CA Grenoble, ch. com., 29 mars 1995, n° 93/2821
GRENOBLE
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Sté Camara Agraria Provincial de Guipuscoa
Défendeur :
M. Margaron
Sur ce, La Cour,
Attendu qu'il est constant, entre les parties, que la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, telle que modifiée le 26 mai 1989 à Saint-Sébastien, entrée en vigueur le ler février 1991, pour l'Espagne et la France, est applicable à la détermination de la juridiction compétente ;
Attendu que, lors de l'audience, la Cour a indiqué aux parties que la convention de Vienne du 11 avril 1980, sur la vente internationale de marchandises, entrée en vigueur pour l'Espagne le ler août 1991, était applicable au fond du litige, et que ses dispositions relatives au lieu de paiement avaient une incidence sur la compétence juridictionnelle ;
Que les parties ont été invitées à faire connaître par note en délibéré, leurs observations sur l'application des dispositions de la convention de Vienne, avant le 15 mars 1995 ; Qu'il leur a été précisé que leur silence serait interprété comme une renonciation à faire valoir tout moyen fondé sur cette convention ;
Attendu que la Camara, par note du 14 mars, a fait valoir que les dispositions de l'article 57 de la convention de Vienne relatives au paiement à l'établissement du vendeur ou au lieu de remise des marchandises, conduisaient à la compétence du Tribunal de Guipuzcoa ;
Attendu, sur la compétence juridictionnelle, que la détermination du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande, prévu par l'article 5,1 de la convention de Bruxelles, pour désigner le Tribunal devant lequel une partie domiciliée dans un autre Etat contractant peut être attraite, doit être faite selon les règles de droit international privé du for ;
Attendu que, s'agissant d'un contrat de vente internationale de marchandises, conclu entre deux contractants établis dans deux Etats différents, parties à la convention de Vienne, il y convient de rechercher dans cet instrument où se réalise l'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande.
Attendu que la demande introduite par Monsieur Margaron est une demande en paiement.
Que l'article 57,1 de la convention de Vienne stipule ceci : Si l'acheteur n'est pas tenu de payer le prix en un autre lieu particulier, il doit payer le vendeur : a) à l'établissement de celui-ci, ou, b) si le paiement doit être fait contre la remise des marchandises ou des documents, au lieu de cette remise".
Que l'article 31 alinéas a et c, applicables aux faits de l'espèce, prévoit que l'obligation de livraison du vendeur s'exécute dans son propre établissement au moment de la conclusion du contrat ou par la remise au premier transporteur, pour transmission à l'acheteur ;
Attendu, en conséquence, que l'obligation de payer de la Camara s'exécutait dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de Grenoble, que le paiement ait été ou non subordonné à la livraison des marchandises ;
Qu'en tout cas, en l'absence de convention entre les parties que le paiement ou la livraison devait avoir lieu à Guipuzcoa, le Tribunal de cette ville n'est pas compétent ;
Attendu, au surplus, que les dispositions de l'article 10,5 du Code Civil espagnol, auxquels la Camara se réfère, sont relatives à la compétence législative et non pas à la compétence juridictionnelle ; Que s'il existait en droit espagnol une règle de compétence interne ou internationale contraire aux dispositions de la convention de Bruxelles, ces dernières devraient prévaloir ;
Attendu, en conséquence, que le Tribunal de Grande Instance de Grenoble, et par suite, la Cour d'Appel de Grenoble sont compétents pour statuer sur le fond du litige ;
Attendu, sur le bien fondé de la créance de Monsieur Margaron, vendeur, qu'il est constant entre les parties que le contrat de vente a été conclu initialement pour un prix de 0,16 F par kg de marchandises livrées ;
Que la Camara fait valoir une réduction du prix à 0,14 F ;
Que l'article 29 de la convention de Vienne stipule qu'un contrat petit être modifié ou résilié par accord amiable entre les parties" ;
Qu'il y a lieu pour la Cour de rechercher s'il y a eu un accord entre les parties sur une modification d'un élément constitutif du contrat, tel que le prix ;
Que la Camara produit des attestations d'un agriculteur et d'un vétérinaire qui disent avoir assisté à une réunion tenue le 25 septembre 1991, dans les locaux de la Camara, avec Monsieur Margaron ;
Que ces témoignages indiquent qu'il a été décidé (se acordő) que le prix à payer pour la totalité de la marchandise serait de 0,14 F le kg ; Mais qu'aucune attestation ne mentionne de façon précise un accord de Monsieur Margaron ; Que la modification d'un prix de vente ne peut pas résulter d'une ambiance générale d'une réunion ;
Que la Camara n'a pas adressé de lettre de confirmation d'une éventuelle décision qui aurait été prise quant à la modification du prix ;
Qu'elle ne produit pas plus d'éléments quant aux prix pratiqué en Navarre qui aurait été la cause de la modification ;
Qu'en sens inverse, Monsieur Margaron produit des factures faisant état d'un prix de 160 F la tonne des 30 septembre, ler octobre, 2 octobre 1991, donc postérieures à la réunion alléguée par la Camara, qui n'ont été l'objet d'aucune critique quant au mode de calcul de leur montant ;
Qu'en outre, un règlement de 177 439,72 F a été effectué le 21 janvier 1992, par la Camara, sans qu'elle fasse, non plus, d'objection sur le mode de calcul du montant ;
Qu'enfin une lettre de Monsieur Margaron réclamant le paiement des sommes en retard, datée du 10 juillet 1992, est restée sans réponse ;
Attendu, en conséquence, que les pièces du dossier ne permettent pas à la Cour de constater un accord des parties sur la modification du prix initialement fixé et acquitté par la Camara jusqu'au 21 janvier 1992 ;
Attendu, sur la créance de Monsieur Margaron, que la somme de 101 825,50 F réclamée en principal par Monsieur Margaron n'est pas critiquée dans son montant pour la Camara, si le prix de 0,16 F le Kg est retenu ; Qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande ;
Attendu, sur les intérêts, que l'article 78 de la convention de Vienne prévoit que les intérêts moratoires sont dus, quand le débiteur est en retard ; Qu'à la différence du droit français, une mise en demeure n'est pas nécessaire ;
Qu'il y a donc lieu de juger que les intérêts courront du lendemain du jour où la Camara aurait du payer la facture correspondante ;
Attendu, sur la capitalisation des intérêts qu'il y a lieu de faire droit à la demande, à compter de la date des conclusions qui la formulent (2 mai 1994, lorsqu'une année entière aura couru ;
Attendu, sur la demande de 10 000 F, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile, qu'il y a lieu d'y faire droit ;
Par ces motifs :
La Cour :
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Juge que le Tribunal de Grande Instance de Grenoble est compétent pour connaître de la demande en paiement de Monsieur Margaron, en application de l'article 5,1 de la convention de Bruxelles ;
CONFIRME
partiellement ;
Condamne la Camara Agraria Provincial De Guipuzcoa à payer à Monsieur Margaron 101 825,50 F (Cent un mille huit cent vingt cinq francs cinquante centimes), en principal, outre intérêts moratoires de droit à compter du lendemain du jour où les factures devaient être payées ;
Juge que les intérêts seront capitalisés à compter du 2 mai 1994), lorsqu'une année entière aura couru ;
La Condamne à payer à Monsieur Margaron 10 000 F (Dix Mille Francs), au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Condamne aux dépens.