêt plus élevés que le taux appliqué au prêt qu'elle consentait à l'EURL [Z].
Il apparait donc que M. [D] a appliqué la convention de gestion de trésorerie dans l'intérêt exclusif de l'EURL [Z], dont il est gérant et seul associé, alors même que la SA [10] voyait son passif augmenter et présentait un résultat d'exploitation négatif ne lui permettant donc pas de dégager des liquidités et ainsi de combler ses dettes.
Sur le nom remboursement par la SCI [14] de son compte courant d'associé et la cession temporaire d'usufruit de ses parts sociales
La SAS [11] soutient que la SCI [14], dont M. [D] est également le gérant et associé majoritaire, n'a pas remboursé son compte courant d'associé auprès de la SA [10].
Toutefois, s'il apparait bien dans le bilan de la SA [10] une créance auprès de l'EURL [Z], il n'apparait pas lisiblement de créance auprès de la SCI [14]. De plus, si les sociétés sont bien liées entre elles, outre un bail commercial qui d'ailleurs n'est pas produit aux débats, par une cession d'usufruit temporaire sur les parts de la SCI [14] et la SAS [11] ne la précise pas davantage.
La faute n'est pas constituée.
Sur les paiements au titre de la convention d'assistance et de management
La SAS [11] soutient que, alors que les résultats d'exploitation de la SA [10] enregistrait d'importantes pertes, M. [D] n'a pas cessé de facturer ses prestations au titre de la convention d'assistance et de management conclue avec l'EURL [Z], contribuant à l'augmentation du passif de la SA [10].
Il ressort des dernières conclusions produites ainsi que des éléments comptables que la SA a versé à l'EURL [Z] les sommes de 199 200 euros en 2013, 200 000 euros en 2014, 201 600 euros en 2015, 118 400 euros en 2016, 0 euros en 2017 et 217 755 euros en 2018. M. [D] n'apporte aucun élément de comptabilité de l'EURL [Z] permettant de constater que les sommes perçues ont été utilisées autrement qu'en versement de dividendes à M. [D] en guise de rémunération.
Il est ainsi constaté une diminution des sommes versées sur la période de perte d'exploitation la plus élevée, soit sur les années 2016, 2017 et 2018.
De plus, les sommes versées le sont en exécution de la convention d'assistance et de management prévoyant notamment que la prestation serait facturée à la somme de 800 euros par jour de prestation, constituant ainsi la contrepartie au contrat.
Il n'est par ailleurs pas contesté que M. [D] n'est pas dirigeant-salarié de la SA [10] et qu'il est donc rémunéré de son travail non pas par un salaire versé directement par celle-ci sur lequel la société supporterait des cotisations sociales se rajoutant au passif, mais au travers des sommes versées à l'EURL [Z] dont il percevra les dividendes en tant qu'associé unique.
Toutefois, le montant des versements effectués entre 2015 et 2013 autour de 200 000 euros annuels reste considérable, d'autant qu'aucun détail de facturation n'est produit, au regard de la forte diminution du résultat d'exploitation enregistrée par l'entreprise sur cette même période, passant de 247 747 en 2013 à 62 691 en 2014 puis 375 815 euros en 2015. La charge d'exploitation générée par les prestations de l'EURL [Z] en 2015 représente ainsi près de 2/3 de la perte d'exploitation sur cette même année.
En outre, si M. [D] allègue qu'il percevait les sommes de 5 000 euros par mois et que cela ne représentait pas une rémunération élevée compte tenu du chiffre d'affaires dégagée par la société et le nombre de salariés, il reste que le montant des prestations facturé par l'EURL [Z], dont M. [D] était le seul à prétendre à la perception des fruits, a inévitablement affecté les résultats et le passif de la SA [10].
Il en ressort que si la convention d'assistance et de management a été bénéfique pour l'EURL [Z], elle a représenté une charge disproportionnée à la capacité financière de la SA [10] de sorte que la seule à en avoir tiré un intérêt certain est l'EURL [Z] et donc M. [D].
En définitive, il est établi que la convention de gestion de trésorerie et la convention d'assistance et de management concluent entre la SA [10] et l'EURL [Z] ont été appliquée dans l'intérêt exclusif de l'EURL [Z] dont M. [D] est dirigeant associé unique et donc seul à même d'en percevoir les fruits. En usant de ces conventions de la sorte, M. [D] a contribué à l'instabilité financière de la SA [10] et à l'augmentation de son passif.
Il s'en dégage une faute de gestion qui ne saurait être excusée par la seule négligence ou l'imprudence de M. [D] dans la mesure où ce dernier ne pouvait ignorer l'impact des frais qu'il a consciemment fait supporter à la SA [10] et alors même qu'il reconnait que la société a dû faire face à une baisse d'activité depuis 2015.
Par ce comportement, la SA [10] a perdu une bonne partie de ses disponibilités et a contracté des emprunts en parallèle, dont un de 350 000 euros en 2017 tel qu'il en ressort de la lecture du bilan comptable sur cette années, chargeant encore davantage le montant du passif.
Les fautes de gestion dans l'utilisation des conventions conclues entre la SA [10] et les autres sociétés du groupe ont donc impacté le passif de la société de sorte que le lien de causalité est établi.
Sur la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel :
La SAS [11] reproche à M. [D] d'avoir poursuivi une activité déficitaire et d'être resté passif alors que la SA [10] enregistrait des pertes d'exploitation, cela dans le but de profiter des conventions signées avec la SA [10].
La poursuite d'une activité déficitaire n'est sanctionnée que lorsqu'elle est effectuée dans un intérêt personnel et que l'exploitation déficitaire ne pouvait conduire qu'à la cessation de paiements de la personne morale mais elle ne se résume pas au simple constat du montant des dettes. (voir notamment en ce sens Com., 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-19.807).
Il est établi que la SA [10] a enregistré une baisse significative de son résultat d'exploitation entre 2013 et 2014 passant de 247 797 euros à 62 691 euros avant de supporter une perte de 375 815 euros en 2015.
Toutefois, il ressort des documents et des conclusions des parties une amélioration de la situation et une diminution de la perte d'exploitation sur les années suivantes, enregistrant ainsi un résultat déficitaire de 180 542 euros en 2016 et 63 967 euros en 2017.
Si M. [D] a effectivement pu profiter du maintien de l'activité de la SA [10] et notamment des conventions existantes entre cette société et l'EURL [Z], il apparait qu'il n'est pas resté inactif face à la perte d'exploitation subie et que sa gestion a pu conduire à une diminution de la perte d'exploitation. Il s'en suit qu'il n'est pas établi que l'unique but de la poursuite d'activité ait été le profit que M. [D] aurait pu en tirer.
La faute de gestion ainsi reprochée n'est donc pas établie.
Sur la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements
La SAS [11] reproche à la SA [10] de ne pas avoir respecté l'obligation pour le dirigeant de déclarer l'état de cessation des paiements dans les 45 jours.
Selon l'article L.640-4 du code de commerce, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, laquelle est définie aux termes de l'article L631-1 du code de commerce comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
Pour constituer une faute, au-delà du retard constaté, doit être déterminé la conscience pour le dirigeant d'avoir pris du retard dans la déclaration de cessation de paiement.
En premier lieu, le fait allégué que le commissaire aux comptes n'ait pas alerté M. [D] sur la situation financière de la SA [10], s'il peut remettre en cause le respect de ses obligations, n'exclu ni la responsabilité du dirigeant d'avoir poursuivi l'activité de la société sans déclarer la cessation de paiement, ni ne démontre l'absence de cessation de paiement.
Ensuite, la date de cessation des paiements a été fixée au 1er janvier 2018 par jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 26 septembre 2018, soit plus de 9 mois avant le dépôt de la requête en ouverture d'une procédure collective par M. [D], intervenu le 12 septembre 2018.
La date de cessation des paiements ayant été fixée par le jugement précité, le moyen tenant à l'absence de démonstration de la date de cessation des paiements par le mandataire judiciaire est inopérant.
Le retard dans la déclaration de la cessation des paiements est donc établi.
Cependant, il ressort du bilan comptable le plus récent produit à la cour que la SA [10], sur l'exercice 2017, que la société présentait un actif circulant de 3 027 327 euros et un montant total des dettes inscrit au passif de 2 968 901 euros.
Si le résultat comptable était au 31 décembre 2017 déficitaire de 63 967 euros, la société disposait comptablement d'actifs. Les éléments produits sont donc insuffisants pour en déduire que M. [D] a poursuivi sciemment une activité en connaissance de l'état de cessation des paiements de la société.
En outre, si le compte de résultat démontre une perte d'exploitation à hauteur de 63 043 euros sur l'exercice 2017, il reste qu'il est constaté une amélioration de la situation par rapport à l'exercice précédent qui enregistrait une perte de 185 314 euros.
Il s'en suite que la déclaration de la cessation de paiement, si elle a été tardive, ne résulte pas d'un entêtement illégitime à poursuivre l'activité d'une société en état de cessation des paiements compte tenu des résultats financiers sus-évoqués. De plus, faute d'éléments comptables plus récents, la situation en cours d'exercice 2018 ne peut être appréciée.
Il n'est donc pas établi que M. [D] a sciemment déclaré tardivement l'état de cessation des paiements.
La faute de gestion ainsi reprochée n'est par conséquent pas démontrée.
Sur la sanction
Il est constant que la condamnation d'un dirigeant ne peut excéder le montant de sa contribution à l'insuffisance d'actif. Elle est souverainement fixée et doit être proportionnelle à la nature et à l'importance des fautes retenues.
En l'espèce, s'il doit effectivement y avoir proportionnalité de la sanction, celle-ci doit s'apprécier non pas au regard de la situation financière du dirigeant, mais du nombre et de l'incidence des fautes commises par lui ayant conduit à l'insuffisance d'actif. La responsabilité du dirigeant n'est pas davantage limitée au montant du capital investi.
Les fautes de gestion reprochées à M. [D] et précédemment établies consistent en l'exécution des conventions passées entre la SA [10] et l'EURL [Z] en défaveur de la SA [10], participant ainsi à l'augmentation de son passif en ce qu'elle a dû contracter des prêts pour faire face à ses dettes.
La somme de 1 500 000 euros prononcée en première instance apparait manifestement disproportionnée aux fautes commises.
Il a donc lieu de condamner M. [D] à payer à la SAS [11], agissant es qualités de liquidateur de la SA [10], la somme de 300 000 euros en comblement de l'insuffisance d'actif.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
En application de l'article 1343-2, la capitalisation des intérêts sera ordonnée.
B- Sur la faillite personnelle
Aux termes de l'article L. 653-4, 2° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, qui sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, a fait des actes de commerce dans un intérêt personnel.
Selon l'article L. 653-4, 3°, du même code, la faillite personne peut être prononcé contre un dirigeant qui a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
En l'espèce, il a été établi précédemment que les conventions conclus avec la SA [10] l'ont été dans l'intérêt exclusif de sa contractante, l'EURL [Z] dirigée et appartenant à M. [D], engendrant une augmentation du passif de la SA [10].
Ainsi, le fait, pour M. [D], d'avoir fait du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement est donc établi.
Cette faute est donc établie.
En application de l'article L. 653-4, 4°, du code de commerce, la faillite personnelle peut également être prononcée si le dirigeant a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
En l'espèce, il a été établi que la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements et la poursuite de l'activité déficitaire dans un intérêt personnel ne sont pas démontrés de sorte que ces mêmes moyens doivent également être rejetés s'agissant de la faillite personnelle.
Cette faute n'est donc pas retenue et le moyen est rejeté.
Enfin, selon l'article L. 653-4, 5°, du même code, la faillite personnelle peut encore être prononcée contre le dirigeant qui a détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
En l'espèce, bien que le compte courant débiteur de l'EURL [Z] et les sommes facturées par cette dernière ait nécessairement participé à une diminution des disponibilités de la SA [10] et été à l'origine des prêts bancaires souscrits par cette dernière, il n'est pas établi que M. [D] a eu l'intention frauduleuse d'augmenter le passif de la SA [10], étant précisé qu'aucune enquête pénale n'est produite aux débats.
Cette faute n'est donc pas retenue et le moyen est rejeté.
Ainsi, au regard des fautes retenues, il convient donc de prononcer à l'encontre de M. [D] une faillite personnelle d'une durée de 7 ans et d'infirmer en ce sens le jugement de première instance.
Les modalités de notification au casier judiciaire et d'inscription de la sanction sur le fichier national automatisé des interdits de gérer seront confirmées.
III- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La cour confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 06 juin 2023 en ce qu'il a condamné M. [D] aux dépens ainsi qu'à payer à la SAS [11] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, M. [D] succombant dans la majorité de ses demandes à hauteur de cour, l'équité commande de le condamner aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS [11] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la SAS [11], agissant en qualité de liquidateur de la SA [10], de sa demande de voir écarter la pièce numéro 3 produite par M. [K] [D] :
Déclare recevable l'appel principal de M. [D] ;
Déclare recevable l'intervention du ministère public comme partie jointe ;
Déboute M. [K] [D] de sa demande d'irrecevabilité de l'appel du ministère public ;
Déclare recevable la demande de nullité du jugement ;
Déboute M. [K] [D] de sa demande d'extinction de l'instance ;
Deboute M. [K] [D] de sa demande de nullité du jugement ;
Infirme le jugement rendu le 06 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a :
Condamné M. [K] [D] à payer à la SAS [11], agissant en qualité de liquidateur de la SA [10], la somme de 1 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Prononcé la faillite personnelle de M. [D] pour une durée de 15 ans ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [K] [D] à payer à la SAS [11] la somme de 300 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Prononce la faillite personnelle de M. [D] pour une durée de 7 ans ;
Ordonne la notification de la décision au casier judiciaire par application de l'article 768 5° du code de procédure pénale ;
Dit qu'en application des articles L.128-1 et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la circulation de ces données ;
Y ajoutant,
Condamne M. [K] [D] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [K] [D] à payer à SAS [11], agissant en qualité de liquidateur de la SA [10], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/01265 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F7K4
Minute n° 25/00120
[D]
C/
S.A.S. [11]
Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de METZ, décision attaquée en date du 06 Juin 2023, enregistrée sous le n° 20/00400
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 31 JUILLET 2025
APPELANT :
Monsieur [K] [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Gaspard GARREL, avocat postulant au barreau de METZ
et par Me Nathalie HAUSMANN, avocat plaidant du barreau de REIMS
INTIMÉE :
SAS [11], prise en la personne de Me [A] [H] es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [10]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2025 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 31 Juillet 2025,en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société [10] a été constituée le 19 janvier 1996 sous la forme d'une SARL au capital social de 15 244 euros, avec pour siège social le [Adresse 2]. La société [10] exerçait une activité d'agencement de magasins.
Par assemblée générale extraordinaire en date du 17 décembre 2007, les associés ont décidé de transformer la SARL en SA puis, en date du 07 janvier 2008, M. [K] [D] a été nommée en qualité de président du conseil d'administration. Le 21 janvier 2008, par assemblée générale extraordinaire, Mme [I] [D] et M. [Z] [D] ont été désignés en qualité d'administrateurs.
Le capital social de la SA [10] de 200 000 euros était réparti entre les actionnaires suivants :
EURL [Z] au capital de 1 000 euros, gérée par M. [K] [D] : 190 000 actions
Mme [D] : 5 actions
M. [K] [D] : 5 actions
M. [Z] [D] : 5 actions
Mme [B] [E] : 5 actions
M. [O] [W] : 4 990 actions
M. [P] [S] : 4 990 actions.
Une cession temporaire d'usufruit a été conclue entre les consorts [D] et la société [10].
La société [10] exerçait son activité dans un ensemble immobilier à usage industriel et commercial sis à [Adresse 13], propriété de la SCI [14], SCI au capital de 1 000 euros, gérée par M. [K] [D], pour un loyer annuel de 150 000 euros hors droits, taxes et charges dont la provision mensuelle est fixée à 1 500 euros.
La société [10] avait par ailleurs conclu plusieurs conventions avec l'associé majoritaire, l'EURL [Z], à savoir :
Une convention d'assistance management signée le 03 janvier 2008 en contrepartie d'une rémunération au taux de facturation journalier de 800 euros.
Une convention de gestion de trésorerie signée le 03 janvier 2008 aux termes de laquelle les parties se sont engagées à mettre à la disposition l'une de l'autre leur excédent de trésorerie sous forme d'avance en compte courant rémunéré en fonction des besoins et disponibilités de chacune. Les sommes mises à la disposition du groupe étant rémunérées sur la base de Euribor 3 mois + 0,25 point.
Par jugement rendu par le tribunal de grande instance de Metz le 26 septembre 2018, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société [10]. La société employant 35 salariés au jour de l'ouverture de la procédure.
Mme [U] [J] a été nommée en qualité de juge commissaire, la SCP [6], prise en la personne de Mme [X], en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL [15] [H], prise en la personne de Mme [H], en qualité de mandataire judiciaire.
La date de cessation des paiements a été fixée au 1er janvier 2018.
Par jugement du 23 octobre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Metz, la liquidation de la société [10] a été prononcée. La SELARL [15] et [H], prise en la personne de Mme [H], a été désignée liquidateur.
Estimant que M. [K] [D] a commis des fautes de gestion à l'origine de l'insuffisance d'actif de la société, la SELARL [15] [H], es qualité de liquidateur a assigné M. [D] par acte d'huissier délivré le 08 juin 2020, au visa de l'article L.651-2 du code de commerce, devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins de le voir :
Condamner M. [D] à payer à la SELARL [15] [H] la somme de 2 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Condamner M. [D] à payer à la [15] [H] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [D] pour une durée de 15 ans ;
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
Condamner M. [D] en tous les frais et dépens.
Selon ses dernières conclusions récapitulatives du 12 novembre 2021, M. [K] [D] a demandé au tribunal de :
Ordonner la réouverture des débats ;
Ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 23 novembre 2021 ;
Débouter la SELARL [15] [H] de ses demandes ;
Condamner la SELARL [15] [H] à payer à M. [D] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP ACG qui en fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Dire et juger ne pas y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement.
Le rapport du juge commissaire a été déposé le 23 novembre 2021.
Par note réceptionnée le 22 aout 2022, le conseil du mandataire judiciaire a déposé le mandat au nom de la SELARL [15] [H], s'est constituée au nom de la SAS [11], prise en la personne de Mme [H] es qualité de liquidateur judiciaire de la SA [10], et a déposé un acte d'intervention volontaire au nom de cette dernière.
Par jugement avant-dire droit du 06 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Metz a rejeté la demande de rabat de clôture et de réouverture des débats, a sursis à statuer sur le fond et a ordonné la réouverture des débats au regard du changement de forme juridique de l'étude du mandataire judiciaire, a invité le mandataire judiciaire à régulariser ses conclusions et a renvoyé à l'audience du 06 décembre 2022.
Par conclusions récapitulatives déposées le 07 février 2023, la SAS [11] a demandé que le tribunal judiciaire constate que l'instance est poursuivie par la SAS [11] et a maintenu les demandes telles que visées à l'assignation.
Par note sur la réouverture des débats déposée le 07 février 2023, M. [K] [D] a demandé au tribunal de :
Ordonner le rabat de la clôture intervenue le 06 juillet 2021 ;
Constater la disparition juridique de la SELARL [15] [H] depuis sa radiation le 29 septembre 2021 ;
Prononcer l'extinction de l'instance du fait de la disparition de la demanderesse ;
Débouter la SELARL [15] [H] de ses demandes en paiement ;
Déclarer irrecevable la constitution de la société [11] après la clôture et l'extinction de l'instance
A défaut, statuer sur les demandes de M. [K] [D] figurant dans les conclusions déposées avant la clôture
Condamner la société [11] à payer à l'EURL [Z] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 06 juin 2023, le tribunal judiciaire de Metz a :
Débouté M. [K] [D] de sa demande aux fins de prononcé de l'extinction de l'instance ;
Déclaré l'action diligentée par la SAS [11] prise en la personne de Mme [H] recevable ;
Condamné M. [K] [D] à payer à la SAS [11] la somme de 1 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Prononcé la faillite personnelle de M. [K] [D] pour une durée de quinze ans ;
Ordonné la notification de la décision au casier judiciaire par application de l'article 768 5° du code de procédure pénale ;
Dit qu'en application des articles L.128-1 et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la circulation de ces données ;
Ordonné l'exécution provisoire ;
Condamné M. [K] [D] aux dépens de l'instance ;
Condamné M. [K] [D] à payer à la SAS [11] prise en la personne de Mme [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [10] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 14 juin 2023, enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 15 juin 2023, M. [K] [D] a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, de ce jugement et visé l'ensemble de son dispositif.
La SAS [11] a formé appel incident sur le montant de la condamnation de M. [D] au titre de l'insuffisance d'actif et de celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile par voie de conclusions.
Par assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel de Metz délivrée le 12 juillet 2023, M. [D] a notamment demandé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 06 juin 2023.
Par ordonnance de référé contradictoire du 24 octobre 2023, le premier président a notamment déclaré la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 06 juin 2023 irrecevable.
Par assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel de Metz délivrée le 24 aout 2023, la SELARL [10] a dans un premier temps demandé la radiation de l'appel de M. [D] pour ensuite renoncer à sa demande et sollicité l'irrecevabilité et le débouté de l'ensemble des demandes de M. [D] présentées au stade du référé, parmi lesquelles figurait l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 06 juin 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Metz.
Par ordonnance de référé contradictoire du 06 juin 2024, le premier président de la cour d'appel de Metz a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 11 février 2025, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [K] [D] demande à la cour d'appel de :
« Après avoir Débouté l'intimée de sa demande de rejet,
Dire l`appel de monsieur [D] recevable et bien fondé,
Dire l'appel du ministère public et sa demande de confirmation irrecevable et mal fondée,
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
Débouté monsieur [D] de sa demande aux fins de prononcé de l'extinction de l'instance
Déclarer l'action diligentée parla SAS [11] venant aux droits de la SELARL [15] [H] recevable,
Condamne M. [D] à payer à la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], prise en la personne de Maître [H], la somme de 1 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actifs.
Prononcé la faillite personnelle de monsieur [D] pour une durée de 15 ans,
Ordonné la notification de la décision au casier judiciaire par application de l'article 768 5 du CPP,
Dit que cette sanction fera l'objet d'une Inscription au fichier national des interdits de gérer,
Ordonné l'exécution provisoire,
Condamné monsieur [D] aux dépens de l'instance et à payer la somme de 3000 euros à la société [11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
Prononcer la nullité du jugement du 6 juin 2022,
Prononcer l'extinction de l'instance introduite devant le tribunal judiciaire de Metz par la SELARL [15] [H] à compter de sa radiation au registre du commerce et des sociétés, action sans demandeur en capacité d'agir au jour de la clôture de la procédure au mois de novembre 2021.
En tout état de cause,
Débouter la société [11], es qualité de liquidateur de la société [10] de sa demande principale et subsidiaire de condamnation de monsieur [D] à lui payer la somme de 2 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, à lui payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et au prononcé d'une faillite personnelle d'une durée de 15 ans et à ses demandes nouvelles d'inscription au fichier national des interdits de gérer et à sa demande nouvelle de notification de la décision au casier judiciaire et toute formalité de publication, de sa demande nouvelle d'ordonner la capitalisation des intérêts sur toutes les condamnations à intervenir, de sa demande très subsidiaire en interdiction de gérer pendant une durée de 15 ans.
Ordonner le retrait de l'inscription au casier judiciaire et au fichier national des interdits de gérer.
Débouter, la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de Maitre [H] de sa demande de capitalisation des intérêts qui est une demande nouvelle.
Condamner la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], dont le siège social est [Adresse 3] prise en la personne de Maitre [H] à payer à monsieur [K] [D] la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer tous les dépens de première instance et d'appel. »
Au soutien de ses prétentions, M. [K] [D] affirme, en premier lieu, au visa des articles 329 du code de procédure civile et L.653-1 du code de commerce, que dans le cas d'une conversion du redressement en liquidation judiciaire, il n'y a qu'une seule procédure collective et que donc le délai de prescription triennal court à compter du jugement d'ouverture, soit le 26 septembre 2018 de sorte que le ministère public ne pouvait agir que jusqu'au 26 septembre 2021. M. [D] conteste, en tout état de cause, l'interprétation des chiffres et des données comptables faites par le tribunal et le ministère public.
M. [K] [D] soutient ensuite que le jugement est nul, évoquant l'extinction de l'instance et le droit à un procès équitable. Après avoir rappelé le rôle central du juge commissaire dans la procédure collective, M. [D] soutient qu'il existe un conflit d'intérêt entre la société [10] et le juge commissaire nommée dans cette procédure puisqu'il s'agit d'un créancier de la société. L'appelant soulève ensuite l'application des articles 444 et 803 du code de procédure civile et estime ne pas avoir été dans la capacité de déposer ses dernières conclusions au terme desquelles il soulevait la question de l'extinction de l'instance du fait de la disparition de la SELARL Fidry Schaming [H] alors partie à la procédure. Il considère ainsi ne pas avoir été à même de défendre ses intérêts, que cela est contraire à la bonne administration de la justice et viole le principe du contradictoire et du droit au procès équitable.
L'appelant allègue ensuite que l'extinction de l'instance aurait dû être prononcée puisque la demanderesse à l'assignation en paiement n'existe plus juridiquement depuis le 29 septembre 2021. M. [D] expose que, après la clôture des débats, il a été constitué avocat pour Mme [H] et non pour la SAS [11], or il estime que seule cette dernière ayant la capacité à agir ès qualités et qu'elle n'était donc pas partie à l'instance.
L'appelant ajoute que la SAS [11] ne peut venir aux droits de la SELARL [15] [H] car le pouvoir d'agir du liquidateur est créé par un mandat judiciaire intransmissible, évoquant ici les articles L. 812-1 et L. 641-4 du code de commerce. M. [D] affirme que c'est pour cela que le tribunal judiciaire a établi un autre mandat judiciaire pour la société [11] par ordonnance du 03 février 2022, donnant ainsi à cette dernière qualité à agir au nom et pour le compte de la société [10] à compter de cette date seulement. Combinant l'article 384 du code de procédure civile sur les conséquences de la disparition d'une partie, ainsi que les articles 31, 32 et 122 du même code relativement à la qualité à agir et aux conséquences de l'absence de celle-ci, M. [D] en déduit que la constitution après la disparition d'une personne morale et après la clôture des débats sans demande de rabat de clôture faite par une personne autre que la partie au procès, qui n'a donc pas la qualité de partie, est irrecevable.
Sur l'infirmation du jugement, M. [D] affirme tout d'abord que c'est à tort qu'il a été fait application de l'article L. 651-2 du code de commerce en sa version applicable lors de l'instruction de l'instance sans prendre en compte ses modifications, d'application immédiate selon l'appelant, issues de la loi 2016-1691 du 09 décembre 2016 ayant ajouté que la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif ne pouvait être engagée en cas de simple négligence dans la gestion de la société. M. [D] explique que la négligence doit être assimilée à la bonne foi. L'appelant allègue en outre que cette modification est cohérente avec le type de société choisi dont le principe légal est la responsabilité limitée au montant du capital investi.
M. [D] soutient ensuite que l'action du liquidateur nécessitait la triple démonstration, pour exclure la simple négligence, de fautes personnelles sanctionnables, d'une insuffisance d'actif et du lien de causalité entre les deux et affirme en somme que ces éléments ne sont pas réunis.
L'appelant évoque aussi, à l'appui des articles R662-12 du code de commerce et 16 du code de procédure civile, que le rapport du juge commissaire, sur lequel le juge devait statuer aurait, dû lui être communiqué.
M. [D] rappelle également que, en vertu de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient au liquidateur de prouver conformément à l'article L. 651-2 du code de commerce, les faits nécessaires au succès de sa demande en comblement de l'insuffisance d'actif, M. [D] expose qu'aucune faute personnelle n'est caractérisée mais que les faits et agissements évoqués ne sont constitutifs que de négligences et ne renvoient à aucun intérêt personnel ou entêtement fautif. M. [D] rappelle que c'est de sa propre initiative et dans le délai de 45 jours, qu'il a déposé le bilan. Après avoir repris les faits qui lui sont reprochés et expliqué en quoi ils ne constituent pas des fautes, M. [D] affirme que son successeur n'a pas de meilleurs résultats aujourd'hui, démontrant selon lui que la difficulté ne vient pas de la gestion mais du fait que l'activité soit devenue non rentable.
L'appelant affirme en outre que l'insuffisance d'actif peut être réduite du montant des créances que le dirigeant poursuivi a pu prendre en charge personnellement, ainsi que d'une créance de l'AGS réglée par le mandataire judiciaire et que les dirigeants sociaux ne peuvent être condamnés à combler le passif social qu'en présence d'une insuffisance d'actif dont l'existence et le montant sont appréciés au jour où le tribunal statue sur la sanction. Il ajoute que les dettes, nées après le jugement d'ouverture de la procédure collective, n'entrent pas dans le passif pris en compte pour calculer le montant de l'insuffisance d'actif qui peut être mis à la charge des dirigeants et les dettes postérieures ne sont pas prise en compte.
L'appelant rappelle en outre les obligations du liquidateur tirées de l'article R.814-34 du code de commerce et notamment en ce qu'il doit dresser des états chaque trimestre et les adressées au greffe du tribunal judiciaire ainsi qu'au procureur de la République. M. [D] précise qu'il n'a jamais été destinataire de ces rapports et qu'ils ne sont pas produits dans l'instance.
Sur sa condamnation au paiement de la somme de 1 500 000 euros, M. [D] expose d'une part qu'un tel montant n'est pas justifié et, d'autre part, qu'il est disproportionné par rapport à ses revenus, étant aujourd'hui à la retraite.
M. [D] expose encore que la date de cessation des paiements ne peut être retenue comme une faute sanctionnable, outre le fait qu'elle n'est pas justifiée par le liquidateur. De même, l'appelant affirme que les conventions avec les tiers, notamment le bail commercial avec la SCI [14], ne peuvent être retenues comme des fautes sanctionnables, évoquant le fait qu'elles n'ont jamais été remises en cause et ont continué à être exécutées sous la surveillance de l'administrateur qui a validé les paiements, précisant également qu'elles font l'objet d'un rapport spécial du commissaire aux comptes ou encore qu'il n'a pas participé à créer du passif.
S'agissant de la convention d'assistance management, M. [D] expose qu'elle a été valablement votée, par une assemblée générale extraordinaire pour laquelle il ne dispose que de 0,0025% des droits de vote, qu'elle a existé pendant 10 ans avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, que son compte courant a été remboursé sur les trois dernières années et une nette diminution s'en est suivi, qu'elle n'a pas été payée chaque année de ses prestations, et qu'elle a été considérablement réduite en 2016 puis réduite à zéro en 2017 faisant partie des mesures de soutien face aux difficultés de chiffre d'affaires de l'entreprise.
M. [D] précise également que seul l'article L. 651-2 du code de commerce fonde la demande du liquidateur et que l'argumentation adverse s'agissant de la demande en comblement de passif ne repose que sur la faute de gestion.
Sur la condamnation à la faillite personnelle pendant 15 ans, [D] soutient que cette demande n'était pas recevable, estimant que rien ne fonde ni en droit ni en fait une telle demande qui serait une double sanction et donc contraire à l'esprit de la loi nouvelle permettant le rebond outre le fait que les créanciers d'une entreprise savent que le capital de la société avec qui ils contractent est en principe la seule garantie dont il dispose et rappelant que les cas de faillite personnelle sont limitativement prévus par le code de commerce. M. [D] précise qu'une condamnation pour faillite personnelle ne peut être fondée sur une faute de gestion ni prononcée alors que la faute reprochée ne permet que le prononcé de l'interdiction de gérer.
M. [D] ajoute que les litiges en cours ont nuit à sa santé, tant sur le plan psychologique que physique, que la faillite personnelle lui imposerait de démissionner de la gestion de la holding EARL [8] et SCI [14] alors qu'une vente est en cours et que le liquidateur conteste la nomination du nouveau gérant risquant de faire annuler la vente. Il ajoute encore que l'EURL [Z] ne vaut plus rien du fait de la perte de valeur des actions de la société [10] en raison de sa liquidation judiciaire, qu'il est déjà retraité et aucune autre société avec une activité économique ne sera plus créée par lui et que donc qu'il est déjà à l'écart de la vie des affaires.
Par conclusions du 30 aout 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS [11] demande à la cour d'appel de :
« Ecarter des débats la pièce 3 pour non-respect du principe du contradictoire.
Rejeter l'appel de M. [K] [D],
Recevoir le seul appel incident de la SAS [11], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [10],
Infirmer le jugement uniquement en ce qu'il a :
« Condamné M. [K] [D] à payer à la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], prise en la personne de Maître [H], la somme de 1 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actifs »
« Condamné M. [K] [D] à payer à la société [11] es qualité de liquidateur de la société [10], prise en la personne de Maître [H], la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile »
Et statuant à nouveau :
Condamner M. [K] [D] à payer à la société [11] prise en la personne de Maître [A] [H], ès qualité de liquidateur de la société [10], la somme de 2 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actifs.
Condamner M. [K] [D] à payer à la société [11] prise en la personne de Maître [A] [H], ès qualité de liquidateur de la société [10] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance.
Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions, pour le surplus
Y ajoutant, ordonner la capitalisation des intérêts qui auront courus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.
Très subsidiairement, et si la cour rejetait la demande de faillite personnelle, prononcer à l'égard de M. [K] [D] une interdiction de gérer toute entreprise, pendant une durée de 15 années et ordonner les formalités de publication en ce sens.
Très subsidiairement, et si la cour faisait droit à la demande d'annulation du jugement,
Juger qu'il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif de l'appel
Evoquer le dossier devant la cour d'appel de Metz,
Déclarer M. [K] [D] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions, et les rejeter,
Déclarer la SAS [11] prise en la personne de Maître [A] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA [10] recevable en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions,
Condamner M. [K] : [D] à payer à la SAS [11] , prise en la personne de Maître [A] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [10] la somme de 2 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Prononcer la faillite personnelle de M. [K] [D] pour une durée de quinze ans ; Très subsidiairement, et si la cour rejetait la demande de faillite personnelle, prononcer à l'égard de M. [K] [D] une interdiction de gérer toute entreprise, pendant une durée de 15 années et ordonner les formalités de publication en ce sens.
Ordonner la notification de la décision au casier judiciaire, par application de l'article 768 5 ° du code de procédure pénale ;
Juger qu'en application des dispositions des articles L128-1 et R128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE 2016679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des
Ordonner la capitalisation des intérêts qui auront courus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil
Condamner M. [K] [D] aux dépens de l'instance ;
Condamner M. [K] [D] à payer à la SAS [11] prise en |a personne de Maître [A] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de |a société [10] le somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.
En tout état de cause :
Déclarer M. [K] [D] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions,
Condamner M. [K] [D] aux dépens d'appel
Condamner M. [K] [D] à payer à la SAS [11] prise en la personne de Maître [A] [H], et subsidiairement à celle de la SAS [11] , prise en la personne de Maître [A] [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la SA [10] une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Condamner M. [K] [D] aux entiers dépens d'appel,
Très subsidiairement, juger que les dépens d'instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SA [10],
Ordonner la capitalisation des intérêts qui auront courus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil sur toutes les condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir. »
Au soutien de ses prétentions et en premier lieu sur les pièces produites par l'appelant, la SAS [11] sollicite que la pièce 3 visée sur le bordereau de pièce de M. [D] soit écartée des débats faute de lui avoir communiquée malgré plusieurs demandes et sommations officielles, précisant que les autres pièces ont bien été communiquées après sommation du 03 aout 2023.
Sur la demande adverse tendant à voir prononcer la nullité du jugement rendu le 06 juin 2023, la SAS [11] allègue qu'à la lecture du dispositif de M. [D], ce dernier sollicite à titre principal l'infirmation du jugement sur les chefs de condamnations prononcées puis demande à la cour de statuer à nouveau pour prononcer la nullité du jugement. La SAS [11] considère donc, en application des articles 565, 910-4 et 954 du code de procédure civile, que la cour n'est saisie à titre principal que de la demande d'infirmation du jugement. De plus, la SAS [11] estime qu'il n'existe pas de nullité sans texte ni sans grief et que les moyens de nullité doivent être soulevés in limine litis.
La SAS [11] soutient en outre que cette demande de nullité est mal fondée. Elle invoque notamment l'article 798 du code de procédure civile, rappelant que la clôture de l'instruction est prononcée par ordonnance non motivée et ne peut être frappée d'aucun recours et relève ainsi de l'appréciation souveraine de la juridiction qui la rend. L'intimée ajoute que la décision statuant sur une demande de rabat de l'ordonnance de clôture relève de la même façon du pouvoir souverain de la juridiction ayant prononcé la clôture et n'est pas susceptible de recours, estimant ainsi que les moyens développés à ce titre ne sont pas de nature à emporter l'annulation ou l'infirmation du jugement, et que la juridiction saisie n'est tenue de rouvrir les débats qu'en présence d'une cause grave révélée postérieurement à la clôture. Le liquidateur judiciaire ajoute que l'article 444 du code de procédure civile ne concerne que la réouverture des débats, qui se distingue de la clôture de l'instruction.
La SAS [11] expose en outre que seul le manque de diligence de M. [D] lui a empêcher de déposer ses conclusions en temps voulu et ajoute qu'aucune demande de modification des organes de la procédure, notamment le juge commissaire, n'a été présentée par M. [D] qui n'a d'ailleurs pas agi en récusation contre le juge commissaire en application des articles 341 et suivants du code de procédure civile.
Sur l'extinction de l'instance alléguée par l'appelant, la SAS [11] soutient que Maître [Y] ne s'est pas constitué pour Mme [H], mais pour Mme [H] de la SAS [11] agissant en qualité de liquidateur de la SA [10]. L'intimée ajoute que la SELARL [15] [H] et la SAS [11] ont été successivement désignés mandataire judiciaire de la SA [10] et que c'est en tant que tel et non en leur nom personnel qu'elles étaient parties à la procédure. L'intimée en déduit que la partie qui a agi en première instance est et est restée la SA [10], rappelant que son dirigeant n'avait plus qualité pour la représenter. La SAS [11] ajoute que la question de la transmission d'un mandat de mandataire judiciaire se distingue de celle de la transmission de l'action engagée par le mandataire ès qualité de liquidateur judiciaire d'un administré.
La SAS [11] expose ensuite que, quand bien même la cour devait recevoir M. [D] en sa demande d'annulation du jugement, elle statuera par l'effet dévolutif de l'appel et par évocation, en application des articles 561 et 562 du code de procédure civile.
Sur la demande d'infirmation du jugement, reprenant les prétentions de M. [D], elle allègue que ce dernier omet que les condamnations ont été demandées et prononcées en faveur de la procédure collective de la SA [10] et non de son mandataire liquidateur, pris à titre personnel. N'ayant émis aucune critique du jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de la SAS [11] ès qualité, l'intimée estime que la cour ne pourra que constater qu'elle n'est pas saisie de la demande de débouté, qui sera déclarée au besoin irrecevable et subsidiairement mal fondée.
Sur les fautes de gestion reprochées, la SAS [11] se prévaut des dispositions des articles L.651-2, L.653-4, L653-5.5 et 6 et L 653-8 du code de commerce et oppose en premier lieu à M. [D] d'avoir dégagé des pertes significatives pendant plus de trois ans sans réagir, notamment concernant la convention d'assistance dont elle estime le poids trop lourd financièrement pour la société et que pour autant M. [D] n'y a pas mis fin. La SAS [11] évoque en outre deux prêts bancaires qui n'aurait servi qu'à résorber les découverts bancaires existants et accuse M. [D] d'avoir donné l'apparence d'une solvabilité factice lui permettant de continuer de bénéficier des rémunérations, avantages et autres contrats dont le dirigeant bénéficiait directement ou au travers des autres sociétés qu'il avait constituées.
La SAS [11] reproche également à M. [D] d'avoir volontairement poursuivi une activité déficitaire dans un intérêt personnel au regard de sa fonction de gérant et de principal associé de l'EURL [Z] et de la SCI [14]. Le liquidateur affirme en outre que M. [D] a volontairement tardé à déclarer l'état de cessation des paiements de sa société.
La SAS [11] accuse en outre M. [D] de poursuite d'une activité déficitaire dans son intérêt personnel et d'être resté totalement passif face aux pertes d'exploitation de la société [10].
La SAS [11] rappelle que le passif à retenir, après exclusion des créances de salaires avancées par le [7] postérieurement au jugement d'ouverture, s'élève à 3 565 601,41 euros et que l'actif recouvré à ce jour représente un montant de 399 360 euros. Le liquidateur en déduit que l'insuffisance d'actif s'élève à 3 166 241 euros.
La SAS [11] soutient que la gravité des fautes commises par M. [D] justifie également une mesure de faillite personnelle en application de l'article L.653-4 et suivants du code de commerce puisqu'il aurait manifestement fait des viens et du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement mais également poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
En réponse aux conclusions de M. [D], la SAS [11] expose que la loi applicable ne change strictement rien à la solution du présent litige et estime que le moyen soulevé par M. [D] ne se concentre finalement pas sur la loi applicable mais sur l'interprétation faite par les juges.
Sur le rapport du juge commissaire, la SAS [11] soutient qu'il a été joint au dossier le 09 novembre 2020, soit à une date permettant au défendeur d'en prendre connaissance et d'y répondre le cas échéant. Elle ajoute que M. [D] n'indique pas le fondement juridique selon lequel il aurait dû être destinataire du rapport du juge commissaire. La SAS [11] estime que le contradictoire a été respecté.
Sur le montant de la sanction, la SAS [11] affirme que celle-ci n'a pas à être proportionnée aux revenus ou au patrimoine du dirigeant fautif mais doit être appréciée souverainement, au regard de la gravité des faits et de l'insuffisance d'actif. Elle ajoute que les mandats conservés à ce jour par M. [D] ne vont pas dans le sens d'une mise à la retraite.
Sur la faillite personnelle, la SAS [11] ajoute que cette sanction ou celle de l'interdiction de gérer peuvent être prononcée cumulativement avec le comblement de passif, à l'appréciation du juge.
Sur son appel incident, la SAS [11] considère qu'au regard de la gravité des fautes constatées et de l'insuffisance d'actif qui en découle, une condamnation au paiement de la somme de 2 500 000 euros est le strict minimum.
Par conclusions du 03 juillet 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le ministère public demande à la cour d'appel de :
« Déclarer l'appel recevable,
Confirmer le jugement rendu la 06 juin 2023 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a débouté M. [K] [D] de sa demande aux fins de prononcé de l'extinction de l'instance, déclaré l'action diligentée par la SAS [11] prise en la personne de Mme [H] venant aux droits de la SELARL [15] [H] prise en la personne de Mme [H], es qualité de liquidateur judiciaire de la SA [10] recevable, condamné M. [K] [D] pour insuffisance d'actifs (et fixer le montant de la somme à payer à la SAS [11] et associés prise en la personne de Me [H] venant aux droits de la SELARL [15] [H] prise en la personne de Mme [H], es qualité de liquidateur judiciaire de la SA [10] et prononcé la faillite personnelle de M. [K] [D] pour une durée de quinze ans. »
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la procédure
Sur la demande de voir écarter la pièce numéro 3 produite par M. [D]
Il est observé que la pièce numéro 3 produite par M. [D] est un extrait des conclusions de la SELARL Schaming [V]. Il s'agit donc d'un document dont l'intimée a été l'auteur de sorte que la SAS [11] est mal fondé à se prévaloir d'un quelconque manquement supposé au principe du contradictoire.
La demande sera rejetée.
Sur la demande d'irrecevabilité de l'appel de M. [D]
L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Il est relevé que la SELARL [11] sollicite de recevoir son seul appel incident et ne présente de moyens, dans la partie discussion de ses dernières conclusions, qu'au soutien de l'irrecevabilité de la demande de nullité du jugement présentée par M. [D].
La demande d'irrecevabilité de l'appel est donc rejetée et l'appel sera déclaré recevable.
Sur la recevabilité de l'appel du ministère public
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il est constant que l'article précité ne procède pas à une énumération exhaustive des fins de non recevoir.
En application de l'article L. 653-1, II, du code de commerce dispose que les actions prévues par les articles L.653-1 à L.653-11 se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure collective. Toutefois, la prescription de l'action prévue à l'article L. 653-6 ne court qu'à compter de la date à laquelle la décision rendue en application de l'article L. 651-2 a acquis force de chose jugée.
Aux termes des articles 422 et 423 du code de procédure civile, le ministère public agit d'office dans les cas spécifiés par la loi et, en dehors de ces cas, il peut agir pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci.
L'article 424 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le ministère public est partie jointe lorsqu'il intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication.
En application de l'article 425, 2°, du même code, le ministère public doit avoir communication des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, des causes relatives à la responsabilité pécuniaire des dirigeants sociaux et des procédures de faillite personnelle ou relatives aux interdictions prévues par l'article L. 653-8 du code de commerce. Le ministère public doit également avoir communication de toutes les affaires dans lesquelles la loi dispose qu'il doit faire connaître son avis.
En l'espèce, il s'agit d'une action en responsabilité civile pour insuffisance d'actif contre M. [D] et pour voir prononcer une faillite personnelle et donc une procédure dont le ministère public doit avoir communication.
En outre, l'action a été initiée par le liquidateur et non par le ministère public, lequel n'intervient donc pas en tant que partie principale mais en tant que partie jointe faisant connaitre son avis, sachant que cet avis en qualité de partie jointe ne constitue pas une prétention.
Il s'en suit que l'intervention du ministère public ne peut être assimilée à une action dont il serait à l'initiative et n'est donc pas soumise aux délais de prescription.
De plus, s'agissant d'une procédure qui lui a été communiquée, le ministère public est parfaitement en droit d'intervenir.
La demande d'irrecevabilité doit donc être rejetée.
Sur la demande d'irrecevabilité des demandes de M. [D]
A titre limaire, il est observé que si la SELARL [11] ès qualités demande l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes de M. [D], elle évoque dans la partie discussion de ses dernières conclusions uniquement des moyens au soutien de l'irrecevabilité de la demande de nullité du jugement. En application de l'article 954 du code de procédure civile précédemment cité, il ne sera donc statué que sur l'irrecevabilité de la demande de nullité du jugement.
En application des articles 71 et 72 du code de procédure civile, une défense au fond est un moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire. Elle peut être proposée en tout état de cause.
Aux termes des articles 73 et 74 du code de procédure civile une exception de procédure est un moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. Elle doit être soulevée, à peine d'irrecevabilité, simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
En l'espèce, il ressort du dispositif de ses premières conclusions que M. [D] sollicite, précisément dans cet ordre, le débouté de la demande de rejet formée par l'intimé, l'irrecevabilité de l'appel et de la demande de confirmation formée par le ministère public, l'infirmation du jugement puis « statuant à nouveau » de voir prononcer la nullité du jugement.
Il en ressort que même s'il n'apparait pas possible d'infirmer un jugement et de prononcer ensuite sa nullité, la nullité étant habituellement et de manière logique normalement demandée en première prétention et l'infirmation n'étant sollicitée que si la nullité n'est pas accordée. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une prétention sollicitée par infirmation du jugement.
La demande d'irrecevabilité de la demande de nullité est donc rejetée.
Sur la demande de prononcer l'extinction de l'instance introduite devant le tribunal judiciaire de Metz par la SELARL [15] [H] à compter de sa radiation au RCS faute de demandeur en capacité d'agir au jour de la clôture de la procédure
Les dispositions de l'article 384 du code de procédure civile décrivent les causes d'extinction de l'instance.
Si le décès d'une des parties est une cause d'extinction de l'instance dans les actions non transmissibles, en l'espèce ce n'est que la personne physique en charge de la représentation de la Selarl [15] et [H], soit Maître [15] qui est décédée.
En outre il est justifié à la procédure que la Selarl [15] et [H] a fait l'objet d'une absorption par la SAS [11] le 3 septembre 2021, de sorte que la Selarl [15] et [H] n'a jamais « disparu juridiquement ».
Par ailleurs et surtout, la partie à l'instance n'est ni la société [15] [H] ès-qualités de liquidateur de la société [10] prise en la personne de Maître [H], ni Maitre [H], ni la SAS [11] mais la SA [10].
Si en raison de la liquidation intervenue, son dirigeant a été dessaisi et ne dispose plus des pouvoirs de représentation de la société, il reste que le demandeur à l'instance est exclusivement la SA [10] quelle que soit la personne physique ou morale en charge de la représenter depuis la liquidation judiciaire intervenue le 23 octobre 2019.
S'il est exact que la société désignée par le tribunal en qualité de liquidateur et en charge de représenter la SA [10] a changé selon ordonnance du 3 février 2022, ce changement ne constitue cependant pas une cause d'extinction de l'instance et de l'action et ce d'autant plus que selon cette ordonnance il y a eu continuité de désignation et que la SA [10] a toujours disposé d'un titulaire en charge d'exercer ses droits et actions.
Il en ressort que l'instance n'a pas été éteinte.
En conséquence la constitution intervenue même postérieurement à la clôture pour le compte de la SAS [11] et associés ès qualités est valide et recevable.
Il n'est donc établi aucune cause d'extinction de l'instance et la demande sera donc rejetée.
Il vient précédemment d'être indiqué qu'il n'existe aucune cause d'extinction de l'instance de sorte que la demande de nullité du jugement de ce chef doit être rejetée.
Sur la demande de nullité du jugement rendu en raison du droit à un procès équitable
S'agissant du droit à un procès équitable, il convient de relever que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que pour un motif grave qui est souverainement apprécié par le juge de la mise en état et qui constitue une mesure d'administration judiciaire. Il ne ressort pas des éléments produits qu'en refusant le rabat de la clôture le juge de la mise en état de première instance n'ait pas respecté les droits de M. [D], étant précisé que M. [D] disposait d'un avocat, que l'assignation est intervenue en juillet 2020, que de nombreux renvois sont intervenus notamment pour que le défendeur produise des pièces et que d'ailleurs le conseil de M. [D] a été sanctionné par une injonction de conclure le 18 mai 2021, que la clôture est intervenue le 23 novembre 2021 soit plus d'un an après l'assignation.
En outre aucune des pièces du dossier ne démontre l'existence d'un conflit d'intérêt ou d'une impartialité quelconque du juge commissaire désigné pour la procédure collective de la SA [10]. Le fait que cette société ait été reprise par la SARL [9] dont le dirigeant est un M. [L] qui est peut-être M. [T] [L] juge consulaire à [Localité 16], ne démontre pas que l'un des juges de l'instance en procédure collective de la SAS [10] puisse être en conflit d'intérêt ou présenter une partialité quelconque.
M. [D] doit en conséquence être débouté dans ses demandes de nullité du jugement de ces chefs.
II- Sur le fond
A- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
Selon l'article L. 651-2 du code de commerce lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
L'insuffisance d'actif s'apprécie au jour où statue la juridiction saisie et correspond à la différence entre le passif existant au jugement d'ouverture (créances vérifiées et admises) et l'actif de la personne morale ou du patrimoine affecté, disponible ou non.
La charge de la preuve de l'insuffisance d'actif incombe au mandataire judiciaire.
En l'espèce, contrairement aux allégations de M. [D], le tribunal judiciaire a fondé sa décision sur l'article précité, en sa version applicable au cas d'espèce. Il est observé que si M. [D] avance cet argument, il s'agit en réalité d'une contestation de l'application qui en a été faite par le tribunal judiciaire qui est donc, prise isolément, sans emport dans la mesure où l'objet de l'appel est précisément de procéder à une appréciation en fait et en droit.
De plus, il ressort du jugement que le rapport du juge commissaire a régulièrement été versé à la procédure, cela en application de l'article R. 662-12 du code de commerce.
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Sur l'insuffisance d'actif
L'insuffisance d'actif est la différence entre le passif réalisé et l'actif admis.
Pour appliquer l'article L 651-2 susvisé il n'est pas nécessaire que le passif soit entièrement chiffré, ni que l'actif ait été réalisé. Il suffit que l'insuffisance d'actif soit certaine.
L'insuffisance d'actif s'apprécie au jour où statue la juridiction saisie et correspond à la différence entre le passif existant au jugement d'ouverture (créances vérifiées et admises) et l'actif de la personne morale ou du patrimoine affecté, disponible ou non. La charge de la preuve de l'insuffisance d'actif incombe au mandataire judiciaire, étant précisé qu'il ne peut se prévaloir d'un passif déclaré à titre provisionnel, sauf si le passif non contesté et déclaré à titre définitif est supérieur à l'actif.
En l'espèce, la SAS [11] estime l'insuffisance d'actif à 3 166 241 euros.
Il ressort de la liste des créances produites aux débats en pièces 3 par l'intimé et établie en vue de l'admission des créances le 12 septembre 2019 que le montant total du passif définitif s'élève à la somme de 3 226 152,93 euros étant précisé que la proposition d'admission a été ratifiée par le juge commissaire et qu'il n'est fait mention d'aucune contestation.
De plus, l'actif réalisé et recouvré au 2 mars 2020, tel que cela ressort des pièces 9,10 et 11 de l'intimé au demeurant non contesté par les parties se porte à la somme de 329 548.19 euros (156 788.14+ 100 000+ 72 760.05).
Ainsi, la SAS [11] établit au vu des seuls éléments non contestés du dossier une insuffisance d'actif de 2 896 604.74 euros.
Sur les fautes reprochées
Les fautes de gestion de M. [D] invoquées par la SAS [11] ès qualités sont les suivantes : la soustraction des actifs de la SA [10] dans son intérêt personnel, la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel et la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements.
Sur la soustraction des actifs de la SA [10] dans un intérêt personnel :
Il est rappelé que les conventions suivantes ont été conclues entre la SA [10] et l'EURL [Z] :
Une convention d'assistance et de management
Une convention de gestion de trésorerie
De plus une cession temporaire d'usufruit des parts sociales de la SCI [14] a été conclu avec la SA [10].
Il convient de préciser que ce n'est pas l'existence ni la légalité de ces conventions qui est remise en cause par le mandataire judiciaire mais l'usage qu'il en a été fait par l'EURL [Z]. Contrairement aux allégations de M. [D], le fait que le mandataire judiciaire n'y ai pas mis fin ne peut donc exclure l'existence de faute de gestion.
De même, le fait que la SCI [14], dirigée par M. [D], n'ait pas déclaré sa créance de loyer, par ailleurs non établie, au passif de la procédure collective ne saurait faire la démonstration d'une gestion de la société [10] exempte de faute.
La SAS [11] reproche à M. [D] d'avoir commis plusieurs fautes de gestion dans l'exécution de ses contrats et notamment de les avoir exécutés dans son intérêt exclusif.
Sur les fautes reprochées au titre de l'exécution de la convention de trésorerie :
La SAS [11] soutient que l'EURL [Z] est débitrice de la SA [10] et que par conséquent la convention de trésorerie n'a pu être bénéfique qu'à l'EURL [Z] et a participé à l'augmentation du passif de la SA [10] en ce qu'elle lui a privée d'une trésorerie disponible.
D'abord, il ressort du jugement du 28 février 2023 que l'EURL [Z] a été condamnée, par le tribunal judiciaire de Metz, à payer la SA [10] la somme de 404 365,41 euros en application de la convention de gestion de trésorerie conclue entre les deux sociétés le 03 janvier 2008.
Aucune déclaration d'appel ni aucun arrêt infirmatif n'est produit de sorte que l'autorité de chose jugée de cette décision est acquise et il n'y donc pas lieu de remettre en cause le montant dont l'EURL [Z] est débitrice à l'égard de la SA [10], créance née au titre de la convention de gestion de trésorerie.
Ensuite, il ressort du bilan sur l'exercice 2016 de la SA [10] (pièce 7 [11]) établi par la société [12], que la société dispose à cette date d'une créance à hauteur de 708 516,24 euros et qu'elle était créancière de 684 074,87 euros sur l'exercice précédent et donc en 2015. Le bilan sur l'exercice 2017 fait état d'une créance détenue sur l'EURL [Z] pour un montant de 571 459,55 euros.
Il apparait en revanche dans le passif de la SA [10] des dettes auprès d'établissements bancaires pour un montant total de 1 259 469,49 euros en 2015, 1 330 404,94 euros en 2016 et 1 318 913,94 euros en 2017. En outre, la SA [10] enregistre une perte d'exploitation de 375 815 euros en 2015, 180 542 euros et 2016 et 63 967 euros en 2017.
Il s'en déduit que, bien que la SA [10] enregistrait des pertes d'exploitations significatives, à l'origine même de sa cessation de paiement, et ne générait donc ni bénéfices ni de liquidité sur cette période, elle demeurait prêteuse et créancière de sa cocontractante l'EURL [Z] et débitrice auprès d'établissements bancaires.
En dépit de ce constat et alors que la SAS [11], sur qui porte la charge de la preuve, apporte les éléments à même de déterminer l'intérêt exclusif de l'EURL [Z] dans la conclusion de cette convention de gestion de trésorerie, M. [D] n'apporte aucun élément permettant de contredire cet état de fait.
De plus, la SA [10] a dû recourir à des emprunts auprès d'établissement bancaires et supporter des taux d'intérêt plus élevés que le taux appliqué au prêt qu'elle consentait à l'EURL [Z].
Il apparait donc que M. [D] a appliqué la convention de gestion de trésorerie dans l'intérêt exclusif de l'EURL [Z], dont il est gérant et seul associé, alors même que la SA [10] voyait son passif augmenter et présentait un résultat d'exploitation négatif ne lui permettant donc pas de dégager des liquidités et ainsi de combler ses dettes.
Sur le nom remboursement par la SCI [14] de son compte courant d'associé et la cession temporaire d'usufruit de ses parts sociales
La SAS [11] soutient que la SCI [14], dont M. [D] est également le gérant et associé majoritaire, n'a pas remboursé son compte courant d'associé auprès de la SA [10].
Toutefois, s'il apparait bien dans le bilan de la SA [10] une créance auprès de l'EURL [Z], il n'apparait pas lisiblement de créance auprès de la SCI [14]. De plus, si les sociétés sont bien liées entre elles, outre un bail commercial qui d'ailleurs n'est pas produit aux débats, par une cession d'usufruit temporaire sur les parts de la SCI [14] et la SAS [11] ne la précise pas davantage.
La faute n'est pas constituée.
Sur les paiements au titre de la convention d'assistance et de management
La SAS [11] soutient que, alors que les résultats d'exploitation de la SA [10] enregistrait d'importantes pertes, M. [D] n'a pas cessé de facturer ses prestations au titre de la convention d'assistance et de management conclue avec l'EURL [Z], contribuant à l'augmentation du passif de la SA [10].
Il ressort des dernières conclusions produites ainsi que des éléments comptables que la SA a versé à l'EURL [Z] les sommes de 199 200 euros en 2013, 200 000 euros en 2014, 201 600 euros en 2015, 118 400 euros en 2016, 0 euros en 2017 et 217 755 euros en 2018. M. [D] n'apporte aucun élément de comptabilité de l'EURL [Z] permettant de constater que les sommes perçues ont été utilisées autrement qu'en versement de dividendes à M. [D] en guise de rémunération.
Il est ainsi constaté une diminution des sommes versées sur la période de perte d'exploitation la plus élevée, soit sur les années 2016, 2017 et 2018.
De plus, les sommes versées le sont en exécution de la convention d'assistance et de management prévoyant notamment que la prestation serait facturée à la somme de 800 euros par jour de prestation, constituant ainsi la contrepartie au contrat.
Il n'est par ailleurs pas contesté que M. [D] n'est pas dirigeant-salarié de la SA [10] et qu'il est donc rémunéré de son travail non pas par un salaire versé directement par celle-ci sur lequel la société supporterait des cotisations sociales se rajoutant au passif, mais au travers des sommes versées à l'EURL [Z] dont il percevra les dividendes en tant qu'associé unique.
Toutefois, le montant des versements effectués entre 2015 et 2013 autour de 200 000 euros annuels reste considérable, d'autant qu'aucun détail de facturation n'est produit, au regard de la forte diminution du résultat d'exploitation enregistrée par l'entreprise sur cette même période, passant de 247 747 en 2013 à 62 691 en 2014 puis 375 815 euros en 2015. La charge d'exploitation générée par les prestations de l'EURL [Z] en 2015 représente ainsi près de 2/3 de la perte d'exploitation sur cette même année.
En outre, si M. [D] allègue qu'il percevait les sommes de 5 000 euros par mois et que cela ne représentait pas une rémunération élevée compte tenu du chiffre d'affaires dégagée par la société et le nombre de salariés, il reste que le montant des prestations facturé par l'EURL [Z], dont M. [D] était le seul à prétendre à la perception des fruits, a inévitablement affecté les résultats et le passif de la SA [10].
Il en ressort que si la convention d'assistance et de management a été bénéfique pour l'EURL [Z], elle a représenté une charge disproportionnée à la capacité financière de la SA [10] de sorte que la seule à en avoir tiré un intérêt certain est l'EURL [Z] et donc M. [D].
En définitive, il est établi que la convention de gestion de trésorerie et la convention d'assistance et de management concluent entre la SA [10] et l'EURL [Z] ont été appliquée dans l'intérêt exclusif de l'EURL [Z] dont M. [D] est dirigeant associé unique et donc seul à même d'en percevoir les fruits. En usant de ces conventions de la sorte, M. [D] a contribué à l'instabilité financière de la SA [10] et à l'augmentation de son passif.
Il s'en dégage une faute de gestion qui ne saurait être excusée par la seule négligence ou l'imprudence de M. [D] dans la mesure où ce dernier ne pouvait ignorer l'impact des frais qu'il a consciemment fait supporter à la SA [10] et alors même qu'il reconnait que la société a dû faire face à une baisse d'activité depuis 2015.
Par ce comportement, la SA [10] a perdu une bonne partie de ses disponibilités et a contracté des emprunts en parallèle, dont un de 350 000 euros en 2017 tel qu'il en ressort de la lecture du bilan comptable sur cette années, chargeant encore davantage le montant du passif.
Les fautes de gestion dans l'utilisation des conventions conclues entre la SA [10] et les autres sociétés du groupe ont donc impacté le passif de la société de sorte que le lien de causalité est établi.
Sur la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel :
La SAS [11] reproche à M. [D] d'avoir poursuivi une activité déficitaire et d'être resté passif alors que la SA [10] enregistrait des pertes d'exploitation, cela dans le but de profiter des conventions signées avec la SA [10].
La poursuite d'une activité déficitaire n'est sanctionnée que lorsqu'elle est effectuée dans un intérêt personnel et que l'exploitation déficitaire ne pouvait conduire qu'à la cessation de paiements de la personne morale mais elle ne se résume pas au simple constat du montant des dettes. (voir notamment en ce sens Com., 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-19.807).
Il est établi que la SA [10] a enregistré une baisse significative de son résultat d'exploitation entre 2013 et 2014 passant de 247 797 euros à 62 691 euros avant de supporter une perte de 375 815 euros en 2015.
Toutefois, il ressort des documents et des conclusions des parties une amélioration de la situation et une diminution de la perte d'exploitation sur les années suivantes, enregistrant ainsi un résultat déficitaire de 180 542 euros en 2016 et 63 967 euros en 2017.
Si M. [D] a effectivement pu profiter du maintien de l'activité de la SA [10] et notamment des conventions existantes entre cette société et l'EURL [Z], il apparait qu'il n'est pas resté inactif face à la perte d'exploitation subie et que sa gestion a pu conduire à une diminution de la perte d'exploitation. Il s'en suit qu'il n'est pas établi que l'unique but de la poursuite d'activité ait été le profit que M. [D] aurait pu en tirer.
La faute de gestion ainsi reprochée n'est donc pas établie.
Sur la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements
La SAS [11] reproche à la SA [10] de ne pas avoir respecté l'obligation pour le dirigeant de déclarer l'état de cessation des paiements dans les 45 jours.
Selon l'article L.640-4 du code de commerce, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, laquelle est définie aux termes de l'article L631-1 du code de commerce comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
Pour constituer une faute, au-delà du retard constaté, doit être déterminé la conscience pour le dirigeant d'avoir pris du retard dans la déclaration de cessation de paiement.
En premier lieu, le fait allégué que le commissaire aux comptes n'ait pas alerté M. [D] sur la situation financière de la SA [10], s'il peut remettre en cause le respect de ses obligations, n'exclu ni la responsabilité du dirigeant d'avoir poursuivi l'activité de la société sans déclarer la cessation de paiement, ni ne démontre l'absence de cessation de paiement.
Ensuite, la date de cessation des paiements a été fixée au 1er janvier 2018 par jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 26 septembre 2018, soit plus de 9 mois avant le dépôt de la requête en ouverture d'une procédure collective par M. [D], intervenu le 12 septembre 2018.
La date de cessation des paiements ayant été fixée par le jugement précité, le moyen tenant à l'absence de démonstration de la date de cessation des paiements par le mandataire judiciaire est inopérant.
Le retard dans la déclaration de la cessation des paiements est donc établi.
Cependant, il ressort du bilan comptable le plus récent produit à la cour que la SA [10], sur l'exercice 2017, que la société présentait un actif circulant de 3 027 327 euros et un montant total des dettes inscrit au passif de 2 968 901 euros.
Si le résultat comptable était au 31 décembre 2017 déficitaire de 63 967 euros, la société disposait comptablement d'actifs. Les éléments produits sont donc insuffisants pour en déduire que M. [D] a poursuivi sciemment une activité en connaissance de l'état de cessation des paiements de la société.
En outre, si le compte de résultat démontre une perte d'exploitation à hauteur de 63 043 euros sur l'exercice 2017, il reste qu'il est constaté une amélioration de la situation par rapport à l'exercice précédent qui enregistrait une perte de 185 314 euros.
Il s'en suite que la déclaration de la cessation de paiement, si elle a été tardive, ne résulte pas d'un entêtement illégitime à poursuivre l'activité d'une société en état de cessation des paiements compte tenu des résultats financiers sus-évoqués. De plus, faute d'éléments comptables plus récents, la situation en cours d'exercice 2018 ne peut être appréciée.
Il n'est donc pas établi que M. [D] a sciemment déclaré tardivement l'état de cessation des paiements.
La faute de gestion ainsi reprochée n'est par conséquent pas démontrée.
Sur la sanction
Il est constant que la condamnation d'un dirigeant ne peut excéder le montant de sa contribution à l'insuffisance d'actif. Elle est souverainement fixée et doit être proportionnelle à la nature et à l'importance des fautes retenues.
En l'espèce, s'il doit effectivement y avoir proportionnalité de la sanction, celle-ci doit s'apprécier non pas au regard de la situation financière du dirigeant, mais du nombre et de l'incidence des fautes commises par lui ayant conduit à l'insuffisance d'actif. La responsabilité du dirigeant n'est pas davantage limitée au montant du capital investi.
Les fautes de gestion reprochées à M. [D] et précédemment établies consistent en l'exécution des conventions passées entre la SA [10] et l'EURL [Z] en défaveur de la SA [10], participant ainsi à l'augmentation de son passif en ce qu'elle a dû contracter des prêts pour faire face à ses dettes.
La somme de 1 500 000 euros prononcée en première instance apparait manifestement disproportionnée aux fautes commises.
Il a donc lieu de condamner M. [D] à payer à la SAS [11], agissant es qualités de liquidateur de la SA [10], la somme de 300 000 euros en comblement de l'insuffisance d'actif.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
En application de l'article 1343-2, la capitalisation des intérêts sera ordonnée.
B- Sur la faillite personnelle
Aux termes de l'article L. 653-4, 2° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, qui sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, a fait des actes de commerce dans un intérêt personnel.
Selon l'article L. 653-4, 3°, du même code, la faillite personne peut être prononcé contre un dirigeant qui a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
En l'espèce, il a été établi précédemment que les conventions conclus avec la SA [10] l'ont été dans l'intérêt exclusif de sa contractante, l'EURL [Z] dirigée et appartenant à M. [D], engendrant une augmentation du passif de la SA [10].
Ainsi, le fait, pour M. [D], d'avoir fait du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement est donc établi.
Cette faute est donc établie.
En application de l'article L. 653-4, 4°, du code de commerce, la faillite personnelle peut également être prononcée si le dirigeant a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
En l'espèce, il a été établi que la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements et la poursuite de l'activité déficitaire dans un intérêt personnel ne sont pas démontrés de sorte que ces mêmes moyens doivent également être rejetés s'agissant de la faillite personnelle.
Cette faute n'est donc pas retenue et le moyen est rejeté.
Enfin, selon l'article L. 653-4, 5°, du même code, la faillite personnelle peut encore être prononcée contre le dirigeant qui a détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
En l'espèce, bien que le compte courant débiteur de l'EURL [Z] et les sommes facturées par cette dernière ait nécessairement participé à une diminution des disponibilités de la SA [10] et été à l'origine des prêts bancaires souscrits par cette dernière, il n'est pas établi que M. [D] a eu l'intention frauduleuse d'augmenter le passif de la SA [10], étant précisé qu'aucune enquête pénale n'est produite aux débats.
Cette faute n'est donc pas retenue et le moyen est rejeté.
Ainsi, au regard des fautes retenues, il convient donc de prononcer à l'encontre de M. [D] une faillite personnelle d'une durée de 7 ans et d'infirmer en ce sens le jugement de première instance.
Les modalités de notification au casier judiciaire et d'inscription de la sanction sur le fichier national automatisé des interdits de gérer seront confirmées.
III- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La cour confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 06 juin 2023 en ce qu'il a condamné M. [D] aux dépens ainsi qu'à payer à la SAS [11] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, M. [D] succombant dans la majorité de ses demandes à hauteur de cour, l'équité commande de le condamner aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS [11] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la SAS [11], agissant en qualité de liquidateur de la SA [10], de sa demande de voir écarter la pièce numéro 3 produite par M. [K] [D] :
Déclare recevable l'appel principal de M. [D] ;
Déclare recevable l'intervention du ministère public comme partie jointe ;
Déboute M. [K] [D] de sa demande d'irrecevabilité de l'appel du ministère public ;
Déclare recevable la demande de nullité du jugement ;
Déboute M. [K] [D] de sa demande d'extinction de l'instance ;
Deboute M. [K] [D] de sa demande de nullité du jugement ;
Infirme le jugement rendu le 06 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a :
Condamné M. [K] [D] à payer à la SAS [11], agissant en qualité de liquidateur de la SA [10], la somme de 1 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Prononcé la faillite personnelle de M. [D] pour une durée de 15 ans ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [K] [D] à payer à la SAS [11] la somme de 300 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
Prononce la faillite personnelle de M. [D] pour une durée de 7 ans ;
Ordonne la notification de la décision au casier judiciaire par application de l'article 768 5° du code de procédure pénale ;
Dit qu'en application des articles L.128-1 et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la circulation de ces données ;
Y ajoutant,
Condamne M. [K] [D] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [K] [D] à payer à SAS [11], agissant en qualité de liquidateur de la SA [10], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre