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Décisions

CA Grenoble, ch. soc. - A, 5 août 2025, n° 23/00793

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/00793

5 août 2025

C4

N° RG 23/00793

N° Portalis DBVM-V-B7H-LW2C

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELEURL CABINET CAPORICCIO AVOCAT

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 5 AOÛT 2025

Appel d'une décision (N° RG 21/00058)

rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Gap

en date du 06 février 2023

suivant déclaration d'appel du 21 février 2023

APPELANT :

Monsieur [C] [R]

né le 26 Février 1982 à [Localité 4]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représenté par Me Laure CAPORICCIO de la SELEURL CABINET CAPORICCIO AVOCAT, avocat au barreau de Paris

INTIMEE :

S.A.S.U. SOC ALPINE DE PREFABRICATION BETON (SAPB) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant au barreau de Grenoble

et par Me Marie louise SERRA de la SCP BOUAZIZ SERRA AYALA BONLIEU HAYOUN, avocat plaidant au barreau de Fontainebleau

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente,

Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère,

M. Frédéric BLANC, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 mars 2025,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente en charge du rapport et Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Fanny MICHON, greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées.

L'affaire a été mise en délibéré au 10 juin 2025, puis prorogée au 5 août 2025 en rasion de la surcharge de travail du conseiller rédacteur, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 5 août 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société par actions simplifiée unipersonnelle Soc alpine de préfabrication béton (la société SAPB) a pour activité la fabrication d'éléments en béton.

M. [C] [R], né le 26 février 1982, a été embauché par la société SAPB à partir du 2 mai 2006 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de machiniste de préfabrication, niveau 2, degré 3, selon la classification prévue par la convention collective nationale des carrières et matériaux, employés, techniciens et agents de maîtrise, avec une reprise d'ancienneté à partir du 1er juin 2004.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait les fonctions de chef d'équipe FAB, statut agent de maîtrise niveau 5, échelon 1.

Le 12 juin 2020, le salarié a été victime d'un accident du travail et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 25 janvier 2021.

A la suite d'une visite de reprise le 26 janvier 2021, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste avec la mention suivante : " pourrait occuper un poste limitant le port de charges lourdes avec le bras gauche et sans position du bras au-dessus de l'épaule de manière répétée ".

Par courrier du 8 février 2021, la société SAPB a proposé au salarié un poste de chef d'équipe hall 1.

Par courrier du 17 février 2021, le salarié a refusé la proposition de poste de reclassement.

Par courrier du 16 mars 2021, la société SAPB a proposé à M. [R] une nouvelle offre de reclassement, qui a été refusée par le salarié par courrier du 25 mars 2021.

Par courrier du 29 mars 2021, la société SAPB a convoqué M. [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 avril 2021.

Par courrier du 14 avril 2021, M. [R] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 27 juillet 2021 reçue au greffe le 30 juillet 2021, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Gap aux fins d'obtenir la condamnation de la société SAPB à lui payer des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le solde de l'indemnité spéciale de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 6 février 2023, le conseil de prud'hommes de Gap a :

Dit le licenciement de M. [C] [R] pourvu de cause réelle et sérieuse,

Dit que le refus de reclassement de la part de M. [C] [R] n'est pas abusif,

Dit que la société Alpine de préfabrication béton a exécuté de façon loyale le contrat de travail et a respecté l'obligation de sécurité,

Condamné la société Alpine de préfabrication béton à verser à M. [C] [R] les sommes de :

- Au titre de la demande sur l'indemnité compensatrice de préavis : 4 626,10 euros,

- Au titre de la demande sur le paiement du solde de l'indemnité spéciale de licenciement : 9 959,88 euros brut,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que pour les créances salariales les intérêts légaux courent à compter du 4 août 2021,

Dit que pour les créances indemnités les intérêts légaux courent à compter du prononcé du jugement,

Condamné la société Alpine de préfabrication béton aux entiers dépens de l'instance,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme brute de 2 313,05 euros,

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

M. [R] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 21 février 2023.

Par conclusions transmises par voie électronique le 17 mai 2023, M. [R] demande à la cour d'appel de :

" Réformer le Jugement rendu le 6 février 2023 par le Conseil de Prud'hommes de Gap, en ce qu'il a limité les condamnations prononcées à l'encontre de la Société Alpine de préfabrication béton au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et en ce qu'il a débouté M. [C] [R] des autres demandes dirigées à l'encontre de Société Alpine de préfabrication béton au titre de l'indemnité de licenciement dépourvu de tout motif réel et sérieux et/ou entaché de nullité, au titre des rappels de salaires pour le reçu de solde de tout compte pour la période du 26 février 2021 au 14 avril 2021, ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et à son obligation de sécurité,

Et statuant à nouveau,

Dire et juger que le licenciement de M. [C] [R] pour inaptitude d'origine professionnelle et pour impossibilité de reclassement est entaché de nullité et/ou dépourvu de tout motif réel et sérieux.

Dire et juger que le refus de M. [C] [R] d'accepter la proposition de reclassement effectuée par la Société Alpine de préfabrication béton n'est nullement abusive.

Dire et juger que la Société Alpine de préfabrication béton n'a pas exécuté de façon loyale le contrat de travail et a manqué à son obligation de sécurité ce qui a causé à M. [C] [R] un préjudice moral distinct.

En conséquence,

Condamner la Société Alpine de préfabrication béton à verser à M. [C] [R] les sommes suivantes :

- Indemnité compensatrice de préavis de deux mois : 5.167,70 euros.

- Solde de l'indemnité spéciale de licenciement : 12.547,50 euros.

- Rappel de salaires au titre du reçu pour solde de tout compte pour la période du 26 février 2021 au 14 avril 2021 (1 mois et 14 jours = 45 jours) = 3.875,77 euros

- Indemnité compensatrice de congés payés afférente : 387.57 euros.

- Indemnité pour licenciement entaché de nullité et/ou dépourvu de tout motif réel et sérieux en application des dispositions des Articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du Code du Travail : 34.881,97 euros.

- Dommages et intérêts pour préjudice moral distinct pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et de sécurité : 30.000 euros.

- Indemnité due en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile : 5.000 euros.

Assortir les condamnations prononcées des intérêts légaux à compter du présent licenciement.

Ordonner l'exécution provisoire dudit Jugement en application des dispositions de l'Article 515 du Code de Procédure Civile.

Condamner la Société Alpine de préfabrication béton aux entiers dépens ".

Par conclusions transmises par voie électronique le 11 juillet 2023, la société Soc alpine de préfabrication béton demande à la cour d'appel de :

" A titre principal,

Constater que la déclaration d'appel est dépourvue d'effet dévolutif,

Dire que la Cour d'appel n'est pas saisie, faute d'effet dévolutif, et qu'elle ne peut donc ni statuer ni confirmer le Jugement,

Dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence de litige,

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'Hommes de Gap en date du 6 février 2023 en ce qu'il a :

- Condamné la Société Alpine de préfabrication béton à verser à M. [C] [R] les sommes de :

o au titre de la demande sur l'indemnité compensatrice de préavis : 4.626,10 euros ;

o au titre de la demande sur le paiement du solde de l'indemnité spéciale de licenciement : 9.959,88 euros brut ;

o 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Dit que pour les créances salariales les intérêts légaux courent à compter du 4 août 2021 ;

- Dit que pour les créances indemnitaires les intérêts légaux courent à compter du prononcé du Jugement ;

- Condamné la Société Alpine de préfabrication béton aux entiers dépens de l'instance ;

- Débouté M. [C] [R] de toutes autres demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, si la Cour d'appel se considérait valablement saisie malgré les termes de la déclaration d'appel de M. [C] [R], ne reprenant pas les chefs du jugement critiqués,

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'Hommes de GAP en date du 6 février 2023 en ce qu'il a :

- Dit que le licenciement de M. [C] [R] pourvu de cause réelle et sérieuse

- Dit que la Société Alpine de préfabrication béton a exécuté de façon loyale le contrat de travail et a respecté son obligation de sécurité

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'Hommes de GAP en date du 6 février 2023 en ce qu'il a :

- Condamné la Société Alpine de préfabrication béton à verser à M. [C] [R] les sommes de :

o au titre de la demande sur l'indemnité compensatrice de préavis : 4.626,10 euros ;

o au titre de la demande sur le paiement du solde de l'indemnité spéciale de licenciement : 9.959,88 euros brut ;

o 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Dit que pour les créances salariales les intérêts légaux courent à compter du 4 août 2021 ;

- Dit que pour les créances indemnitaires les intérêts légaux courent à compter du prononcé du jugement ;

- Condamné la Société Alpine de préfabrication béton aux entiers dépens de l'instance ;

Le débouter de toutes demandes de ce chef.

Débouter M. [C] [R] de tout dommage et intérêt pour un prétendu manquement à cette obligation de loyauté.

Débouter M. [C] [R] de sa demande de voir requalifier son licenciement pour inaptitude en un licenciement nul et des indemnités subséquentes.

A titre plus qu'infiniment subsidiaire, et si le licenciement pour inaptitude de M. [C] [R] devait être requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul,

Ramener à de plus justes proportions les indemnités susceptibles d'être allouées à M. [C] [R].

Et dire et condamner en tant que de besoin la Société Alpine préfabrication béton à une indemnité qui ne saurait être supérieure à 3 mois de salaire au regard de l'ancienneté de M. [C] [R], soit la somme de 7 014,27 euros ;

Condamner M. [C] [R] à une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ".

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 mars 2025.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 24 mars 2025, a été mise en délibéré au 10 juin 2025, prorogé au 5 août 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'effet dévolutif de l'appel

Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Et selon l'article 901, 4° du code de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible

Il résulte de ces textes que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

En outre, selon l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès à un tribunal doit être " concret et effectif " et non " théorique et illusoire ". Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CEDH, Zubac c/ Croatie, requête n° 40160/12, 5 avril 2018).

Au cas d'espèce, M. [R] a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Gap le 6 février 2023 par une déclaration du 21 février 2023 ainsi rédigée :

" Objet/Portée de l'appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués

" Vu l'Article 901 du Code de Procédure Civile, l'objet de l'appel est de demander à " la Cour d'Appel de GRENOBLE de réformer le Jugement du Conseil de " Prud'hommes de GAP rendu le 6 février 2023 (n° de RG : F 21/00058) en ce qu'il a " limité les condamnations prononcées à l'encontre de la Société ALPINE DE " PREFABRICATION BETON (SAPB) du fait du refus de la proposition de " reclassement de Monsieur [C] [R] nullement abusive aux sommes suivantes :

- 4.626, 10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 9.959,88 euros au titre de la demande sur le paiement du solde de " l'indemnité spéciale de licenciement ;

En ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur [C] [R] :

Tendant à voir dire et juger que :

- le licenciement de Monsieur [C] [R] pour inaptitude d'origine professionnelle et pour impossibilité de reclassement est entaché de nullité et/ou dépourvu de tout motif réel et sérieux ;

- le refus de Monsieur [C] [R] d'accepter la proposition de " reclassement effectuée par la Société ALPINE DE PREFABRICATION " BETON n'est nullement abusive.

- la Société ALPINE DE PREFABRICATION BETON n'a pas exécuté de façon " loyale le contrat de travail et a manqué à son obligation de sécurité ce qui a causé à Monsieur [C] [R] un préjudice moral distinct ;

Tendant à voir condamner la Société ALPINE DE PREFABRICATION " BETON à verser à Monsieur [C] [R] les sommes suivantes :

- 3.875,77 euros à titre de rappel de salaires au titre du reçu pour " solde de tout compte pour la période du 26 février 2021 au 14 avril 2021

- 387,57 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés " afférente :

- 34.881,97 euros à titre d'indemnité pour licenciement entaché de nullité et/ou dépourvu de tout motif réel et sérieux en application des dispositions des Articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du Code du " Travail ;

- 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct pour manquement de l'employeur à son obligation de " loyauté et de sécurité ;

- 5.000 euros à titre d'indemnité due en application des dispositions " de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Avec intérêts légaux à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

Liste des pièces sur laquelle l'appel est fondé qui pourra être complétée ou modifiée ultérieurement dans les premières conclusions et celles subséquentes : 1. Carte d'identité recto verso de Monsieur [C] [R] 2. Extrait Société.com de la société S.A.S. BATTAIA PREFA 3. Contrat de travail à durée indéterminée à temps complet de Monsieur [C] [R] en date du 2 mai 2006 4. Bulletins de salaire de Monsieur [C] [R] pour les mois de janvier à juin 2020 5. Bulletin de salaire de Monsieur [C] [R] pour le mois de janvier 2021 6. Bulletin de salaire de Monsieur [C] [R] pour le mois de février 2021 7. Bulletin de salaire de Monsieur [C] [R] pour le mois d'avril 2021 (Suite du bordereau de communication de pièces en pièce jointe) ".

D'abord, la cour constate que la déclaration d'appel de M. [R] demande bien la réformation du jugement en indiquant que sa demande de réformation porte sur le quantum des deux chefs du dispositif ayant condamné la société SAPB à lui payer la somme de 4 626,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 9 959,88 euros au titre de la demande sur le paiement du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, ainsi que sur les autres chefs du dispositif du jugement qui l'ont débouté de ses demandes.

Ensuite, si le dispositif du jugement est rédigé avec l'emploi du verbe " dire " pour juger que le licenciement du salarié est pourvu de cause réelle et sérieuse, que le refus de reclassement du salarié est abusif et que l'employeur a exécuté loyalement le contrat de travail et a respecté son obligation de sécurité, les premiers juges ont débouté le salarié de ces demandes, et expressément débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Dès lors, en l'état du dispositif du jugement, la formulation de la déclaration d'appel sollicitant l'infirmation du jugement en en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes devant les premiers juges qui sont toutes énumérées par le salarié dans la déclaration d'appel, critique les chefs du dispositif qui ont débouté le salarié de ces demandes.

En conséquence, la cour retient que la déclaration d'appel a bien opéré un effet dévolutif.

La fin de non-recevoir soulevée par la société SAPB est rejetée.

Sur la demande au titre du rappel de salaire

Premièrement, au visa des dispositions des articles L. 1221-1 du code du travail et 1353 du code civil, la charge de la preuve du paiement des salaires incombe à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation.

Deuxièmement, selon l'article L. 1226-11 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

D'une première part, il ressort des bulletins de paie des mois de février 2021 et avril 2021, produits par le salarié, que l'employeur a bien calculé la part de salaire dû au salarié pour la période du 26 février 2021, soit un mois après l'avis d'inaptitude, au 28 février 2021, et du 1er au 14 avril 2021, date du licenciement du salarié.

Pour autant, l'employeur ne produit aucune pièce comptable démontrant qu'il a bien effectué le virement des sommes mentionnées sur ces bulletins les 7 mars 2021 et 14 avril 2021, comme l'indiquent ces bulletins de salaire.

Et, d'une seconde part, aucun bulletin de salaire n'est versé pour le mois de mars 2021, ni aucune pièce comptable démontrant que le salarié a bien perçu son salaire au titre de ce mois.

En conséquence, l'employeur, sur lequel repose la charge de la preuve du paiement des rémunérations dues, échoue à démontrer qu'il a versé au salarié son salaire sur la période du 26 février 2021 au 14 avril 2021.

Partant, il convient de le condamner à payer à M. [R] la somme de 3 875,77 euros brut à titre de rappel de salaire sur cette période, outre 387,57 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, étant précisé que la société SAPB ne critique pas le montant sollicité par M. [R] à ce titre, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité et au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

Premièrement, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'employeur ne peut s'exonérer de ces obligations s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles précités ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

En cas de litige, il incombe à l'employeur, de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.

Deuxièmement, selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.

La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

Troisièmement, si le conseil de prud'hommes a effectivement compétence pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dès lors qu'il est allégué que celle-ci a été causée par un manquement préalable de l'employeur, il ne lui appartient pas, sous couvert de manquement à l'obligation de sécurité, d'apprécier l'existence d'une éventuelle faute inexcusable de l'employeur à l'origine d'une maladie professionnelle alléguée, de telles prétentions devant être soumises au pôle social dans le cadre d'une procédure spécifique (Soc., 3 mai 2018, nº 17-10.306).

En revanche, indépendamment de la question du licenciement pour inaptitude provoquée par la faute de l'employeur, la juridiction prud'homale peut étudier les moyens relatifs au manquement allégué de l'employeur à son obligation de sécurité et déterminer s'il en est résulté un préjudice moral et le cas échéant, une pénibilité injustifiée dans l'exécution des missions.

En l'espèce, si M. [R] développe des arguments liés à la survenance de l'accident de travail qui ne relèvent pas du pouvoir du juge prud'homal, il sollicite la réparation d'un préjudice moral résultant des manquements de l'employeur à ses obligations de sécurité et de loyauté pendant l'exécution du contrat de travail au regard de l'insécurité à laquelle il a été exposé dans le cadre de ses activités de ferraillage et de coffrage en raison de l'absence de mesures de prévention mises en place par l'employeur.

Il est acquis aux débats que le salarié a été victime d'un accident du travail survenu le 12 juin 2020 dans le hall 2 de l'entreprise dans les circonstances suivantes : le salarié assemblait une cage d'armature dans un moule bi-poutre, dans lequel il était amené à se déplacer, et il s'est entravé le pied dans le câble du poste à souder et a heurté l'une des deux parois verticales du moule.

Il est également acquis aux débats que le salarié était régulièrement amené à effectuer ses fonctions de ferraillage et de coffrage dans le hall 2 directement à l'intérieur de ce moule ou à l'intérieur de moules similaires.

Aussi, le salarié invoque des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité qui se révèlent tout à la fois liés à une pénibilité subie pendant l'exécution du contrat de travail et liés à la survenance de l'accident de travail, que la cour doit distinguer dès lors qu'ils relèvent de l'appréciation d'une éventuelle faute inexcusable de l'employeur.

D'une première part, l'employeur ne produit aucun élément matérialisant l'existence de consignes de travail précises et d'instructions pour l'assemblage des cages d'armature dans les moules présents dans le hall 2, attirant l'attention des salariés sur le risque de chute en raison de la présence du câble du poste à souder dans l'espace étroit dans lequel le salarié est contraint d'évoluer pour effectuer son travail.

D'une deuxième part, la société SAPB ne démontre pas avoir pris des dispositions, compte tenu de l'espace étroit disponible dans les moules tel que le révèlent les photographies versées aux débats, afin de prévenir les risques de chute.

D'une troisième part, elle ne démontre pas non plus avoir pris des mesures visant à prévenir les risques de troubles musculosquelettiques dus à des efforts prolongés et répétitifs, par exemple en équipant les postes de soudage d'un bras de suspension des flexibles, alors que cette mesure est préconisée par un document de l'institut national de recherche et de sécurité sur la fabrication d'armatures pour béton.

D'une quatrième part, l'employeur ne démontre pas que les formations suivies par le salarié portaient sur les risques d'accidents lors de l'assemblage de cage d'armature dans un moule et sur les gestes et techniques à adopter pour réaliser cette tâche en minimisant les risques.

Dès lors, la société SAPB invoque vainement l'expérience du salarié dans ses fonctions et sa parfaite connaissance de son poste de travail.

D'une cinquième part, la cour constate que l'employeur ne répond pas à l'affirmation du salarié selon laquelle l'assemblage de la cage d'armature hors du moule, et son insertion dans le moule une fois celle-ci assemblée, était une mesure de nature à réduire une exposition aux risques.

D'une sixième part, alors que le salarié invoque un manque de place dans le hall 2 lié au caractère défectueux du pont roulant, l'employeur n'apporte aucun élément sur l'état de fonctionnement du pont roulant au regard des normes de sécurité en vigueur.

D'une septième part, le fait que lors de la réunion du 17 juillet 2020 du CHSCT de l'entreprise, au cours de laquelle a été évoqué l'accident du travail de M. [R], le CHSCT ait seulement préconisé en tant que mesure de prévention : " envisager d'insérer un caillebotis en fond de moule " n'implique pas qu'aucune mesure ne pouvait être prise pour prévenir les risques de chute.

D'une huitième part, l'employeur ne démontre pas qu'il a pris les mesures nécessaires afin de prévenir tout risque de chute lors du travail sur les moules, alors que le salarié soutient dans ses conclusions qu'il était régulièrement amené à monter sur les moules, dont certains étaient haut de deux mètres, et que ceux-ci étaient dépourvus de tout garde-corps.

En considération de ces constatations, la cour retient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité à son égard, ce qui caractérise un manquement à l'obligation de loyauté.

M. [R] justifie avoir subi un préjudice moral à raison d'une pénibilité accrue subie pendant l'exécution du contrat de travail, indépendamment de la survenance de l'accident de travail.

En conséquence, sans empiéter sur une indemnisation des dommages liés à l'accident du travail subi par le salarié relevant de la compétence exclusive du juge du pôle social, il convient de condamner la société SAPB à réparer ce préjudice par le versement d'une somme de 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement

Premièrement, si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 3 mai 2018, nº 17-10.306).

Il est jugé qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée (Cass. soc., 3 mai 2018, 17-10.306).

Au cas d'espèce, il est acquis que le salarié, victime d'un accident du travail survenu le 12 juin 2020 dans le hall 2 de l'entreprise ayant entraîné des lésions sur le flanc gauche et la tête, a été placé en arrêt de travail pour accident du travail à compter de cette date et que cet arrêt a été régulièrement renouvelé par la suite sans interruption jusqu'à l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail le 26 janvier 2021, avec les préconisations suivantes : " pourrait occuper un poste limitant le port de charges lourdes avec le bras gauche et sans position du bras au-dessus de l'épaule de manière répétée ".

Le salarié démontre donc suffisamment que l'inaptitude trouve son origine dans l'accident du travail.

Aussi, il est admis que l'accident du travail subi par le salarié résulte d'une chute survenue dans un moule alors qu'il assemblait une cage d'armature, son pied s'étant bloqué dans le câble du poste à souder alors qu'il enjambait l'un des renforts du moule.

Or, la cour a précédemment retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas les mesures nécessaires pour prévenir les risques de chute lors du travail dans les moules, l'organisation du travail contraignant le salarié à assembler les cages d'armature à l'intérieur même des moules et non à l'extérieur de ceux-ci.

Et la société SAPB échoue à établir que l'accident est imputable aux agissements du salarié tel qu'elle le soutient en affirmant que M. [R] a été négligeant.

Dès lors, il convient de retenir que l'accident du travail subi par le salarié trouve son origine, au moins partiellement, dans le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Et la cour constate que le salarié a été placé en arrêt de travail pour accident d'origine professionnelle, renouvelé sans interruption, jusqu'à ce qu'il soit déclaré inapte à son poste de travail.

Dès lors, le salarié démontre suffisamment que l'inaptitude trouve son origine dans l'accident du travail.

Il en résulte que l'inaptitude du salarié est consécutive à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En conséquence, il convient de déclarer le licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement dépourvu de cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement entrepris.

Deuxièmement, selon l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Et selon l'article L. 1226-15 du même code, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14.

D'une première part, il est acquis que l'accident subi par le salarié le 12 juin 2020 est d'origine professionnelle.

D'une seconde part, il a été constaté que l'inaptitude du salarié était consécutive à cet accident du travail.

Dès lors, l'employeur était tenu de faire application des dispositions de l'article L. 1226-10 du contrat de travail, et notamment de recueillir l'avis des délégués du personnel sur la proposition de reclassement avant d'engager la procédure de licenciement.

D'une troisième part, la société SAPB échoue à démontrer qu'elle a transmis toutes les informations nécessaires aux délégués du personnel pour leur permettre de donner un avis en toute connaissance de cause en se limitant à produire le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise du 8 février 2021.

En effet, celui-ci indique sans autre précision que la fiche du poste de reclassement a été présentée aux différents membres du comité social et économique.

Ainsi, il n'est pas démontré que les membres du CSE ont pu prendre connaissance des restrictions posées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude et des caractéristiques précises du poste de reclassement.

Il en résulte que l'employeur ne démontre pas avoir fourni aux membres du CSE toutes les informations nécessaires quant au reclassement du salarié, de sorte que ceux-ci n'ont pas pu rendre un avis en toute connaissance de cause, ce qui emporte méconnaissance par l'employeur des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail.

En conséquence, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour ce motif et M. [R] a dès lors droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1226-15 du code du travail qui renvoie à l'article L. 1235-3-1 du même code.

S'agissant du calcul de cette indemnité, M. [R] revendique un salaire mensuel de 2 583,85 euros brut sans justifier de son calcul alors que l'employeur oppose un montant de 2 338,09 euros brut sans justifier davantage de son calcul.

En l'absence de remise des douze derniers bulletins de salaires précédant le mois au cours duquel a eu lieu l'accident du travail, la cour retient un salaire mensuel moyen brut calculé sur la base des trois derniers mois précédent l'arrêt de travail, en ne tenant pas compte de l'arrêt maladie du 18 au 21 mars 2020, s'élevant à 2 488,09 euros brut.

Au vu de ces éléments, compte tenu de son ancienneté lors de son licenciement (17 ans, étant tenu compte de la durée du préavis), et de son âge (39 ans), il convient de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, la somme de 34 000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Au visa de l'article 12 du code de procédure civile, il convient de dire que les demandes du salarié de lui verser une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis de deux mois et une somme au titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement s'analysent en des demandes fondées sur l'article L. 1226-14 du code du travail.

En effet, le salarié ne sollicite pas d'indemnité compensatrice de congés payés afférents à l'indemnité de préavis, et il ressort de ses conclusions qu'il réclame le doublement de l'indemnité légale de licenciement.

L'inaptitude étant d'origine professionnelle et le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [R] est bien fondé à se voir verser par l'employeur l'indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail et l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du même code, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le point de savoir si son refus du poste de reclassement est ou non abusif.

Selon l'article L. 1226-16 du code du travail, les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.

Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.

Compte tenu du salaire mensuel moyen brut calculé sur les trois derniers mois précédant l'arrêt de travail qui s'élève à 2 488,09 euros brut, il convient d'allouer à M. [R] la somme de 4 976,18 euros brut à titre d'indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié, la société SAPB est également condamnée à lui verser la somme de 11 908,96 euros à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement, déduction faite de l'indemnité de licenciement d'ores et déjà versée pour un montant de 12 142,56 euros.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Au visa de l'article 1231-7 du code civil, dès lors que les sommes indemnitaires allouées en principal sont d'un montant laissé à l'appréciation du juge, les intérêts au taux légal ne courent qu'à compter de la décision qui les prononce.

Il s'ensuit que les condamnations aux sommes indemnitaires portent intérêts au taux légal pour celles fixées par les premiers juges et confirmées par le présent arrêt à compter du jugement entrepris, et que les autres condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

Au cas d'espèce, il y a lieu de dire que les intérêts sur les condamnations aux sommes indemnitaires ont commencé à courir à la date du présent arrêt.

En revanche, les intérêts sur les créances salariales courent à compter de la date de notification de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la date de l'audience à laquelle les conclusions présentant ces demandes ont été visées par le greffe.

Au cas d'espèce, les demandes salariales ayant été formulées dans la requête par laquelle le salarié a saisi la juridiction prud'homale, il y a lieu de dire que les intérêts sur les créances salariales ont commencé à courir à la date de la notification de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 4 août 2021.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris est infirmé sur les dépens. La société SAPB, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté la société SAPB de sa demande au titre des frais irrépétibles.

En appel, la société SAPB est condamnée à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros au titre des frais engagés en première instance et en cause d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette condamnation emportant rejet de sa demande formulée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement dans les limites de l'appel, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT que la déclaration d'appel a opéré effet dévolutif ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Soc alpine de préfabrication béton de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

L'INFIRME pour le surplus dans les limites de l'appel ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la société Soc alpine de préfabrication béton a manqué à son obligation de sécurité ;

DIT que le licenciement notifié à M. [C] [R] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

DIT que licenciement a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues à l'article L. 1226-10 du Code du travail ;

CONDAMNE la société Soc alpine de préfabrication béton à payer à M. [C] [R] les sommes suivantes :

- 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l'obligation de sécurité,

- 3 875,77 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période du 26 février 2021 au 14 avril 2021,

- 387,57 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

- 4 976,18 euros brut à titre d'indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis,

- 11 908,96 euros à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 34 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DIT que les intérêts sur les créances indemnitaires commencent à courir à la date du présent arrêt ;

DIT que les intérêts sur les créances salariales ont commencé à compter du 4 août 2021 ;

DEBOUTE la société Soc alpine de préfabrication béton de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la société Soc alpine de préfabrication béton aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,

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