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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 31 juillet 2025, n° 24/06502

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/06502

31 juillet 2025

4ème Chambre

ARRÊT N° 191

N° RG 24/06502

N°Portalis DBVL-V-B7I-VNUH

(Réf 1ère instance : 24/00383)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 JUILLET 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Madame Marie-Line PICHON, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 24/02/2025

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Mai 2025

devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Juillet 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [H] [G]

né le 23 Août 1957 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Bruno DENIS de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉS :

Monsieur [I] [U]

né le 13 Septembre 1955 à [Localité 8] (37)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Madame [B] [O] épouse [U]

née le 04 Juillet 1952 à [Localité 9] (72)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant contrat en date du 21 janvier 2020, M. [I] [U] et Mme [C] [O] épouse [U] ont confié la construction d'une maison individuelle d'habitation avec fourniture de plans à la société Atrege sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 6].

Une garantie dommages-ouvrage et une garantie d'achèvement ont été respectivement souscrites auprès de la MMA et de la CGI Bâtiment.

Le 2 décembre 2020, M. et Mme [V] titulaires de 100% des parts sociales de la société Atrege les ont cédées à la société HF Promotion et ont consenti au bénéfice de cette dernière une garantie d'actif et de passif jusqu'au 31 décembre 2023.

La réception a été prononcée le 1er juillet 2021.

Se plaignant de désordres et après mises en demeure restées vaines d'y remédier, Mme et M. [U], suivant actes des 30 juin et 1er juillet 2022, ont assigné la société Atrege et la société MMA Iard devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux fins d'expertise. Il a été fait droit à leur demande par ordonnance du 11 octobre 2022. M. [Z] [D] a été désigné pour y procéder.

A la demande de M. et Mme [U] et suivant ordonnance du 25 juillet 2023, le juge des référés a rendu communes et opposables les opérations d'expertise à la société Cleoval, mandataire judiciaire de la société Atrege suite au placement en redressement judiciaire de la société par le tribunal de commerce de Saint-Nazaire.

Par une ordonnance du 7 novembre 2023, les opérations d'expertise ont été rendues communes à la société Cleoval, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Atrege suite à la conversion de la procédure de redressement du constructeur en liquidation judiciaire le 5 juillet 2023.

Par exploit en date du 22 février 2024, les époux [U] ont assigné la CGI Bâtiment devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire afin de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise, ce qui a été ordonné par décision du 2 juillet 2024.

Suivant exploit en date du 6 août 2024, les époux [U] ont assigné M. [H] [G], en sa qualité de garant du passif et d'actif de la société Atrege, afin de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise.

Par une ordonnance en date du 19 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [H] [G],

- dit les dispositions de l'ordonnance rendue le 11 octobre 2022 (RG n° 22/002268) sont communes et opposables à M. [H] [G], en sa qualité de garant de l'actif et du passif de la société Atrege, qui participera de ce fait à la mesure d'expertise,

- dit que M. [Z] [D] voit sa mission étendue pour inclure la personne susvisée parmi les parties à la mesure diligentée et qu'il devra l'appeler à participer aux opérations d'expertise dès réception de la présente ordonnance,

- dit que le délai de dépôt du rapport définitif est prorogé jusqu'au 30 avril 2025,

- rappelé que le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction est compétent pour statuer sur toute difficulté relative aux opérations de la mesure d'expertise,

- laissé les dépens à la charge de M. [I] [U] et Mme [C] [O] épouse [U],

- rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

M. [H] [G] a interjeté appel de cette décision le 4 décembre 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2025.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions du 11 décembre 2024, M. [H] [G] demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance rendue,

- condamner solidairement les époux [U] à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner solidairement les époux [U] à lui verser la somme de 2 160 euros (1 800 euros HT) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et celle de 3 300 euros (2 750 euros HT) en application des mêmes dispositions au titre des frais d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il fait valoir qu'il n'y a pas de litige potentiel le concernant en sa qualité d'ancien gérant, le contrat de construction de maison individuelle ayant été conclu entre la société Atrege et les maîtres de l'ouvrage. Il considère qu'aucun fondement juridique n'est susceptible d'être invoqué à son encontre.

Il estime être victime d'une procédure abusive et réclame des dommages et intérêts au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Selon leurs dernières écritures du 3 janvier 2025, Mme [B] [O] épouse [U] et M. [I] [U] demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé rendue en toutes ses dispositions

En conséquence,

- débouter M. [H] [G] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions plus amples ou contraires,

- déclarer irrecevable la demande indemnitaire pour procédure abusive de M. [H] [G] en tant que demande nouvelle présentée devant la cour d'appel,

- condamner M. [H] [G] à leur verser une indemnité de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] [G] aux dépens d'appel.

Ils soutiennent qu'en sa qualité de garant de l'actif et du passif de la société Atrege Constructions la garantie de M. [G] est susceptible d'être engagée.

Reconnaissant qu'ils ne sont pas bénéficiaires de cette garantie, ils font valoir que l'inertie de paiement de la société Atrege, en liquidation judiciaire, justifierait, à l'issue de la procédure contre le constructeur, la mise en oeuvre d'une action oblique contre l'appelant qui a garanti le passif.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que si l'appelant invoque l'article 122 du code de procédure civile, son dispositif ne comporte aucune demande tendant à voir déclarer M. et Mme [U] irrecevables en leurs demandes. Il n'est donc soumis à la cour aucune fin de non-recevoir.

Sur la demande tendant à voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise à M. [G]

Aux termes de l'article 145 du code civil s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée. Elle doit être pertinente et utile.

Si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les intimés que la société HF Promotion est seule bénéficiaire de la garantie d'actif et de passif contenue au protocole de cession des parts sociales en date du 2 décembre 2020.

M. et Mme [U] sont mal fondés à soutenir qu'ils pourraient engager une action oblique pour obtenir paiement de M. [G] à l'issue de la procédure contre le constructeur alors que pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés par le liquidateur auquel aucun créancier ne peut se substituer pour recouvrer, fût-ce par voie oblique, une créance de la personne soumise à cette procédure collective (Com, 3 avril 2001, n°98-14.191).

Il s'ensuit que M. et Mme [U] ne déterminent aucun fondement juridique à un procès contre l'appelant qui ne serait voué à l'échec. Dès lors, l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a déclaré communes et opposables à M. [G] les opérations d'expertise.

Sur la demande de dommages et intérêts

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive par M. [G] n'est pas nouvelle puisqu'elle se rattache à la procédure d'appel.

En revanche la demande de l'appelant ne pouvait être fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile qui ne prévoit que la condamnation à une amende civile ainsi que l'observent à juste titre les époux [U]. En outre, cette demande ne peut davantage prospérer sur le fondement de l'article 1240 du code civil puisque la légitimité de la demande ayant été reconnue par le juge des référés, l'action de M. et Mme [U] ne peut constituer un abus de droit malgré l'infirmation de sa décision par la cour (3e Civ., 19 septembre 2019, n°18-17.357).

Dès lors, M. [G] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

L'ordonnance est confirmée en ce qu'elle a laissé la charge des dépens à M. et Mme [U] qui seront également condamnés solidairement aux dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de M. [G],

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a laissé à la charge de M. et Mme [U] les dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau

Déboute M. et Mme [U] de leur demande tendant à ce que soient déclarées communes et opposables les dispositions de l'ordonnance du 11 octobre 2022 à M. [H] [G], en sa qualité de garant de l'actif et du passif de la société Atrege,

Y ajoutant

Déboute M. [G] de sa demande de dommages et intérêts,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. et Mme [U] aux dépens d'appel.

Le Greffier, P/ Le Président empêché,

N. Malardel

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