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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 5 août 2025, n° 22/03081

CAEN

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barthe-Nari

Conseillers :

Mme Delaubier, Mme Gauci Scotte

Avocats :

Me Kozaczyk, Me Verger, Me Lefevre

TJ Alençon, du 10 nov. 2022, n° 22/00099

10 novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte authentique en date du 30 décembre 2020, M. [F] [H] et son épouse, Mme [W] [H] née [D], ont vendu à Mme [J] [P] Veuve [B] un bien immobilier à usage d'habitation situé à [Localité 8] au prix de 117 000 euros.

Se plaignant d'une forte humidité apparue dans la maison, Mme [B], après un constat d'huissier et la consultation d'une société en recherche de l'origine des problèmes d'humidité et de moisissures, a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 20 mai 2021, M. [N] a été désigné comme expert.

Il a déposé son rapport le 25 août 2021 concluant à l'insalubrité de la maison, conséquence notamment de travaux effectués par les précédents propriétaires et d'une situation préexistante d'humidité excessive et de condensation.

Par acte d'huissier en date du 17 décembre 2021, Mme [B] a fait assigner les époux [H] devant le tribunal judiciaire d'Alençon selon la procédure à jour fixe, en résolution de la vente sur le fondement des articles 1112-1 et 1641 et suivants du code civil.

Par acte d'huissier en date du 17 mars 2022, les époux [H] ont assigné, aux fins de garantie, la société Cazin Immobilier.

Jonction des procédures a été ordonnée le 5 avril 2022.

Par jugement en date du 8 novembre 2022, le tribunal a :

- dit que l'exception de procédure soulevée par M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] est irrecevable devant le juge du fond,

- dit que l'action en résolution de la vente de Mme [J] [P] Veuve [B] est recevable,

- prononcé la résolution de la vente passée par acte authentique reçu le 30 décembre 2020 par Maître [M], notaire à [Localité 15], entre M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] d'une part et Mme [J] [P] Veuve [B] d'autre part d'une maison individuelle à usage d'habitation située à [Adresse 9], ledit immeuble cadastré comme suit :

Préfixe

Section



Adresse ou lieudit

contenance

[Cadastre 3]

G

[Cadastre 4]

[Adresse 10]

03 a 40 ca

[Cadastre 3]

G

[Cadastre 1]

[Adresse 12]

01 ha 46 a 30 ca

Contenance totale

01 ha 49 a 70 ca

La vente ayant été publiée au service de la publicité foncière d'[Localité 7] le 7 janvier 2021, volume 2021 P numéro 0059,

- condamné Mme [J] [P] Veuve [B] à restituer M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] l'immeuble situé à [Localité 8] cadastré [Cadastre 3]-G-n°[Cadastre 4] et n°[Cadastre 1] [Adresse 10] et le [Adresse 12] pour une contenance totale de 1 ha 49 a 70 ca,

- condamné M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à restituer à Mme [J] [P] Veuve [B] la somme de 117 000 euros,

- condamné M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [J] [P] Veuve [B] la somme de 11 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- condamné M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [J] [P] Veuve [B] la somme de 15 157,42 euros en réparation des frais exposés,

- débouté M [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] de toutes leurs demandes,

- condamné M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] aux dépens qui inclueront les frais d'expertise judiciaire et les frais d'hypothèque foncière,

- accordé à Maître Didier Lefèvre le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

- condamné M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [J] [P] Veuve [B] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à la société Cazin Immobilier une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 8 décembre 2022, M et Mme [H] ont relevé appel de cette décision en intimant seulement Mme [B] et critiquant le jugement en toutes ses dispositions au fond la concernant.

Par ordonnance de référé en date du 21 février 2023, M et Mme [H] ont été déboutés de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire et condamnés à payer à Mme [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 28 juin 2023, il a été decerné acte à Mme [B] de la communication en cours de délibéré de l'intégralité du procès-verbal d'état des lieux dressé par huissier de justice le 30 décembre 2022 .

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 14 octobre 2024, M et Mme [H] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter Mme [J] [P] Veuve [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [J] [P] Veuve [B] à payer à M [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [J] [P] Veuve [B] à payer à M [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] la somme de 1 245,20 euros en réparation des frais de constat d'huissier, de la note de l'analyse de l'expert M. [Z] et de la taxe foncière de 2024,

- la condamner aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour misson de :

convoquer les parties et :

- constater l'état de l'immeuble,

- décrire avec précision les désordres que présente l'immeuble,

déterminer les causes, l'origine et la date d'apparition des désordres,

donner son avis sur la date présumée d'apparition des premières moisissures dans l'immeuble,

donner un avis sur la rapidité de l'apparition des désordres,

rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,

au besoin se faire assister d'un sapiteur,

A titre infiniment subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions le montant alloué à Mme [J] [P] Veuvre [B] au titre de son préjudice de jouissance,

- débouter Mme [J] [P] Veuve [B] de sa demande de condamnation au titre des travaux suivants : mise en oeuvre de travaux d'isolation thermique par l'extérieur, injection de résine en pied de murs et installation d'une VMC,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le , Mme [B] forme appel incident et demande à la cour de :

au principal,

Vu les articles 1641 et suivants sur code civil,

Vu l'article 1112-1 du code civil,

- débouter M et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire d'Alençon en date du 8 novembre 2022 en ce qu'il a fixé à 11 000 euros le préjudice de jouissance et à 15 157,42 euros la réparation des frais exposés,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Alençon en date du 8 novembre 2022 en ses autres dispositions,

- condamner in solidum M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [J] [B] la somme de 18 022, 75 euros pour les frais exposés :

frais d'agence : 7 000,00 euros

frais d'acte : 6 954,75 euros

électricité : 500,00 euros

déménagement : 2 000,00 euros

frais de cosntat et d'expertise 1 202,00 euros

- condamner in solidum M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] au paiement à Mme [J] [B], au titre de son préjudice de jouissance du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022, de 12 000 euros,

- assortir les condamnations pécunaires d'une astreinte de 100 euros par jour en raison de la résistance des époux [H] à exécuter la décision du tribunal judiciaire d'Alençon,

très subsidiairement, au cas où, par impossible, la cour infirmerait le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente,

Vu les articles 1792 et 1792-1 du code civil,

- condamner in solidum M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [B] la somme de 48 269,12 euros au titre des travaux de réparation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [B] au titre de son préjudice de jouissance :

du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022 la somme de 12 000 euros,

Du 1er janvier 2023 jusqu'à la réalisation effective des travaux : 500 euros par mois,

En tout état de cause

- assortir les condamnations pécuniaires d'une astreinte de 100 euros par jour en raison de la résistance des époux [H] à exécuter la décision du tribunal judiciaire d'Alençon,

- condamner in solidum M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 16 octobre 2024.

EXPOSE DES MOTIFS :

A titre liminaire, il sera rappelé que les dispositions du jugement exemptes de toute critique devant la cour seront nécessairement confirmées.

Sur la garantie des vices cachés :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il n'est pas discuté que les murs de la cuisine, du séjour et des chambres de la maison vendue par les époux [H] à Mme [B] le 30 décembre 2022 ont présenté une humidité importante au point de se couvrir de moisissures par endroit dans les semaines qui ont suivi la vente.

Ainsi, dès le 7 janvier 2021, la société ARF spécialisée dans l'assèchement technique sollicitée par Mme [B], a constaté des ruissellements d'eau le long des murs, une présence importante d'humidité, des ponts thermiques et des remontées capillaires. Un constat d'huissier réalisé le 21 janvier 2021 a mis en évidence la présence de murs trempés, d'auréoles et de moisissures dans les chambres et la cuisine et la présence d'eau au sol de la salle de bains. Enfin, la société Servidiag, intervenue le 9 février 2021 pour déterminer l'origine des problèmes d'humidité et d'état parasitaire, a constaté une humidité structurelle importante à l'intérieur et à l'extérieur de la maison, l'existence de ponts thermiques, une absence totale de renouvellement de l'air et le développement d'un état parasitaire type moisissures/champignons.

Pour établir l'existence de vices cachés antérieurs à la vente, Mme [B] s'appuie sur le rapport de la société Servidiag et sur l'expertise judiciaire ordonnée à sa demande par le juge des référés.

Dans son rapport, l'expert judiciaire a indiqué que les désordres observés sont la conséquence du mode constructif de l'immeuble, à savoir un bâtiment non isolé dont les murs périphériques sont froids en période hivernale de sorte que l'air ambiant à l'intérieur de la maison, chargé en humidité car l'immeuble n'est pas ventilé, vient condenser au contact des murs. Cette condensation induit alors le développement d'organismes parasites sur les murs et l'apparition inévitable de moisissures. M. [N] a donc conclu que le développement d'une humidité très importante dans la maison trouvait son origine dans les remontées capillaires et une condensation sur les parois due à une absence d'isolation et de ventilation du logement. Il a considéré que le phénomène de condensation avait été aggravé par des travaux effectués par M. [H], à savoir la pose en façade du bâtiment d'un enduit non perspirant et la pose de fenêtres en PVC neuves, étanches et sans orifice de ventilation, qui avaient contribué à l'atmosphère hermétique du logement.

L'expert a précisé que ces désordres n'étaient pas décelables lors de la visite préalable de l'immeuble par un profane de la construction car seule une analyse thermique du bien permettait d'en présager le caractère vicié. Il a exclu qu'un défaut d'entretien de la part de Mme [B] ou qu'une potentielle insuffisance de chauffage ou un moyen de chauffage produisant un dégagement de vapeur en soit à l'origine. Il a estimé physiquement impossible que les époux [H] n'aient pas subi les mêmes problèmes durant leur occupation des lieux. Enfin, selon lui, au regard des désordres et de leur ampleur, le logement n'est plus habitable et est rendu impropre à son usage compte tenu de son insalubrité.

Tenant compte de l'ensemble de ces éléments, le tribunal a jugé que les désordres affectant l'immeuble sont antérieurs à la vente et qu'ils étaient connus des époux [H] qui ont occupé l'immeuble de 2016 à 2020 et aggravé le phénomène d'humidité par les travaux qu'ils ont réalisés.

Les époux [H] qui ne contestent pas l'état de la maison et son caractère impropre à sa destination après la vente, contestent au contraire l'existence des moisissures et le caractère inhabitable de la maison au moment de la vente. Ils estiment que l'expert n'a pas pris en compte certains éléments qui ont pu jouer un rôle important dans l'apparition des désordres comme le changement radical des conditions d'utilisation de la construction opérée par Mme [B].

Ils reprochent également à M. [N] de n'avoir pas retenu comme causes des désordres l'obturation du conduit de cheminée par Mme [B] ni l'utilisation d'un poêle à pétrole zibro, produisant beaucoup de vapeur d'eau au motif que lors du diagnostic technique de la société ARF,ce poêle n'était pas dans la pièce alors que celui-ci a pu être retiré le jour du constat comme il avait été déplacé dans la cuisine le jour de la venue de l'huissier le 22 janvier 2021. Se reportant au relevé de consommation électrique communiqué par Mme [B] pour le premier semestre 2012, ils font valoir que l'expert s'est également trompé sur son estimation de la consommation excessive de Mme [B] alors que cette consommation est inférieure à la consommation estimée par le DPE . Ils en concluent que Mme [B] a insuffisamment chauffé la maison et est ainsi à l'origine de la survenance d'humidité et de moisissures.

Ils versent aux débats une note d'analyse technique rédigée par M. [Z], inscrit sur la liste des experts judiciaires, qu'ils ont consulté après le jugement . Celui-ci estime peu probable que des champignons qui se réactivent aussitôt n'aient pas été visibles lors des visites réalisées avant acquisition. Il n'est pas davantage d'accord avec l'analyse de M. [N] pour dire que les moisissures seraient apparues aussi soudainement sans modification radicale des conditions d'occupation de la maison.

M et Mme [H] relèvent enfin que M. [Z] estime de son côté qu'en supprimant l'usage de la cheminée, Mme [B] s'est privée d'un mode de chauffage particulièrement économique et d'un dispositif d'assèchement et de ventilation des lieux et surtout que l'expert judiciaire a sous-estimé la production de vapeur d'eau du poêle à pétrole dans un lieu peu ventilé. Ils soulignent que M. [Z] voit dans le changement radical d'utilisation de la maison, , les causes premières des désordres et estime tout à fait possible que les époux [H] qui faisaient marcher la cheminée n'aient pas eu à subir d'humidité et des moisissures. Ils considèrent donc que l'existence d'un vice caché antérieur à la vente n'est pas établie.

Il sera rappelé cependant qu'il est de principe que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise amiable réalisée à la demande d'une partie sauf à ce qu'elle soit corroborée par d'autres éléments de preuve. Or, les époux [H] ne produisent aucun autre élément de nature à conforter la conclusion de M. [Z] selon laquelle l'origine des désordres proviendrait d'un changement radical d'utilisation de la maison par l'abandon de l'utilisation de la cheminée pour l'usage d'un poêle à pétrole.

L'expert judiciaire a , quant à lui, totalement exclu que l'insuffisance de chauffage ou un moyen de chauffage produisant un dégagement de vapeur puisse être à l'origine des problèmes d'humidité dans la semaine de l'emménagement. Répondant au dire des époux [H] sur ce point, il a souligné d'une part, que le pôele présent dans la cuisine, même s'il dégageait fortement de la vapeur dans la maison , ne peut pas expliquer les désordres dans la cuisine et le salon et d'autre part qu'en aucune manière, un conduit de cheminée n'a pour fonction de pallier l'absence de système de ventilation.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que la structure même de l'immeuble construit au 19ème siècle génère par des remontées capillaires de l'humidité à l'intérieur et à l'extérieur de la maison ainsi qu'une condensation au contact des murs froids et mal isolés. M et Mme [H] qui rappellent qu'il s'agit d'une construction ancienne, ont d'ailleurs, peu de temps après leur acquisition, entrepris de changer les huisseries et de poser un enduit en façade dans un souci d'une meilleure isolation. Toutefois en ne recourant pas à des professionnels pour ces travaux, ils n'ont pas pensé à la nécessité de permettre un renouvellement de l'air dans la maison en posant des ventilations sur les fenêtres à double vitrage et en posant un enduit perspirant . Ils ont de fait aggravé les problèmes d'humidité et de condensation.

La rapidité avec laquelle les moisissures se sont propagées sur les murs après la vente de la maison et l'ampleur de leur propagation interroge. Sur ce point, les explications des époux [H] sont peu convaincantes puisque même à supposer que Mme [B] ait commis une erreur en ne faisant pas fonctionner la cheminée, il est manifeste que la propagation de la moisissure ne peut résulter de la seule inoccupation de la maison pendant plusieurs jours et d'un chauffage insuffisamment puissant et asséchant par la suite. L'hypothèse d'une réactivation d'un champignon déjà présent apparaît la seule hypothèse possible compte tenu du délai très court dans lequel les murs se sont couverts de moisissures .Comme l'a souligné la société Servidiag, les supports avaient déjà nécessairement été impactés par des champignons ou parasites auparavant . Aucun des éléments produits par les époux [H] ne permet de combattre cette thèse ni de donner une explication cohérente à la survenance des moisissures en seulement deux à trois semaines.

Il s'en déduit que la maison achetée par Mme [B] comportait un vice, antérieurement à la vente, présentant un aspect pathologique susceptible d'évolution, qui s'est révélé dans toute son ampleur après son acquisition .

Les vendeurs comme l'acheteuse ou l'agent immobilier s'accordent pour dire qu'aucune moisissure ou ruissellement sur les murs n'était visible lors des visites précédant l'acquisition.

L'expert judiciaire affirme également que le vice n'était pas décelable par un profane de la construction.

Mme [B] était donc dans l'impossibilité, lors des visites des lieux, de se rendre compte de l'humidité excessive et de l'aération insuffisante de la maison et d'anticiper l'apparition de moisissures rendant les lieux insalubres .

Les appelants ne contestent pas l'état d'insalubrité de la maison ni qu'elle soit devenue impropre à sa destination.

En conséquence, il est établi que le bien immobilier acquis par Mme [B] le 30 décembre 2020 était affecté d'un vice caché antérieur à la vente, rendant le bien immobilier impropre à sa destination. Les époux [H] seront donc déboutés de leur demande subsidiaire de contre-expertise.

Sur la connaissance du vice par les époux [H] :

Si la bonne ou mauvaise foi du vendeur importe peu pour la caractérisation du vice, il n'en est pas de même au titre de la mise en oeuvre de la garantie.

En l'espèce, l'acte authentique de vente comporte une clause d'exclusion de garantie des vices cachés affectant le sol, le sous-sol ou les bâtiments qui ne peut toutefois s'appliquer aux défauts de la chose dont le vendeur avait connaissance.

Pour considérer que les vendeurs avaient connaissance du vice et ne pouvaient se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie, le tribunal a relevé qu'ayant vécu durant quatre ans dans un immeuble insuffisamment ventilé qu'ils ont rendu pratiquement étanche du fait de la pose de fenêtres sans ventilation et d'un enduit non respirant, ils avaient nécessairement dû faire face à la présence d'une humidité excessive. Il a écarté les attestations produites par les époux [H], aux termes desquelles ils n'avaient pas connu de tels problèmes , au motif qu'elles n'apportaient pas de contestation technique suffisante pour remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire corroborées par les constats des entreprises intervenues en janvier et févier 2021.

M et Mme [H] font valoir que les premiers juges n'ont pas constaté leur connaissance du vice mais l'ont présumée en partant des conclusions de l'expert. Ils prétendent donc que la preuve de leur connaissance d'un vice rendant l'immeuble impropre à sa destination n'est pas rapportée.

Ils critiquent l'expert pour avoir justifié la préexistence des désordres par la seule affirmation selon laquelle il était physiquement impossible qu'ils n'aient pas subi les mêmes problèmes que Mme [B] lorsqu'ils occupaient la maison . Ils soulignent qe M. [N] a pourtant admis ne pas disposer d'éléments probants permettant d'établir précisément l'état des lieux et les conditions d'occupation du bien avant la cession. Ils font valoir que les nombreuses attestations qu'ils produisent, qu'elles émanent de leurs proches, du maire ou de l'agent immobilier, démontrent qu'il n'a jamais été constaté de problèmes d'humidité ou de moisissures pendant qu'ils habitaient la maison.

Ils contestent, comme le soutient Mme [B], qu'ils se soient efforcés de faire disparaître avant la vente toute trace de moisissure ou d'humidité en lessivant les murs et en les repeignant, soulignant qu'il leur aurait alors fallu se livrer à de telles opérations avant les visites et avant l'état d'état des lieux préalable à la signature de l'acte authentique. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, Mme [B] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, de leur connaissance d'un vice de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination contestant que l'attestation produite devant le tribunal par Mme [B] d'une personne ayant connu la maison du temps de leurs propres vendeurs, puisse démontrer l'état d'humidité puisqu'il y est fait état d'infiltrations, et non de ruissellement d'eau sur les murs, et d'une chaleur excessive dans la maison.

Enfin les appelants soulignent que lors du constat réalisé pour la restitution de la maison le 30 décembre 2022, l'huissier a noté que les murs étaients secs alors que l'expert avait constaté de l'humidité en plein mois de juillet lors des opérations d'expertise. Ils en concluent que la présence d'humidité n'est pas permanente dans la maison et que ce sont les modalités d'occupation de la maison qui créeent les désordres. Ils soutiennent donc qu'en utilisant la cheminée ainsi qu'un récupérateur de chaleur Tifon installé dans le foyer, que Mme [B] a supprimé, ils n'ont pas été confrontés à un phénomène de ruissellement sur les murs et de moisissures et ne pouvaient donc avoir connaissance du vice affectant l'immeuble.

Se prévalant de la jurisprudence selon laquelle le vendeur qui a réalisé lui- même des travaux sans être un professionnel de la construction est présumé avoir connaissance du vice affectant la chose, Mme [B] rappelle de son côté, que les époux [H] ont procédé eux -mêmes à la réalisation de travaux à l'origine de l'aggravation de l'humidité de sorte qu'ils avaient nécessairement connaissance du vice.

Mais la garantie ne peut jouer que pour les défauts cachés des travaux qu'ils ont réalisés. Or, le vice affectant l'immeuble ne trouve pas son origine dans les travaux que les époux [H] ont effectués, ceux-ci n'ayant fait qu'aggraver les conditions de sa survenance.

Toutefois, même à supposer que M et Mme [H] n'aient jamais subi les désordres survenus après la vente de la maison, dans des proportions aussi importantes que Mme [B], comme les attestations qu'ils produisent, semblent en témoigner pour l'année 2020 à tout le moins, il est impossible du fait de l'état structurel de la maison, de l'absence totale d'isolation des murs, des remontées capillaires constatées par les techniciens intervenus, qu'ils n'aient jamais subi durant les quatre années d'occupation, les désagréments de l'humidité excessive y régnant quand bien même celle-ci ne serait pas permanente ni ne présenterait la même intensité tout au long de l'année. Il ne peut davantage en être conclu qu'ils n'avaient pas connaissance des conséquences qu'une telle humidité pouvait avoir dans une maison ancienne qu'ils ont occupée pendant quatre ans.

Il apparaît au contraire qu'en plaçant un récupérateur de chaleur dans la cheminée, en procédant à la pose de fenêtres à double vitrage et d'un enduit de façade, même de manière imparfaite, M et Mme [H] ont eu le souci de chercher à réduire si ce n'est à éliminer, les déperditions de chaleur, conscients de la mauvaise isolation du bien, mais aussi nécessairement à réduire l'excessive humidité en optimisant le fonctionnement de la cheminée dont il revendiquent désormais le caractère asséchant.

Il est pour le moins curieux que les appelants fassent valoir que les désordres trouvent leur seule origine dans un changement radical d'utilisation de la maison laissant ainsi entendre qu'ils savaient la nécessité de faire fonctionner la cheminée pour le confort de la maison mais aussi comme si ce moyen de chauffage était la solution pour juguler toute condensation et toute moisissure résultant d'une humidité importante. Mme [K] qui a connu la maison du temps des propriétaires précédant les époux [H], fait état d'une chaleur excessive dans la maison, établissant ainsi la nécessité de faire fonctionner tous les moyens de chauffage ( cheminée et radiateurs) pour surchauffer la maison à raison de son humidité.

En tout état de cause, il n'est pas normal que les acquéreurs successifs du bien soient dans l'obligation de se conforter aux habitudes de chauffage prises par les époux [H] pour ne pas se trouver envahis par les moisissures et ne puissent y déroger sans se retrouver avec un bien insalubre. En aucun cas, les vendeurs n'apparraissent, en outre, avoir attiré l'attention de Mme [B] sur cette obligation d'utiliser la cheminée. Il ne peut être exclu que ce manque d'information ait été délibéré, alors que la cour constate que les époux [H] ne sont restés que quatre ans dans les lieux de 2016 à 2020, pour procéder à la revente de la maison au double du prix auquel ils l'avaient achetée sans toutefois y avoir fait des travaux d'importance.

Au surplus les attestations produites par les appelants sont trop évasives pour attester que la maison a toujours été exempte de toute moisissure pendant toute la durée d'occupation des époux [H]. Plusieurs de ces attestations concernent la seule année 2020 et ne permettent d'exclure que dans les premières années d'occupation, M et Mme [H] ne se soient pas trouvés confrontés à une humidité excessive entraînant l'apparition de moisissures. L'agent immobilier chargé de la vente fait état dans son attestation du 8 avril 2021, d'un rafraichissement intérieur effectué par les époux [H] démontrant ainsi qu'ils ont procédé à des travaux de peinture.

De surcroît, l'avis formel de la société Servidiag comme de l'expert judiciaire quant à l'impossibilité de la survenance des moisissures dans l'ampleur constatée début 2021 sans que les murs ne soient déjà impactés, de sorte qu'il y a forcément eu un précédent, ne peut être écarté. Aucun des éléments produits par les époux [H] ne vient combattre ce constat technique.

Il s'en déduit que M et Mme [H] n'ont pu, pendant quatre ans, ne pas s'apercevoir de l'humidité excessive présente dans la maison et n'être à aucun moment confrontés au phénomène de moisissures alors qu'ils avaient procédé à des travaux empêchant le renouvellement d'air et aggravant inévitablement la condensation de l'humidité au contact des murs.

C'est donc à juste titre que tirant les conclusions des avis techniques, des conclusions de l'expertise judiciaire, de l'état de la maison début 2021, les premiers juges ont considéré que les vendeurs ne pouvaient qu'avoir connaissance des vices affectant la maison rendant celle-ci insalubre de sorte qu'ils ne pouvaient se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie figurant à l'acte de vente.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente passée par acte authentique reçu le 30 décembre 2020 par Maitre [M] , notaire à [Localité 15], entre M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] d'une part et Mme [J] [P] veuve [B] d'autre part, d'une maison individuelle à usage d'habitation située à [Adresse 9], cadastrée section G n°[Cadastre 4] et n°[Cadastre 1]. Les parties se trouvant remises en l'état antérieur à la vente, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution réciproque de la maison et du prix de vente.

Sur l'indemnisation des préjudices de Mme [B] :

Il sera fait droit à la demande de Mme [B], compte tenu de la date de restitution de la maison au 31 décembre 2022, de fixer l'évaluation de son préjudice de jouissance à la somme de 12 000 euros pour la période s'étendant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022 par voie d'infirmation.

S'agissant des frais exposés à l'occasion de la vente, les premiers juges seront confirmés pour avoir retenu les frais d'agence pour 7 000 euros et les frais d'acte pour 6 954,75 euros ainsi que les frais d'huissier pour 1 200 euros. Mme [B] forme appel incident pour qu'il soit fait droit à ses demandes tendant au remboursement de ses frais de déménagement à hauteur de 2 000 euros, précisant qu'elle y a procédé sans le recours à une société spécialisée et de ses frais d'électricité à hauteur de 500 euros, frais qu'elle aurait exposés en pure perte, compte tenu de l'absence d'isolation du bien.

Mais c'est par des motifs pertinents que la cour approuve, que les premiers juges ont rejeté ces demandes, soulignant l'absence de justificatif des frais de déménagement et le fait que Mme [B] aurait de toute façon exposé des frais d'électricité, relevant en outre qu'elle n'établit pas que le montant de ces frais, pour lesquels elle ne produit aucune facture, soit en lien avec l'humidité excessive et les moisissures.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M et Mme [H] au paiement de la somme de 11 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi par Mme [B]. Ceux-ci seront donc par voie d'infirmation condamnés à payer à ce titre la somme de 12 000 euros.

L'absence de toute exécution des condamnations financières du jugement par les époux [H], alors qu'ils ont été déboutés de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire, conduit la cour à prononcer une astreinte de 50 euros par jour de retard dans le paiement de ces sommes, passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement et pour une durée n'excédant pas six mois.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement étant confirmé dans ses dispositions principales, il en sera de même de la charge des dépens de première instance et des frais irrépétibles.

Succombant en leur appel, M et Mme [H] supporteront la charge des dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [B] l'ensemble des frais qu'elle a dû exposés à l'occasion de l'instance d'appel non compris dans les dépens. Aussi, M et Mme [H] seront solidairement condamnés à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Alençon sauf en ce qu'il a condamné M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [J] [P] Veuve [B] la somme de 11 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne solidairement M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [J] [P] veuve [B] la somme de 12 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,

Dit que les époux [H] seront condamnés à payer les sommes de 12 000 euros au titre du préjudice de jouissance et 15 157,11 euros au titre des frais exposés sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et pour une durée n'excédant pas six mois,

Condamne solidairement M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] à payer à Mme [J] [P] veuve [B] la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. [F] [H] et Mme [W] [D] épouse [H] aux entiers dépens d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire aux présentes dispositions.

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