CA Besançon, 1re ch., 5 août 2025, n° 24/00542
BESANÇON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (SA)
Défendeur :
Eco Environnement (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
M. Saunier, Mme Manteaux
Avocats :
Me Alves, Me Boulaire, Me Giacomoni, Me Duhoux-Cardot, Me Zeitoun
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon bon de commande signé le 25 mai 2016 hors établissement, M. [N] [L] [R] et Mme [D] [F] (les époux [L] [R]) ont confié à la SASU Eco Environnement la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque sur leur maison d'habitation au prix de 19 000 euros, cette somme étant financée par un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la SA Franfinance, remboursable en 148 mensualités, au taux débiteur fixe de 6,69 %.
Une attestation de fin de travaux et une attestation de livraison avec demande de financement ont été signées le 23 juin 2016.
Les époux [M] ont remboursé leur emprunt auprès de la société Franfinance par anticipation le 10 mars 2017.
En septembre 2019, les époux [L] [R] ont fait réaliser une expertise de l'installation qui a conclu à une recette solaire annuelle de 558 euros, ce qui ne permettait pas à l'installation de s'autofinancer puisque son achat était amorti en 53 ans, soit sur une durée supérieure à la durée de vie des composants de la centrale photovoltaïque.
Par assignation délivrée à la société Franfinance et à la société Eco Environnement les 11 et 14 mars 2022, les époux [L] [R] ont saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montbéliard en nullité des contrats de vente et de crédit affecté, de remise des parties en leur état antérieur aux contrats, de remboursement du montant de 19 000 euros, de versement de dommages et intérêts divers et de privation pour la société Franfinance de sa créance de restitution du capital prêté.
Par jugement rendu le 23 février 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montbéliard a :
- déclaré recevables les actions engagées par les époux [L] [R],
- prononcé l'annulation du contrat de vente en date du 25 mai 2016 liant les époux [L] [R] à la société Eco Environnement,
- constaté en conséquence l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté souscrit le 25 mai 2016 par les époux [L] [R] auprès de la société Franfinance,
- dit que l'annulation du contrat principal et du contrat de crédit affecté entraînait de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à leur conclusion,
- dit que la restitution par les époux [L] [R] du matériel installé par la société Eco Environnement serait opérée par sa mise à disposition à cette dernière,
- condamné la société Eco Environnement à reprendre le matériel avec remise en état des lieux à ses frais,
- constaté que la société Franfinance avait commis une faute à l'égard des époux [L] [R] la privant de sa créance de restitution du capital prêté à hauteur de 3 800 euros,
- constaté que le crédit affecté souscrit le 25 mai 2016 avait été remboursé par anticipation à la société Franfinance par les époux [L] [R],
- « condamné la société Franfinance » (sic) à payer aux époux [L] [R] la somme de 19 000 euros in solidum avec la société Franfinance à hauteur de 3 800 euros,
- condamné la société Franfinance à restituer aux époux [L] [R] la somme de 11 956, 40 euros au titre du coût du crédit affecté, remboursé par anticipation (intérêts conventionnels et frais),
- débouté les époux [L] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- débouté la société Franfinance de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Eco Environnement,
- débouté la société Eco Environnement de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre des époux [L] [R] pour procédure abusive,
- condamné in solidum la société Eco Environnement et la société Franfinance aux entiers dépens de l'instance,
- condamné in solidum la société Eco Environnement et la société Franfinance à verser aux époux [L] [R] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.
Pour parvenir à cette décision, la juridiction a retenu que :
- la prescription n'était pas acquise ;
- un vice du consentement n'était pas établi en raison de l'absence de preuve que la société Eco Environnement se soit engagée sur un rendement déterminé, qu'elle ait pratiqué des manoeuvres ou silence dolosifs et que le rendement économique allégué ait constitué un élément déterminant du consentement des époux [L] [R] ;
- le contrat de vente était nul pour non respect des dispositions formelles du code de la consommation pour les irrégularités suivantes :
. mention d'un prix forfaitaire et non du prix par poste de chaque fourniture et service,
. absence d'information sur le coût et financement de l'installation et sur les conditions du crédit accessoire,
. insuffisance de l'information sur les caractéristiques techniques en termes de qualité, performance, rendement, capacité de production,
. insuffisante des informations sur le résultat attendu de l'utilisation de l'équipement qui constitue une caractéristique essentielle de l'équipement
. défaut d'information sur les conditions d'exécution du contrat : absence de date ou délai d'exécution, de la prestation dans son intégralité comprenant les formalités administratives, le raccordement et mise en service,
. conditions générales écrites en trop petits caractères ce qui les rend illisibles.
- la preuve n'était pas rapportée que les époux [M] avaient conscience des vices affectant le contrat de sorte que la confirmation de l'acte n'était pas caractérisée.
Par déclaration du 9 avril 2024, la société Franfinance a interjeté appel de ce jugement (affaire enrôlée sous le n° 24-542).
Par déclaration du 24 avril 2024, les époux [L] [R] ont également interjeté appel de ce jugement (affaire enrôlée sous le n° 24-629).
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 11 février 2025 sous le n° 24-542.
La société Eco Environnement a formé appel incident.
Exposé des demandes et moyens des parties
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 19 mars 2025, la société Franfinance conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en celle qui a débouté les époux [L] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
> in limine litis (sic) :
- déclarer les époux [L] [R] irrecevables pour prescription en leurs demandes,
- déclarer les époux [L] [R] irrecevables en leurs demandes nouvelles,
- débouter les époux [L] [R] de l'ensemble de leurs demandes,
> à titre principal :
- déclarer les époux [L] [R] irrecevables en leur demande de nullité du contrat de vente et par voie de conséquence du contrat de prêt du fait de l'exécution volontaire des contrats,
- débouter les époux [L] [R] de toutes leurs demandes, les conditions de nullité du contrat de vente et de crédit n'étant pas réunies,
> à titre subsidiaire , dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée :
- juger que la société Franfinance n'a commis aucune faute, et que les sommes que lui ont versées les époux [M] par anticipation lui resteront acquises ;
- débouter les époux [L] [R] de leur demande de remboursement du capital payé par anticipation ainsi que des intérêts et frais,
- condamner la société Eco Environnement à garantir les époux [L] [R] de toute condamnation prononcée à leur encontre au titre du remboursement du capital augmentée des intérêts (sic) ;
> à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute de l'établissement retenue :
- débouter les époux [L] [R] de l'ensemble de leurs demandes, faute de preuve de leur préjudice,
- dire que les sommes versées par anticipation par les époux [L] [R], au titre du contrat de crédit souscrit le 25 mai 2016, lui resteront acquises,
- condamner la société Eco Environnement à régler à la société Franfinance la somme de 19 000 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant au montant du financement consenti aux époux [L] [R],
> en tout état de cause :
- débouter les époux [L] [R] et la société Eco Environnement de toutes leurs demandes,
- les condamner in solidum au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance et d'appel, aux offres et affirmations de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait notamment valoir que :
- sur la prescription des demandes tirée de la nullité formelle du contrat signé avec la société Eco Environnement : le point de départ du délai de prescription court à compter du jour où l'acte irrégulier a été signé soit le 25 mai 2016 ; les demandes sont donc prescrites au vu de l'assignation délivrée en mars 2022 ;
- sur la prescription invoquée au titre de la responsabilité bancaire : le point de départ du délai de prescription se situe à la date de déblocage des fonds réalisé à la demande des époux [L] [R] soit le 5 juillet 2016 et la demande est donc prescrite ;
- le bon de commande est régulier puisque le code de la consommation n'exige que la mention du prix global à payer et non du prix unitaire de chacun des matériels ; le vendeur a le choix d'indiquer soit le délai de livraison soit le délai d'exécution de la prestation et le vendeur a bien mentionné le délai de livraison ; le coût de l'installation et les modalités de financement de l'opération sont mentionnés et conformes aux dispositions du code de la consommation et les époux [L] [R] savaient pertinemment comment le contrat allait être financé puisqu'ils ont signé leur crédit le même jour ; les modalités de paiement ne sont pas requises sur le bon de commande à peine de nullité.
* *
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 17 décembre 2024, les époux [L] [R] concluent à la confirmation du jugement sauf ce qu'il :
. a fixé à la seule somme de 3 800 euros le montant de la privation prononcée contre la société Franfinance de sa créance de restitution en raison de la faute qu'elle a commise à leur égard,
. les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
et, statuant à nouveau sur ces deux chefs à infirmer et y ajoutant, ils demandent à la cour de :
- condamner la société Eco Environnement à leur rembourser la somme de 19 000 euros au titre du prix de vente, en conséquence de la nullité du contrat de vente litigieux ;
- dire qu'à défaut de reprise de l'installation et de remise en état de l'immeuble dans un délai déterminé, celle-ci leur demeurera acquise et qu'ils pourront alors en disposer librement ;
- déclarer que la société Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds à leur préjudice et doit être privée de l'intégralité de sa créance de restitution du capital prêté ;
- condamner en conséquence la société Franfinance à leur verser la somme de 19 000 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;
> en tout état de cause :
- condamner solidairement la société Eco Environnement et la société Franfinance à leur payer les sommes suivantes :
. 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
. 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Franfinance ;
- condamner cette dernière à leur verser l'ensemble des intérêts versés par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts prononcée et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé desdits intérêts ;
- la débouter de son appel principal et de son appel incident ;
- débouter la société Eco Environnement de son appel incident ;
- débouter la société Franfinance et la société Eco Environnement de l'intégralité de leurs prétentions ;
- condamner solidairement la société Eco Environnement et la société Franfinance à supporter les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance et d'appel.
Ils font notamment valoir que :
- sur la prescription : s'agissant de leur demande de nullité formelle, le point de départ du délai de prescription ne saurait être fixé à la date de signature du contrat ou du bon de commande qui ne permet pas de s'assurer qu'ils avaient connaissances des vices l'affectant et des conséquences en découlant ; s'agissant de leur demande de nullité fondée sur le dol, le point de départ ne peut être situé à la date du bon de commande, lequel ne donne aucun élément sur la rentabilité de l'installation ; il doit être fixé après son exploitation sur une durée suffisante pour permettre d'avoir une vision sur le bilan énergétique et financier, donc à la date de la lecture du rapport d'expertise du 3 septembre 2019 ou à tout le moins à la réception de la première facture EDF en date du 19 décembre 2017 ; s'agissant de leurs demandes indemnitaires pour faute de la banque, le point de départ ne peut également courir qu'à compter du jour où ils ont eu connaissance des vices affectant le bon de commande et donc de la carence de la banque dans son obligation de les alerter sur ces faits ; il appartient aux parties qui se prévalent de la prescription de prouver le moment où ils ont eu connaissance des irrégularités ;
- sur l'annulation du contrat de vente pour non respect des exigences du code de la consommation, le bon de commande est irrégulier pour avoir omis de mentionner :
> les caractéristiques essentielles du bien ou du service et notamment :
. les références, le nombre, les dimensions, le poids, la surface occupée et la technologie -mono ou polycristallins- des panneaux photovoltaïques
. les références, la puissance et les dimensions de l'onduleur
. le mode de pose des panneaux - en intégration au bâti, en sur-imposition ou au sol- et les caractéristiques du matériel employé à cet effet
- les informations sur la production d'électricité et les performances du matériel
- le prix unitaire HT et TTC des biens commandés et la ventilation entre le coût des biens et le coût de la main-d''uvre ;
> la date précise d'installation des biens (la date exacte de la livraison, le calendrier précis des opérations d'installation des matériels)
> les modalités de financement (durée du contrat de prêt et l'existence d'un report, le nombre et le montant des mensualités, le taux nominal et le taux effectif global, le montant de l'assurance et le coût total du crédit avec assurance) ;
- l'exemplaire du bon de commande versé aux débats par la société Eco Environnement n'est pas celui qui leur a été remis (plus détaillé), ce qui permet de conclure que des mentions ont été rajoutées après la signature du contrat par la venderesse.
* *
* La société Eco Environnement a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 10 mars 2025 pour demander à la cour de débouter les époux [L] [R] et la société Franfinance de toutes leurs demandes dirigées contre elle et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions la concernant sauf en ce qu'il a :
. constaté que la société Franfinance avait commis une faute à l'égard des époux [L] [R] la privant de sa créance de restitution du capital prêté à hauteur de 3 800 euros,
. débouté les époux [L] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
. débouté la société Franfinance de l'intégralité de ses demandes à son encontre ;
et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de :
> in limine litis (sic) :
- déclarer que l'action en nullité formelle exercée contre le contrat de vente conclu le 25 mai 2016 est prescrite depuis le 25 mai 2021 ;
- déclarer que l'action en nullité pour vice de consentement formée à l'encontre du contrat de vente conclu le 25 mai 2016 est prescrite depuis le 23 juillet « 2016 » (sic) ;
- déclarer en conséquence les époux [L] [R] irrecevables en ces demandes ;
> à titre principal :
- juger qu'elle a respecté les dispositions prescrites par les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation ;
- juger qu'en signant le bon de commande aux termes duquel étaient indiquées les conditions de forme des contrats conclus à distance imposées par le code de la consommation, en ayant lu et approuvé le bon de commande (conditions générales de vente incluses), les époux [L] [R] ne pouvaient ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande conclu ;
- juger qu'en laissant libre accès à leur domicile aux techniciens, par l'acceptation sans réserve des travaux qu'elle a effectués, en laissant le contrat se poursuivre et en procédant au remboursement des échéances du prêt souscrit auprès de la banque, autant d'actes volontaires d'exécution du contrat accomplis postérieurement à leur signature, ces derniers ont manifesté leur volonté de confirmer l'acte prétendument nul ;
- en conséquence, débouter les époux [L] [R] de leur demande tendant à faire prononcer la nullité du contrat conclu auprès d'elle ;
> à titre subsidiaire :
- débouter les époux [L] [R] de leur demande tendant à faire prononcer la nullité du contrat conclu auprès d'elle sur le fondement d'un dol ;
> à titre très subsidiaire, si la cour déclarait le contrat nul :
- juger qu'elle a parfaitement accompli toutes ses obligations contractuelles ;
- juger que les époux [L] [R] sont défaillants dans l'administration de la preuve d'une faute lui incombant et de préjudices dont ils seraient victimes ;
- juger qu'aucun préjudice n'a été subi par les époux [L] [R] ;
- en conséquence, les débouter de l'intégralité de leurs demandes indemnitaires et notamment du versement de la somme au titre d'un prétendu préjudice moral ;
- juger qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat conclu ;
- juger que la société Franfinance a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du crédit ;
- juger qu'elle ne sera pas tenue de restituer à la société Franfinance les fonds empruntés par les époux [L] [R] augmentés des intérêts ;
- juger qu'elle ne sera pas tenue de restituer à la société Franfinance les fonds perçus ;
- juger qu'elle ne sera pas tenue de garantir la société Franfinance ;
- en conséquence, débouter la société Franfinance de toutes ses demandes formulées à son encontre et la priver de sa créance ;
> en tout état de cause :
- condamner solidairement les époux [L] [R] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l'action initiée par ces derniers ;
- les condamner également solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner in solidum aux entiers dépens.
Elle fait notamment valoir que :
- le point de départ de l'action en nullité du contrat pour irrégularité formelle se situe à la date du bon de commande ;
- le bon de commande est conforme aux dispositions du code de la consommation puisque les caractéristiques essentielles exigées par le code de la consommation y figurent ; la rentabilité financière de l'installation n'a pas été mise dans le champ contractuel ;
- sur les détails et délais de l'exécution des obligations : comme l'autorise le code de la consommation, elle a fait le choix d'indiquer le délai de livraison ; s'agissant du délai de raccordement, les conditions particulières de vente du contrat précisent que l'installateur n'est pas responsable des retards dans le raccordement imputables à la société chargée du raccordement et il ne saurait lui être reproché ce délai d'exécution ; il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir donné de détails sur l'exécution alors que celle-ci relève d'un installateur extérieur mandaté par le vendeur ; au surplus, les travaux liés à l'installation sont simples et rapides puisque réalisés sur une seule journée, le jour-même de la livraison ;
- sur les prix de vente et modalités de paiement : la mention du prix global de l'installation dont les éléments ne peuvent être achetés séparément est conforme aux prescriptions qui n'exigent pas non plus qu'il soit distingué entre le coût des équipements et celui de la main d'oeuvre ; la distinction entre la somme TTC et celle HT a été précisée ; les modalités de financement sont connues des acheteurs qui ont souscrit leur crédit le même jour ;
- les conditions générales de vente sont parfaitement lisibles et conformes aux exigences du code de la consommation et les époux [L] [R] ont indiqué en avoir pris connaissance ;
- ces derniers ont confirmé avoir eu connaissance des caractéristiques essentielles des biens commandés lors de la signature du contrat et en acceptant la livraison sans réserve des travaux et n'ont jamais invoqué le moindre problème, et ce, depuis plus de 8 ans.
* *
* Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 6 mai 2025 suivant et mise en délibéré au 5 août 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Comme le tribunal, la cour rappelle, à titre liminaire, que le contrat de vente et le contrat de crédit affecté du 25 mai 2016 sont soumis :
- aux dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016,
- aux dispositions du code de la consommation dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet 2016.
Et comme le tribunal, elle rappelle aux parties que le dispositif des conclusions n'ont pas à faire figurer des demandes de « constater '' «juger '' ou « dire et juger '' qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais sont tout au plus parfois des moyens qui n'ont à figurer que dans la partie « discussion » des conclusions. Elle ne répondra donc pas à ces fausses demandes.
Les époux [L] [R] invoquent que le contrat principal qu'ils ont souscrit auprès de la société Eco Environnement est affecté d'une double cause de nullité tenant :
- d'une part, au non-respect des règles spéciales et d'ordre public du code de la consommation ;
- d'autre part, à un vice du consentement (dol) du fait de l'utilisation de pratiques commerciales trompeuses (sur la rentabilité financière de l'installation).
1- Sur la demande de nullité de l'acte pour non respect des dispositions formelles du bon de commande :
a- Sur la recevabilité de la demande tirée de la prescription :
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il en résulte que l'action fondée sur la nullité d'un contrat conclu hors établissement au motif de la violation des dispositions du code de la consommation se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle le consommateur a eu connaissance des irrégularités viciant ledit contrat.
Il appartient à la partie qui invoque la prescription d'établir à quel moment les acquéreurs ont eu connaissance des irrégularités du bon de commande par manquement de mentions exigées par le code de la consommation.
Or, la seule lecture du contrat ne permettait pas de déceler ses irrégularités formelles (1re Civ, 24 janvier 2024, n°22-16.115).
En outre, la société Eco Environnement et la société Franfinance ne se prévalent d'aucun élément de nature à révéler la connaissance effective par les acquéreurs des vices affectant le bon de commande.
Dès lors, la prescription de l'action en nullité fondée sur les irrégularités du bon de commande n'est pas établie et le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en nullité des contrats de vente et de crédit affecté au motif de la violation des dispositions du code de la consommation.
b- Sur le bien-fondé de la demande des époux [L] [R] en nullité du contrat principal :
Il résulte des articles L. 111-1, L. 121-17 et L.121-18-1 du code de la consommation que, dans le cadre d'une vente avec démarchage, le vendeur doit, préalablement à la vente, à peine de nullité, communiquer au consommateur, des informations lisibles et compréhensibles portant notamment sur :
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné
- le prix du bien ou du service
- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
L'article L. 111-4 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat dispose qu'en cas de litige relatif à l'application des articles L. 111-1 à L. 111-3, il appartient au professionnel de prouver qu'il a exécuté ses obligations.
En l'espèce, le bon de commande signé par les deux parties le 25 mai 2016, vaut contrat ; or, la copie du bon de commande remise par les époux [L] [R] ne contient aucune mention sur le taux de TVA, le montant TTC et le montant HT (seul figure en verso du bon de commande, le montant de la commande dans la rubrique « mode de règlement ») et comporte des mentions non lisibles sur le nombre de capteurs et la puissance unitaire du capteur.
La copie du bon de commande versée aux débats par la société Eco Environnement a été visiblement complétée après signature afin de rendre plus lisibles les mentions sur le nombre de capteurs et leur puissance et de remplir les vides des mentions sur le montant de l'opération au recto et sur le détail du règlement de l'opération par crédit au verso. Or, le professionnel vendeur doit rédiger le contrat en double exemplaire et en remettre un au consommateur ; son exemplaire visiblement modifié après la signature par les clients ne fait pas foi.
Dès lors, la société Eco Environnement échoue à prouver qu'elle a remis aux époux [L] [R] un bon de commande répondant aux exigences du code de la consommation sur les mentions impératives qu'il doit contenir.
La nullité du bon de commande est établie.
Sur l'exécution volontaire du contrat par les époux [L] [R], la cour rappelle les dispositions de l'article 1338 du code civil aux termes duquel l'acte de confirmation ou de ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
La société Franfinance et la société Eco Environnement ne justifiant d'aucun acte de confirmation comportant l'énoncé de l'irrégularité du bon de commande énoncée ci-dessus, la confirmation de l'acte nul ne saurait être retenue.
La cour confirme donc le jugement qui a prononcé la nullité du contrat principal entre les époux [L] [R] et la société Eco Environnement, avec substitution de motifs, ce qui rend sans objet l'examen de la demande en nullité du contrat principal fondée sur le dol.
La confirmation du prononcé de la nullité du contrat principal entraîne la confirmation du prononcé de la nullité du contrat accessoire de crédit souscrit par les époux [L] [R] auprès de la société Franfinance.
2- Sur les effets de la nullité du contrat principal :
L'annulation du contrat entraîne la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement
à sa conclusion, et ainsi les restitutions réciproques.
Dans les rapports entre le vendeur et son cocontractant consommateur, l'annulation de la vente oblige la société Eco Environnement à restituer aux époux [L] [R] le prix de vente ; la cour confirme donc la condamnation prononcée en première instance (avec une erreur sur le nom) de la société Eco Environnement à payer aux époux [L] [R] la somme de 19 000 euros.
L'annulation du contrat conduit également à condamner les époux [L] [R] à restituer à la société Eco Environnement le matériel installé par mise à disposition, étant précisé que le retrait de l'installation et la remise en état des lieux se fera aux frais exclusifs de la société Eco Environnement.
La demande des époux [L] [R] de dire que, passé un certain délai, ils feront leur affaire du matériel laissé par la société Eco Environnement doit être interprétée comme une demande de transfert de propriété en leur faveur ; cette demande, non fondée en droit, doit être rejetée.
3- Sur les effets de la nullité du contrat de crédit :
La nullité du contrat de prêt entraîne la restitution des prestations réciproques ; les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat ; il incombe donc à la banque de restituer aux époux [L] [R] les montants des intérêts et des frais qu'ils lui ont versés et à ces derniers de restituer à la banque le capital emprunté, à moins que la responsabilité de la banque dans la formation ou l'exécution du contrat ne soit engagée, ce qui peut la priver de la restitution, totale ou partielle, de sa créance, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
La société Franfinance oppose aux époux [L] [R] la prescription de cette action en responsabilité dirigée contre elle.
La société Franfinance n'établit pas la date à laquelle les époux [L] [R] auraient eu effectivement connaissance de son manquement à son obligation de les informer, par l'envoi d'une demande de confirmation du contrat, des irrégularités qui l'affectent.
Dès lors, la cour confirme le jugement qui a écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription de cette demande en responsabilité contre la société Franfinance et l'a déclarée .
Sur le fond,
En l'espèce, s'agissant d'une offre de crédit destinée à financer une installation de matériel et pour laquelle la société Franfinance donnait mandat à la société Eco Environnement de faire signer aux époux [L] [R] l'offre préalable de crédit, la société Franfinance, spécialiste de la distribution du crédit affecté dans le cadre de contrats conclus hors établissements, se devait de vérifier notamment la régularité de l'opération financée, et notamment du bon de commande afin d'avertir, en tant que professionnel avisé, les emprunteurs qu'ils s'engageaient dans une relation préjudiciable. Or, une vérification, même sommaire, de ce bon de commande lui aurait permis à tout le moins de relever les irrégularités formelles flagrantes du bon de commande.
La faute de la banque est donc caractérisée.
Il est établi que les époux [L] [R] perçoivent depuis 2016 des revenus tirées de l'installation dont ils n'indiquent nullement qu'elle présenterait des défaillances, hormis leur déception au regard de son rendement qu'ils n'ont pas fait entrer dans le champ contractuel. La société Franfinance a débloqué les fonds à leur demande et les emprunteurs ont même remboursé par anticipation l'intégralité de leur emprunt en mars 2017. De surcroît, le seul fait que des mentions étaient manquantes sur le bon de commande, en l'absence d'éléments versés aux débats par les époux [L] [R] sur la possibilité qu'ils auraient eu de renoncer à ce contrat pour obtenir une prestation analogue à des conditions financières meilleures ou avec un matériel plus durable, ne suffit pas à retenir, comme l'a fait le tribunal, une perte de chance de ne pas contracter.
Dans ces conditions, la cour juge que les époux [L] [R] échouent à établir qu'ils ont subi un préjudice ; et, infirmant le jugement, la cour rejette leur demande fondée sur la responsabilité de la banque, visant à voir cette dernière privée de sa créance de restitution et condamnée à garantir la société Eco Environnement en sa condamnation à rembourser aux époux [L] [R] la somme de 19 000 euros à hauteur de 3 800 euros.
Les époux [L] [R] ont déjà remboursé par anticipation le montant du capital prêté ; la restitution à leur charge n'a plus d'objet ; la société Franfinance doit en revanche être condamnée à reverser aux époux [L] [R] le montant de toutes les sommes qu'ils lui avaient versées en intérêts, assurance et frais (comprenant l'éventuelle indemnité de remboursement anticipée si elle a été versée) au titre du crédit ; la cour constate que le calcul et le justificatif de ce montant n'est pas versé aux débats et que, faute de décompte de créance établi au jour du remboursement anticipé et de production des pièces contractuelles (notamment le tableau d'amortissement), la cour n'est pas en mesure de vérifier le montant de cette somme.
C'est pourquoi, la cour infirme le jugement qui a fixé cette somme à 11 956,40 euros sur la seule déclaration des époux [L] [R] sans justificatif ; elle ne peut que fixer les modalités du calcul de cette restitution.
Enfin, n'étant plus privée de sa créance de restitution par l'infirmation partielle du jugement, la demande de la banque d'être remboursée ou garantie par la société Eco Environnement de la somme de 19 000 euros est devenue sans objet.
4- Sur les demandes de dommages et intérêts :
La société Eco Environnement qui succombe sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, le présent arrêt comme le jugement ayant retenu la nullité du contrat principal en raison d'une irrégularité qui lui est directement imputable.
Pas plus qu'en première instance, les époux [L] [R] ne démontrent en quoi l'irrégularité du bon de commande qui a conduit à l'annulation des deux contrats litigieux a engendré chez eux un préjudice moral qu'il ne suffit pas d'alléguer.
La cour confirme donc le rejet de ces demandes de dommages et intérêts
5- Sur la demande des époux [L] [R] de déchéance du droit aux intérêts de la société Franfinance :
En raison de la nullité du contrat de prêt qui a conduit à remettre les parties en l'état dans lequel elles se trouvaient avant la souscription de ce contrat, la convention d'intérêts du crédit n'existe plus et les intérêts payés doivent être simplement restitués aux époux [L] [R] ; la demande de déchéance du droit aux intérêts est donc devenue sans objet.
DISPOSITIF DE LA DÉCISION : PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique :
Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 23 février 2024 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montbéliard sauf en ce qu'il a :
- privé partiellement la SA Franfinance de sa créance de restitution,
- condamné la société Franfinance à garantir à hauteur de 3 800 euros la SASU Eco Environnement (avec erreur sur le nom) de sa condamnation à restituer à M. [N] [L] [R] et Mme [D] [F] la somme de 19 000 euros,
- fixé le montant de la créance de frais et intérêts que la SA Franfinance doit restituer à M. [N] [L] [R] et Mme [D] [F] à la somme de 11 956 euros ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant :
Déboute M. [N] [L] [R] et Mme [D] [F] de leur demande de voir la SA Franfinance privée de sa créance de restitution du capital prêté ;
Déboute M. [N] [L] [R] et Mme [D] [F] et la SASU Eco Environnement de leur demande visant à voir la SA Franfinance garantir la SASU Eco Environnement de sa condamnation à leur restituer la somme de 19 000 euros ;
Déboute M. [N] [L] [R] et Mme [D] [F] de leur demande de dire que, passé un certain délai, ils feront leur affaire du matériel laissé par la SASU Eco Environnement qu'ils ont été condamnés à restituer ;
Condamne la SA Franfinance à rembourser à M. [N] [L] [R] et Mme [D] [F] le montant de toutes les sommes qu'ils lui avaient versées en intérêts, assurance et frais (comprenant l'éventuelle indemnité de remboursement anticipée si elle a été versée) au titre du crédit annulé ;
Condamne in solidum la SA Franfinance et la SASU Eco Environnement aux dépens de première instance et d'appel et fixe à la moitié chacune leur contribution aux dépens ;
Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la SA Franfinance et la SASU Eco Environnement de leurs demandes et les condamne in solidum à payer à M. [N] [L] [R] et Mme [D] [F], ensemble, la somme de 2 000 euros ; fixe à la moitié chacune leur contribution à cette condamnation.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.