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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 5 août 2025, n° 24/00862

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Solfinea (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

M. Maurel, M. Saunier

Avocats :

Me Alves, Me Boulaire, Me Giacomoni, Me Goncalves

JCP [Localité 5], du 7 sept. 2023, n° 11…

7 septembre 2023

Faits, procédure et prétentions des parties

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [V] [O] a conclu le 23 août 2012 un contrat de vente et installation de panneaux photovoltaïques et ballon thermodynamique pour un prix de 18 500 euros avec la SARL Bourgogne Energie Solaire (BES), objet depuis d'une procédure de liquidation judiciaire ordonnée selon jugement rendu le 22 janvier 2013 par le tribunal de commerce de Dijon.

Cette vente a été intégralement financée par la conclusion le même jour d'un contrat de crédit affecté avec la SA Solfinea, venant aux droits de la société Solfea, par l'intermédiaire de la société BES, remboursable en cent-quarante-quatre mensualités de 212,35 euros au taux d'intérêt débiteur fixe de 6,08 %.

Selon attestation de fin de travaux établie le 09 octobre 2012, l'équipement a été livré et installé par la société BES.

Le 19 janvier 2015, M. [O] a soldé par anticipation son contrat de crédit.

Par actes signifiés les 02 et 06 décembre 2022, M. [O] a fait assigner la société BES prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me [K] [Y], ainsi que la société Solfinea, devant le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Dole aux fins d'obtenir la nullité des contrats de vente et de crédit accessoire, ainsi que la condamnation de la société Solfinea, au motif de son comportement fautif lors du déblocage des fonds, à lui restituer toutes sommes déjà versées, celle de 18 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente, celle de 10 949,69 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés et celle de 5 000 euros au titre du préjudice moral, outre frais irrépétibles et dépens.

La société Solfinea a soulevé en première instance l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre en raison de l'ouverture de la procédure collective de la venderesse et de la prescription, en concluant subsidiairement à leur rejet, à la fixation de différentes sommes à la procédure de liquidation judiciaire de la société BES et à la condamnation indemnitaire de M. [O].

La société BES n'était pas représentée.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 07 septembre 2023, le juge des contentieux et de la protection :

- a déclaré prescrite l'action en annulation du contrat principal pour vice de forme et en annulation consécutive du contrat de crédit ;

- a débouté M. [O] de sa demande tendant à voir annuler le contrat principal pour dol ainsi que le contrat de crédit affecté conclu le même jour ;

- l'a condamné à verser à la société Solfinea la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a rejeté la demande de M. [O] formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- a rejeté tous les autres chefs de demandes ;

- a condamné M. [O] aux dépens ;

- a rappelé l'exécution provisoire de plein droit du jugement.

Pour parvenir à cette décision, le tribunal a notamment considéré :

> sur la recevabilité de la demande au regard de l'ouverture de la procédure collective :

- que l'assignation a été délivrée à la la société BES le 02 décembre 2022, soit postérieurement au jugement d'ouverture de liquidation judiciaire du 02 mai 2013 ;

- que la demande tendant à l'annulation du contrat de vente sur le fondement de la violation du code de la consommation présentée par M. [O] n'a pas pour objet la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, de même que celle tendant à la résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ;

- qu'ainsi, la demande visant à l'annulation du contrat de vente n'est pas soumise à l'arrêt des poursuites prévu par l'article L. 622-21 du code du commerce et à une déclaration de créance préalable ;

- que l'action de M. [O] est donc recevable ;

> sur la prescription :

- que M. [O] produit l'original du bon de commande, qui comporte au verso la reproduction des articles L. 121-23 et L. 121-24 à L. 121-26 du code de la consommation ;

- qu'ainsi, dès la signature du contrat de vente, ce dernier était informé de la législation applicable et connaissait ou aurait dû connaître les causes évidentes de nullité du contrat, qu'il lui était loisible de prendre conseil auprès d'un professionnel pour confirmer que le bon de commande n'est pas conforme aux exigences prévues par les dispositions susvisées de sorte que la nullité était encourue ;

- que le délai de la prescription quinquennale a donc couru à compter du 23 août 2012, de sorte que la prescription de l'action en nullité était acquise à la date de l'assignation en justice ;

- que l'action est donc irrecevable.

- oOo-

Par déclaration du 12 juin 2024, M. [O] a relevé appel de l'entier jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 02 avril 2025, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau et y ajoutant :

- de déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

- de prononcer la nullité du contrat de vente ;

- de mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société BES l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble, et de dire qu'à défaut de reprise dans un délai déterminé celle-ci lui demeurera acquise et qu'il pourra alors en disposer librement ;

- de prononcer la nullité du contrat de prêt affecté ;

- de condamner la banque à lui rembourser l'intégralité des mensualités du prêt versées par lui;

- de déclarer que la société Solfinea a commis une faute dans le déblocage des fonds à son préjudice et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté ;

- de la condamner à lui verser l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :

. 18 500 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;

. 2 033,34 euros correspondant au montant des intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit jusqu'au remboursement anticipé du crédit.

Subsidiairement, il demande à la cour :

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Solfinea;

- de la condamner à lui payer les intérêts qu'il a versés au titre de l'exécution du contrat de prêt en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts prononcée, et de lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés desdits intérêts ;

En tout état de cause, M. [O] demande :

- la condamnation de la banque à lui payer les sommes de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le rejet de l'intégralité des prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires des sociétés Solfinea et BES ;

- de condamner la banque à supporter les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance et d'appel.

- oOo-

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 17 avril 2025, la société Solfinea demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et :

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée :

- de 'dire et juger 'que l'absence de faute de l'établissement de crédit laisse perdurer les obligations de restitutions réciproques ;

- de déclarer acquises les sommes qu'elle a perçues ;

- de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société venderesse la somme de 9 077 euros au titre des intérêts perdus ;

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute de sa part retenue :

- de débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de le condamner au paiement de la somme de 27 577 euros à titre de dommages-intérêts ;

- de fixer au passif de la liquidation de la société venderesse la somme de 27 577 euros au titre du capital et des intérêts perdus ;

En tout état de cause :

- de débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de le condamner 'solidairement à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner 'les mêmes' aux entiers dépens.

- oOo-

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Les conclusions ont été signifiées à la société BES prise en la personne de Me [K] [Y] par actes remis à personne morale les 12 septembre et 09 décembre 2024.

La déclaration d'appel lui a été signifiée le 05 août 2024 par acte remis à personne morale.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 mai 2025.

Elle a été mise en délibéré au 05 août 2025.

En application de l'article 473 du code de procédure civile, le présent arrêt est réputé contradictoire.

Motifs de la décision

- Sur la recevabilité des actions en nullité des contrats de vente et de crédit affecté,

L'appelant, M. [O], soutient que ses demandes ne sont pas prescrites, en précisant que le tribunal n'a pas recherché si les demandes en nullité du contrat de vente pour cause de dol et en responsabilité contre la banque Solfinea étaient recevables et si la fin de non recevoir tirée de la prescription devait être écartée ou au contraire retenue.

S'agissant de la prescription il convient d'observer à quel moment le créancier titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance du préjudice subi ou de son aggravation et du fait générateur de responsabilité.

Selon l'appelant, le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité pour dol court à compter de sa connaissance du dommage, à savoir l'absence d'autofinancement et de rentabilité de l'installation malgré les promesses, laquelle n'est intervenue qu'après plusieurs années de production et après la lecture du rapport d'expertise remis le 16 août 2021. En tout état de cause, il fait valoir qu'il a reçu sa première facture en 2019, de sorte qu'à supposer qu'il ait pu se rendre compte de l'absence de rentabilité dès cette facture, moins de cinq ans se sont écoulés.

Concernant la prescription de l'action en nullité relative au formalisme du bon de commande,M. [O] indique que la banque aurait dû vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds en vertu de la jurisprudence européenne protectrice des consommateurs.

Il fait valoir qu'il ignorait légitimement les faits lui permettant d'agir, l'absence d'une mention obligatoire du bon de commande n'étant détectable qu'après une analyse approfondie de celui-ci à la seule portée d'un professionnel conformément à la jurisprudence qui considère que la reproduction des dispositions du code de la consommation, même lisible, ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat. Ainsi, la prescription doit être écartée dans la mesure où il n'aurait pas pu connaître ces irrégularités dès la signature du contrat.

La banque réplique que les contrats de vente ont été signés plus de dix ans avant l'assignation et que M. [O] a soldé l'intégralité de son crédit plus de sept ans avant celle-ci, de sorte que son action est irrecevable pour cause de prescription.

Elle ajoute que l'action de M. [O] est irrecevable en raison de l'absence de sa déclaration de créance à la liquidation judiciaire du vendeur, ce qui l'a privée de toute action possible à l'encontre de ce dernier. Ainsi, en vertu de l'article L. 311-32 du code de la consommation, l'irrecevabilité de la demande à l'encontre du vendeur entraîne l'irrecevabilité de la demande à son encontre concernant le contrat de crédit.

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il en résulte que l'action fondée sur la nullité d'un contrat conclu hors établissement au motif de la violation des dispositions du code de la consommation se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle le consommateur a eu connaissance des irrégularités viciant ledit contrat, tandis que le point de départ du délai de prescription de l'action fondée sur le vice du consentement doit être fixé au jour de la découverte du vice.

La reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions.

En l'espèce, aucune pièce ne démontre que M. [O] ait pu avoir conscience des irrégularités affectant le bon de commande au moment de sa souscription ou de son exécution.

Dès lors et contrairement aux motifs retenus par le juge de première instance, la connaissance, par M. [O] des mentions contractuelles exigées à peine de nullité du contrat permettant de faire courir le délai de prescription n'est pas établie.

Il en est de même concernant le point de départ du délai de prescription de l'action fondée sur le dol, lequel ne peut être fixé qu'au jour où M. [O] a été en mesure de comparer le rendement économique effectif au rendement lui ayant été annoncé, la banque, qui supporte la charge de la preuve de la fin de non-recevoir qu'elle invoque, ne produisant aucun élément de nature à déterminer cette date.

La fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité fondée sur les dispositions du code de la consommation doit donc être écartée et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Par ailleurs, le juge de première instance a, par d'exacts motifs tirés de l'application de l'article L. 622-21 du code du commerce, écarté la fin de non-recevoir fondée sur l'ouverture de la procédure collective de la venderesse, de sorte que le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.

L'action tendant à la nullité des contrats introduite par M. [O] sera donc déclarée recevable.

- Sur la nullité du contrat de vente fondée sur le dol,

L'appelant affirme que le contrat de vente conclu avec la société BES devait permettre, selon cette dernière, de réaliser des économies d'énergie de sorte que l'installation devait s'autofinancer. La promesse de rentabilité résulte selon lui des documents contractuels puisque le vendeur a remis à son client une simulation de projet, de la documentation commerciale et des projections écrites ou orales comprenant des éléments relatifs à la production et aux gains pouvant être espérés. La rentabilité procède de la nature même du contrat, et la cour de cassation a d'ailleurs jugé que les données de la productivité effective d'une installation de ce type relèvent des caractéristiques essentielles de la chose vendue.

Or, M. [O] fait valoir que les promesses de rentabilité sont mensongères dans la mesure où l'installation des panneaux génère en théorie des gains pouvant aller jusqu'à 1 406,98 euros par an, alors qu'il doit rembourser, pour son prêt, la somme annuelle totale de 2 548,20 euros de sorte que la totalité de son crédit représente plus de vingt-deux ans de production.

Il estime donc avoir été trompé par la société BES sur la rentabilité de son achat, élément essentiel du contrat déterminant son consentement, le vendeur ne pouvant ignorer que l'installation litigieuse ne produirait jamais les valeurs annoncées eu égard à une étude officielle sur l'ensoleillement en France et la production photovoltaique moyenne par région, de sorte que le contrat doit être annulé pour dol.

La banque prétend quant à elle que le consentement de M. [O] n'a pas été vicié puisqu'aucune man'uvre dolosive n'est établie et que l'erreur sur la rentabilité n'est pas constitutive d'une erreur sur la substance de nature à vicier le consentement selon la Cour de cassation. En effet, aucune man'uvre dolosive n'est établie puisqu'aucun document contractuel ne fait état d'une rentabilité, de sorte que l'intention de tromper n'est pas démontrée.

En application de l'article 1109 du code civil en vigueur au moment de la conclusion du contrat, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

L'article 1137 du même code définit le dol comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges, ou la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

A défaut de production de tout élément de nature à établir l'intégration dans le champ contractuel de la composante de rentabilité de l'installation, M. [O] n'établit aucune réticence dolosive imputable à la société BES, ni aucun dol ayant procédé d'une présentation mensongère de la rentabilité de l'opération.

Aucun vice du consentement n'est donc caractérisé.

- Sur la nullité des contrats de vente et de crédit affecté fondée sur la violation des dispositions impératives du code de la consommation,

L'appelant, en qualité de consommateur, soutient que le bon de commande qu'il a signé ne respecte par l'article L. 121-23 du code la consommation dans la mesure où il omet de mentionner la désignation précise des caractéristiques des biens ou services, le délai et les modalités de livraison des biens et des prestations de services et les modalités de financement.

L'exécution de bonne foi du bon de commande par l'acquéreur ne peut selon lui être interprétée comme la connaissance des irrégularités du contrat ou comme une confirmation tacite des irrégularités. De la même façon, le remboursement intégral du crédit par le consommateur ne saurait être analysé en une volonté de confirmer l'acte nul, M. [O] ne pouvant, en sa qualité de profane, identifier les irrégularités.

Selon ce dernier, ces irrégularités emportent la nullité absolue du contrat de vente et caractérisent la faute commise par la banque dans le déblocage des fonds sans s'assurer de la régularité du bon de commande.

Enfin, selon M. [O], le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé puisque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé, en raison de l'interdépendance entre ceux-ci.

La banque soutient quant à elle que le bon de commande contient toutes les caractéristiques essentielles des panneaux photovoltaïques, lesquelles ne sont définies par aucun texte tandis que l'interprétation extensive de ces caractéristiques par M. [O] heurte le principe de sécurité juridique.

De plus, l'intimée affirme que l'information sur les modalités d'exécution de la prestation de service telles que l'inclinaison des panneaux et leur impact visuel n'est pas exigée et que certaines n'ont aucun rapport avec l'exécution de la prestation.

Elle précise que l'article L. 121-23 du code de la consommation impose la mention sur le bon de commande du prix global à payer et non celle du prix unitaire, alors que M. [O] était parfaitement informé des modalités de financement de l'opération lorsqu'il a signé le bon de commande.

Selon l'intimée, M. [O], en signant le bon de commande, a pris connaissance des conditions générales de vente reproduisant les dispositions du code de la consommation rappelant les mentions obligatoires devant figurer sur le bon de commande à peine de nullité. Or, l'appelant n'a pas fait usage de son droit de rétractation et a au contraire signé une attestation de fin de travaux sans formuler de réserves, puis a ordonné à la banque de débloquer les fonds et a remboursé le crédit par anticipation, de sorte qu'il a exécuté volontairement les contrats.

En application de l'article L. 121-23 du code de la condammation dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat litigieux, les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article [7] 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

L'article L. 121-24 du code précité dispose que le contrat visé à l'article L. 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25.

Ce contrat ne peut comporter aucune clause attributive de compétence.

Tous les exemplaires du contrat doivent être signés et datés de la main même du client.

En l'espèce, tant la qualité de consommateur de M. [O] que le fait que le contrat a été conclu dans le cadre d'une opération de démarchage ne sont contestés.

Si le bon de commande litigieux mentionne les modalités de financement de l'installation ainsi que le délai de livraison, il ne comporte aucune information concernant le nombre de panneaux photovoltaïques et leur marque.

Il en résulte que les caractéristiques essentielles de ceux-ci ne sont pas précisées, en violation des dispositions suvisées.

Par ailleurs, le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande reproduisent les dispositions des articles L. 121-21 à L. 121-32 du code de la consommation est insuffisant à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon.

Etant observé qu'il ne résulte d'aucun des éléments produits aux débats que M. [O] ait eu conscience desdits vices au moment de la souscription du contrat ou de son exécution, aucune confirmation de l'acte entaché de nullité n'est donc établie.

Après infirmation du jugement dont appel sur ce point, le contrat de vente, de même que le contrat de crédit affecté par voie de conséquence, seront donc annulés.

- Sur la responsabilité de la banque et les restitutions,

L'appelant soutient que la banque, en tant que professionnelle du crédit, est débitrice d'une obligation de résultat concernant la validité de ses contrats de prêt et un devoir d'information, de conseil et d'alerte à l'égard de ses clients emprunteurs quant à la régularité des opérations financées par elle.

Ainsi, la société Solfinea a, selon lui, participé au dol en mettant à disposition des démarcheurs des imprimés types et en reportant les échéances de remboursement du prêt ce qui augmente son coût, entretenant sa croyance légitime dans la rentabilité et l'autofinancement de son installation.

Il fait valoir que la banque a également commis une faute dans le déblocage des fonds puisque la simple lecture du contrat principal aurait dû lui permettre de constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions du code de la consommation, ce qui aurait dû la conduire à ne pas libérer les fonds avant de s'être assurée que son client était parfaitement informé de l'absence de validité du contrat principal, dans la mesure où elle est tenue par une obligation de contrôle de la régularité du bon de commande.

M. [O] indique que la banque ne peut se prévaloir de l'attestation de fin de travaux qu'à la condition qu'elle soit complète, précise et ne présente aucune anomalie, tandis que ce n'est pas le cas dans la mesure où le matériel livré et installé n'est pas mentionné précisément, qu'il est impossible de vérifier correctement la livraison et l'exécution des prestations et que ladite attestation présente des mentions préimprimées et ne comporte aucun encart pour émettre une remarque.

Selon l'appelant, cette faute prive la banque de sa créance de restitution du capital emprunté.

M. [O] fait donc valoir que la somme versée en exécution de la vente, à savoir 18 500 euros correspondant au prix de l'installation, doit lui être restituées, tandis que l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble sont à la charge de la liquidation judiciaire de la société venderesse.

Il soutient également devoir être indemnisé au titre des frais bancaires engagés jusqu'au remboursement anticipé du crédit, soit la somme de 2 033,34 euros.

La société Solfinea réplique qu'un établissement de crédit n'est pas tenu par un devoir de conseil envers son client en vertu du principe de non immixtion et n'a ainsi pas à apprécier l'opportunité de l'opération financée, ni la qualité et l'adaptation aux besoins des produits qu'il finance, ni à contrôler la conformité des livraisons effectuées.

De plus, la banque, tiers au contrat de vente, affirme ne pas avoir participé au dol du vendeur, lequel ne peut émaner que du cocontractant en vertu de l'effet relatif des contrats.

Par ailleurs, la banque prétend n'avoir commis aucune faute dans le déblocage des fonds aux motifs, d'une part, qu'il n'existerait aucune disposition l'obligeant à posséder et à vérifier la conformité du bon de commande et, d'autre part, que M. [O] a signé sans réserve l'attestation de fin de travaux autorisant la banque à verser les fonds à la société BES. Les fautes du vendeur ne peuvent lui être reprochées.

Toutefois, elle précise que si une faute de sa part dans le versement des fonds devait être retenue, il doit être fixé au passif du vendeur la somme de 27 577 euros correspondant au montant des financements.

Concernant le contrat de crédit

La résolution du prêt, rétroactive, entraîne les restitutions des sommes versées réciproquement, permettant ainsi que les parties se retrouvent dans leur situation antérieure.

Il en résulte que M. [O] doit, en principe, rembourser à la société Solfinea le capital qu'elle a versé à la société BES pour son compte et que M. [O] doit lui-même être remboursé par la banque de tous les versements en intérêts, frais et assurance, effectués depuis la souscription du crédit.

Toutefois, le banque perd son droit à restitution si elle a commis une faute en libérant les fonds ayant causé un préjudice. Plus précisément, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l'espèce, s'agissant d'une offre de crédit destinée à financer une installation de matériel et pour laquelle la société Solfinea donnait mandat à la société BES de faire signer à M. [O] l'offre préalable de crédit, la société Solfinea, spécialiste de la distribution du crédit affecté dans le cadre de contrats conclus hors établissements, se devait de vérifier la régularité de l'opération financée par un examen attentif du bon de commande afin d'avertir éventuellement l'emprunteur qu'il s'engageait dans une relation préjudiciable. Or, une vérification, même sommaire, de ce bon de commande lui aurait permis, en tant que professionnel avisé, de relever les irrégularités formelles du bon de commande.

La banque ne saurait valablement invoquer l'attestation de fin de travaux ou la demande de paiement, ne valant pas confirmation de la nullité litigieuse et qui n'était pas de nature à écarter la caractérisation de cette faute alors que la régularité du bon de commande et la bonne exécution des travaux sont indépendants.

La faute de la société Solfinea est donc établie.

Concernant le préjudice, lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est tenu par suite de l'annulation du contrat principal est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé, cette perte étant en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

En l'espèce, la société venderesse, la société BES, a été placée en liquidation judiciaire. Il en résulte l'impossibilité manifeste pour M. [O] de récupérer auprès d'elle le prix de vente de 18 500 euros, ce qui caractérise simultanément un préjudice certain et le lien de causalité de ce dernier avec la faute de la banque, étant rappelé que M. [O] n'est pas censé conserver le matériel acquis au moyen du prêt, dont il n'est plus propriétaire.

La banque sera donc condamnée, au titre de son obligation de restitution et de la réparation du préjudice subi par M. [O], à lui payer une somme correspondant au remboursement de l'intégralité du capital emprunté, soit la somme de 18 500 euros, outre les intérêts contractuels et frais versés, soit la somme de 2 033,34 euros, avec rejet du surplus de ses demandes en paiement.

La société Solfinea sera donc déboutée de sa demande aux fins de lui déclarer acquises les sommes qu'elle a perçues.

Cette dernière sollicite en outre, sans motivation particulière de ce chef, la fixation à la procédure collective du vendeur d'un montant correspondant au capital et aux intérêts du prêt.

Cependant, les sommes que la banque a été condamnée à payer à M. [O] sont la conséquence de sa propre faute, dont rien, en l'absence d'explications plus amples, ne justifie qu'elle soit garantie par le vendeur.

Par ailleurs et en tout état de cause, la société Solfinea ne justifie, ni même ne soutient avoir procédé à une déclaration de créance entre les mains du liquidateur.

Sa demande sera donc rejetée.

Concernant le contrat de vente

Il est constant que la nullité des contrats provoque la restitutions des prestations réciproques.

Dans les rapports entre le vendeur et son cocontractant consommateur, l'annulation de la vente commande au vendeur de restituer le prix de vente et à l'acheteur de restituer le matériel installé.

Il en résulte que l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble de M. [O] doivent être mis à la charge de la procédure de liquidation judiciaire de la société BES.

- Sur les autres demandes indemnitaires,

M. [O] réclame une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi notamment du fait de la prise de conscience d'avoir été trompé par le vendeur et de s'être engagé dans un système qui le contraint sur de nombreuses années, au regard de la non-réalisation des performances et du rendement annoncés.

De plus, il indique subir un préjudice du fait de la violation des dispositions du code de la consommation.

Enfin, il expose subir un préjudice du fait du défaut de rendement des biens installés, alors que du fait de la liquidation judiciaire de la venderesse, il ne pourra jamais bénéficier des garanties contractuelles sur le matériel et recouvrer le prix de vente malgré le jeu des restitutions consécutif aux nullités.

La société Solfinea réplique que l'appelant n'a subi aucun préjudice puisque les biens lui ont été livrés et installés et qu'il conserve une installation en parfait état de fonctionnement. De plus, le préjudice ne saurait être égal au montant du prêt du seul fait de son annulation ou résolution par ricochet, mais résulte tout au plus d'une perte de chance de ne pas contracter, qui ne peut jamais donner lieu à réparation intégrale.

Elle fait valoir que M. [O] a agi de mauvaise foi car il n'aura jamais à restituer le matériel compte tenu de la liquidation judiciaire de la société venderesse, tout en percevant les fruits générés par l'installation, de sorte qu'il convient de réparer le préjudice subi par elle et de le condamner au versement de dommages et intérêts équivalant au montant du capital prêté. '

En application de l'article 1147 du code civil applicable au litige devenu l'article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'absence de caractérisation du préjudice moral dont se prévaut M. [O], sans produire aucun élément sur ce point, sa demande indemnitaire sera rejetée.

De même, aucun préjudice ne résulte, pour la banque, d'un défaut de restitution du matériel vendu à la société BES et d'exploitation de celui-ci par M. [O], de sorte que la demande indemnitaire formée à ce titre par la société Solfinea sera elle aussi rejetée.

Par ces motifs,

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 07 septembre 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Dole ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevable l'action formée par M. [V] [O] ;

Prononce la nullité du contrat de vente et d'installation de panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique conclu le 23 août 2012 entre M. [V] [O] et la SARL Bourgogne Energie Solaire ;

Prononce la nullité du contrat de crédit affecté souscrit le même jour entre M. [V] [O] et la SA Solfinea ;

Condamne la SA Solfinea à payer à M. [V] [O] une somme totale de 20 533,34 euros correspondant au remboursement du capital du crédit remboursé ainsi qu'aux intérêts et frais payés ;

Met à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL Bourgogne Energie Solaire l'enlèvement de l'installation et la remise en état de l'immeuble de M. [V] [O] ;

Déboute M. [V] [O] de ses autres demandes au fond ;

Déboute la SA Solfinea de sa demande aux fins de fixation d'une créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Bourgogne Energie Solaire ;

Déboute la SA Solfinea de ses demandes indemnitaires ;

Condamne la SA Solfinea aux dépens de première instance et d'appel ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la SA Solfinea de sa demande et la condamne à payer à M. [V] [O] la somme de 1 500 euros, avec rejet de la demande pour le surplus.

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