Livv
Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 31 juillet 2025, n° 24/05366

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/05366

31 juillet 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 31 JUILLET 2025

N° RG 24/05366 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-OB5Z

Madame [I] [R] [B] épouse [G]

c/

SCI DU [Adresse 2]

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 28 octobre 2024 (R.G. 24/00970) par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 12 décembre 2024

APPELANTE :

Madame [I] [R] [B] épouse [G], née le 23 Décembre 1960 à [Localité 4] (SENEGAL), demeurant [Adresse 2]

Représentée par Maître Aurore SICET de la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.C.I. DU [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en telle qualité au siège social sis [Adresse 1]

Représentée par Maître Eugénie CRIQUILLION, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Lydia LECLAIR, avocat au barreau de BAYONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

Greffier lors du prononcé : Madame Evelyne GOMBAUD

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. Par acte authentique du 14 janvier 2019, la société civile immobilière SCI du [Adresse 2] a donné à bail à Madame [I] [R] [B] épouse [G], entrepreneur individuel, un local commercial situé [Adresse 2] à [Localité 3], ce à effet au 1er janvier 2019 et pour une durée de neuf années.

2. Par acte de commissaire de justice du 4 janvier 2024, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 19.833,17 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 26 décembre 2023 puis, par acte du 30 avril 2024, l'a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et paiement de diverses sommes.

Par ordonnance du 28 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a statué ainsi qu'il suit :

Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile

Vu l'article L.145-41 du code du commerce,

- constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la SCI du [Adresse 2] et Mme [G]-[B] ;

- condamne Mme [G]-[B] à payer à la SCI du [Adresse 2] la somme provisionnelle de 18 734,84 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 04 juillet 2024, mois de juillet 2024 inclus, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 04 janvier 2024 sur la créance exigible à cette date, et de la date d'échéance pour le surplus ;

- condamne Mme [G]-[B] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant cette date, soit 887,05 euros à compter du 1er août 2024 et jusqu'à complète libération des lieux ;

- ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de Mme [G]-[B], de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 3] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier ;

- déboute la SCI du [Adresse 2] du surplus de ses demandes ;

- condamne Mme [G]-[B] à payer à la SCI du [Adresse 2] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne Mme [G]-[B] aux dépens.

Par déclaration au greffe du 12 décembre 2024, Mme [I] [R] [B] a relevé appel de l'ordonnance énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la SCI du [Adresse 2].

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 16 avril 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

3. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 27 mars 2025, Mme [I] [R] [B] demande à la cour de :

- Infirmer l'ordonnance du 28 octobre 2024 rendue par le juge des référés du tribunal

judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :

« -Constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la SCI du [Adresse 2] et Mme [G]-[B] ;

- Condamné Mme [G]-[B] à payer à la SCI du [Adresse 2] la somme provisionnelle de 18 734,84 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 04 juillet 2024, mois de juillet 2024 inclus, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 04 janvier 2024 sur la créance exigible à cette date, et de la date d'échéance pour le surplus ;

- Condamné Mme [G]-[B] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant cette date, soit 887,05 euros à compter du 1er août 2024 et jusqu'à complète libération des lieux ;

- Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de Mme [G] [B], de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 3] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier ;

- Débouté la SCI du [Adresse 2] du surplus de ses demandes ;

- Condamné Mme [G]-[B] à payer à la SCI du [Adresse 2] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [G]-[B] aux dépens. »

Et, statuant a nouveau,

A titre principal :

Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile,

- Constater l'existence de contestations sérieuses ;

- Déclarer la SCI du [Adresse 2] irrecevable en ses demandes sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile ;

En conséquence,

- Dire qu'il n'y a lieu à référé ;

En tout état de cause

- Débouter la SCI du [Adresse 2] de l'intégralité de ses demandes, fins et

conclusions ;

- Condamner la SCI du [Adresse 2] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

4. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 28 mars 2025, la SCI du [Adresse 2] demande à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial en date du 14 janvier 2019 liant la SCI du [Adresse 2] et Madame [B], à la date du 4 février 2024 ;

- Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Madame [B] à payer à la SCI

Du [Adresse 2] une somme provisionnelle au titre des loyers impayés arrêtés au 04 juillet 2024, mois de juillet 2024 inclus, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 04 janvier 2024 sur la créance exigible à cette date, et de la date d'échéance pour le surplus ;

- Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Mme [G]-[B] au

paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er août 2024 et jusqu'à complète libération des lieux ;

- Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de Mme [G]-[B], de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 3] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier ;

- Déclarer recevable la SCI du [Adresse 2] en son appel incident :

- du chef du quantum de la provision au titre des loyers impayés arrêtés au mois de juillet 2024 inclus majorée des intérêts au taux légal,

- du chef du quantum de l'indemnité d'occupation mensuelle,

- du chef du rejet de la demande de la concluante tendant à voir ordonner l'expulsion sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

- Infirmer l'ordonnance dont appel de ces chefs et, statuant à nouveau :

- Fixer à la somme de 19 634,84 euros la provision au titre des loyers impayés arrêtés au 04 juillet 2024, mois de juillet 2024 inclus, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 04 janvier 2024 sur la créance exigible à cette date, et de la date d'échéance pour le surplus, et condamner Madame [B] au paiement de cette somme ;

- Fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 1 200 euros par mois, et condamner

Madame [B] au paiement de cette somme, et à défaut, confirmer l'ordonnance ce

qu'elle a fixé l'indemnité d'occupation à équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant cette date, soit 887,05 euros.

En conséquence,

- Condamner Madame [B] à payer à la SCI du [Adresse 2] une somme provisionnelle de 23 405,38 euros au titre des loyers impayés mois de juillet 2024

inclus, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 04 janvier 2024 sur la créance exigible à cette date, et de la date d'échéance pour le surplus, et indemnités d'occupation arrêtées au 1er mars 2025 ;

- Ordonner l'expulsion de Madame [B] , ainsi que celle de tout occupant de leur chef et ce, aux besoins, avec le concours de la force publique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

En tout état de cause,

- Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Mme [G]-[B] à payer

à la SCI du [Adresse 2] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; ainsi qu'aux dépens

Y ajoutant

- Condamner Madame [B] au paiement de la somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2025.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

5. Au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, Madame [I] [R] [B] fait grief à l'ordonnance déférée d'avoir constaté l'acquisition de la clause résolutoire et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes.

L'appelante soutient que la demande du bailleur en référé se heurte à plusieurs contestations sérieuses ; que, tout d'abord, elle n'est pas le preneur redevable des sommes alléguées comme impayées ; que les sommes prétendument impayées ne sont ni compréhensibles, ni justifiées, ni mêmes dues ; que la bailleresse ne respecte pas les termes du bail commercial ; qu'une partie des demandes se heurte à la prescription.

Sur le débiteur des sommes réclamées

6. Mme [B] observe que le décompte produit fait mention d'un certain [T] [H] qu'elle ne connaît pas ; qu'elle est la seule signataire du bail et n'a aucun co-locataire ; qu'il semblerait que la bailleresse tente ainsi de mettre à la charge de l'appelante les sommes dues par ce M. [H] dont elle ignore tout.

7. La société SCI [Adresse 2] répond que l'appelante lui a présenté M. [H] comme étant candidat à la reprise du fonds de commerce ; qu'il lui a par ailleurs réglé, en numéraire, trois loyers pour le compte de Mme [B], ce qui a été dûment enregistré en comptabilité ; qu'il n'existe donc aucune ambiguïté sur l'identité du preneur et qu'aucune dette locative d'un tiers n'a été imputée sur le décompte de Mme [B].

Sur ce,

8. Le bail litigieux en date du 14 janvier 2019 a été conclu entre Mme [B], commerçante, et la société civile immobilière SCI du [Adresse 2]. Il n'y est pas mentionné un autre preneur ni une faculté de substitution au bénéfice de Mme [B], qui a de plus interdiction de sous-louer les lieux sans autorisation du bailleur.

L'appelante est donc fondée à soutenir qu'elle n'a pas de co-locataire pour l'exploitation du local objet du bail.

Il apparaît ainsi que c'est par erreur que le nom de Monsieur [T] [H] figure en qualité de locataire des lieux à l'en-tête des décomptes des 26 décembre 2023, 15 février et 4 juillet 2024.

9. Néanmoins, Mme [B] ne produit aucun élément de nature a étayer son argument selon lequel l'intimée lui imputerait la dette d'un autre locataire, alors au contraire que le nom de M. [H] est précisément inscrit sous le sien à l'adresse du local donné à bail.

Enfin, ainsi que le souligne la société SCI [Adresse 2], la référence du nom de M. [H] au détail des décomptes produits aux débats est portée aux lignes des mois d'octobre 2023, novembre 2023 et décembre 2023 (avec paiement d'une partie du mois de septembre 2023). M. [H] a ainsi réglé -en numéraire- une dette de Mme [B], qui ne peut donc sérieusement soutenir qu'on lui imputerait une dette de M. [H].

D'ailleurs, Mme [B], qui affirme ne pas connaître M. [H], présente pourtant à son dossier la quittance d'un paiement de 800 euros réalisé par celui-ci le 15 octobre 2023 pour soutenir qu'elle est bien à jour de ses loyers.

10. Cet argument n'a dès lors pas le caractère d'une contestation sérieuse au sens des articles 834 et 835 du code de procédure civile.

Sur le décompte produit par le bailleur

11. Au visa de l'article 1908 du code civil, Mme [B] fait valoir qu'elle est intégralement à jour de ses loyers et qu'elle conteste les termes du décompte produit par le bailleur.

L'appelante observe que ce décompte présente des incohérences formelles puisqu'un certain nombre de mentions comporte la date du 25 novembre 2022 et que les références ne sont pas présentées dans un ordre chronologique ; qu'il est par ailleurs étonnant que, pour des loyers prétendument impayés en 2019, la bailleresse ne lui ait jamais adressé de mise en demeure ; qu'elle rapporte la preuve de ce qu'elle s'est rigoureusement acquittée de son loyer, de sorte que ce décompte est mensonger.

12. L'intimée répond que la date du 25 novembre 2022 correspond à la date à laquelle la société gestionnaire des baux, dont celui de Mme [B], a changé de logiciel de gestion et a donc transféré l'ensemble des données du précédent logiciel ; que les paiements de la locataire ont été affectés aux dettes les plus anciennes ; que le bailleur ne peut être tenu responsable du fait que Mme [B] ne prend pas connaissance des courriers qui lui sont adressés.

Sur ce,

13. L'article 1342-10 du code civil dispose :

« Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter.

A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.»

Mme [B] ne peut se fonder sur les termes de l'article 1908 du code civil qui ne dispose que pour les quittances de prêts à intérêts, alors que les dettes alléguées par l'intimée sont des dettes de loyer.

14. La société SCI [Adresse 2] a fait délivrer le 4 janvier 2024 à Mme [B] un commandement de payer comportant un décompte détaillé des sommes dues au 1er décembre 2023, en ce compris le loyer et les provisions sur taxes et charges du mois de décembre.

L'examen de ce décompte met en évidence le fait que les données relatives au compte locataire de Mme [B] ont été transférées à la date du 22 novembre 2022 depuis un logiciel comptable différent.

L'intimée verse à son dossier les mouvements du compte de Mme [B] enregistrés sous le précédent logiciel comptable : le rapprochement des mouvements enregistrés dans l'ancien logiciel avec les mouvements enregistrés dans le nouveau logiciel révèle que les données ont été parfaitement transférées, sans modification, d'un environnement à l'autre. De plus, le numéro du compte (04191) est inchangé.

Par ailleurs, il apparaît clairement que les chiffres 19 à 24 correspondent aux millésimes des années considérées, cela pour chaque mois facturé ; que la cause de l'appel de fonds est également précisément référencée à ce décompte : loyer, provision sur taxes foncières, provisions sur charges ; que le mode de paiement est lui-même précisément désigné, qu'il s'agisse d'un paiement en numéraire ou d'un virement bancaire, avec la mention 'part' pour 'partiel', les paiements pouvant être inégaux.

15. L'argument selon lequel les mentions du décompte produit par la bailleresse seraient incohérentes est donc inopérant.

16. Pour rapporter la preuve qu'elle a rempli ses obligations contractuelles, Mme [B] verse à son dossier la photocopie de 23 quittances de loyer délivrées entre le 10 août 2019 et le 15 octobre 2023, dont une quittance délivrée à M. [H], ce pour une somme totale de 19.500 euros. Il n'est pas rapporté la preuve par Mme [B] d'autres paiements par virement bancaire, notamment.

Or ces paiements en numéraire ont été scrupuleusement enregistrés au crédit du compte locataire de Mme [B], y compris les paiements partiels de 500 euros le 20 juin 2022 et de 600 euros le 22 juillet 2022, ainsi que le paiement de 2.400 euros le 20 juillet 2020.

Ces versements sont effectués systématiquement en retard, ce qui est également scrupuleusement enregistré dans le compte de l'intéressée, alors pourtant que le bail conclu entre les parties oblige Mme [B] à payer son loyer « d'avance les premiers de chaque mois ».

A cet égard, Mme [B] ne peut sérieusement reprocher à sa bailleresse de ne pas lui avoir adressé un appel de fonds ou une facture pour le paiement de son loyer alors qu'elle s'est contractuellement obligée à payer la somme de 800 euros le premier de chaque mois.

17. Il est établi que la locataire est entrée dans les lieux le 1er janvier 2019. En conséquence, s'il ne doit être retenu que la période courant jusqu'au mois d'octobre 2023 couverte par la production des quittances de loyer, ainsi que la seule somme de 800 euros qui correspond au loyer principal, alors que le bail stipule également le paiement d'avances sur charges et taxes foncières, Mme [B] devrait rapporter la preuve du paiement de [58 x 800 =] 46.400 euros. Dès lors, puisque l'appelante n'établit le paiement que de la somme de 19.500 euros pour cette seule période, elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle est à jour de ses obligations contractuelles, de sorte que la contestation sérieuse avancée à ce titre ne peut être retenue.

Sur les obligations contractuelles de la bailleresse et la demande en paiement

18. Au visa de l'article 1103 du code civil, l'appelante soutient que l'intimée ne respecte pas les termes du bail commercial puisqu'elle a procédé à une indexation du loyer antérieurement à la date prévue.

Elle ajoute que la bailleresse ne peut réclamer le paiement de sommes antérieures à la date du 30 avril 2019.

Mme [B] indique par ailleurs qu'elle a subi plusieurs dégâts des eaux dont la société SCI [Adresse 2] a refusé de prendre en charge les réparations.

19. L'intimée répond que le bail prévoit une révision triennale du loyer, de sorte que cette révision devait prendre effet en 2022 et en 2025 mais que, par une erreur de plume du rédacteur du bail, l'année 2022 a été omise ; que, néanmoins, pour éviter toute discussion, elle a rectifié son décompte dès la première instance en ramenant rétroactivement le montant du loyer à la somme de 800 euros depuis 2022. Elle discute cependant le fait que le premier juge a considéré que les loyers de février et avril 2019 encouraient la prescription quinquennale.

La société SCI [Adresse 2] ajoute que la demande au titre des provisions sur charges et des provisions sur taxes est contractuellement prévue ; qu'elle a dûment avisé sa locataire à ce titre mais que celle-ci ne retire pas ses lettres recommandées.

Sur ce,

20. L'article 2224 du code civil dispose :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.»

21. C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le juge des référés a retenu que les provisions sur charges équivalentes au prorata de taxes foncières sont expressément stipulées au contrat et que la bailleresse justifiait avoir adressé à sa locataire plusieurs lettres recommandées avec accusé de réception qui étaient revenues avec la mention 'pli avisé et non réclamé'. Le décompte produit aux débats, purgé de l'application de l'indexation triennale entre l'année 2022 et l'année 2025, est contractuellement étayé et n'est pas contredit par les éléments versés par Mme [B] tels qu'examinés ci-dessus.

22. Il est constant en droit que la prescription de la demande en paiement du loyer commercial, qui relève de l'application de l'article 2224 du code civil et non de la prescription biennale de l'article L.145-60 du code de commerce, court à compter de chaque échéance.

Il est également constant que, par application des dispositions des articles 2240, 2241 et 2244 du code civil, la prescription est interrompue par la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, par la demande en justice, même en référé, et par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.

23. En conséquence, un commandement de payer visant la clause résolutoire, qui n'est pas un acte d'exécution forcé ou une mesure conservatoire, ne peut interrompre la prescription quinquennale, laquelle a été interrompue en l'espèce par la délivrance de l'assignation en référé le 22 mars 2024, de sorte que les loyers dus antérieurement au 22 mars 2019 encourent la prescription, ainsi que l'a retenu à juste titre le juge des référés.

24. Enfin, si l'intimée ne répond pas expressément dans ses dernières conclusions à l'argument relatif aux dégâts des eaux, elle produit le rapport de l'expertise amiable contradictoire réalisée par le Cabinet Heraut dont les conclusions évoquent le fait que les traces d'humidité sur les murs -qualifiées de dégâts des eaux par l'appelante- sont la conséquence d'un manque de ventilation du local.

Au demeurant, Mme [B] ne tire aucune conséquence juridique de cet argument.

25. Ainsi, les contestations sérieuses alléguées par l'appelante ne sont pas établies et il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [B] à payer à la société SCI [Adresse 2] la somme de 18.734,84 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 4 juillet 2024, mois de juillet 2024 inclus, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2024, date du commandement de payer, sur la créance exigible à cette date et à chaque date d'échéance pour le surplus.

Sur la résiliation du bail

26. Il n'est pas discuté que Mme [B] n'a pas réglé les causes du commandement de payer dans le délai qui lui était imparti pour ce faire. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail et a ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la décision, l'expulsion de Mme [B], de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 3] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier.

Il n'est pas nécessaire d'ajouter une astreinte à la décision du premier juge dans la mesure où, à défaut de départ volontaire dans le délai d'un mois, l'expulsion avec l'aide de la force publique est autorisée.

27. Il convient également de confirmer l'ordonnance du 28 octobre 2024 en ce qu'elle a fixé l'indemnité d'occupation au montant du loyer courant augmenté des provisions sur charges et taxes sans application de la majoration contractuellement prévue, dont le caractère de clause pénale n'entre pas dans les pouvoirs d'appréciation du juge des référés.

28. L'ordonnance entreprise sera enfin confirmée quant à ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.

Mme [B], tenue au paiement des dépens de l'appel, sera condamnée à payer une somme de 3.000 euros à l'intimée en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance prononcée le 28 octobre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Y ajoutant,

Condamne Madame [I] [R] [B] épouse [G] à payer à la société SCI du [Adresse 2] la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame [I] [R] [B] épouse [G] à payer les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame MASSON, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président légitimement empêché, et par Madame GOMBAUD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site