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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 5 août 2025, n° 17/01057

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 17/01057

5 août 2025

AFFAIRE : N° RG 17/01057 - N° Portalis DBVC-V-B7B-FZQN

ARRÊT N°

ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES du 23 Février 2017

RG n° 13/01440

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 AOUT 2025

APPELANTE :

Madame [Z] [H]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représentée et assistée de Me Sébastien SEROT, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉES :

La SAS CONSTRUCTIONS DU MONT SAINT MICHEL

prise en la personne de ses représentants légaux

N° SIRET : B 378 359 640

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée et assistée de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN

LA SCI CYRYMO

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 504 019 886

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée et assistée de Me Virginie HANTRAIS, avocat au barreau de COUTANCES

La SAS CA NORMANDIE IMMOBILIER enseigne SQUARE HABITAT venant aux droits de l'AGENCE IMMOBILIERE GRANVILLAISE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 494 049 802

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Le syndicat des copropriétaires DE L'ENSEMBLE IMMOBILIER SIS [Adresse 1]

pris en la personne de son représentant légal

agissant poursuites et dilligence de son syndic CA NORMANDIE IMMOBILIER enseigne SQUARE HABITAT

représentées par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN et assistées de Me Thomas CARRERA, avocat au barreau de CAEN,

La SARL MANCEAU FRANCK

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

La compagnie d'assurances SMABTP

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentées par Me Jean TESNIERE, avocat au barreau de CAEN, assistées de Me Etienne HELLOT, avocat au barreau de CAEN,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme BARTHE-NARI, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 11 février 2025

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 05 Août 2025, après prorogations des 13 mai 2025, 10 juin 2025 et 1er juillet 2025, et signé par Mme BARTHE-NARI, président, et Mme COLLET, greffier

EXPOSE DU LITIGE :

Propriétaire de deux appartements situés respectivement au 2ème et 3ème étage (lots 2, 3, 6 et 7) de l'ensemble immobilier du [Adresse 1], Mme [Z] [H] a subi les conséquences de deux sinistres en 2008 qui ont affecté la jouissance des lieux.

Ainsi, elle a été victime, le 16 août 2008, d'un dégât des eaux provenant de l'appartement du 3ème étage donné en location sur l'appartement situé au 2ème étage qu'elle réservait à son usage personnel, qui a mis au jour la présence de mérule dans les parties communes. Le 9 septembre 2008, à la suite de travaux effectués dans les locaux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble, propriété de la SCI Cyrymo, par la société Manceau Franck, sous-traitant de la société Constructions du Mont Saint Michel, consistant en l'ouverture d'un mur porteur, de nombreuses fissures sont apparues dans les deux appartements. L'immeuble a été évacué dans l'urgence et le syndic de copropriété, la société L'Agence Immobilière Granvillaise, aux droits de laquelle se présente désormais la société CA Normandie Immobilier, a mandaté un expert pour procéder à une visite des lieux le 16 septembre 2008.

Des devis pour les travaux de reprise ont été fournis à l'expert mandaté par l'assureur du syndic de copropriété. Les travaux de reprise ont été confiés, par contrat de mission de maîtrise d'oeuvre du 15 avril 2010 au Cabinet [I], architecte. Il a été fait le choix de traiter les travaux consécutifs aux deux sinistres en un même chantier. L'ensemble des travaux liés à la reprise du mur de refend et au traitement de la mérule a été réceptionné le 23 mars 2011 sans réserve.

Soutenant qu'elle avait dû exposer des travaux de reprise dans ses appartements à la suite du sinistre survenu le 9 septembre 2008 qui n'avaient pas été pris en charge et que certains de ses préjudices consécutifs aux deux sinistres n'avaient pas été indemnisés, Mme [H] a saisi, par acte délivré le 9 aout 2013, le tribunal de grande instance de Coutances d'une action tendant à obtenir auprès de la SCI Cyrymo, du syndicat des copropriétaires ainsi que de L'Agence Immobilière Granvillaise, l'indemnisation de ses préjudices, soit le versement sous le bénéfice de l'exécution provisoire d'une somme en principal de

98.664,43 euros.

Par acte en date du 14 janvier 2014, la société civile immobilière Cyrymo a fait assigner la société Constructions du Mont Saint Michel aux fins de la voir condamner à la garantir de toutes condamnations qui interviendraient à son encontre.

Par acte en date du 20 octobre 2014, la société Constructions du Mont Saint Michel a délivré assignation en intervention forcée et garantie à l'encontre de la société Manceau Franck et de son assureur, la SMABTP, aux fins de solliciter leur condamnation solidaire à la garantir en principal, intérêts frais et accessoires de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre.

Ces trois procédures ont été jointes pour une bonne administration de la justice.

Par jugement en date du 23 février 2017, le tribunal a :

- déclaré la société civile immobilière Cyrymo partiellement responsable du sinistre relatif à l'affaissement du mur de refend constaté le 9 septembre 2008,

- dit toutefois Mme [H] infondée en ses demandes, notamment en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SCI Cyrymo,

- débouté Mme [H] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires ,

- mis hors de cause le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], la société L'Agence Immobilière Granvillaise et la société Constructions du Mont Saint Michel ,

- déclaré en conséquence l'ensemble des appels en garantie formés par les défendeurs sans objet,

- condamné Mme [H] aux entiers dépens de la procédure, comprenant les frais d'appel en garantie, et accordé à Maître Sophie Guillot et à Maître Jérôme Vallancon, avocats constitués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné Mme [H] à payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des défendeurs suivants :

la société L'Agence Immobilière Granvillaise,

la SAS Constructions du Mont Saint Michel,

la SCI Cyrymo,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 20 mars 2017, Mme [H] a interjeté appel de cette décision la critiquant en toutes ses dispositions .

Par arrêt en date du 25 février 2020 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la cour a estimé justifié le recours à une expertise judiciaire et, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande d'expertise, a désigné M. [X] [T] pour y procéder.

A la suite de la première réunion d'expertise, à la demande de l'expert, suivant conclusions d'incident déposées électroniquement le 13 mai 2021, la société CA Normandie Immobilier et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à déclarer les opérations d'expertise communes et opposables à M et Mme [I].

A cette fin, le syndicat des copropriétaires et son syndic ont appelé en intervention forcée, par acte d'huissier en date du 11 janvier 2022, M. [K] [I] et Mme [M] [I], architectes en leur qualité de maîtres d'oeuvre des travaux de reprise.

Par ordonnance en date du 19 octobre 2022, le conseiller de la mise en état, constatant que le syndicat des copropriétaires et son syndic avaient fait assigner M et Mme [I] devant le magistrat chargé du suivi de l'expertise et non devant la cour, que ceux-ci au demeurant n'étaient pas parties à l'instance d'appel pas plus qu'ils ne l'étaient en première instance, et relevant qu'il n'appartenait pas au magistrat chargé du suivi de l'expertise d'étendre les opérations d'expertise à des parties à l'égard desquelles, la mesure n'avait pas été ordonnée, demande qui relevait du seul pouvoir de la cour qui avait ordonné l'expertise, a notamment, rejeté la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier des [Adresse 1] et par la société CA Normandie Immobilier.

L'expert a déposé son rapport définitif le 12 janvier 2024. L'affaire revient devant la cour après expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2025, Mme [H] demande à la cour de :

Vu l'article 651 du Code civil,

Vu les articles 14 et 18 de la loi du 10 juillet 1965,

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Coutances le 23 février 2017 sauf en ce qu'il a déclaré la SCI Cyrymo partiellement responsable du sinistre relatif à l'affaissement du mur de refend constaté le 9 septembre 2008,

- débouter la SCI Cyrymo de son appel incident,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés ;

- déclarer la SCI Cyrymo, maître d'ouvrage des travaux litigieux, responsable du sinistre relatif à l'affaissement du mur de refend constaté le 9 septembre 2008 ,

- déclarer la société Constructions du Mont Saint Michel responsable du sinistre relatif à l'affaissement du mur de refend constaté le 9 septembre 2008,

- déclarer le syndicat des copropriétaires responsable du sinistre relatif à l'affaissement du mur de refend constaté le 9 septembre 2008,

- déclarer le syndic de copropriété, la société CA Normandie Immobilier, venant aux droits de la société L'Agence Immobilière Granvillaise, responsable du sinistre relatif à l'affaissement du mur de refend constaté le 9 septembre 2008,

En conséquence,

- condamner in solidum l'ensemble des intimés à régler à Mme [H] les sommes suivantes:

5.805,55 euros TTC au titre des travaux de reprise avancés pour le compte de qui il appartiendra par Mme [H],

7.500 euros TTC représentant le coût des travaux de reprise des appartements de Mme [H] restant à exécuter, avec indexation sur l'indice BT01 à partir de juillet 2023,

39.000,00 euros en réparation du préjudice de jouissance de ses deux appartements entre septembre 2008 et juillet 2011 date de fin des travaux de remise en état ,

10.000,00 euros en réparation du préjudice moral subi,

1.882,51 euros au titre des charges de copropriété indûment exposées de septembre 2008 à juillet 2011, ladite somme étant à parfaire,

- condamner la société CA Normandie Immobilier (AIG) venant aux droits de la société l'Agence Immobilière Granvillaise à faire exécuter les travaux restant à exécuter sur les parties communes de l'immeuble, selon devis de la société LR Guitton du 26 mars 2013, sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision restant à intervenir,

- débouter l'ensemble des intimés de l'intégralité de leurs demandes,

En tout état de cause,

- condamner in solidum l'ensemble des intimés au paiement d'une somme de 10.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions signifiées le 4 février 2025, la SCI Cyrymo forme appel incident et demande à la cour de:

- réformer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré la SCI Cyrymo partiellement responsable du sinistre relatif à l'affaissement du mur de refend constaté le 9 septembre 2008,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Mme [H] de ses demandes, condamné Mme [H] aux entiers dépens comprenant les frais d'appel en garantie et condamné Mme [H] à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y additant,

- condamner Mme [H] à payer à la SCI Cyrymo la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour et les dépens d'appel,

Subsidiairement,

- constater que l'Eurl Alizés Esthétique n'est pas attraite sur la présente instance,

- en conséquence, débouter Mme [H] de ses demande de condamnation à l'encontre de l'Eurl Alizés Esthétique,

- condamner in solidum la société Constructions du Mont Saint Michel, la société Franck Manceau et la SMABTP en sa qualité d'assureur de la société Manceau à garantir la SCI Cyrymo de toute condamnation qui pourrait intervenir à son encontre en principal, indemnités, frais et dépens,

- débouter Mme [H] de ses demandes indemnitaires à défaut de lien de causalité avec le sinistre intervenu le 9 septembre 2008 relatif à l'affaissement du mur,

- condamner in solidum la société Constructions du Mont Saint Michel, la société Manceau et la SMABTP à payer à la SCI Cyrymo la somme de 5000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des honoraires exposés en première instance et devant la cour et les dépens, comprenant les frais d'appel en garantie,

Très subsidiairement,

- réduire dans de fortes proportions les sommes sollicitées par Mme [H],

- allouer à Mme [H] au titre du préjudice de jouissance une somme qui ne saurait aller au-delà de la somme de 3 900 euros.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 février 2025, la société Constructions du Mont Saint Michel demande à la cour de :

- dire et juger que les travaux réalisés par la société Constructions du Mont Saint Michel sont sans lien avec les préjudices allégués par Mme [H] qui ne sont d'ailleurs pas démontrés,

- dire et juger que la société Constructions du Mont Saint Michel n'a strictement aucun lien avec le développement de mérule allégué par Mme [H],

- dire et juger que la preuve du trouble de voisinage prétendument occasionné par la société Constructions du Mont Saint Michel n'est pas rapportée,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Coutances le 23 février 2017 en ce qu'il a rejeté toutes demandes formulées à l'encontre de la société Constructions du Mont Saint Michel et condamné Mme [H] à payer la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à sa charge,

- juger les recours en garantie initiés par la société CA Normandie Immobilier et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1] irrecevables comme nouvellement formulés en appel et en conséquence, les rejeter,

- rejeter toute demande de garantie et plus généralement toute demande formulée à l'encontre de la société Constructions du Mont Saint Michel,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une condamnation quelconque serait mise à la charge de la société Constructions du Mont Saint Michel,

- réduire les demandes de Mme [H], en fonction des observations ci-dessus, des préjudices réellement éprouvés et des éléments justificatifs produits et notamment rejeter toutes les demandes liées au développement de la mérule, sans lien avec l'intervention de la société Constructions du Mont Saint Michel,

- condamner la société Manceau et la SMABTP à garantir la société Constructions du Mont Saint Michel de toute condamnation prononcée à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires,

En toute hypothèse,

- condamner la SCI Cyrymo et subsidiairement Mme [Z] [H] à payer à la société Constructions du Mont Saint Michel la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tous succombants aux entiers dépens de l'instance.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 10 février 2025, la SMABTP et la société Manceau Franck demandent à la cour de :

Vu les articles 1182 et 1147 du code civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté toute demande de Mme [H] en raison de l'absence de preuve d'un lien de causalité entre la situation dénoncée et le sinistre de fissurations et débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- sur le recours, déclarer irrecevable la demande de recours en garantie en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, formulée par le syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1] et par la société CA Normandie Immobilier,

- débouter la SCI Cyrymo de sa demande de recours en garantie sur le fondement des troubles anormaux du voisinage et de tout autre fondement,

- débouter la société Constructions du Mont Saint Michel de son recours en garantie et subsidiairement dire et juger que la société Constructions du Mont Saint Michel portera une part de responsabilité en sa qualité de donneur d'ordre et d'entrepreneur général,

- dire et juger opposable la franchise figurant aux conditions particulières du contrat produit,

- condamner Mme [H] au paiement d'une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Dans leurs conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 17 janvier 2025, la société CA Normandie Immobilier, venant aux droits de l'Agence Immobilière Granvillaise et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 1], demandent à la cour de :

Vu les dispositions de la loi de 1965, les articles 1382, 1384 et 651 du code civil,

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Coutances le 23 février 2017,

- débouter Mme [Z] [H] de ses demandes dirigées à l'encontre du syndic CA Normandie Immobilier venant aux droits de l'Agence Immobilière Granvillaise, et du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier représenté par son syndic,

- déclarer irrecevable et mal fondée l'appelante dans toutes ses prétentions, fins et conclusions,

- condamner Mme [Z] [H] à payer au syndic une somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Z] [H] à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [H] aux entiers dépens et accorder à l'avocat soussigné constitué le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- si par impossible la cour estime le recours de Mme [H] fondé, dire et juger que la SCI Cyrymo sera tenue de réparer les préjudices sous la garantie des intervenants à l'acte de construire, la société Constructions du Mont Saint Michel et la société Manceau, et garantie par la SMABTP,

- en conséquence, condamner in solidum la SCI Cyrymo, la société Contructions du Mont Saint Michel, la société Manceau, la SMABTP à garantir les concluantes de toutes les condamnations prononcées à leur encontre,

- condamner tous succombants, le cas échéant, in solidum, à payer au Syndic une

une somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tous succombants , le cas échéant, in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tous succombants , le cas échéant in solidum, aux entiers dépens et accorder à l'avocat soussigné constitué le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- rejeter toutes les demandes dirigées contre les concluants.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 11 février 2025, à l'audience avant les débats.

EXPOSE DES MOTIFS :

A titre liminaire, il sera rappelé que M et Mme [I], architectes, intervenus en qualité de maîtres d'oeuvre pour les travaux de reprise, qui n'ont jamais été assignés devant le tribunal ni valablement devant la cour, ne sont pas parties à l'instance d'appel. L'assignation en intervention forcée, qui a été délivrée à leur encontre le 11 janvier 2022, ne concernait que la demande incidente formée par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier des [Adresse 1] et la société CA Normandie Immobilier. Par conséquent, le magistrat chargé de la mise en état a statué sur les demandes qu'ils ont formées, dans le cadre de l'incident de procédure, par leurs conclusions signifiées le 25 mars 2022, en rejetant la demande du syndicat des copropriétaires et de son syndic et leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les intéressés n'ont pas déposé de conclusions postérieurement à l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état.

Par ailleurs, la société Alizés Esthétique, visée au nombre des parties intimées, dans les dernières conclusions de Mme [H], notifiées le 20 janvier 2025, n'a jamais été assignée par quiconque tant devant le tribunal que devant la cour. Elle n'est donc pas davantage partie à l'instance d'appel . Aucune des demandes indemnitaires formées par Mme [H] à l'encontre de l'ensemble des intimés ne peut donc aboutir à son égard, comme le souligne, à juste titre, la SCI Cyrymo.

Les conclusions de l'expertise judiciaire :

Il convient de rappeler que la présente instance a été intentée par Mme [H] aux fins de se voir indemnisée:

- de travaux qu'elle a dû effectués dans ses appartements à la suite de l'affaissement des planchers qui n'avaient pas été pris en charge au titre des travaux de reprise,

- des dégâts consécutifs aux travaux entrepris par la société Alizés Esthétique apparus après la réception du 23 févier 2011,

- des préjudices de jouissance et moral subis entre 2008 et 2011,

- du remboursement des charges de copropriétés et taxes foncières exposés pendant les travaux.

Il n'est pas discuté que Mme [H] a subi deux sinistres en 2008 qui ont affecté les appartements dont elle est propriétaire au 2 et 3ème étage de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1].

Le premier est un dégât des eaux survenu le 16 août 2008 qui a mis en évidence la présence de la mérule dans les ossatures du bâtiment et le second est consécutif aux travaux d'ouverture d'un mur porteur commandés par la société Alizés Esthétique, locataire commerciale de la SCI Cyrymo, à la société Constructions du Mont Saint Michel.

Il est constant que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier des [Adresse 1] et son syndic de l'époque, la société L'Agence Immobilière Granvillaise, ont confié au Cabinet d'architectes [I], la maîtrise d'oeuvre des travaux de remise en état de l'immeuble à la suite des deux sinistres, considérés comme un seul chantier. Il résulte des comptes rendus de chantier produits aux débats que les travaux ont débuté le 27 septembre 2010 et des procès-verbaux de réception qu'ils ont été réceptionnés le 23 mai 2011 sans réserve.

Par arrêt en date du 25 février 2020, la présente cour a relevé que Mme [H] se prévalait exclusivement de dommages liés à l'affaissement du mur porteur, à l'exclusion de ceux résultant de la mérule et qu'elle sollicitait le remboursement de factures dont elle s'était acquittée en suite de ce sinistre, le paiement de travaux restant à exécuter dans les parties privatives, l'indemnisation de son préjudice de jouissance et d'un préjudice moral, le remboursement de charges de copropriété qu'elle estimait indûment exposées et la reprise de travaux restant à exécuter dans les parties communes. Constatant également que l'appelante alléguait l'existence de nouveaux désordres que la cour a estimés établis par les documents produits, elle a ordonné une expertise judiciaire pour rechercher l'origine de ces dommages et déterminer si ces derniers constituaient une aggravation des désordres initiaux liés à l'affaissement du mur de refend. Elle a considéré que la mesure d'instruction était également nécessaire pour statuer sur les demandes indemnitaires et autres revendications présentées par Mme [H].

L'expert, M. [T], a conclu, aux termes de ses opérations d'expertise que les désordres apparus postérieurement à la réalisation des travaux engagés dans les deux appartements de Mme [H] et réceptionnés le 23 mai 2011, relevaient, à son sens, du sinistre occasionné le 9 septembre 2008. Il a considéré que ces désordres désormais stabilisés, sans constituer une aggravation des désordres initiaux, étaient la conséquence d'un tassement mal maîtrisé et évolutif de l'immeuble concerné, 'provoqué lors de la réalisation par la société Manceau d'une ouverture au rez-de-chaussée de la construction , dans le cadre de l'aménagement du magasin 'Beauty success' confiée par la SCI Cyrymo à la société Constructions du Mont Saint-Michel'.

Aux termes de son rapport, l'expert a considéré que les désordres extérieurs à savoir une fissure extérieure sur la façade cour de propriété au 2ème niveau de l'immeuble, à la jonction des bâtiments A et B, inactive, une fissure extérieure au rez-de-chaussée de l'immeuble en linteau d'une vitrine du magasin et une fissure sur emmarchement extérieur au rez-de-chaussée, ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne remettaient pas en cause l'utilisation des locaux concernés en l'absence de toute infiltration connue et constatée à l'intérieur des logements au cours des années écoulées depuis les travaux.

S'agissant des désordres intérieurs, M. [T] a relevé que l'escalier de la partie commune avait manifestement subi également les conséquences du tassement différentiel de l'immeuble survenu le 9 septembre 2008, lors du percement du mur porteur, au regard des singularités d'ajustement d'éléments entre eux qui n'étaient pas, selon lui, présentes à la date de la réception des travaux, compte tenu du défaut d'indications particulières sur les procès-verbaux. L'expert a constaté dans les appartements appartenant à Mme [H], les principales fissures et défauts d'ajustement figurant sur les constats d'huissier établis le 21 mars 2013 et le 17 octobre 2017 et considéré, en l'absence de réserve sur les procès-verbaux que ces désordres étaient survenus après les travaux de réparation opérés dans les appartements de Mme [H] . Il a cependant estimé que certains défauts relevaient, non du sinistre de septembre 2008, mais de l'ancienneté de la construction mais que quelques défauts, situés aux environs du mur, objet de la création d'une ouverture, étaient consécutifs à l'évolution résiduelle et locale de reprise d'assise de l'immeuble.

Soulignant que les désordres allégués par Mme [H] n'avaient pas évolué depuis sa mise en demeure le 23mai 2013, l'expert a considéré que le coût des travaux de reprise de ces nouveaux désordres correspondaient aux devis présentés en 2013, pour un montant total de

6 010,37 euros TTC, qu'il a actualisé sur la base de l'indice BT 01 du bâtiment à 7 410,29 euros TTC et arrondi à la somme de 7 500 euros TTC.

Sur les responsabilités de la SCI Cyrymo, la société Constructions du Mont Saint Michel, la société Manceau Franck et son assureur la SMABTP :

Mme [H] considère que la responsabilité de la SCI Cyrymo, de la société Constructions du Mont Saint Michel et de la société Manceau Franck est engagée sur le fondement de l'article 651 du code civil.

S'agissant de la SCI Cyrymo, les premiers juges ont jugé que sa responsabilité en qualité de propriétaire du rez-de-chaussée et du premier étage de l'ensemble immobilier concerné, était engagée sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage dans la mesure où les désordres affectant les appartements de Mme [H] avaient pour origine la réalisation du percement du mur porteur du rez-de-chaussée réalisée à l'initiative de la SCI Cyrymo.

En appel, la SCI Cyrymo conclut à la réformation du jugement sur ce point, faisant valoir d'une part, qu'elle n'est pas le maître de l'ouvrage et qu'elle n'est pas responsable de la faute commise par l'entreprise mandatée par la société Constructions du Mont Saint Michel, la société Manceau et d'autre part, que sa seule qualité de propriétaire ne peut suffire à engager sa responsabilité, soulignant qu'elle n'avait pas la jouissance des lieux et que seule la société Alizés Esthétique avait la qualité de maître de l'ouvrage et pouvait voir sa responsabilité engagée sur le terrain du trouble du voisinage avec l'entreprise ayant réalisé les travaux.

Mais il est de principe que la victime d'un trouble du voisinage trouvant son origine dans l'immeuble donné en location, peut en demander réparation au propriétaire. Ainsi, il ne suffit pas que la SCI Cyrymo soit propriétaire des lieux pour que sa responsabilité soit engagée de plein droit sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage mais que les dommages dont Mme [H] se dit victime aient été causés par des troubles provenant des lieux loués.

Or, il n'est pas contesté que la société Alizés Esthétique, locataire commerciale de la SCI Cyrymo, qui a pour gérant M. [N], également dirigeant de la SCI Cyrymo avec son épouse, a entrepris des travaux avec l'accord de cette dernière, aboutissant à créer une ouverture dans un mur porteur et qu'en suite de cette ouverture, un affaissement du mur de refend s'est produit avec un tassement dû à une compression locale du sol d'assises dans la phase étagée générant des désordres dans les appartements dont Mme [H] est propriétaire au 2ème et 3ème étage de l'immeuble.

L'expert judiciaire a souligné que l'ouverture pratiquée dans la construction, dans le cadre de l'aménagement du magasin'Beauty Success' avait provoqué un tassement mal maîtrisé et évolutif de l'immeuble et que les travaux de reprise s'étaient montrés apparemment insuffisants pour remédier au caractère évolutif du tassement du refend porteur, compte tenu des désordres survenus postérieurement à la réception du 23 mai 2011, tant à l'extérieur que dans les appartements de Mme [H].

Les troubles occasionnés, excédant les inconvénients normaux de voisinage, trouvent donc leur source dans des travaux mal exécutés dans les locaux appartenant à la SCI Cyrymo. Il s'ensuit que la responsabilité de celle-ci est engagée sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage découlant de l'article 651 du code civil, même si les travaux litigieux n'ont pas été réalisés à son initiative. Il sera souligné, en outre, que l'accord de Mme [H] pour ces travaux a été donné sous la condition qu'ils soient effectués sous la surveillance d'un architecte de la copropriété, après étude préalable d'un ingénieur béton et constat d'huissier avant travaux, ce que la société Cyrymo n'a jamais mis en oeuvre.

C'est donc à juste titre que Mme [H] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Cyrymo sur le fondement de l'article 651 du code civil.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que l'entrepreneur qui a réalisé les travaux ayant causé des dommages chez les voisins, peut voir sa responsabilité engagée de plein droit sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage sans qu'il soit nécessaire de caractériser une quelconque faute de sa part. L'entrepreneur est alors considéré comme le voisin occasionnel des propriétaires lésés. C'est donc en vain que la société Constructions du Mont Saint Michel fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute dans la réalisation des travaux et que ceux-ci ne sont à l'origine d'aucun trouble de voisinage et sont sans lien avec les dommages dont Mme [H] sollicite l'indemnisation.

Celle-ci reproche d'ailleurs au tribunal d'avoir écarté la responsabilité de la société Constructions du Mont Saint Michel au motif qu'elle ne pouvait être recherchée que sur le fondement de l'article 1382 du code civil en l'absence de tout rapport contractuel, nécessitant la démonstration d'une faute et d'un lien de causalité entre cette faute et les préjudices allégués. Mme [H] considère que la société Constructions du Mont Saint Michel doit répondre des dommages qu'elle subit en sa qualité de constructeur sans avoir à démontrer de faute puisqu'elle fonde son action en responsabilité sur la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Cependant, pour voir sa responsabilité de plein droit engagée sur le fondement de la prohibition du trouble anormal du voisinage, l'entrepreneur doit être l'auteur du trouble. Or, il n'est pas discuté que la société Constructions du Mont Saint Michel a sous-traité les travaux de gros oeuvre à la société Manceau Franck, qui a pratiqué l'ouverture litigieuse dans le mur de refend. La responsabilité de la société Constructions du Mont Saint Michel, qui n'est pas personnellement intervenue dans les travaux à l'origine des troubles, ne peut donc être engagée sur le fondement de l'article 651 du code civil.

En revanche, la société Manceau Franck, qui a procédé, selon le rapport de M. [F], expert mandaté par l'assureur du syndicat des copropriétaires, à une ouverture de 3 mètres de large dans un mur en pierres de 0,70 mètre d'épaisseur sans détecter que, du fait de la présence d'une cage d'escalier, ce mur ne se poursuivait pas jusqu'à la façade de sorte que la partie du mur résiduelle, de faible section, a subi une descente de charge supplémentaire, est bien à l'origine du tassement de l'ordre de 2 cm au maximum à la base du mur de refend qui a généré des troubles excédant les inconvénients du voisinage pour Mme [H].

La société Manceau et son assureur, la société SMABTP, ne font d'ailleurs valoir aucun moyen tendant à écarter le principe d'une responsabilité sur le fondement de l'article 651 du code civil mais, soulignant qu'elles ne sont concernées que par le sinistre de fissuration, discutent de la causalité des préjudices invoqués par Mme [H] avec les travaux effectués.

Il sera rappelé toutefois que Mme [H], en appel, ne recherche la responsabilité de la société Manceau Franck que pour les préjudices résultant de l'affaissement du mur porteur et non pour ceux résultant du champignon lignivore découvert après le dégât des eaux survenu le 16 août 2008.

En conséquence, la responsabilité de la société Manceau Franck se trouve engagée de plein droit pour les dommages subis par Mme [H] résultant des troubles anormaux de voisinage dont elle est à l'origine.

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires et de son syndic la société CA Normandie Immobilier :

Mme [H] recherche la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965. Critiquant les premiers juges pour avoir écarté la responsabilité du syndicat au motif que les désordres ne résultaient pas d'un défaut d'entretien des parties communes, elle soutient, dans ses dernières écritures, que les désordres qu'elle subit trouvent leur origine dans un vice de construction affectant les parties communes.

Il sera rappelé que l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 30 octobre 2019, applicable au litige, prévoit une responsabilité du syndicat des copropriétaires pour les dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes. Cette responsabilité de plein droit ne nécessite pas la démonstration d'une faute du syndicat des copropriétaires mais la preuve du lien de causalité entre le dommage et le défaut d'entretien ou le vice de construction.

Dès lors, c'est en vain que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1] soutient n'avoir commis aucune faute à l'origine des travaux de reprise en relation ou tenant au sinistre du dégât des eaux avec un éventuel préjudice de Mme [H] . En revanche, il évoque à juste titre que les désordres résultent des travaux réalisés dans les locaux appartenant à la SCI Cyrymo.

En effet, alors que Mme [H] n'établit nullement le vice de construction à l'origine de ses dommages qui lui permettrait d'engager la responsabilité du syndicat de copropriété, il est acquis aux débats que l'affaissement du mur de refend ne provient pas d'un vice de construction de l'immeuble mais, comme précisé dans le rapport d'expertise judiciaire, d'un large percement dans une ancienne construction sans prendre la précaution de créer, concomitamment au percement et par phases alternées successives, un encadrement béton complet tout autour de l'ouverture pour reconstituer les conditions d'assise d'origine de la partie de construction concernée sans risque de déformation ou de tassement significatif.

En conséquence, les désordres ne résultent pas d'un vice de construction mais du fait d'un tiers à l'origine exclusive de ceux-ci. Le syndicat des copropriétaires n'est donc pas responsable des désordres subis par Mme [H]. Le jugement sera donc confirmé pour avoir débouté Mme [H] de ses prétentions dirigées à son encontre et mis celui-ci hors de cause.

S'agissant de la société CA Normandie Immobilier, venant aux droits de L'Agence Immobilière Granvillaise, Mme [H] entend voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 à raison des fautes qu'elle a commises dans l'administration de l'immeuble de copropriété. Elle reproche aux premiers juges d'avoir considéré que la responsabilité du syndic ne pouvait être engagée au prétexte de ne pas avoir surveillé la mise en place des travaux alors que le propriétaire des locaux du rez-de-chaussée et du premier étage avait décidé de les faire exécuter sans demander préalablement l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires , que ces travaux ont finalement été entérinés par les copropriétaires, dont Mme [H], le 29 octobre 2008 et que le syndic a fait le nécessaire pour arrêter le chantier, évacuer l'immeuble et faire les déclarations de sinistres après avoir mandaté un ingénieur conseil sur place.

Considérant que le tribunal n'a manifestement pas compris le fondement de sa demande à l'encontre du syndic, Mme [H] fait valoir, au soutien de son appel, que la société L'Agence Immobilière Granvillaise ne s'est jamais assurée que les travaux de percement du mur de refend avaient été précédés d'une conception par un architecte, d'une étude préalable par un ingénieur béton ni d'un procès-verbal de constat des lieux avant travaux par huissier. Elle expose également que le syndic n'a entrepris aucune diligence auprès des copropriétaires du rez-de-chaussée pour leur interdire de procéder à des travaux sans obtenir préalablement l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires et n'a pas régularisé la situation en convoquant une assemblée générale en bonne et due forme afin qu'il soit délibéré sur le principe et la nature des travaux envisagés.

Enfin, elle reproche à la société L'Agence Immobilière Granvillaise, d'avoir largement tardé à mettre en oeuvre les travaux de réparation alors même qu'au regard du caractère urgent de ces derniers, elle était dispensée de recourir à une quelconque autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires. Soulignant que les devis de travaux de reprise à la suite de l'affaissement du mur de refend semblent avoir été arrêtés à l'automne 2008, elle rappelle que les travaux n'ont commencé qu'après signature du contrat d'architecte avec M. [I] le 15 avril 2010 puis des entreprises le 27 septembre 2010.

Mme [H] ajoute également que la société L'Agence Immobilière Granvillaise a omis de transmettre certaines factures à l'assurance comme l'ensemble des devis de travaux de reprise rendus nécessaires pour remédier aux désordres, ce qui a conduit à une indemnisation insuffisante du syndicat des copropriétaires puisqu'un certain nombre de dommages n'ont pas été inclus dans l'indemnisation. Ainsi, alors qu'elle a été privée de ses deux appartements pendant près de trois ans, elle n'a perçu aucune indemnisation de son préjudice de jouissance.

En réponse, la société CA Normandie Immobilier venant aux droits de la société L'Agence Immobilière Granvillaise, conteste tout manquement à ses obligations. Elle fait valoir que le syndic n'a jamais été préalablement informé du commencement des travaux et a été placé devant le fait accompli, n'ayant aucun moyen de vérifier quoi que ce soit avant le début des travaux. Elle rappelle que dès l'apparition des désordres sur le chantier, le syndic s'est assuré de l'arrêt du chantier et de l'évacuation de l'immeuble, demandant l'intervention d'un ingénieur conseil pour constater les dégâts occasionnés par l'affaissement du refend dès le 16 septembre 2008 et transmettant les devis récoltés auprès des entreprises consultées pour la remise en état dès le 18 octobre 2008. Reprenant le rapport d'expertise judiciaire, elle souligne que l'expert a considéré que les délais mis à l'exécution des travaux n'étaient pas surprenants au regard de l'analyse, la prise en charge et la réfection occasionnée par la découverte de la 'mérule'. Enfin, elle indique que Mme [H] a été tenu informée des démarches effectuées au titre des travaux ainsi que de l'avancée de ces derniers par des réunions de chantier hebdomadaires auxquelles elle a pu assister en sa qualité de maître de l'ouvrage. Soulignant également que Mme [H] n'avait jamais fait état de travaux supplémentaires ou non compris dans le chantier, la réception ayant lieu sans réserve, la société CA Normandie Immobilier considère que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable au litige, le syndic doit notamment administrer l'immeuble, pourvoir à sa conservation, à sa garde, à son entretien et en cas d'urgence, faire procéder de sa propre initiative, à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

Il résulte des documents produits par Mme [H], que la société L'Agence Immobilière Granvillaise était au courant, dès le mois d'avril 2008, du souhait de M et Mme [N], gérants de la SCI Cyrymo et propriétaires du fonds de commerce de parfumerie, de transformer le garage qu'elle venait de leur vendre en local commercial. Par courrier en date du 12 avril 2008 adressé à Mme [H], elle a, en effet, sollicité son accord pour les travaux consistant en une ouverture dans le mur porteur, précisant que ces travaux seraient réalisés sous conditions de la surveillance d'un architecte de la copropriété, d'une étude préalable par un ingénieur béton et d'un constat d'huissier avant travaux pour garantir les éventuels problèmes 'venant des travaux'.

Il n'est toutefois pas précisé dans ce courrier si la société L'Agence Immobilière Granvillaise formule cette demande d'accord en sa qualité d'agent immobilier mandataire du vendeur du garage ou en sa qualité de syndic de copropriété.

Mais à supposer qu'elle ait exposé cette demande en sa qualité de syndic, ce qui tendrait à démontrer qu'elle était au courant du projet d'ouverture du mur porteur dès l'achat du garage come le soutient Mme [H], elle ne pouvait adopter une autre conduite que celle consistant à renseigner préalablement la SCI Cyrymo sur les précautions à prendre pour mener à bien son projet de transformation du garage en local commercial en recourant notamment à un architecte et en recueillant l'avis d'un ingenieur structures . Tenue d'une obligation de prudence et de diligence, elle n'avait aucune obligation de sécurité ou de résultat à l'égard des copropriétaires. Elle n'avait donc pas à vérifier le respect des conditions posées en avril 2008 pour des travaux entrepris en septembre 2008 par la société Alizés Esthétique, locataire commerciale, avec laquelle elle n'avait aucun contact, ni à se substituer à la SCI Cyrymo pour soumettre à l'assemblée générale une demande d'autorisation de travaux . Aucune faute ne saurait être reprochée au syndic de copropriété pour la période se situant avant la survenance des désordres.

Il n'est en outre pas discuté que le syndic a , dès l'apparition du sinistre, procédé, dans des délais rapides à la désignation d'un ingénieur conseil pour constater les dégâts et sur ses recommandations, fait évacuer l'immeuble, puis pris les mesures pour faire établir les devis de travaux de reprise et régulariser les travaux par leur inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires du 29 octobre 2008.

La responsabilité du syndic ne peut davantage être retenue pour le délai mis à exécuter les travaux compte tenu de la survenance du dégât des eaux le 16 août 2008, de la découverte de ce que ce sinistre était dû en partie à la présence de mérule, ce qui était confirmé en juin 2009, et donc du temps de mise en place du traitement de ce champignon, étant observé que Mme [H] n'a jamais contesté la décision de traiter les travaux de reprise des deux sinistres en un même chantier. Il sera souligné que l'expert judiciaire lui-même n'a rien à trouvé à redire sur le délai d'exécution des travaux de reprise.

En conséquence, le jugement sera confirmé pour avoir débouté Mme [H] de ses demandes dirigées à l'encontre du syndic de copropriété. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la recevabilité de la demande de la société CA Normandie Immobilier à être relevée et garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Cyrymo, la société Constructions du Mont Saint Michel et la société Manceau et son assureur la SMBTP, qui devient sans objet.

Sur l'indemnisation des préjudices de Mme [H] :

Mme [H] sollicite les sommes suivantes :

- 5 805,55 euros TTC au titre du montant de travaux qu'elle a été contrainte d'avancer et dont elle dit n'avoir pas été remboursée,

- 7 500 euros au titre des travaux restant à exécuter dans les parties privatives de ses appartements selon estimation du rapport d'expertise,

- 39 000 euros au titre de son préjudice de jouissance pour les deux appartements entre septembre 2008 et juillet 2011, date des fins de travaux de remise en état,

- 10 000 euros au titre de son préjudice moral,

- 1 882,51 euros en remboursement des charges de copropriétés et de la taxe foncière réglées sans pouvoir jouir de ses appartements.

le remboursement des travaux avancés :

Mme [H] soutient qu'elle a payé un certain nombre de travaux rendus nécessaires pour l'habitabilité des appartements après les désordres résultant de l'affaissement du mur de refend.

Ainsi, elle produit une facture du 5 avril 2012 de l'entreprise Aubade pour un montant de 835,08 euros pour la restauration de la salle de bains, une facture du 20 juin 2020 de 3 157,35 euros TTC émanant de l'entreprise de menuiseries Binet pour la remise en état de l'ensemble des menuiseries et une facture du 23 mai 2012 de l'entreprise David Vigot au titre de la dépose des ardoises après mise en place d'une sous toiture en couverture de l'appartement du 3ème étage.

Le tribunal a débouté Mme [H] de cette prétention au motif d'une part, qu'elle ne démontrait pas le lien de causalité entre ces travaux et l'affaissement du mur porteur à la suite de l'ouverture pratiquée dans ce mur et d'autre part, qu'elle avait pris la décision d'engager des travaux non validés par le maître d'oeuvre sans produire de constat d'huissier attestant de l'état de l'immeuble avant sinistre ou avant réalisation des travaux de remise en état.

Pour s'opposer à cette demande de remboursement, la SCI Cyrymo rappelle que l'expert judiciaire n'a pas retenu le montant de ces travaux au motif qu'il n'était pas démontré, selon lui, que 'ces prestations à caractère d'embellissement et de rénovation avaient à l'époque un lien direct avec les deux sinistres survenus en août 2008 (dégât des eaux et découverte de mérule) puis en septembre 2008 (affaissement du mur de refend)'.

La société Manceau et son assureur la SMABTP considèrent, pour leur part, surprenant que ces travaux aient été réglés par Mme [H] alors que la réception des travaux a été menée par M. [I], le 17 novembre 2011, et que Mme [H] ne justifie pas l'avoir sollicité pour l'examen de ces situations prétendument nouvelles mais contemporaines de la fin des travaux sous la maîtrise d'oeuvre du Cabinet [I].

Mme [H] ne justifie en effet nullement avoir indiqué au maître d'oeuvre une insuffisance des travaux de remise en état programmés dans ses appartements avant ou après réception des travaux. Il est pour le moins surprenant qu'elle ait dû avancer des travaux de couverture pour l'appartement du 3ème étage sans que ces travaux n'aient été envisagés par le maître d'oeuvre au titre de la remise en état. Aucun échange n'est rapporté avec le Cabinet [I] au sujet de ces travaux supplémentaires. Les seules factures produites ne permettent pas d'établir l'insuffisance des réparations mentionnées dans les factures relatives au chantier de remise en état sous le contrôle du Cabinet [I] ni de caractériser le lien avec le sinistre du 9 septembre 2008 des travaux complémentaires dont il est demandé remboursement.

Le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de cette demande.

Les travaux restant à réaliser :

L'expert judiciaire, M. [T], a mis en évidence que des désordres étaient apparus, dans les appartements de Mme [H], après la réception des travaux du 23 mai 2011 en raison du caractère évolutif du tassement mal maîtrisé, et qu'ils étaient en lien direct et certain avec l'ouverture réalisée au rez-de-chaussée de l'immeuble par la société Manceau. Il a retenu le devis de la société Nicol présenté par Mme [H], en date du 14 février 2013, qu'il a actualisé sur la base de l'indice BT01 du bâtiment, pour chiffrer le montant de la réparation de ces désordres à 7 500 euros.

Le tribunal qui ne disposait pas des conclusions de l'expert a débouté Mme [H] de cette demande.

La SCI Cyrymo considère que le lien de causalité entre ces travaux et l'affaissement du mur n'est pas établi pour l'ensemble des travaux, soulignant que l'expert a indiqué que certains désordres signalés relevaient de l'ancienneté de la construction et non du sinistre survenu le 9 septembre 2008.

La société Manceau et la SMABTP concluent au débouté de Mme [H], soutenant que l'expert n'a pas avalisé le montant des travaux et qu'il n'est pas démontré que ces travaux de reprise ne soient pas la conséquence unique des travaux de reprise du champignon lignivore.

Mais M. [T] a clairement indiqué dans son rapport qu'il constatait la présence des fissures et espacements mentionnés dans les constats d'huissier dressés en 2013 dans les appartements de Mme [H], soulignant que ces désordres n'avaient pas bougé depuis 2013 et étaient désormais stabilisés. Rappelant que l'expert M. [F], avait indiqué dans son rapport du 2 octobre 2008, que les travaux de reprise ne pourront être entrepris que passé un délai significatif de plusieurs mois, une fois l'ouvrage stabilisé, l'expert judiciaire a conclu que malgré le délai de deux ans entre les travaux de reprise et le sinistre, une parfaite stabilisation des assises n'était pas complètement assurée en 2011. Si l'expert a effectivement précisé que parmi tous les désordres signalés lors de ses visites, certains relevaient plutôt de l'ancienneté de la construction, il a indiqué que les principales singularités situées aux environs du mur objet de la création d'une ouverture sont consécutives à cette affaire.

Il s'en déduit qu'en retenant l'ensemble du devis établi par l'entreprise Nicol, l'expert qui a fait une distinction entre l'origine des désordres, a nécessairement considéré que les travaux mentionnés sur le devis venaient réparer des dommages résultant de l'évolution du tassement et donc directement et certainement imputables à l'ouverture du mur porteur au rez-de-chaussée.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande au titre des travaux restant à exécuter. Il sera rappelé que la responsabilité de la SCI Cyrymo et de la société Manceau a été retenue sur le fondement de l'article 651 du code civil, les troubles anormaux du voisinage trouvant leur origine dans les travaux exécutés par la société Manceau dans les lieux dont la SCI Cyrymo est propriétaire. Ce fondement permet de retenir leur condamnation in solidum au paiement des sommes allouées par cette cour à Mme [H] . La SCI Cyrymo et la société Manceau seront donc condamnées in solidum avec la SMABTP, assureur de la société Manceau, à verser à Mme [H] la somme de 7 500 euros.

L'expert ayant déjà procédé à une actualisation du montant de ces travaux par application de l'indice BT01 de la construction dans le cadre de son expertise, il sera fait droit à la demande à la demande d'indexation sur l'indice BT01 du bâtiment, formée par Mme [H], pour la période courant à compter du 12 janvier 2024, date de dépôt du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent arrêt.

sur le préjudice de jouissance :

Rappelant qu'elle a été privée de ses appartements du mois de septembre 2008 jusqu'au mois de juillet 2011, Mme [H] demande la somme de 39 000 euros au titre de son préjudice de jouissance calculée sur la base de la valeur locative de chacun des deux appartements selon l'estimation immobilière, établie à sa demande, par M. [J] le 15 mars 2015, et versée aux débats, soit 5 400 euros hors charges par an pour l'appartement du 2ème étage et 7 600 euros par an pour l'appartement du 3ème étage, dédié entièrement à la location saisonnière.

Relevant que les travaux de reprise liés à l'affaissement du mur de refend avaient été exécutés dans des délais courts, la durée des travaux étant pour l'essentiel due aux traitement de la mérule et aux dégâts occasionnés par le dégât des eaux, le tribunal a considéré que Mme [H] ne pouvait imputer à la SCI Cyrymo le retard apporté à l'exécution des travaux, et ce d'autant moins que la présence de la mérule avait été détectée antérieurement au sinistre du 9 septembre 2008.

S'agissant de la perte de chance de relouer l'appartement du 3ème étage, seul appartement voué à la location, il a estimé que celle-ci était en tout état de cause compensée par la plus-value apportée à l'appartement par les travaux réalisés et ainsi a débouté Mme [H] de cette demande également.

La société Manceau Franck et son assureur, la SMABPT, concluent à la confirmation du jugement en soulignant que la non location éventuelle relève de dommages immatériels associés au sinistre mérule et non à celui du percement du mur qui a été réglé très rapidement .

La SCI Cyrymo fait valoir également qu'en raison de la présence de la mérule détectée avant le sinistre du 9 septembre 2008, les appartements de Mme [H] ne pouvaient, en toute hypothèse, plus être occupés ni loués pendant la durée des travaux de traitement et de remise en état.

L'expert judiciaire a considéré ne pas pouvoir retenir le montant révisé de 39 000 euros réclamé par Mme [H] au titre d'une perte de jouissance des loyers entre septembre 2008 et juillet 2011 au motif que l'indemnisation d'un tel préjudice financier relevait des dommages immatériels associés au sinistre du 16 août 2008 et à la durée de réparation de ces désordres.

En réponse, Mme [H] fait valoir que si les travaux de traitement et de remise en état de la mérule ont mis près de trois ans à être réalisés, c'est en raison du tassement de l'immeuble consécutif à l'ouverture réalisée dans le mur porteur de sorte que le préjudice de jouissance subi est dû exclusivement aux répercussions structurelles de cette ouverture. Elle conteste par ailleurs que la prise en charge des préjudices matériels consécutifs au premier sinistre par l'assureur du syndicat des copropriétaires puisse la priver de l'indemnisation de ses préjudices immatériels . Elle souligne que la limitation de l'indemnisation qu'elle a perçue de cet assureur à raison de la découverte de la mérule n'est pas de nature à faire obstacle à la condamnation des intimés à réparer son préjudice de jouissance résultant du sinistre consécutif à l'affaissement du mur porteur.

Il est constant qu'un seul chantier a été mené pour remédier aux désordres résultant des deux sinistres et que les travaux de reprise consécutifs au sinistre du 16 août 2008 étaient plus conséquents et plus élevés ( 71 196,25 euros TTC) que ceux liés au sinistre du 9 septembre 2008 8 633,63 euros TTC). Par ailleurs, il n'est absolument pas établi par les pièces que Mme [H] produit aux débats, que les deux appartements aient pu lui procurer des revenus locatifs à hauteur des estimations faites par M. [J], étant rappelé que l'un des appartements était destiné entièrement à la location saisonnière, l'autre à l' usage personnel de Mme [H] et à la location en son absence .

Il apparaît en effet que les appartements venaient d'être refaits en 2006 et 2007, et que les revenus locatifs générés en 2007 étaient de l'ordre de 2 025 euros. Or, l'estimation faite à la demande de Mme [H] conclut à une valeur locative de 5 400 euros par an de l'appartement du 2ème étage soit 450 euros par mois et à une valeur locative annuelle de 7 600 euros soit 400 euros par semaine pour une occupation de 19 semaines à l'année pour l'appartement du 3ème étage en retenant des fourchettes hautes par comparaison avec d'autres biens. Cette expertise amiable ne peut être retenue sans autre élément la corroborant, compte tenu de surcroît, du montant des revenus locatifs dégagés en 2007. La valeur locative sera donc ramenée à 4 560 euros pour l'appartement du 2ème étage et à 5 700 euros pour le troisième étage (selon les fourchettes relevées par l'expert amiable sur l'ensemble des éléments de comparaison et compte tenu des revenus locatifs de 2007)

Il ne peut cependant être conclu, du fait de l'antériorité du dégâts des eaux ayant mis en évidence la présence de mérule dans les ossatures du bâtiment, que l'entier préjudice de jouissance subi par Mme [H] qui a indéniablement été privée de l'usage de ces deux appartements de septembre 2008 à juillet 2011, résulte de ce seul sinistre. Il est évident que la survenance du second sinistre occasionnant des fissures très importantes et impressionnantes dans les appartements de Mme [H], telles qu'elles apparaissent sur les photographies produites aux débats, a exclu toute possibilité de location et retardé sa prise de possession des lieux, contribuant ainsi au préjudice de jouissance même si les travaux de remise en état relatifs à ce sinistre ont été plus rapidement exécutés.

Il résulte d'un courrier en date du 18 octobre 2008 du syndic de copropriété pour le sinistre survenu le 9 septembre 2008, que la durée du préjudice de jouissance imputable à ce seul sinistre avait été évaluée à cinq mois. Cette durée, au regard de la part des travaux de remise en état liée à l'affaissement du mur porteur sur le montant total des travaux (79 829,88 euros TTC) et de la durée totale des travaux (34 mois) , apparaît tout à fait cohérente et sera retenue.

En conséquence, il sera alloué à Mme [H], au titre du préjudice de jouissance consécutif au seul sinistre du 9 septembre 2008, la somme de :

(4560 + 5700) x 5 = 4 275 euros

12

Le jugement sera donc infirmé et la SCI Cyrymo, la société Manceau Franck et son assureur la SMABTP seront condamnées in solidum à payer à Mme [Z] [H] la somme de 4 275 euros au titre de son préjudice de jouissance.

sur le préjudice moral :

Mme [H] sollicite la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle dit avoir subi , soulignant avoir été profondément affectée par le fait de devoir évacuer en urgence son bien, de devoir se reloger en plus du crédit assumé pour les deux logements sans pouvoir en retirer le moindre coût.

Cependant, pas plus en appel qu'elle ne l'a fait en première instance, Mme [H] ne produit d'éléments justifiant de ce qu'elle occupait les lieux au 2ème étage de manière effective au moment des sinistres ni de ce qu'elle aurait eu à se reloger. Elle ne justifie pas davantage de l'importance du préjudice qu'elle dit avoir subi au regard de la somme réclamée en réparation et qui constituerait un préjudice distinct du préjudice de jouissance.

La cour ne peut que rejoindre l'appréciation du tribunal qui a estimé la réclamation injustifiée et l'a écartée.

sur les charges de copropriété et taxes foncières réglées pendant les

travaux :

Mme [H] sollicite le remboursement des charges et taxes réglées pendant les travaux alors qu'elle n'avait pas la jouissance des lieux pour un montant de 1882,51 euros .

Mais c'est par d'exacts motifs que la cour adopte que le tribunal a débouté Mme [H] de cette demande, rappelant que les charges de copropriété et la taxe foncière constituent des charges inhérentes à la qualité de propriétaire et de copropriétaire et que le seul fait qu'elle n'ait pu louer ses appartements ne lui octroiyait pas le droit d'en réclamer la prise en charge aux responsables du sinistre.

Sur la condamnation de la société CA Normandie Immobilier à faire exécuter sous astreinte les travaux de reprise de la fissure extérieure :

Mme [H] réclame la condamnation de la société CA Normandie Immobilier, venant aux droits de la société l'Agence Immobilière Granvillaise, à faire exécuter les travaux restant sur les parties communes de l'immeuble, selon devis de la société LR Guitton du 26 mars 2013, sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision restant à intervenir. Elle fait valoir, à l'appui de cette demande, que ces travaux relèvent de la responsabilité du syndicat des copropriétaires et de son syndic et qu'il y a urgence à faire réaliser les travaux afin d'éviter toute pénétration de l'eau à l'intérieur du bâtiment.

Le syndicat des copropriétaires et son syndic font valoir que cette demande a été portée à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires du 31 octobre 2013 à laquelle Mme [H] était representée, et qu'elle a été rejetée n'ayant pu être adoptée à la majorité simple des copropriétaires présents ou représentés. Ils soutiennent que l'urgence n'étant pas justifiée, la demande de condamnation sous astreinte devra être rejetée, soulignant qu'une telle dépense doit être adoptée en assemblée générale et à répartir entre les copropriétaires concernés. Enfin, ils relèvent que Mme [H] n'a pas cru devoir faire de demande pour remettre à l'ordre du jour de l'assemblée générale ces travaux qu'elle estime importants.

Il sera rappelé que la responsabilité du syndicat des copropriétaires n'a pas été retenue par la cour qui a confirmé le jugement sur ce point. Dès lors, aucune obligation ne peut être mise à la charge du syndicat des copropriétaires au titre des dommages résultant de l'affaissement du mur de refend.

Par ailleurs, si l'expert a considéré que la reprise de la fissure de façade de l'immeuble côté cour faisait partie des derniers travaux de réfection à engager, il a également noté que cette fissure n'avait pas évolué en dix ans et qu'elle n'avait pas été reconnue comme infiltrante. En conséquence, l'urgence permettant au syndic de copropriété de faire procéder de sa propre initiative, à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci, n'étant pas caractérisée, la demande de condamnation sous astreinte formée par Mme [H] sera rejetée, confirmant ainsi le jugement de ce chef, l'appelante pouvant toujours solliciter que de tels travaux soient mis à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale.

Sur les appels en garantie :

Il est de principe que les coauteurs d'un même dommage dans leurs rapports entre eux ne peuvent être condamnés que pour leur part et portions dans la réalisation de ce dommage. Cette part est déterminée à proportion du dégré de gravité des fautes respectives.

La SCI Cyrymo demande à être relevée et garantie de toute condamnation prononcée à son encontre par la société Constructions du Mont Saint Michel et par la société Manceau Franck en leur qualité de constructeurs . Elle soutient que la société Constructions du Mont Saint Michel lui doit en outre sa garantie au motif qu'elle a commis une faute en concevant des travaux affectant un mur porteur sans donner les instructions nécessaires pour que toutes les précautions soient prises lors du percement, de l'étayage et de la reconstruction du mur et que la société Manceau Franck lui doit, quant à elle, sa garantie sur le fondement des articles 651 et 1382 du code civil .

Il sera rappelé toutefois que les dommages causés à Mme [H], survenus avant toute réception, ne sont pas d'ordre décennal et ceux survenus après réception n'ont pas davantage été qualifiés ainsi par l'expert judiciaire. Les conditions d'application de l'article 1792 du code civil ne sont donc pas réunies et la responsabilité de la société Constructions du Mont Saint Michel nit de la société Manceau Franck ne peut être engagée sur leur seule qualité de constructeur à l'égard de la SCI Cyrymo.

Il y a lieu de souligner également que les travaux ont été exécutés à l'initiative de la société Alizés Esthétique preneuse au bail commercial de sorte que la SCI Cyrymo n'a pas la qualité de maître de l'ouvrage .

Par ailleurs, la responsabilité de la société Constructions du Mont Saint Michel n'a pas été retenue sur le fondement de l'article 651 du code civil, en raison du fait qu'elle a sous-traité cette partie des travaux à la société Manceau Franck dont elle était en droit d'attendre un savoir-faire et une expertise dans les travaux confiés et qui était tenue d'une obligation de résultat dans leur exécution.

De surcroît, il est constant que l'entrepreneur principal n'est pas responsable des dommages causés par son sous-traitant. La société Constructions du Mont Saint Michel ne peut donc voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, pour les désordres survenus du fait de la société Manceau Franck. En conséquence, la SCI Cyrymo doit être déboutée de son appel en garantie dirigé contre la société Constructions du Mont Saint Michel. Dès lors, l'appel en garantie de cette dernière à l'égard de la société Manceau Franck devient sans objet.

La société Manceau Franck, qui était tenue d'une obligation de résultat en sa qualité de professionnelle de la construction, a indéniablement une part prépondante dans la survenance du dommage. Elle pouvait à tout moment vérifier et réclamer à la société Constructions du Mont Saint Michel des études techniques préalables, ce qu'elle n'a pas fait. Elle n'a pas davantage vérifié que le mur porteur du fait de la présence d'une cage d'escalier, ne se poursuivait pas jusqu'à la façade.

Quant à la SCI Cyrymo, il est manifeste qu'elle savait, lorsqu'elle a acquis le garage pour le transformer en local commercial, que les travaux d'ouverture du mur porteur devaient être effectués sous la surveillance d'un architecte et après réalisation d'une étude par un ingénieur structure. En ne respectant pas ces précautions, elle a concouru par sa négligence à la réalisation du dommage .

La responsabilité de la société Manceau Franck sera retenue pour 80 % dans la survenance du dommage. La SCI Cyrymo a contribué à la survenance du dommage à raison de 20 %. En conséquence, la société Manceau Franck et son assureur la SMABTP devront la garantir des condamnations prononcées contre elle à hauteur de 80 %.

Sur les demandes accessoires :

Les demandes de Mme [H] étant en partie favorablement accueillies en appel, le jugement sera infirmé sur la charge des dépens et sur les frais irrépétibles à l'exception de la condamnation prononcée au bénéfice de la société L'Agence Immobilière Granvillaise aux droits de laquelle vient la société CA Normandie Immobilier .

La SCI Cyrymo, la société Manceau et son assureur la SMABTP parties principalement succombantes supporteront in solidum la charge des dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier du [Adresse 1] et de la société CA Normandie Immobilier l'intégralité des frais exposés à l'occasion de l'appel non compris dans les dépens. Aussi, Mme [H] sera condamnée à leur payer la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour des raisons d'équité également, la SCI Cyrymo, la société Manceau et son assureur la SMABTP, seront condamnées in solidum à payer à Mme [Z] [H] la somme de 6 000 euros et à la société Constructions du Mont Saint Michel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 23 février 2017 par le tribunal de grande instance de Coutances sauf en ce qu'il :

- déclaré la SCI Cyrymo partiellement responsable du sinistre relatif à l'affaissement du mur de refend constaté le 9 septembre 2018,

- a mis hors de cause le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier du [Adresse 1], la société Ca Normandie Immobilier et la société Construction du Mont Saint Michel,

- déclaré en conséquence, les appels en garanties formés par ces parties sans objet,

- rejeté la demande de remboursement formée par Mme [Z] [H] au titre des travaux avancés, sa demande de réparation d'un préjudice moral, sa demande de remboursement des charges de copropriété et taxe foncières exposées de septembre 2008 à juillet 2011,

- rejeté la demande de condamnation sous astreinte formée à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de son syndic,

- condamné Mme [Z] [H] à payer à la société L'Agence Immobilière Granvillaise la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Constate que la société Alizés Esthétique n'est pas partie à l'instance d' appel et donc déboute Mme [Z] [H] de toutes ses demandes à son encontre,

Condamne in solidum la SCI Cyrymo, la société Manceau Franck et son assureur la SMABTP à payer à Mme [Z] [H] :

la somme de 7 500 euros au titre des travaux de reprise restant à exécuter dans ses appartements avec indexation sur l'indice BT 01 du bâtiment à compter du 12 janvier 2024 jusqu'à la date du présent arrêt,

la somme de 4 275 euros au titre de son préjudice de jouissance,

Dit que dans leurs rapports entre eux, la contribution de la SCI Cyrymo et de la société Manceau Franck au dommage sera fixée comme suit :

80 % pour la société Manceau Franck ,

20 % pour la SCI Cyrymo,

Condamne en conséquence in solidum la société Manceau Franck et son assureur la SMABTP à relever et garantir la SCI Cyrymo des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 80 %,

Condamne Mme [Z] [H] à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier du [Adresse 1] et à la société CA Normandie Immobilier venant aux droits de la société L'Agence Immobilière Granvillaise, chacun, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SCI Cyrymo, la société Manceau Franck et son assureur la SMABTP à payer à Mme [Z] [H] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SCI Cyrymo, la société Manceau Franck et son assureur la SMABTP à payer à la société Construction du Mont Saint Michel la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SCI Cyrymo, la société Manceau Franck et son assureur la SMABTP aux dépens de première instance et d'appel,

Accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats qui l'ont sollicité,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET Hélène BARTHE-NARI

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