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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 5 août 2025, n° 22/01211

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 22/01211

5 août 2025

AFFAIRE : N° RG 22/01211 - N° Portalis DBVC-V-B7G-G7OS

ARRÊT N°

ORIGINE : DÉCISION du Juge des contentieux de la protection de [Localité 9] du 25 Mars 2022

RG n° 20/03699

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 AOUT 2025

APPELANTES :

S.A.R.L. [L] & [F]

N° SIRET : 443 048 210

[Adresse 4]

[Localité 6]

MUTUELLE ARCHITECTES FRANCAIS

N° SIRET : 784 647 349

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentées par Me Jean-jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN, assistées de Me Guillaume BARTHELEMY, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉES :

S.A. CDC HABITAT SOCIAL

N° SIRET : 552 046 484

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN

S.A.S. ASTEN

N° SIRET : 542 057 336

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN, assistée de Me Emilie ROUX-COUBARD, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme BARTHE-NARI, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 04 mars 2025

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 05 Août 2025, après prorogations du délibéré des 27 mai 2025, 10 juin 2025 et 1er juillet 2025, et signé par Mme BARTHE-NARI, président, et Mme COLLET, greffier

EXPOSE DU LITIGE :

La société [Adresse 12] a fait construire à [Adresse 10], un immeuble d'habitation à usage locatif . Elle a confié une mission complète de maîtrise d'oeuvre à la société [L] et [F], architectes, par contrat du 7 avril 2005. Les travaux se sont déroulés du 31 janvier 2007 au 25 septembre 2008.

En décembre 2008, Mme [X] [U] a pris possession d'un appartement situé aux 2ème et 3ème étages du bâtiment.

En 2012, elle a déclaré à son bailleur, 'La Plaine Normande', aux droits de laquelle se trouve désormais la société CD Habitat Social, un sinistre consécutif à l'apparition de moisissures et d'odeurs nauséabondes dans l'appartement . Celle-ci a fait diligenter une expertise le 11 octobre 2012 puis une seconde le 4 août 2015. L'expert ayant conclu à un défaut d'entretien, l'assureur DO a exclu sa garantie.

Par ordonnance de référé en date du 28 janvier 2016, la société 'La Plaine Normande' a obtenu la désignation d'un expert judiciaire en la personne de M. [I]. Celui-ci a été remplacé par ordonnance du 5 février 2016 par M. [E].

Les opérations d'expertise ont été étendues aux constructeurs et à leurs assureurs par ordonnances de référé du 28 juillet 2016, du 1er décembre 2016 et du 2 février 2017.

L'expert qui s'est adjoint un sapiteur en la personne de M. [N], a déposé son rapport définitif le 26 mars 2019.

Par acte d'huissier en date du 6 mai 2020, Mme [U] a assigné la société CDC Habitat Social, venant aux droits de la société [Adresse 11], devant le tribunal judiciaire de Caen en réparation de ses préjudices .

Par exploits d'huissier en date des 22 février et 3 mars 2021, la société CDC Habitat Social a fait assigner en intervention forcée la Mutuelle des Architectes Français ( ci-près la MAF) la société Engie Services, la société Sapian et la société [L] et [F] aux fins de garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par acte d'huissier en date du 18 mars 2021, la MAF et la société [L] et [F] ont fait assigner en intervention forcée la société Asten Spapa aux fins de garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

Par ordonnance du 25 mai 2021, les trois procédures ont été jointes et regroupées sous un même numéro de répertoire général.

Par jugement en date du 25 mars 2022, le tribunal a :

- condamné la société CDC Habitat Social, venant aux droits de la société [Adresse 11], à payer à Mme [X] [U] la somme de 13 580 euros au titre de son préjudice de jouissance, sous déduction de la provision de 3 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- dit que la société Engie Energies Services et la société Sapian relèveront et garantiront la société CDC Habitat Social de la condamnation en réparation du préjudice de jouissance lié aux moisissures à hauteur de 5 920 euros concernant la société Engie Energie et Services et à hauteur de 4 960 euros concernant la société Sapian, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- dit que la société [L] et [F] et la Mutuelle des Architectes Français relèveront et garantiront la société CDC Habitat Social de la condamnation en réparation du préjudice de jouissance lié aux odeurs nauséabondes,

- condamné solidairement la société Engie Energies Services et la société Sapian à payer à la société CDC Habitat Social la somme de 3 099, 64 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamné la société CDC Habitat Social à payer à Mme [X] [U] la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi de 1991,

- condamné solidairement la société [L] et [F] et la Mutuelle des Architectes Français à payer à la société Asten Spapa la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes les autres et plus amples demandes des parties,

- condamné la société CDC Habitat social, la société Engie Energies Services , la société Sapian, la société [L] et [F] et la Mutuelle des Architectes de France aux dépens de la procédure,

- rappelé l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration en date du 12 mai 2022, la société [L] et [F] et la MAF ont relevé appel de cette décision en intimant seulement la société CDC Habitat Social et la société Asten Spapa critiquant la condamnation prononcée à leur encontre à relever et garantir la société CDC Habitat Social de la condamnation en réparation du préjudice de jouissance lié aux odeurs nauséabondes et les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 1er août 2022, elles demandent à la cour de:

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu l'article 1240 du même code,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [L] et [F] et son assureur la MAF à garantir CDC Habitat Social au titre des préjudices résultant des mauvaises odeurs et débouter la société CDC Habitat Social de sa demande présentée de ce chef,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [L] et [F] et la MAF de leur demande en garantie formée à l'encontre de la société Asten Spapa et condamner cette dernière à garantir la société [L] et [F] et la MAF de toute condamnation prononcée à leur encontre,

En tout état de cause,

- condamner les sociétés CDC Habitat Social et Asten Spapa aux dépens de première instance et infirmer le jugement de ce chef,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la MAF et la société [L] et [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant à l'égard de CDC Habitat Social que d'Asten Spapa,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner les sociétés CDC Habitat Social et Asten Spapa à garantir la société [L] et [F] et la MAF de toute condamnation en principal, dépens et accessoires,

- condamner les sociétés CDC Habitat Social et Asten Spapa à payer une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 aux appelants, outre les dépens d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 octobre 2022, la société CDC Habitat Social demande à la cour de :

Vu l'article 1792 du code civil,

- confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Caen le 25 mars 2022,

- condamner in solidum la société [L] et [F] et son assureur la MAF à verser à la société CDC Habitat Social une indemnité d'un montant de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions signifiées le 28 septembre 2022, la société Asten Spapa demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Caen en ce qu'il a :

dit que la société [L] et [F] et la Mutuelle des Architectes Français relèveront et garantiront la société CDC Habitat Social de la condamnation en réparation du préjudice de jouissance lié aux odeurs nauséabondes,

débouté la société [L] et [F] et la MAF de leur appel en garantie contre la société Asten,

condamné solidairement la société [L] et [F] et la MAF aux dépens,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société [L] et [F] et la MAF à payer à la société Asten Spapa la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- condamner la société [L] et [F] et la MAF à payer à la société Asten Spapa la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- condamner la société [L] et [F] et la MAF à régler à la société Asten Spapa la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner tout succombant en tous les dépens en accordant à la Selarl Alter & A le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 5 février 2025.

EXPOSE DES MOTIFS :

La société [L] et [F] et son assureur, la MAF, reprochent au premier juge de les avoir condamnées à relever et garantir la société CDC Habitat Social de la condamnation en réparation du préjudice de jouissance lié aux odeurs nauséabondes alors que ce désordre, constaté seulement à deux reprises par l'expert, n'est pas d'ordre décennal et ne peut de toute façon être imputé au maître d'oeuvre. Elles font valoir que le défaut repéré par l'expert qui serait éventuellement en rapport avec le désordre serait un défaut de calfeutrement d'une sortie de canalistation et de ventilation en toiture. Elle considèrent donc, au regard de l'ensemble immobilier, qu'il s'agit d'un problème exceptionnellement ponctuel et totalement indécelable dans la cadre de la mission du maître d'oeuvre.

La société CDC Habitat Social fait valoir de son côté que les odeurs nauséabondes subies par Mme [U] étaient bien réelles et nullement insignifiantes et qu'elles ont été constatées par toutes les parties au cours des opérations d'expertise. Elle rappelle que l'expert a considéré que les odeurs empêchaient la locataire de pouvoir utiliser la chambre n°2 affectée par le désordre, caractérisant ainsi une impropriété à destination.

La société CDC Habitat Social expose ensuite que l'expert a relevé que ces odeurs étaient provoquées par l'air vicié qui, sortant d'une ventilation de chute et s'introduisant entre le fourreau en fonte et la platine en plomb, arrivait dans l'appartement de Mme [V] pour communiquer avec la gaine de l'appartement de Mme [U]. Or, celle-ci n'étant pas étanche à l'air, les odeurs arrivaient dans le placard de la chambre n°2.

La société CDC Habitat Social demande donc la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société [L] et [F] et de la MAF sur le fondement de l'article 1792 du code civil rappelant que celle-ci ne peut s'en exonérer qu'en établissant que le désordre provient d'une cause étrangère. Or, soulignant que le caractère indécelable d'un désordre décennal ne peut être une cause d'exonération pour le maître d'oeuvre, et qu'en outre il n'est pas établi que le défaut d'étanchéité à l'origine des odeurs ne pouvait être décelé par celui-ci, chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, elle conclut que les conditions requises pour invoquer la cause étrangère ne sont pas réunies .

Il résulte des documents produits par la société CDC Habitat Social qu'après avoir signalé l'apparition de moisissures dans son logement en 2009, Mme [U] s'est plainte d'une odeur nauséabonde présente dans la chambre de sa fille, (dite n°2 dans le rapport d'expertise) située à côté de la salle de bains dès le mois d'août 2013. Ce problème a été signalé régulièrement jusqu'en 2015 au bailleur par la locataire ainsi qu'elle en a justifié devant le premier juge. La société CDC Habitat Social a fait procéder à des recherches sur les canalisations pour en identifier l'origine, sans succès.

La mission de l'expert s'est donc portée sur ce désordre, outre celui résultant des moisissures . Or, au cours des opérations d'expertise, les parties ont pu constater par elles-mêmes, à deux reprises, l'existence et la persistance de cette odeur dans la chambre. Ainsi dès la première réunion d'expertise, le 22 mars 2016, l'expert note dans son rapport que l'odeur nauséabonde a été relevée de manière tres importante par tous les participants à la réunion. Au cours de la réunion du 21 mars 2017, Mme [U] a signalé la persistance du phénomène et lors de la réunion d'expertise du 30 janvier 2018, l'ensemble des participants a pu constater également la prégnance de l'odeur nauséabonde dans la pièce.

Si au cours de la réunion du 27 septembre 2018, cette odeur n'était plus perceptible, l'expert judiciaire expliquant, dans son rapport, que Mme [U] avait fait le ménage et avait laissé la porte de la chambre ouverte, c'est toutefois de façon légère et rapide que les appelantes s'appuient sur cette observation de l'expert pour en déduire qu'il s'agirait plus d'un problème d'inconfort que d'impropriété à destination alors qu'il est établi que les odeurs ont persisté pendant des années même si ce n'est pas toujours avec la même intensité.

Par ailleurs, les investigations menées par M. [E] lui ont permis de découvrir que la sortie de ventilation de chute en terrasse était partiellement obturée par un feutre bitumeux et qu'il existait un vide de 10 mm environ entre la paroi extérieure du fourreau traversant le plancher terrasse et la platine plomb de l'étancheur . L'expert a ainsi considéré que l'air vicié sortant de la ventilation avait pu facilement s'infiltrer dans l'espace vide et sortir au niveau du plafond de la gaine technique située dans l'angle de la chambre, le calfeutrement entre le fourreau en fonte et le béton du plancher n'étant pas totalement étanche à l'air suite au retrait du mortier de calfeutrement. Il a alors émis l'hypothèse qu'un phénomène de 'siphonage' soit à l'origine de la nuisance olfactive et proposait plusieurs solutions pour y remédier. Une première intervention consistant à déposer la rehausse pour surélever le fourreau fonte n'a pas fait disparaître le phénomène. C'est une deuxième intervention consistant à réaliser un calfeutrement au mastic entre le fourreau en fonte scellé dans le plancher en béton et la platine plomb scellée dans l'étanchéité qui a permis une nette diminution de la fréquence d'apparition des odeurs dans la chambre puis leur disparition, le conseil de Mme [U] indiquant à l'expert, dans un courrier du 4 février 2019, qu'elle n'avait plus rencontré de nuisance.

L'expertise a donc permis de confirmer la récurrence des odeurs nauséabondes affectant la chambre située à côté de la salle de bains, de trouver l'origine du problème et de le résoudre. La persistance de ce phénomène pendant des années et son ampleur à plusieurs reprises n'ont pas permis à Mme [U] d'utiliser la pièce comme une chambre en y faisant dormir sa fille. Il ne s'agit donc pas d'un simple problème d'inconfort mais d'une impropriété à destination. L'expert a d'ailleurs considéré que la qualification du sinistre de nature décennale pouvait être retenue.

Or, pour discuter la caractérisation d'un désordre décennal, la société [L] et [F] et son assureur la MAF se contentent de procéder par voie d'allégation en tirant d'autres conséquences des constatations de l'expert sans produire un quelconque élément technique de nature à les contredire.

Il sera souligné cependant que M. [E] a considéré que l'origine du sinistre était un problème d'exécution ponctuel qui pouvait être imputé au dernier intervenant sur la terrasse la société Asten, et estimé de ce fait qu'il était difficile de faire participer l'architecte au règlement de ce point du dossier.

Cependant, la société [L] et [F], qui ne le discute pas, avait une mission complète de maîtrise d'oeuvre. Et il est de jurisprudence constante que l'architecte investi d'une mission complète est tenu envers le maître de l'ouvrage d'une présomption de responsabilité pour les désordres de nature décennale en application des articles 1792 et 1792-1 du code civil, dont il ne peut s'exonérer qu'en prouvant une cause étrangère, laquelle ne peut provenir de l'action d'un sous-traitant. La société [L] et [F] et son assureur , la MAF, se contentent de reprendre la conclusion de l'expert sans établir l'existence d'une cause étrangère susceptible d'exonérer le maître d'oeuvre de sa responsabilité.

En conséquence, la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [L] [F] et son assureur à relever et garantir la société CDC Habitat Social de toutes ses condamnations.

Sur la garantie de la société Asten Spapa :

Reprenant les conclusions de l'expert judiciaire selon lequel la société Asten Spapa est la dernière entreprise intervenue sur l'ouvrage et soutenant, contrairement au document technique unifié (DTU), que c'est une partie de la membrane posée par la société Asten Spapa qui recouvrait le fourreau et la canalisation de ventilation litigieuse, la société [L] et [F] et la MAF considèrent donc que la société Asten Spapa était à même d'en assurer le calfeutrement ou, si elle estimait ne pas devoir intervenir, à tout le moins de signaler, le défaut de calfeutrement. Elles sollicitent donc l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Asten Spapa de les garantir des condamnations prononcées à leur encontre.

Le tribunal a écarté la responsabilité de la société Asten Spapa au motif que selon les DTU, 'la fourniture et la mise en oeuvre des canalisations (descentes d'eaux pluviales, tuyaux de ventilation etc) et de leur raccordement au moignon , ainsi que la fourniture et la pose du jointement entre moignon et canalisation, sont généralements réalisés par l'entreprise titulaire du lot plomberie' et qu'ainsi la société Asten Spapa démontrait qu'elle n'était pas chargée de procéder au jointement entre le moignon et la canalisation qui relevait de l'entreprise 10 Activités en charge de la plomberie, outre le fait qu'il n'était pas davantage démontré qu'elle fût la dernière à intervenir ni qu'elle eut été soumise à une obligation d'information concernant l'absence de calfeutrement.

La société Asten Spapa ajoute en appel que selon l'article 8.7.1 du DTU 43.1, 'en principe, le calfeutrement du joint entre la canalisation et le moignon n'est pas réalisé par l'entreprise d'étanchéité mais par l'entreprise titulaire du lot plomberie.' Elle fait valoir également que les 'pièces marchés' du lot dont elle était en charge ne prévoient pas la réalisation du calfeutrement et conteste avoir été la dernière à intervenir sur l'ouvrage, soutenant qu'elle a réalisé les travaux qui lui étaient impartis et a assuré une étanchéité provisoire du conduit dans l'attente de l'intervention du plombier qui devait, selon le DTU 43.1, intervenir a posteriori pour réaliser le calfeutrement.

Il résulte en effet qu'aux termes des DTU, la pose du jointement entre moignon et canalision et le calfeutrement de ce joint ne relèvent pas en principe de l'entreprise en charge du lot étanchéité.

Pour démontrer qu'il a été fait exception à ce principe sur ce chantier et que la société Asten Spapa, chargée du lot étanchéité, devait procéder au jointement et au calfeutrement, la société [L] et [F] et la MAF produisent un extrait du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot plomberie confié à la société 10 Activités, relatif aux gaines, groupes de ventilation qui ne mentionnent effectivement pas le calfeutrement du joint entre le moignon et la canalisation. Mais la consultation du CCTP reltaif au lot n°6 étancheité ne prévoit pas davantage le calfeutrement à la charge de l'entreprise en charge de ce lot, celle-ci devant prévoir un 'moignon tronçonnique pour raccord aux descentes E.P de diamètre approprié en plomb de 25/10 d'épaisseur avec platine soudée et pincée dans l'étanchéité, compris protection intérieure par une EAC' et isoler chaque moignon 'thermiquement par matériaux en matelas souple (laine minérale) et fourreau en bitume 40TV.W soudée sur E.I.F' .

En conséquence, les CCTP des lots ne mettant pas à la charge de la société Asten Spapa le calfeutrement et celui-ci devant être réalisé par l'entreprise plomberie selon le DTU, il appartenait à la société [L] et [F] , chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, de vérifier la coordination entre les entreprises et le respect du DTU.

En tout état de cause, la société [L] et [F] et la MAF ne rapportent pas la preuve d'une faute commise par la société Asten Spapa dans l'exécution de son marché de travaux. C'est donc à bon droit que le premier juge les a déboutées de leur appel en garantie dirigé contre cette société.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement étant confirmé en ses dispositions principales, il en sera de même sur la charge des dépens et le montant des frais irrépétibles alloués aux parties, la somme de 800 euros octroyée en première instance à la société Asten Spapa apparaissant équitable.

La société [L] et [F] et la MAF qui succombent en leurs demandes, supporteront la charge des dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société CDC Habitat Social et de la société Asten Spapa l'ensemble des frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés à l'occasion de l'instance d'appel. Aussi la société [L] et [F] et la MAF seront condamnées in solidum à leur payer à chacune la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats qui en ont fait la demande.

PAR CES MOTIFS, LA COUR ,

Statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Caen,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société [L] et [F] et son assureur la Mutuelle des Architectes Français à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile à:

- la somme de 3 000 euros à la société CDC Habitat Social,

- la somme de 3 000 euros à la société Asten Spapa,

Condamne in solidum la société [L] et [F] et son assureur la Mutuelle des Architectes Français aux entiers dépens d'appel,

Accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET Hélène BARTHE-NARI

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