CA Rennes, 4e ch., 31 juillet 2025, n° 24/02090
RENNES
Arrêt
Autre
4ème Chambre
ARRÊT N° 193
N° RG 24/02090
N° Portalis DBVL-V-B7I-UVLX
(2)
(Réf 1ère instance : TJ [Localité 4]
Jugement du 25.03.2024
RG 21/05324)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 31 JUILLET 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Madame Juliette SAUVEZ, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président rendue le 07 mai 2025
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame Françoise BERNARD, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Mai 2025, devant M. Alain DESALBRES, Président de chambre, et Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Juillet 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
S.C.I. ORSUD
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Nicolas FEUILLATRE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
S.E.L.A.R.L. DE CHIRURGIEN DENTISTE LASCOMBES-NIVET ET ASSOCIES
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Nicolas FEUILLATRE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
S.A.R.L. JLR ALU
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5]
Représentée par Me Charles OGER de la SELARL ARMEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
S.A.R.L. BUREAU D'ETUDES AVRILLAIS
dont le siège social est [Adresse 2], société en liquidation par suite d'une cessation d'activités depuis le 31 décembre 2021
Représentée par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Monsieur [W] [S]
Pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société BUREAU D'ETUDES AVRILLAIS, désigné à cette fonction par décision du 31 décembre 2021, domicilié en cette qualité [Adresse 2]
Représenté par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
En 2010, la société La Nantaise d'Habitations a fait construire un ensemble immobilier sur la commune de [Localité 6].
Elle a vendu deux plateaux bruts de béton situés au rez-de-chaussée, le premier à la SCI Orsud suivant acte authentique du 16 mai 2013, et le second à la SCI Dvd par la suite racheté par la première.
La SCI Orsud a ensuite confié la maîtrise d'oeuvre de l'aménagement des deux locaux commerciaux réunis à la société d'architecture Bureau d'études Avrillais (BEA) aux fins de location à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés qui exerce une activité d'orthodontie.
La société Jlr Alu a été chargée du lot menuiseries extérieures.
Le 14 mai 2018, la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés a dénoncé à son assureur Axa France Iard un dégât des eaux dans ses locaux, à la suite du débordement des WC situés dans les vestiaires du personnel.
Par acte du 10 avril 2019, la SCI Orsud a assigné la société La Nantaise d'Habitations devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes aux fins d'expertise. Il a été fait droit à la demande par ordonnance du 4 juillet 2019.
Suivant ordonnance en date du 5 décembre 2019, les opérations d'expertise ont été étendues aux sociétés Bureau d'études Avrillais et Jlr Alu.
La dépose du séparateur de graisse a été réalisée en novembre 2020 durant l'expertise.
L'expert, M. [K], a déposé son rapport le 18 décembre 2020.
Suivant exploit en date du 3 décembre 2021, la SCI Orsud et la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés ont assigné le Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu devant le tribunal judiciaire de Nantes en indemnisation de leurs préjudices.
La société Bureau d'études Avrillais a fait l'objet d'une liquidation amiable à la suite de la cessation de son activité. Son liquidateur amiable, M. [W] [S], est intervenu volontairement à l'instance.
Par un jugement en date du 25 mars 2024, le tribunal judiciaire a :
- reçu M. [W] [S] en son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la société Bureau d'études Avrillais et l'y a déclaré bien fondé,
- déclaré la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais responsables sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- dit que le préjudice de la SCI Orsud occasionné par les désordres relatifs aux infiltrations d'eau au niveau de la cloison de la porte d'entrée de la SCI Orsud s'élève à la somme de 2 042,98 euros HT,
- condamné in solidum la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais à payer à la SCI Orsud au titre de la réparation des désordres relatifs aux infiltrations d'eau au niveau de la cloison de la porte d'entrée de la SCI Orsud, la somme de 2 042,98 euros HT,
- fixé le partage de responsabilité dans les rapports entre co-obligés de la manière suivante
- la société Jlr Alu : 80 %
- la société Bureau d'études Avrillais : 20 %,
- condamné dans leurs recours entre eux, les constructeurs déclarés responsables à se garantir des condamnations prononcées à leur encontre, à proportion de leur part de responsabilité ci-dessus indiquée,
- dit que le préjudice occasionné par les désordres relatifs aux travaux de reprise du sinistre survenu en 2018 et des frais avancés par la SCI Orsud dans le cadre du traitement de ce sinistre s'élève à la somme de 3 055,58 euros HT,
- condamné la société Bureau d'études Avrillais à payer à la SCI Orsud la somme de 3 055,58 euros HT,
- sur les demandes accessoires :
- dit qu'aux sommes précitées exprimées hors taxe, s'ajoutera la TVA au taux en vigueur à la date de l'exécution,
- dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,
- débouté la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés de la demande formée au titre de la perte du préjudice d'exploitation,
- condamné in solidum la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais à payer les dépens, comprenant les frais d'expertise (7 069,40 euros TTC), les dépens de la procédure de référé et le coût du PV d'huissier (387,09 euros TTC),
- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais à payer à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties par moitié entre la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés et la SCI Orsud ont interjeté appel de cette décision le 8 avril 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2025.
En cours de délibéré, la cour a invité les appelants à préciser le fondement de leurs demandes au titre du désordre relatif au branchement des eaux usées sur le bac à graisse, les intimés pouvant ensuite adresser leurs observations sauf aux parties à solliciter la réouverture des débats.
Les appelants ont transmis une note en délibéré le 4 juillet 2025. La société Bureau d'études Avrillais a répondu le 8 juillet 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions du 21 octobre 2024, la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés et la SCI Orsud demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 3 480 euros TTC (infiltration d'eau au niveau de la cloison de la porte) partagé comme suit :
- responsabilité de la société Jlr Alu en charge des travaux de menuiserie (80%) soit 1961,98 euros TTC,
- responsabilité du Bureau d'études Avrillais en charge de la conception et de l'exécution (20%) soit 486,32 eurosTTC,
- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Orsud de sa demande de réparation de la dérivation du bac à graisse,
Statuant de nouveau
- condamner la société Bureau d'études Avrillais au paiement de la somme de 3 380 (erreur matérielle 3 480) euros TTC en réparation des désordres de dérivation du bac à graisse à la SCI Orsud
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la réparation du préjudice économique de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés,
Statuant de nouveau :
- condamner la société Bureau d'études Avrillais et société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 32 172 euros TTC au titre de la perte marge nette (base chiffre d'affaires) à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés,
Subsidiairement,
- condamner la société Bureau d'études Avrillais et société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 6 297,35 euros TTC au titre de la perte marge nette (base résultat d'exploitation) à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés,
Très subsidiairement,
- condamner la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 4 593,40 euros TTC au titre de la perte marge nette (base bénéfices) à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés,
- ordonner à défaut une expertise judiciaire avec mission habituelle en la matière et notamment calculer la perte économique de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés sur la période du 6 au 10 septembre 2021,
- confirmer le jugement ayant condamné la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 7 069,40 euros TTC en remboursement des frais d'expertise à la SCI Orsud,
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SCI Orsud.
Statuant de nouveau
- condamner la société Bureau d'études Avrillais e la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance au bénéfice de la SCI Orsud, outre :
- la somme de 124,73 euros TTC au titre des dépens du référé du 10 avril 2019 (NHA)
- la somme de 70,35 euros TTC au titre des dépens du référé du 13/11/ 2019 (société Bea)
- la somme de 96,09 euros TTC au titre des dépens du référé du 12/11/ 2019 (société Jlr Alu)
- la somme de 387,09 euros TTC au titre du procès-verbal d'huissier,
- condamner en cause d'appel la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles à la SCI Orsud,
- condamner en cause d'appel la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés.
Dans ses dernières conclusions du 23 octobre 2024, la société Jlr Alu demande à la cour de :
- confirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nantes le 25 mars 2024, notamment en ce qu'il a débouté la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés de toute demande formée au titre de son prétendu préjudice d'exploitation,
- débouter la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés et la SCI Orsud de toute demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens de l'instance,
- condamner in solidum la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés et la SCI Orsud à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens de l'instance, dont distraction sera ordonnée au profit de la Selarl Armen - Maître Charles Oger, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société Bureau d'études Avrillais à la relever et la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre du préjudice d'exploitation.
Dans leurs dernières conclusions du 28 avril 2025, la société Bureau d'études Avrillais et son liquidateur amiable M. [W] [S] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement querellé sauf :
- en tant qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société Bureau d'études Avrillais au titre des dommages consécutifs à la mise en charge du réseau d'évacuation des eaux usées des locaux de la SCI Orsud,
- en tant qu'il a alloué à la SCI Orsud le bénéfice de la TVA sur les indemnités qui lui ont été allouées alors qu'elle ne la demandait pas et qu'elle n'y a pas droit,
- en tant qu'il a fait droit à la demande de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés au titre de ses frais irrépétibles alors qu'elle succombait dans toutes ses prétentions,
Statuant de nouveau de ces chefs :
- débouter la SCI Orsud de ses demandes relatives aux dommages consécutifs à la mise en charge du réseau d'évacuation des eaux usées de ses locaux,
- en toute hypothèse, affecter l'indemnisation qui viendrait à être allouée à la SCI Orsud d'un facteur de diminution de 50 % compte tenu de l'intervention de facteurs extérieurs dans la survenance du dommage (branchement des WC de l'appartement 53 - infiltrations par les parties communes),
- débouter la SCI Orsud de sa demande de prise en charge des frais de dérivation du bac dégraisseur présent sur le réseau d'eaux usées de l'immeuble,
- n'allouer en toute hypothèse à la SCI Orsud d'indemnité que sur une base HT,
Subsidiairement, s'il devait être fait droit à la demande d'indemnisation de son préjudice économique de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés :
- ne le faire que dans des proportions très inférieures au montant de la réclamation et ramener donc le montant de l'indemnité à de bien plus justes proportions,
- affecter en tout état de cause cette indemnité d'un facteur de diminution de 50 % compte tenu de l'intervention de facteurs extérieurs dans la survenance du dommage (branchement du WC de l'appartement 53 - infiltrations par les parties communes),
- condamner la société Jlr Alu à garantir la société Bureau d'études Avrillais des sommes qui seraient mises à sa charge à ce titre,
- débouter la SCI Orsud et la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés de leur demande au titre des frais irrépétibles et de condamnation des intimes à supporter l'intégralité des dépens.
- condamner la SCI Orsud et la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés à leur régler la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS
En l'absence de demandes d'infirmation des chefs du jugement relatifs aux infiltrations d'eau au niveau de la cloison de la porte d'entrée, ceux-ci sont irrévocables sans qu'il n'y ait lieu à confirmation.
I. Sur le branchement des eaux usées sur le bac à graisse
A. Sur les responsabilités
Suite aux investigations qu'il a menées pour définir la trajectoire de l'évacuation des eaux usées, M. [K] a indiqué qu'il avait démontré que le séparateur de graisse situé en pied de l'immeuble récoltait les eaux usées du sanitaire des employées du cabinet dentaire ainsi que du logement n°53 situé au premier étage de l'immeuble, ce qui avait entrainé l'accumulation de lingettes et matières fécales puis le débordement de ce bac qui était ensuite relié au réseau eaux usées eaux vannes de l'opération.
L'expert judiciaire précise que la canalisation initialement prévue pour un commerce de bouche du rez-de-chaussée a été branchée sur le bac à graisse installé par la société Blanchard TP à la livraison, mais a été réutilisée pour la création du sanitaire du personnel suivant le plan d'aménagement de la société d'architecture. Il indique encore que lors des travaux d'aménagement du cabinet dentaire plusieurs points d'eau ont été créés en complément et branchés sur le réseau d'évacuation dirigé vers le bac à graisse (évacuation des appareils dentaires, stérilisation, tisanerie, lingerie) notamment la colonne de branchement du logement 53, sans vérification et contrôle vers le réseau eaux usées principal.
Il conclut à l'imputabilité technique du désordre à la société Bureau d'études Avrillais en charge de la conception et de l'exécution des travaux.
Les constatations de l'expert et l'origine du sinistre ne sont pas contestées par les parties.
Le liquidateur de la société d'architecture critique la décision du tribunal qui a retenu la responsabilité de ce dernier pour ce désordre. Il fait valoir que le bac à graisse était enterré et que sa présence était insoupçonnable, qu'il a été révélé durant les travaux grâce à une camera, que la société BEA n'était chargée que de l'aménagement intérieur de la cellule, que le sinistre ne résulte donc pas des travaux qu'elle a réalisés, mais qu'il trouve son origine dans une cause étrangère.
A titre subsidiaire, il estime que la responsabilité de la société ne peut être supérieure à 50%, puisque le dégât des eaux est également imputable au branchement des Wc de l'appartement 53 sur le même réseau.
La société Orsud réplique que la défaillance de la société BEA a été constatée par l'expert, qu'il lui est reproché un défaut de contrôle et de vérification, que le maître d'oeuvre est présumé connaître les vices cachés affectant l'ouvrage, qu'il est indifférent que le bac à graisse soit également branché à un appartement et demande en conséquence la confirmation du jugement.
Par note en délibéré, le maître de l'ouvrage a précisé que sa demande était fondée sur l'article 1792 du code civil.
En l'espèce, il s'infère des observations des parties des 7 et 8 juillet 2025 qu'elles ne discutent pas la nature décennale du désordre.
Il résulte en effet du rapport d'expertise judiciaire :
- que les travaux d'aménagement du cabinet d'orthodontie après livraison brut de béton qui ont consisté en d'importants travaux pour un montant de 90 231,42 euros TTC (page 14 expertise), notamment des travaux d'électricité, de plomberie et de menuiserie, sont constitutifs d'un ouvrage,
- la gravité du désordre. En effet, le débordement du bac à graisse a entraîné un dégât des eaux et a nécessité l'intervention régulière d'une société pour le vider dans l'attente de sa dépose. Il existait ainsi jusqu'à l'exécution des travaux réparatoires préconisés par l'expert une impropriété à destination de l'ouvrage compte tenu de ces débordements rendant impossible l'utilisation des sanitaires, répandant des odeurs nauséabondes et mettant en péril la nécessaire asepsie des locaux,
- que la société Orsud avait confié à la société bureau d'étude Avrillais une mission de maîtrise d'oeuvre complète pour la réalisation de l'aménagement de ses locaux en cabinet d'orthodontie.
L'architecte investi d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète est tenu envers le maître de l'ouvrage d'une présomption de responsabilité dont il ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère (3e Civ., 4 février 2016, n°13-23.654).
Ainsi que le rappelle l'expert judiciaire, la société chargée du gros oeuvre avait laissé les attentes en évacuation des eaux usées et les regards des branchements. Il s'ensuit que c'est dans le cadre de l'aménagement du cabinet d'orthodontie, sous la maîtrise d'oeuvre de la société BEA, que les raccordements aux canalisations des eaux usées ont été réalisés. Dès lors, ceux-ci étaient compris dans la mission d'exécution confiée à la société d'architecture.
M. [S] ne peut par ailleurs sérieusement se prévaloir d'une cause étrangère en invoquant le caractère indétectable du séparateur à graisse pour exonérer la société BEA de sa responsabilité.
En premier lieu, l'expert judiciaire (page 23 du rapport) a sans difficulté visité le regard à l'intérieur duquel se trouvait le séparateur de graisse, le passage caméra n'étant utile que pour vérifier son contenu et le cheminement de la tuyauterie s'y raccordant.
En second lieu, le séparateur de graisse figure sur le plan de recollement des réseaux de la société Blanchard TP (page 29 rapport d'expertise) chargé du lot VRD dont la société d'architecture aurait dû prendre connaissance avant de réaliser les raccordements aux aménagements du cabinet d'orthodontie.
Il n'est ainsi démontré aucune cause étrangère. La responsabilité décennale de la société Bureau d'étude Avrillais est par conséquent engagée.
Enfin, à défaut d'avoir appelé en garantie un autre constructeur qu'il estimerait également responsable, M. [S] ès qualités ne peut réclamer un partage de responsabilité.
B. Sur l'indemnisation des travaux réparatoires
La société Orsud demande à être indemnisée du montant des travaux de reprise validé par l'expert judiciaire, arguant que la somme de 3 480 euros TTC n'a pas été réglée par la société MMA assureur dommages-ouvrage, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.
Le liquidateur de la société BEA reconnait qu'il est justifié en appel de l'absence d'indemnisation des MMA, mais soutient qu'il appartient au maître de l'ouvrage de supporter le coût de la dérivation du bac à graisse qui aurait dû être réalisé en tout état de cause.
Il ressort de la facture de la société Ergé Assainissement du 26 novembre 2020 que la société Orsud a fait exécuter les travaux préconisés par l'expert et les a réglés. Il est justifié par un courrier de l'assureur dommages-ouvrage qu'il n'a pas remboursé ou indemnisé le propriétaire des plateaux (pièce 25 Orsud).
Avant de supprimer le bac à graisse, la société Ergé a dû procéder à son pompage et sa désinfection. Ces prestations n'auraient pas été utiles si les sanitaires du vestiaire du personnel avaient été dès l'origine raccordés au réseau des eaux usées et le prix aurait été bien moindre. Dès lors, le maître de l'ouvrage est bien fondé à réclamer le remboursement de la somme réglée pour déposer le séparateur de graisse.
S'agissant de la TVA, la société Orsud a toujours déclaré ne pas être assujettie, ce qui est confirmé par le bilan comptable qui ne fait pas mention de créances fiscales.
Dès lors, les montants seront fixés toutes taxes comprises et le liquidateur est mal fondé à soutenir que le premier juge a statué ultra petita.
En conséquence, la société Bureau d'étude Avrillais représentée par son liquidateur amiable sera condamnée à payer à la société Orsud la somme de 3 480 euros TTC. Le jugement est infirmé de ce chef.
II. Sur le préjudice d'exploitation
Le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et associés de son préjudice d'exploitation subi pendant les travaux de reprise à hauteur de 32 172 euros aux motifs que la demande n'a pas été formée devant l'expert judiciaire, qu'il n'est pas démontré l'impossibilité d'exercer pendant les travaux et que l'attestation comptable produite n'est pas suffisante pour retenir l'existence d'un préjudice d'exploitation.
La société d'orthodontie réitère sa demande soutenant que le montant du préjudice est prouvé par les pièces comptables. Elle affirme avoir dû fermer le cabinet entre le 6 et le 10 septembre 2021 et fait valoir que la quasi-totalité des locaux devait être reprise empêchant toute activité notamment pour des raisons sanitaires.
La société JR Alu comme M. [S] ès qualités répliquent que la demande est injustifiée, que les travaux ne nécessitent pas la cessation de l'activité, que le locataire a refusé qu'ils soient réalisés la première quinzaine d'août pendant la fermeture du cabinet, que les pièces produites ne permettent pas d'objectiver un préjudice d'exploitation.
A. Sur l'existence d'un préjudice économique
La preuve du préjudice subi incombe à celui qui s'en prévaut. Par ailleurs, la victime n'est pas tenue de minimiser son préjudice au profit de la personne tenue à indemnisation.
Il s'ensuit qu'il est indifférent que l'expert judiciaire n'ait pas examiné le préjudice d'exploitation si celui-ci est prouvé par le cabinet d'orthodontie.
Il convient de rappeler qu'en l'espèce, la dépose du bac à graisse a été réalisée en novembre 2020 aux frais avancés de la société Orsud (pièce 17 Orsud).
Selon le rapport d'expertise devaient être réalisés au titre des travaux réparatoires une barrière étanche sur la totalité de la porte d'entrée (1,80ml) et repris la cloison sur une peau en plaque de plâtre avec isolation phonique avec la salle de soin, avec mise en peinture en deux couches et préparation du support avec fourniture et pose de plinthes en bois sur 7,92m².
Les travaux de peinture préconisés par M. [K] dans les toilettes patient, le bureau du praticien, le local technique, la salle de soin esthétique, le couloir technique et la cloison de l'entrée portaient sur 65m².
Les intimés ne justifient pas que la société ATEP mandatée par la société Bureau d'étude Avrillais pour réaliser les travaux de reprise s'était engagée à tous les réaliser en août 2021. Toutefois, l'analyse des factures versées à la procédure par la société de chirurgiens-dentistes de la société Jess [O] (plaquiste) de 6 394,37 euros du 24 septembre 2021 et de celle du 13 septembre 2021 de la société TMA menuiserie 9110,45 euros, montrent que les travaux effectués ont été beaucoup plus importants que ceux validés par l'expert et qu'il a notamment été remplacé le parquet de l'accueil, ajouté des traverses métalliques...
De plus, l'absence de facture de la société Bouyer qui a réalisé les peintures ne permet pas de connaître le détail de la prestation exécutée.
Ainsi, au regard du détail des travaux validés par l'expert, le délai pour exécuter les travaux sera fixé à deux jours.
En raison de l'interruption de l'activité du cabinet démontrée par les attestations du personnel, des entrepreneurs qui sont intervenus, l'existence d'un préjudice d'exploitation en lien certain et direct avec les désordres relatifs est donc justifiée dans la limite deux journées.
B. Sur le calcul du préjudice d'exploitation
Le préjudice d'exploitation correspond à la perte de marge sur coût variable.
Pour estimer à 32 172 euros la perte d'exploitation sur une semaine, l'expert-comptable de la société de chirurgien-dentiste Lascombes Nivet a calculé la moyenne du chiffre d'affaires sur une semaine pour les exercices 2019 et 2020, soit 37 619 euros qu'il a multiplié par la marge sur matières consommées (fournitures, prothèses, petits consommables) qu'il a fixée à 85,52 %.
La cour constate que le bilan 2019 n'est pas produit et que le calcul de la marge n'est pas détaillé.
La lecture du bilan détaillé permet de considérer que d'autres charges variables n'ont pas été prises en compte (eau, énergie...). Par ailleurs, seuls les honoraires du cabinet de [Localité 6] ont été impactés et non ceux de celui de [Localité 3] ainsi que l'a souligné la société d'architecture.
Le préjudice étant limité à deux jours, la comptabilité de l'année 2020 est suffisante pour l'évaluer.
Dès lors, si au regard des calculs de l'expert-comptable, le chiffre d'affaires perdu sur une semaine représente 1,92% du chiffre d'affaires annuel et que la marge sur coût variable est de 25% au lieu de 15% appliqué, la perte d'exploitation sera fixée à 9 934, 25 euros (1 724 699*1,92%*75%/5 *2). Le jugement est infirmé. La cour statuant, il n'y a pas lieu à expertise comptable.
Les travaux à réaliser résultent tant des désordres d'infiltrations par la porte d'entrée que du dégât des eaux en raison du branchement des eaux usées sur le bac à graisse.
La société Jlr Alu et la société BEA, représentée par son liquidateur, seront condamnées in solidum au paiement de cette somme.
Il convient au prorata des condamnations de fixer le partage de la dette finale au titre du préjudice d'exploitation, et des frais irrépétibles et dépens de la manière suivante :
- la société Bureau d'Etudes Avrillais : 67%
- la société Jlr Alu : 33 %
Ces sociétés seront condamnées à se garantir réciproquement dans ces proportions.
III. Sur les autres demandes
La disposition prononcée par le tribunal au titre des dépens de première instance est confirmée. Celle relative aux frais irrépétibles est infirmée.
Les sociétés Jlr Alu et BEA représentées par M. [S] son liquidateur amiable seront condamnées in solidum au paiement d'une somme de 7 000 euros aux sociétés Orsud et chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés qui font défense commune en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Orsud de sa demande de condamnation de la somme de 3 480 euros TTC au titre du bac à graisse, débouté la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés de la demande formée au titre de la perte du préjudice d'exploitation ainsi que pour avoir condamné in solidum les sociétés Jlr Alu et Bureau d'étude Avrillais à payer à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Bureau d'étude Avrillais représentée par son liquidateur amiable M. [S] au paiement à la société Orsud de la somme de 3 480 euros TTC au titre de la dépose du séparateur de graisse,
Condamne in solidum la société Bureau d'étude Avrillais, représentée par son liquidateur amiable M. [S] et la société Jlr Alu, à payer la somme de 9 934, 25 euros à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés au titre du préjudice d'exploitation,
Condamne in solidum la société Bureau d'étude Avrillais, représentée par son liquidateur amiable M. [S] et la société Jlr Alu à payer la somme de 7 000 euros à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société Bureau d'étude Avrillais représentée par son liquidateur amiable M. [S] et la société Jlr Alu aux dépens d'appel,
Fixe le partage de la dette finale au titre du préjudice d'exploitation, et des frais irrépétibles et dépens de la manière suivante :
- la société Bureau d'Etudes Avrillais : 67%
- la société Jlr Alu : 33 %
Les condamne à se garantir réciproquement dans ces proportions,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour pour le surplus.
Le Greffier, P/ Le Président empêché,
N. Malardel
ARRÊT N° 193
N° RG 24/02090
N° Portalis DBVL-V-B7I-UVLX
(2)
(Réf 1ère instance : TJ [Localité 4]
Jugement du 25.03.2024
RG 21/05324)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 31 JUILLET 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Madame Juliette SAUVEZ, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président rendue le 07 mai 2025
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame Françoise BERNARD, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Mai 2025, devant M. Alain DESALBRES, Président de chambre, et Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Juillet 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
S.C.I. ORSUD
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Nicolas FEUILLATRE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
S.E.L.A.R.L. DE CHIRURGIEN DENTISTE LASCOMBES-NIVET ET ASSOCIES
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Nicolas FEUILLATRE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
S.A.R.L. JLR ALU
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5]
Représentée par Me Charles OGER de la SELARL ARMEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
S.A.R.L. BUREAU D'ETUDES AVRILLAIS
dont le siège social est [Adresse 2], société en liquidation par suite d'une cessation d'activités depuis le 31 décembre 2021
Représentée par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Monsieur [W] [S]
Pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société BUREAU D'ETUDES AVRILLAIS, désigné à cette fonction par décision du 31 décembre 2021, domicilié en cette qualité [Adresse 2]
Représenté par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
En 2010, la société La Nantaise d'Habitations a fait construire un ensemble immobilier sur la commune de [Localité 6].
Elle a vendu deux plateaux bruts de béton situés au rez-de-chaussée, le premier à la SCI Orsud suivant acte authentique du 16 mai 2013, et le second à la SCI Dvd par la suite racheté par la première.
La SCI Orsud a ensuite confié la maîtrise d'oeuvre de l'aménagement des deux locaux commerciaux réunis à la société d'architecture Bureau d'études Avrillais (BEA) aux fins de location à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés qui exerce une activité d'orthodontie.
La société Jlr Alu a été chargée du lot menuiseries extérieures.
Le 14 mai 2018, la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés a dénoncé à son assureur Axa France Iard un dégât des eaux dans ses locaux, à la suite du débordement des WC situés dans les vestiaires du personnel.
Par acte du 10 avril 2019, la SCI Orsud a assigné la société La Nantaise d'Habitations devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes aux fins d'expertise. Il a été fait droit à la demande par ordonnance du 4 juillet 2019.
Suivant ordonnance en date du 5 décembre 2019, les opérations d'expertise ont été étendues aux sociétés Bureau d'études Avrillais et Jlr Alu.
La dépose du séparateur de graisse a été réalisée en novembre 2020 durant l'expertise.
L'expert, M. [K], a déposé son rapport le 18 décembre 2020.
Suivant exploit en date du 3 décembre 2021, la SCI Orsud et la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés ont assigné le Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu devant le tribunal judiciaire de Nantes en indemnisation de leurs préjudices.
La société Bureau d'études Avrillais a fait l'objet d'une liquidation amiable à la suite de la cessation de son activité. Son liquidateur amiable, M. [W] [S], est intervenu volontairement à l'instance.
Par un jugement en date du 25 mars 2024, le tribunal judiciaire a :
- reçu M. [W] [S] en son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la société Bureau d'études Avrillais et l'y a déclaré bien fondé,
- déclaré la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais responsables sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- dit que le préjudice de la SCI Orsud occasionné par les désordres relatifs aux infiltrations d'eau au niveau de la cloison de la porte d'entrée de la SCI Orsud s'élève à la somme de 2 042,98 euros HT,
- condamné in solidum la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais à payer à la SCI Orsud au titre de la réparation des désordres relatifs aux infiltrations d'eau au niveau de la cloison de la porte d'entrée de la SCI Orsud, la somme de 2 042,98 euros HT,
- fixé le partage de responsabilité dans les rapports entre co-obligés de la manière suivante
- la société Jlr Alu : 80 %
- la société Bureau d'études Avrillais : 20 %,
- condamné dans leurs recours entre eux, les constructeurs déclarés responsables à se garantir des condamnations prononcées à leur encontre, à proportion de leur part de responsabilité ci-dessus indiquée,
- dit que le préjudice occasionné par les désordres relatifs aux travaux de reprise du sinistre survenu en 2018 et des frais avancés par la SCI Orsud dans le cadre du traitement de ce sinistre s'élève à la somme de 3 055,58 euros HT,
- condamné la société Bureau d'études Avrillais à payer à la SCI Orsud la somme de 3 055,58 euros HT,
- sur les demandes accessoires :
- dit qu'aux sommes précitées exprimées hors taxe, s'ajoutera la TVA au taux en vigueur à la date de l'exécution,
- dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,
- débouté la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés de la demande formée au titre de la perte du préjudice d'exploitation,
- condamné in solidum la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais à payer les dépens, comprenant les frais d'expertise (7 069,40 euros TTC), les dépens de la procédure de référé et le coût du PV d'huissier (387,09 euros TTC),
- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais à payer à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties par moitié entre la société Jlr Alu et la société Bureau d'études Avrillais,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés et la SCI Orsud ont interjeté appel de cette décision le 8 avril 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2025.
En cours de délibéré, la cour a invité les appelants à préciser le fondement de leurs demandes au titre du désordre relatif au branchement des eaux usées sur le bac à graisse, les intimés pouvant ensuite adresser leurs observations sauf aux parties à solliciter la réouverture des débats.
Les appelants ont transmis une note en délibéré le 4 juillet 2025. La société Bureau d'études Avrillais a répondu le 8 juillet 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions du 21 octobre 2024, la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés et la SCI Orsud demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 3 480 euros TTC (infiltration d'eau au niveau de la cloison de la porte) partagé comme suit :
- responsabilité de la société Jlr Alu en charge des travaux de menuiserie (80%) soit 1961,98 euros TTC,
- responsabilité du Bureau d'études Avrillais en charge de la conception et de l'exécution (20%) soit 486,32 eurosTTC,
- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Orsud de sa demande de réparation de la dérivation du bac à graisse,
Statuant de nouveau
- condamner la société Bureau d'études Avrillais au paiement de la somme de 3 380 (erreur matérielle 3 480) euros TTC en réparation des désordres de dérivation du bac à graisse à la SCI Orsud
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la réparation du préjudice économique de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés,
Statuant de nouveau :
- condamner la société Bureau d'études Avrillais et société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 32 172 euros TTC au titre de la perte marge nette (base chiffre d'affaires) à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés,
Subsidiairement,
- condamner la société Bureau d'études Avrillais et société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 6 297,35 euros TTC au titre de la perte marge nette (base résultat d'exploitation) à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés,
Très subsidiairement,
- condamner la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 4 593,40 euros TTC au titre de la perte marge nette (base bénéfices) à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés,
- ordonner à défaut une expertise judiciaire avec mission habituelle en la matière et notamment calculer la perte économique de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés sur la période du 6 au 10 septembre 2021,
- confirmer le jugement ayant condamné la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 7 069,40 euros TTC en remboursement des frais d'expertise à la SCI Orsud,
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SCI Orsud.
Statuant de nouveau
- condamner la société Bureau d'études Avrillais e la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance au bénéfice de la SCI Orsud, outre :
- la somme de 124,73 euros TTC au titre des dépens du référé du 10 avril 2019 (NHA)
- la somme de 70,35 euros TTC au titre des dépens du référé du 13/11/ 2019 (société Bea)
- la somme de 96,09 euros TTC au titre des dépens du référé du 12/11/ 2019 (société Jlr Alu)
- la somme de 387,09 euros TTC au titre du procès-verbal d'huissier,
- condamner en cause d'appel la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles à la SCI Orsud,
- condamner en cause d'appel la société Bureau d'études Avrillais et la société Jlr Alu solidairement, au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés.
Dans ses dernières conclusions du 23 octobre 2024, la société Jlr Alu demande à la cour de :
- confirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nantes le 25 mars 2024, notamment en ce qu'il a débouté la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés de toute demande formée au titre de son prétendu préjudice d'exploitation,
- débouter la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés et la SCI Orsud de toute demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens de l'instance,
- condamner in solidum la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés et la SCI Orsud à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens de l'instance, dont distraction sera ordonnée au profit de la Selarl Armen - Maître Charles Oger, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société Bureau d'études Avrillais à la relever et la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre du préjudice d'exploitation.
Dans leurs dernières conclusions du 28 avril 2025, la société Bureau d'études Avrillais et son liquidateur amiable M. [W] [S] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement querellé sauf :
- en tant qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société Bureau d'études Avrillais au titre des dommages consécutifs à la mise en charge du réseau d'évacuation des eaux usées des locaux de la SCI Orsud,
- en tant qu'il a alloué à la SCI Orsud le bénéfice de la TVA sur les indemnités qui lui ont été allouées alors qu'elle ne la demandait pas et qu'elle n'y a pas droit,
- en tant qu'il a fait droit à la demande de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés au titre de ses frais irrépétibles alors qu'elle succombait dans toutes ses prétentions,
Statuant de nouveau de ces chefs :
- débouter la SCI Orsud de ses demandes relatives aux dommages consécutifs à la mise en charge du réseau d'évacuation des eaux usées de ses locaux,
- en toute hypothèse, affecter l'indemnisation qui viendrait à être allouée à la SCI Orsud d'un facteur de diminution de 50 % compte tenu de l'intervention de facteurs extérieurs dans la survenance du dommage (branchement des WC de l'appartement 53 - infiltrations par les parties communes),
- débouter la SCI Orsud de sa demande de prise en charge des frais de dérivation du bac dégraisseur présent sur le réseau d'eaux usées de l'immeuble,
- n'allouer en toute hypothèse à la SCI Orsud d'indemnité que sur une base HT,
Subsidiairement, s'il devait être fait droit à la demande d'indemnisation de son préjudice économique de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés :
- ne le faire que dans des proportions très inférieures au montant de la réclamation et ramener donc le montant de l'indemnité à de bien plus justes proportions,
- affecter en tout état de cause cette indemnité d'un facteur de diminution de 50 % compte tenu de l'intervention de facteurs extérieurs dans la survenance du dommage (branchement du WC de l'appartement 53 - infiltrations par les parties communes),
- condamner la société Jlr Alu à garantir la société Bureau d'études Avrillais des sommes qui seraient mises à sa charge à ce titre,
- débouter la SCI Orsud et la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés de leur demande au titre des frais irrépétibles et de condamnation des intimes à supporter l'intégralité des dépens.
- condamner la SCI Orsud et la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés à leur régler la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS
En l'absence de demandes d'infirmation des chefs du jugement relatifs aux infiltrations d'eau au niveau de la cloison de la porte d'entrée, ceux-ci sont irrévocables sans qu'il n'y ait lieu à confirmation.
I. Sur le branchement des eaux usées sur le bac à graisse
A. Sur les responsabilités
Suite aux investigations qu'il a menées pour définir la trajectoire de l'évacuation des eaux usées, M. [K] a indiqué qu'il avait démontré que le séparateur de graisse situé en pied de l'immeuble récoltait les eaux usées du sanitaire des employées du cabinet dentaire ainsi que du logement n°53 situé au premier étage de l'immeuble, ce qui avait entrainé l'accumulation de lingettes et matières fécales puis le débordement de ce bac qui était ensuite relié au réseau eaux usées eaux vannes de l'opération.
L'expert judiciaire précise que la canalisation initialement prévue pour un commerce de bouche du rez-de-chaussée a été branchée sur le bac à graisse installé par la société Blanchard TP à la livraison, mais a été réutilisée pour la création du sanitaire du personnel suivant le plan d'aménagement de la société d'architecture. Il indique encore que lors des travaux d'aménagement du cabinet dentaire plusieurs points d'eau ont été créés en complément et branchés sur le réseau d'évacuation dirigé vers le bac à graisse (évacuation des appareils dentaires, stérilisation, tisanerie, lingerie) notamment la colonne de branchement du logement 53, sans vérification et contrôle vers le réseau eaux usées principal.
Il conclut à l'imputabilité technique du désordre à la société Bureau d'études Avrillais en charge de la conception et de l'exécution des travaux.
Les constatations de l'expert et l'origine du sinistre ne sont pas contestées par les parties.
Le liquidateur de la société d'architecture critique la décision du tribunal qui a retenu la responsabilité de ce dernier pour ce désordre. Il fait valoir que le bac à graisse était enterré et que sa présence était insoupçonnable, qu'il a été révélé durant les travaux grâce à une camera, que la société BEA n'était chargée que de l'aménagement intérieur de la cellule, que le sinistre ne résulte donc pas des travaux qu'elle a réalisés, mais qu'il trouve son origine dans une cause étrangère.
A titre subsidiaire, il estime que la responsabilité de la société ne peut être supérieure à 50%, puisque le dégât des eaux est également imputable au branchement des Wc de l'appartement 53 sur le même réseau.
La société Orsud réplique que la défaillance de la société BEA a été constatée par l'expert, qu'il lui est reproché un défaut de contrôle et de vérification, que le maître d'oeuvre est présumé connaître les vices cachés affectant l'ouvrage, qu'il est indifférent que le bac à graisse soit également branché à un appartement et demande en conséquence la confirmation du jugement.
Par note en délibéré, le maître de l'ouvrage a précisé que sa demande était fondée sur l'article 1792 du code civil.
En l'espèce, il s'infère des observations des parties des 7 et 8 juillet 2025 qu'elles ne discutent pas la nature décennale du désordre.
Il résulte en effet du rapport d'expertise judiciaire :
- que les travaux d'aménagement du cabinet d'orthodontie après livraison brut de béton qui ont consisté en d'importants travaux pour un montant de 90 231,42 euros TTC (page 14 expertise), notamment des travaux d'électricité, de plomberie et de menuiserie, sont constitutifs d'un ouvrage,
- la gravité du désordre. En effet, le débordement du bac à graisse a entraîné un dégât des eaux et a nécessité l'intervention régulière d'une société pour le vider dans l'attente de sa dépose. Il existait ainsi jusqu'à l'exécution des travaux réparatoires préconisés par l'expert une impropriété à destination de l'ouvrage compte tenu de ces débordements rendant impossible l'utilisation des sanitaires, répandant des odeurs nauséabondes et mettant en péril la nécessaire asepsie des locaux,
- que la société Orsud avait confié à la société bureau d'étude Avrillais une mission de maîtrise d'oeuvre complète pour la réalisation de l'aménagement de ses locaux en cabinet d'orthodontie.
L'architecte investi d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète est tenu envers le maître de l'ouvrage d'une présomption de responsabilité dont il ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère (3e Civ., 4 février 2016, n°13-23.654).
Ainsi que le rappelle l'expert judiciaire, la société chargée du gros oeuvre avait laissé les attentes en évacuation des eaux usées et les regards des branchements. Il s'ensuit que c'est dans le cadre de l'aménagement du cabinet d'orthodontie, sous la maîtrise d'oeuvre de la société BEA, que les raccordements aux canalisations des eaux usées ont été réalisés. Dès lors, ceux-ci étaient compris dans la mission d'exécution confiée à la société d'architecture.
M. [S] ne peut par ailleurs sérieusement se prévaloir d'une cause étrangère en invoquant le caractère indétectable du séparateur à graisse pour exonérer la société BEA de sa responsabilité.
En premier lieu, l'expert judiciaire (page 23 du rapport) a sans difficulté visité le regard à l'intérieur duquel se trouvait le séparateur de graisse, le passage caméra n'étant utile que pour vérifier son contenu et le cheminement de la tuyauterie s'y raccordant.
En second lieu, le séparateur de graisse figure sur le plan de recollement des réseaux de la société Blanchard TP (page 29 rapport d'expertise) chargé du lot VRD dont la société d'architecture aurait dû prendre connaissance avant de réaliser les raccordements aux aménagements du cabinet d'orthodontie.
Il n'est ainsi démontré aucune cause étrangère. La responsabilité décennale de la société Bureau d'étude Avrillais est par conséquent engagée.
Enfin, à défaut d'avoir appelé en garantie un autre constructeur qu'il estimerait également responsable, M. [S] ès qualités ne peut réclamer un partage de responsabilité.
B. Sur l'indemnisation des travaux réparatoires
La société Orsud demande à être indemnisée du montant des travaux de reprise validé par l'expert judiciaire, arguant que la somme de 3 480 euros TTC n'a pas été réglée par la société MMA assureur dommages-ouvrage, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.
Le liquidateur de la société BEA reconnait qu'il est justifié en appel de l'absence d'indemnisation des MMA, mais soutient qu'il appartient au maître de l'ouvrage de supporter le coût de la dérivation du bac à graisse qui aurait dû être réalisé en tout état de cause.
Il ressort de la facture de la société Ergé Assainissement du 26 novembre 2020 que la société Orsud a fait exécuter les travaux préconisés par l'expert et les a réglés. Il est justifié par un courrier de l'assureur dommages-ouvrage qu'il n'a pas remboursé ou indemnisé le propriétaire des plateaux (pièce 25 Orsud).
Avant de supprimer le bac à graisse, la société Ergé a dû procéder à son pompage et sa désinfection. Ces prestations n'auraient pas été utiles si les sanitaires du vestiaire du personnel avaient été dès l'origine raccordés au réseau des eaux usées et le prix aurait été bien moindre. Dès lors, le maître de l'ouvrage est bien fondé à réclamer le remboursement de la somme réglée pour déposer le séparateur de graisse.
S'agissant de la TVA, la société Orsud a toujours déclaré ne pas être assujettie, ce qui est confirmé par le bilan comptable qui ne fait pas mention de créances fiscales.
Dès lors, les montants seront fixés toutes taxes comprises et le liquidateur est mal fondé à soutenir que le premier juge a statué ultra petita.
En conséquence, la société Bureau d'étude Avrillais représentée par son liquidateur amiable sera condamnée à payer à la société Orsud la somme de 3 480 euros TTC. Le jugement est infirmé de ce chef.
II. Sur le préjudice d'exploitation
Le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et associés de son préjudice d'exploitation subi pendant les travaux de reprise à hauteur de 32 172 euros aux motifs que la demande n'a pas été formée devant l'expert judiciaire, qu'il n'est pas démontré l'impossibilité d'exercer pendant les travaux et que l'attestation comptable produite n'est pas suffisante pour retenir l'existence d'un préjudice d'exploitation.
La société d'orthodontie réitère sa demande soutenant que le montant du préjudice est prouvé par les pièces comptables. Elle affirme avoir dû fermer le cabinet entre le 6 et le 10 septembre 2021 et fait valoir que la quasi-totalité des locaux devait être reprise empêchant toute activité notamment pour des raisons sanitaires.
La société JR Alu comme M. [S] ès qualités répliquent que la demande est injustifiée, que les travaux ne nécessitent pas la cessation de l'activité, que le locataire a refusé qu'ils soient réalisés la première quinzaine d'août pendant la fermeture du cabinet, que les pièces produites ne permettent pas d'objectiver un préjudice d'exploitation.
A. Sur l'existence d'un préjudice économique
La preuve du préjudice subi incombe à celui qui s'en prévaut. Par ailleurs, la victime n'est pas tenue de minimiser son préjudice au profit de la personne tenue à indemnisation.
Il s'ensuit qu'il est indifférent que l'expert judiciaire n'ait pas examiné le préjudice d'exploitation si celui-ci est prouvé par le cabinet d'orthodontie.
Il convient de rappeler qu'en l'espèce, la dépose du bac à graisse a été réalisée en novembre 2020 aux frais avancés de la société Orsud (pièce 17 Orsud).
Selon le rapport d'expertise devaient être réalisés au titre des travaux réparatoires une barrière étanche sur la totalité de la porte d'entrée (1,80ml) et repris la cloison sur une peau en plaque de plâtre avec isolation phonique avec la salle de soin, avec mise en peinture en deux couches et préparation du support avec fourniture et pose de plinthes en bois sur 7,92m².
Les travaux de peinture préconisés par M. [K] dans les toilettes patient, le bureau du praticien, le local technique, la salle de soin esthétique, le couloir technique et la cloison de l'entrée portaient sur 65m².
Les intimés ne justifient pas que la société ATEP mandatée par la société Bureau d'étude Avrillais pour réaliser les travaux de reprise s'était engagée à tous les réaliser en août 2021. Toutefois, l'analyse des factures versées à la procédure par la société de chirurgiens-dentistes de la société Jess [O] (plaquiste) de 6 394,37 euros du 24 septembre 2021 et de celle du 13 septembre 2021 de la société TMA menuiserie 9110,45 euros, montrent que les travaux effectués ont été beaucoup plus importants que ceux validés par l'expert et qu'il a notamment été remplacé le parquet de l'accueil, ajouté des traverses métalliques...
De plus, l'absence de facture de la société Bouyer qui a réalisé les peintures ne permet pas de connaître le détail de la prestation exécutée.
Ainsi, au regard du détail des travaux validés par l'expert, le délai pour exécuter les travaux sera fixé à deux jours.
En raison de l'interruption de l'activité du cabinet démontrée par les attestations du personnel, des entrepreneurs qui sont intervenus, l'existence d'un préjudice d'exploitation en lien certain et direct avec les désordres relatifs est donc justifiée dans la limite deux journées.
B. Sur le calcul du préjudice d'exploitation
Le préjudice d'exploitation correspond à la perte de marge sur coût variable.
Pour estimer à 32 172 euros la perte d'exploitation sur une semaine, l'expert-comptable de la société de chirurgien-dentiste Lascombes Nivet a calculé la moyenne du chiffre d'affaires sur une semaine pour les exercices 2019 et 2020, soit 37 619 euros qu'il a multiplié par la marge sur matières consommées (fournitures, prothèses, petits consommables) qu'il a fixée à 85,52 %.
La cour constate que le bilan 2019 n'est pas produit et que le calcul de la marge n'est pas détaillé.
La lecture du bilan détaillé permet de considérer que d'autres charges variables n'ont pas été prises en compte (eau, énergie...). Par ailleurs, seuls les honoraires du cabinet de [Localité 6] ont été impactés et non ceux de celui de [Localité 3] ainsi que l'a souligné la société d'architecture.
Le préjudice étant limité à deux jours, la comptabilité de l'année 2020 est suffisante pour l'évaluer.
Dès lors, si au regard des calculs de l'expert-comptable, le chiffre d'affaires perdu sur une semaine représente 1,92% du chiffre d'affaires annuel et que la marge sur coût variable est de 25% au lieu de 15% appliqué, la perte d'exploitation sera fixée à 9 934, 25 euros (1 724 699*1,92%*75%/5 *2). Le jugement est infirmé. La cour statuant, il n'y a pas lieu à expertise comptable.
Les travaux à réaliser résultent tant des désordres d'infiltrations par la porte d'entrée que du dégât des eaux en raison du branchement des eaux usées sur le bac à graisse.
La société Jlr Alu et la société BEA, représentée par son liquidateur, seront condamnées in solidum au paiement de cette somme.
Il convient au prorata des condamnations de fixer le partage de la dette finale au titre du préjudice d'exploitation, et des frais irrépétibles et dépens de la manière suivante :
- la société Bureau d'Etudes Avrillais : 67%
- la société Jlr Alu : 33 %
Ces sociétés seront condamnées à se garantir réciproquement dans ces proportions.
III. Sur les autres demandes
La disposition prononcée par le tribunal au titre des dépens de première instance est confirmée. Celle relative aux frais irrépétibles est infirmée.
Les sociétés Jlr Alu et BEA représentées par M. [S] son liquidateur amiable seront condamnées in solidum au paiement d'une somme de 7 000 euros aux sociétés Orsud et chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés qui font défense commune en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Orsud de sa demande de condamnation de la somme de 3 480 euros TTC au titre du bac à graisse, débouté la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés de la demande formée au titre de la perte du préjudice d'exploitation ainsi que pour avoir condamné in solidum les sociétés Jlr Alu et Bureau d'étude Avrillais à payer à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Bureau d'étude Avrillais représentée par son liquidateur amiable M. [S] au paiement à la société Orsud de la somme de 3 480 euros TTC au titre de la dépose du séparateur de graisse,
Condamne in solidum la société Bureau d'étude Avrillais, représentée par son liquidateur amiable M. [S] et la société Jlr Alu, à payer la somme de 9 934, 25 euros à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés au titre du préjudice d'exploitation,
Condamne in solidum la société Bureau d'étude Avrillais, représentée par son liquidateur amiable M. [S] et la société Jlr Alu à payer la somme de 7 000 euros à la société de chirurgien-dentiste Lascombes-Nivet et Associés en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société Bureau d'étude Avrillais représentée par son liquidateur amiable M. [S] et la société Jlr Alu aux dépens d'appel,
Fixe le partage de la dette finale au titre du préjudice d'exploitation, et des frais irrépétibles et dépens de la manière suivante :
- la société Bureau d'Etudes Avrillais : 67%
- la société Jlr Alu : 33 %
Les condamne à se garantir réciproquement dans ces proportions,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour pour le surplus.
Le Greffier, P/ Le Président empêché,
N. Malardel