CA Besançon, 1re ch., 5 août 2025, n° 24/00911
BESANÇON
Arrêt
Autre
Le copies exécutoires et conformes délivrées à
PM/[Localité 4]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 24/00911 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZBG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 05 AOUT 2025
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 avril 2024 - RG N°1123000025 - TRIBUNAL DE PROXIMITE DE DOLE
Code affaire : 54C - Demande en paiement du prix formée par le constructeur contre le maître de l'ouvrage ou son garant
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
Philippe MAUREL et M. Cédric SAUNIER, Conseillers.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 13 mai 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Philippe MAUREL et M. Cédric SAUNIER, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. INSPIRATION PARQUETS CARRELAGES
Sise [Adresse 2]
Inscrite au RCS de [Localité 5] sous le numéro 841 456 927
Représentée par Me Nicolas HOURNON de la SELARL NHG, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉS
Monsieur [I] [X]
né le 19 Juin 1997 à [Localité 6], de nationalité française, technicien de maintenance, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Sara KINDELBERGER, avocat au barreau de JURA
Madame [Z] [U]
née le 23 Septembre 1999 à [Localité 6], de nationalité française, agent commercial, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Sara KINDELBERGER, avocat au barreau de JURA
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
EXPOSE DU LITIGE
La SARL « Inspiration Parquets Carrelages » (ci-après dénommé société IPC) est spécialisée dans le négoce de matériaux de construction et plus particulièrement de revêtements de sol et exploite pour cela un magasin à [Localité 3]. Pour la pose et l'installation de ces équipements, elle fait appel à un sous-traitant chargé des travaux d'exécution. Elle est intervenue au domicile de M. [I] [X] et Mme [Z] [U] pour la fourniture et la pose de carrelage et de plinthes selon devis accepté en date du 5 août 2019 moyennant un prix de 10'123,33 euros TTC. Un acompte d'un montant de 2900 eurosTTC a été payé à la souscription. Cependant, l'ouvrage n'a jamais été réceptionné ni même achevé, les maîtres de l'ouvrage ayant émis un certain nombre de doléances quant à la qualité du service rendu.
Suivant mise en demeure en date du 2 décembre 2019, ultérieurement réitérée par courrier en date du 8 janvier 2020, la société fournisseuse et locatrice d'ouvrage a sollicité le paiement par les donneurs d'ordres d'un montant de 7 323,33 euros TTC au titre du solde de prix restant dû sur facture. Les parties sont alors entrées en voie de négociation pour trouver un terrain d'entente et mettre un terme à la relation d'affaires au mieux de leurs intérêts.
Au mois de septembre 2020, les consorts [M] ont fait réaliser une expertise amiable non contradictoire à l'effet de mettre en évidence les désordres et malfaçons affectant l'ouvrage. Il en est résulté l'existence d'un défaut de planéité du sol, une mauvaise exécution de l'installation des plinthes, et une pose défectueuse des baguettes dans la salle de bain, l'ensemble pouvant être réparé à hauteur d'une somme de 3200 euros.
Au mois de juin 2021, les parties semblaient pouvoir s'accorder sur la base de l'alternative suivante :
' Achever les travaux en procédant à la réfection et la reprise de l'ouvrage moyennant le paiement d'un prix de 6 500 euros TTC.
' Laisser le chantier en l'état en contrepartie du versement d'un solde de tout compte de 5 900 euros TTC.
Dans les derniers errements de la phase amiable, les parties s'étaient accordées pour que les travaux de reprise soient achevés moyennant le paiement d'un solde de prix de 5 300 euros TTC. Cependant, insastisfaits de la prestation du locateur d'ouvrage, les donneurs d'ordres n'ont pas donné suite à cette ultime proposition.
Les consorts [E] [U] ont alors pris l'attache de l'association 'UFC- Que Choisir' en vue de recevoir une aide dans la résolution du litige les opposant à l'entreprise de fourniture et construction. Après avoir participé activement à la recherche d'une solution transactionnelle, l'association de défense des consommateurs invita les maîtres d'ouvrage à se prévaloir de la prescription biennale de l'article L.218-2 du code de la consommation.
En l'absence de solution amiable, la société IPC a fait assigner les consorts [M], suivant acte de commissaire de justice en date du 27 décembre 2022, devant le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qui s'est déclaré incompétent, en raison du taux de ressort, et a transféré le dossier de la procédure au juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Dole.
Suivant jugement en date du 25 avril 2024, le juge des contentieux de la protection a rejeté les demandes formulées par la société IPC estimant celles-ci prescrites et condamné chaque partie à supporter la charge de ses propres dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le juge a fait droit à l'exception de fin de non recevoir tirée de la prescription biennale laquelle devait commencer à courir à compter de l'émission de la facture et plus particulièrement de la mise en demeure du 2 décembre 2019. Le délai de deux ans était donc expiré à la date de l'assignation introductive d'instance.
Suivant déclaration au greffe, formalisée par voie électronique en date du 21 juin 2024, la société IPC a interjeté appel du jugement rendu. Dans le dernier état de ses écritures en date du 4 février 2025, elle invite la cour à réformer le jugement en toutes ses dispositions et à statuer dans le sens suivant :
' Déclarer l'action de la société concluante recevable.
' Débouter les consorts [M] de l'intégralité de leurs demandes, en ce compris la demande de compensation.
' Condamner les consorts [M] à payer à la concluante la somme de 7 323,33 euros au titre du solde de prix restant dû.
' Condamner les intimés à lui payer la somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 3 000 euros pour les mêmes frais exposés en appel, outre les entiers dépens.
Subsidiairement :
' Réformer le jugement rendu le 25 avril 2024 et dire et juger que les consorts [M] ont renoncé au bénéfice de la prescription.
' En conséquence, les condamner à lui payer la somme de 7 323,33 euros TTC, outre la somme de 2 000 euros et de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
A titre très subsidiaire :
' Réformer le jugement rendu le 25 avril 2024 et dire que les consorts [M] doivent être privés du droit à se prévaloir de la prescription et les condamner au paiement de la somme de 7 323,33 euros TTC, outre celle de 2 000 euros et de 3 000 euros au titre des frais non taxables exposés en première instance et en appel.
A titre infiniment subsidiaire :
' Réformer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Dole en date du 25 avril 2024 et dire que le comportement des consorts [M] a occasionné à la société concluante un préjudice devant être compensé par l'allocation d'une somme de 7 323,33 euros TTC outre celle de 2 000 euros et de 3 000 euros au titre des frais exposés en marge des dépens tant en première instance qu'en appel.
Elle fait valoir, à l'appui de ses prétentions, les moyens et arguments suivants :
' Aucune prescription n'est acquise au cas présent. Le tribunal s'est, en effet, inspiré d'une jurisprudence nouvelle qui a substitué la date d'achèvement des travaux comme point de départ du délai de prescription biennale à celle de l'émission des factures. Cette jurisprudence nouvelle n'a été reconnue applicable que dans le cadre d'instances contentieuses introduites postérieurement au prononcé de l'arrêt de référence en vue de ne pas préjudicier aux intérêts des locateurs d'ouvrage de bonne foi. Cependant, outre la circonstance que cette absence de rétroactivité doit être prévue par la Cour de cassation dans l'arrêt rendu, ce qui n'est pas le cas de la jurisprudence invoquée par les intimés, elle suppose également que les travaux soient achevés, condition exclusive de l'espèce présente.
' En l'absence d'achèvement des travaux la prescription biennale n'a pu commencer à courir.
' En toute hypothèse, aucune règle n'impose d'émettre une facture avant tout paiement. Le principe demeure donc la délivrance d'un tel document après que le paiement du prix a été régularisé.
' Aucune compensation n'est de mise entre les créances réciproques des parties, étant souligné en l'espèce que l'expertise dont se prévalent les défendeurs n'est pas contradictoire à son endroit si bien que ces derniers ne font pas la preuve d'une créance certaine liquide et exigible pouvant être compensée avec le solde de prix restant dû.
' Les négociations entre les parties se sont poursuivies au-delà du terme de la prescription biennale invoquée par les maîtres de l'ouvrage en sorte que ceux-ci doivent être regardés comme y ayant renoncé.
' Enfin, le fait de s'être engagés dans des négociations en vue de parvenir à un accord amiable alors même qu'ils savaient l'action en recouvrement prescrite caractérise la mauvaise foi des acquéreurs et maîtres de l'ouvrage, les privant ainsi du droit de se prévaloir de la prescription.
' Les malfaçons invoquées sont minimes et ne sont donc pas de nature à justifier une exception d'inexécution. Dès lors la rétention du prix de de la part des consorts [M] revêt un caractère fautif.
* * *
En réponse, et aux termes de leurs ultimes écritures à portée récapitulative en date du 8 avril 2025, les consorts [M] se prononcent en faveur de la confirmation du jugement attaqué.
Subsidiairement, ils excipent d'une fin de non recevoir tirée du défaut du droit d'agir de l'entrepreneur.
Plus subsidiairement encore ils demandent à la cour de :
' Réformer le jugement rendu et dire que les travaux ont été mal réalisés et condamner en conséquence la société IPC à leur payer la somme de 14'738,74 euros à titre de dommages-intérêts et ordonner la compensation de créance réciproque entre les parties.
' Condamner la société IPC à verser aux concluants la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en ce compris le coût du constat d'huissier et de l'expertise amiable, outre les entiers dépens en ce compris les frais de constat d'huissier et d'expertise amiable.
Ils soutiennent, à cet égard, que :
' C'est la date de production du dommage qui fixe le point de départ du délai de prescription. Or la réalisation défectueuse des travaux était contemporaine de la demande en paiement du solde de prix. De surcroît, les pourparlers engagés en vue de trouver une solution amiable ne sont pas une cause interruptrice de prescription.
' Aucun travail de reprise et de finition n'a été entrepris depuis la fin du mois de novembre 2019. Alors même que la facture est datée du 16 novembre de la même année.
' Les travaux n'ont pas été accomplis avec la diligence requise et il reste de nombreuses défectuosités à reprendre ainsi qu'en atteste le procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 10 mars 2020 et le rapport d'expertise subséquent établi au mois de septembre 2020.
* * *
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 23 avril 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour accueillir le moyen de fin de non recevoir tiré de la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation applicable dans les rapports entre professionnels et non professionnels, le premier juge s'est inspiré d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er mars 2023 (3° Civ. N° 21 ' 23. 176). Cette jurisprudence de la troisième chambre civile, qui n'est que la reprise de celle déjà adoptée par la première chambre civile et la chambre commerciale de la haute juridiction, a posé le principe, abandonnant expressément celui de la fixation du point de départ du délai de prescription à la date d'émission des factures, que celui-ci était désormais contemporain de celle d'achèvement des travaux. Elle a pourtant dénié toute valeur rétroactive au principe nouvellement affirmé en estimant que l'impératif de sécurité juridique faisait obstacle à ce que les situations acquises puissent en être impactées. Elle a donc pris l'option de délaisser le critère de l'achèvement des travaux, en ce qui concerne uniquement les instances en cours, pour reporter le point de départ du délai de prescription à la date d'émission des factures.
Il convient toutefois de relever que si la première chambre civile s'était prononcée en faveur de l'inapplicabilité immédiate de la règle prétorienne qu'elle dégageait afin de ne pas léser les entrepreneurs qui, de bonne foi, pouvait en se laisser surprendre, au détriment de leurs intérêts, par le report du point de départ du délai, elle en avait expressément réservé l'application aux situations dans lesquelles le créancier professionnel n'avait pas encore adressé à son partenaire contractuel une facture de travaux. Une telle précision fait défaut dans l'arrêt précité si bien que le différé d'application de la règle nouvelle n'est pas de mise. Ainsi, l'avertissement et le régime dérogatoire pour appliquer dans le temps la jurisprudence nouvelle prévue par un arrêt rendu en 2021 (Cass. 1° Civ. 19 mai 2021 n° 20 ' 12. 520) n'est plus de mise sauf à considérer, au cas présent, que la facture formalisant la créance de prix reliquataire était antérieure à la date de prononcé de cet arrêt.
Il convient cependant de souligner qu'en l'occurrence, les parties exposent chacune les moyens présentés au soutien de leurs prétentions, à front renversé. C'est en effet, au cas présent, le locateur d'ouvrage qui revendique l'application de la jurisprudence nouvelle, pourtant estimée être contraire à ses intérêts, et ce sont les maîtres d'ouvrage qui, à l'inverse, soutiennent l'option inverse.
Ainsi, à la date d'introduction de l'instance, le principe jurisprudentiel était de mettre en concordance le point de départ de la prescription biennale avec la date d'achèvement des travaux, parti pris favorable aux intérêts des consommateurs dans la mesure où il évite le choix potestatif du professionnel dans la détermination de ce point de départ du délai d'extinction de l'obligation. La réserve d'application posée par l'arrêt rendu par la première chambre civile en 2021 était donc d'application relative en ce qu'elle impliquait que la solution précédemment retenue ne pouvait bénéficier qu'à l'entrepreneur de travaux qui était le seul à normalement pâtir de l'inconstance de la jurisprudence en la matière. Il ne peut donc y avoir de choix entre les deux options en fonction des intérêts défendus par chacune des parties.
Il s'ensuit qu'à la date de délivrance de l'assignation soit le 27 décembre 2022, le point de départ du délai biennal de prescription correspondait à la date d'achèvement des travaux. Il sera également observé qu'au cas présent, le tribunal a fait correspondre ce point de départ à la date de mise en demeure du paiement du solde de prix de travaux et non à celle de la facture. Force est de constater, de ce point de vue, qu'une seule facture d'acompte de la somme de 2 900 euros a été émise à la date de souscription du marché, la seconde n'ayant été formalisée qu'en 2025, soit postérieurement à la date de reddition du jugement critiqué. Dès lors, une simple mise en demeure ne respecte pas le formalisme propre à la facture telle qu'énoncée à l'article L.441 ' 3 du code de commerce. Il ne ressort pas des productions des parties qu'une facture ait ainsi été émise pour le montant réclamé antérieurement à la date à laquelle le jugement a été rendu.
Il suit de là que c'est à tort que le premier juge a fixé le point de départ du délai de deux ans, spécifique à la législation consumériste, à la date de la mise en demeure adressée au maître d'ouvrage le 2 décembre 2019 pour en déduire l'admission du moyen de fin de non recevoir excipé en défense. Partant, il y a lieu de déterminer la date d'achèvement des travaux pour établir le point de départ du délai biennal de prescription.
* * *
Il convient donc, au cas présent, de rechercher à quelle date les travaux ont été achevés pour en déduire le point de départ du délai biennal de prescription. En matière de travaux immobiliers, la réception de l'ouvrage joue un rôle majeur dans la mise en 'uvre des garanties légales mais également en matière de prescription. Toutefois, au cas présent, aucune réception expresse n'a été formalisée, les parties s'en étant uniquement tenues à un projet de réunion contradictoire aux fins d'accomplissement de cette formalité. Il n'est pas davantage fait état d'une réception tacite ni d'une demande de réception judiciaire.
Le premier juge a estimé que l'émission de la facture à la date de la mise en demeure d'avoir à régulariser le solde impayé constituait implicitement un indice de terminaison de l'ouvrage puisque la somme réclamée résultait de la différence entre le prix nominal stipulé au devis accepté et le montant de l'acompte déjà versé. Cependant, les relations subséquentes entre les parties démentent l'existence d'un achèvement de la prestation selon les exigences formulées par les maîtres d'ouvrage.
L'achèvement des travaux en ce domaine, et notamment celui des travaux qui ne constituent pas un ouvrage immobilier au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil, ne peut en conséquence être assimilé à la notion d'achèvement visé aux articles R.261-1 et suivants du code de la construction d'habitation, généralement prise comme référence pour étayer la consistance du concept, qui fait référence à l'habitabilité du local. La fin des travaux, s'agissant d'un chantier, est donc caractérisé par la livraison d'un ouvrage conforme aux spécifications du marché initial. Par ailleurs, cette définition s'accommode d'options dissidentes comme celle qui fait de l'abandon de chantier un fait générateur du délai de prescription, ou encore celle de la résiliation amiable où les parties conviennent de mettre un terme à l'engagement en figeant ainsi toute obligation dérivant du contrat originaire pour accepter, en l'état, l'ouvrage déjà réalisé.
Ainsi, en l'occurrence, suivant courrier en date du 12 décembre 2019, en prévision d'une réception prochaine, les maîtres de l'ouvrage ont adressé un courrier de doléances à leur partenaire contractuel se plaignant d'un défaut de pose des plinthes, d'un défaut de ragréage du sol, de malfaçons affectant le nez des marches d'escalier et un défaut de pose du profilé de la salle de bains. La société IPC, dans un courrier en réponse en date du 8 janvier 2020 a acquiescé à certaines critiques et a proposé aux clients une offre commerciale se traduisant par un abattement sur le solde de la créance de prix.
Subséquemment, les consorts [M] ont indiqué à leur cocontractant qu'il convenait de différer l'exécution des travaux de finition en attente de devis émanant d'autres prestataires.
Les pourparlers entre les parties se sont poursuivis et par courrier en date du 29 octobre 2020 l'entreprise a proposé à ses clients une nouvelle intervention moyennant le paiement d'un solde de prix de 6 500 euros avec reprise corrélative des désordres relevés. Un courrier en réponse des maîtres de l'ouvrage en date du 5 juillet 2021, confirmé par un courrier subséquent en date du 26 du même mois puis un dernier courrier en date du 6 décembre 2021, auquel le locateur d'ouvrage a répondu par courrier en date du 13 décembre 2021, atteste de la recherche d'un compromis pour parvenir à la terminaison des travaux. Un devis de reprise des travaux a été adressé aux intimés le 5 avril 2022 correspondant au coût de réfection et de reprise de l'ouvrage, la prestation étant délivrée à titre gratuit.
Ces échanges témoignent de l'absence de finition du service à rendre mais attestent également d'une absence de réception formelle ou tacite de même qu'une absence d'abandon du chantier et d'acceptation de l'ouvrage en l'état par le donneur d'ordre. Il s'ensuit que l'obligation de faire à la charge de l'entrepreneur n'était pas encore entièrement exécutée et que le marché de travaux ne pouvait donc être regardé comme ayant pris fin entre les parties. C'est donc au plus tôt à la date du 5 avril 2022 que doit être fixé le point de départ du délai de prescription biennale de l'article L.218-2 précité. Dans la mesure où l'assignation a été délivrée le 27 décembre 2022 le délai de prescription doit être regardé comme ayant été interrompu à cette dernière date et le moyen de fin de non recevoir articulé sur ce fondement ne saurait, partant, être accueilli. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
* * *
Les consorts [M] ont excipé de l'inexécution des obligations à la charge du locateur d'ouvrage pour se soustraire au paiement du solde de prix restant dû, et ce en application de l'article 1217 du code civil.
À l'appui de leurs prétentions, ils invoquent une expertise amiable non-contradictoire réalisée par M. [B] et un procès-verbal de constat d'huissier ayant mis en évidence l'existence des désordres et malfaçons. Le caractère non contradictoire de l'expertise est invoqué comme moyen de défense par la société IPC. Cependant, la description des inachèvements, non façons et malfaçons est corroborée par le constat de huissier, lui permettant ainsi d'accéder à la perfection probatoire. En toute hypothèse, il résulte des échanges épistolaires entre les parties que si l'existence de certaines malfaçons est contestée, notamment quant à la tolérance du défaut de planéité, les autres griefs articulés par les maîtres de l'ouvrage ont fait l'objet d'un acquiescement de la part de l'entreprise IPC.
Ainsi, si le défaut de planéité ne peut donner lieu à une quelconque réparation dans la mesure où l'expert amiable a admis que le défaut litigieux demeurait compatible avec la tolérance prévue au DTU, les autres motifs de mécontentement, affectant la pose des plinthes, les défauts des marches des escaliers et la défectuosité des éléments d'équipement installés dans la salle de bains, sont avérés et reconnus par la société appelante, au terme des nombreux courriers échangés entre les parties.
Aucune proposition de réparation en nature, dans les termes de l'article 1221 du code civil, n'a été formulée par aucune des parties. Il s'ensuit qu'avant toute réception, l'entreprise demeure soumise au régime de responsabilité des locateurs d'ouvrage fondé sur une obligation de résultat emportant à la fois présomption de faute et de causalité. C'est donc au titulaire de l'obligation de faire d'administrer la preuve d'une absence de faute et d'un lien de causalité entre le manquement allégué et le dommage invoqué.
En l'occurrence, si l'on excepte le défaut de planéité consécutif aux travaux de ragréage du sol de la maison d'habitation, les malfaçons en litige, toutes liées à des défauts d'exécution, et tels qu'ils ressortent du rapport d'expertise amiable et du procès-verbal de constat de huissier, se présentent de la manière suivante :
' Plinthes recouvertes d'un film alu partiellement collé par plot sur de petites longueurs ou fixées par agrafes sur les grandes longueurs. Les plinthes se déforment et dénaturent l'aspect de l'aluminium du fait de la présence d'agrafes visibles. Les coupes d'onglets sont mal réalisées et les plinthes se décollent.
' Concernant les escaliers, les baguettes entre la marche et la contremarche sont à certains endroits désaffleurantes de plus de 2 mm. Il existe une non-conformité aux règles de tolérance avec risque importante de chute et de blessures.
' Baguettes de fixation sur les angles de la baignoire. Les angles sont profilés en alu et sont saillants et coupants.
Ainsi qu'il l'a été dit, les défauts d'exécution de l'ouvrage sont reconnus par la société débitrice. Il reste donc, à partir des productions des parties à déterminer le coût des travaux de réfection et de reprise de l'ouvrage endommagé. L'expert amiable a évalué la créance réparatrice des maîtres de l'ouvrage à une somme globale de 3200 euros. Toutefois, sur ce point, l'évaluation expertale n'est pas corroborée par les indications fournies par l'officier ministériel. Seuls des devis de réfection sont produits aux débats mais qui demeurent en discordance avec l'appréciation de l'expert amiable et il ne ressort nullement de l'énumération des postes de travaux restant à accomplir qu'une parfaite symétrie puisse être établie entre les travaux restant à accomplir et ceux figurant sur chacun des devis.
Dès lors, la cour fera une juste appréciation du quantum dû à titre de dommages et intérêts en l'arbitrant à la somme de 2500 euros.
Au regard des pièces produites, le solde de prix restant dû s'élève à la somme de 7 323,33 euros TTC. Après compensation entre les créances réciproques des parties, le solde créditeur en faveur de l'entreprise de travaux doit donc être liquidé à la somme de 4 823,33 euros TTC. Les consorts [E] [U] seront condamnés à en acquitter le paiement au profit de la société appelante avec majoration d'intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure régularisée suivant courrier en date du 2 décembre 2019.
Il ressort des pièces de la procédure qu'une tentative de conciliation était proche d'aboutir à un accord transactionnel pour régler le litige survenu entre les parties. Les termes de l'accord, dans son état plus abouti, ne méconnaissait les intérêts d'aucune des parties. Force est de constater que ce sont les intimés qui ont pris le parti de ne pas y donner suite. Dans ces conditions, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société IPC les frais exposés par elle tant en première instance qu'en appel, et non compris dans les dépens à hauteur d'une somme de 1500 euros pour chacune des instances contentieuses. Les consorts [M] seront donc tenus d' acquitter le paiement de la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles à la société appelante.
Les entiers dépens, tant en première instance qu'en appel, seront à la charge des intimés.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :
' Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
' Déclare l'action introduite par la SARL Inspiration Parquets Carrelages à l'encontre de Mme [Z] [U] et M. [I] [X], recevable.
' Condamne solidairement Mme [Z] [U] et M. [I] [X] à payer à la SARL Inspiration Parquets Carrelages la somme de 4 823,33 euros pour solde de tout compte au titre du marché de travaux formalisé par devis accepté en date du 5 août 2019, avec majoration d'intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2019, date de la première mise en demeure.
' Condamne solidairement Mme [Z] [U] et M. [I] [X] à payer à la SARL Inspiration Parquets Carrelages la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.
' Les condamne, sous le même lien de solidarité, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,
PM/[Localité 4]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 24/00911 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZBG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 05 AOUT 2025
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 avril 2024 - RG N°1123000025 - TRIBUNAL DE PROXIMITE DE DOLE
Code affaire : 54C - Demande en paiement du prix formée par le constructeur contre le maître de l'ouvrage ou son garant
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
Philippe MAUREL et M. Cédric SAUNIER, Conseillers.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 13 mai 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Philippe MAUREL et M. Cédric SAUNIER, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. INSPIRATION PARQUETS CARRELAGES
Sise [Adresse 2]
Inscrite au RCS de [Localité 5] sous le numéro 841 456 927
Représentée par Me Nicolas HOURNON de la SELARL NHG, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉS
Monsieur [I] [X]
né le 19 Juin 1997 à [Localité 6], de nationalité française, technicien de maintenance, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Sara KINDELBERGER, avocat au barreau de JURA
Madame [Z] [U]
née le 23 Septembre 1999 à [Localité 6], de nationalité française, agent commercial, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Sara KINDELBERGER, avocat au barreau de JURA
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
EXPOSE DU LITIGE
La SARL « Inspiration Parquets Carrelages » (ci-après dénommé société IPC) est spécialisée dans le négoce de matériaux de construction et plus particulièrement de revêtements de sol et exploite pour cela un magasin à [Localité 3]. Pour la pose et l'installation de ces équipements, elle fait appel à un sous-traitant chargé des travaux d'exécution. Elle est intervenue au domicile de M. [I] [X] et Mme [Z] [U] pour la fourniture et la pose de carrelage et de plinthes selon devis accepté en date du 5 août 2019 moyennant un prix de 10'123,33 euros TTC. Un acompte d'un montant de 2900 eurosTTC a été payé à la souscription. Cependant, l'ouvrage n'a jamais été réceptionné ni même achevé, les maîtres de l'ouvrage ayant émis un certain nombre de doléances quant à la qualité du service rendu.
Suivant mise en demeure en date du 2 décembre 2019, ultérieurement réitérée par courrier en date du 8 janvier 2020, la société fournisseuse et locatrice d'ouvrage a sollicité le paiement par les donneurs d'ordres d'un montant de 7 323,33 euros TTC au titre du solde de prix restant dû sur facture. Les parties sont alors entrées en voie de négociation pour trouver un terrain d'entente et mettre un terme à la relation d'affaires au mieux de leurs intérêts.
Au mois de septembre 2020, les consorts [M] ont fait réaliser une expertise amiable non contradictoire à l'effet de mettre en évidence les désordres et malfaçons affectant l'ouvrage. Il en est résulté l'existence d'un défaut de planéité du sol, une mauvaise exécution de l'installation des plinthes, et une pose défectueuse des baguettes dans la salle de bain, l'ensemble pouvant être réparé à hauteur d'une somme de 3200 euros.
Au mois de juin 2021, les parties semblaient pouvoir s'accorder sur la base de l'alternative suivante :
' Achever les travaux en procédant à la réfection et la reprise de l'ouvrage moyennant le paiement d'un prix de 6 500 euros TTC.
' Laisser le chantier en l'état en contrepartie du versement d'un solde de tout compte de 5 900 euros TTC.
Dans les derniers errements de la phase amiable, les parties s'étaient accordées pour que les travaux de reprise soient achevés moyennant le paiement d'un solde de prix de 5 300 euros TTC. Cependant, insastisfaits de la prestation du locateur d'ouvrage, les donneurs d'ordres n'ont pas donné suite à cette ultime proposition.
Les consorts [E] [U] ont alors pris l'attache de l'association 'UFC- Que Choisir' en vue de recevoir une aide dans la résolution du litige les opposant à l'entreprise de fourniture et construction. Après avoir participé activement à la recherche d'une solution transactionnelle, l'association de défense des consommateurs invita les maîtres d'ouvrage à se prévaloir de la prescription biennale de l'article L.218-2 du code de la consommation.
En l'absence de solution amiable, la société IPC a fait assigner les consorts [M], suivant acte de commissaire de justice en date du 27 décembre 2022, devant le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qui s'est déclaré incompétent, en raison du taux de ressort, et a transféré le dossier de la procédure au juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Dole.
Suivant jugement en date du 25 avril 2024, le juge des contentieux de la protection a rejeté les demandes formulées par la société IPC estimant celles-ci prescrites et condamné chaque partie à supporter la charge de ses propres dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le juge a fait droit à l'exception de fin de non recevoir tirée de la prescription biennale laquelle devait commencer à courir à compter de l'émission de la facture et plus particulièrement de la mise en demeure du 2 décembre 2019. Le délai de deux ans était donc expiré à la date de l'assignation introductive d'instance.
Suivant déclaration au greffe, formalisée par voie électronique en date du 21 juin 2024, la société IPC a interjeté appel du jugement rendu. Dans le dernier état de ses écritures en date du 4 février 2025, elle invite la cour à réformer le jugement en toutes ses dispositions et à statuer dans le sens suivant :
' Déclarer l'action de la société concluante recevable.
' Débouter les consorts [M] de l'intégralité de leurs demandes, en ce compris la demande de compensation.
' Condamner les consorts [M] à payer à la concluante la somme de 7 323,33 euros au titre du solde de prix restant dû.
' Condamner les intimés à lui payer la somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 3 000 euros pour les mêmes frais exposés en appel, outre les entiers dépens.
Subsidiairement :
' Réformer le jugement rendu le 25 avril 2024 et dire et juger que les consorts [M] ont renoncé au bénéfice de la prescription.
' En conséquence, les condamner à lui payer la somme de 7 323,33 euros TTC, outre la somme de 2 000 euros et de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
A titre très subsidiaire :
' Réformer le jugement rendu le 25 avril 2024 et dire que les consorts [M] doivent être privés du droit à se prévaloir de la prescription et les condamner au paiement de la somme de 7 323,33 euros TTC, outre celle de 2 000 euros et de 3 000 euros au titre des frais non taxables exposés en première instance et en appel.
A titre infiniment subsidiaire :
' Réformer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Dole en date du 25 avril 2024 et dire que le comportement des consorts [M] a occasionné à la société concluante un préjudice devant être compensé par l'allocation d'une somme de 7 323,33 euros TTC outre celle de 2 000 euros et de 3 000 euros au titre des frais exposés en marge des dépens tant en première instance qu'en appel.
Elle fait valoir, à l'appui de ses prétentions, les moyens et arguments suivants :
' Aucune prescription n'est acquise au cas présent. Le tribunal s'est, en effet, inspiré d'une jurisprudence nouvelle qui a substitué la date d'achèvement des travaux comme point de départ du délai de prescription biennale à celle de l'émission des factures. Cette jurisprudence nouvelle n'a été reconnue applicable que dans le cadre d'instances contentieuses introduites postérieurement au prononcé de l'arrêt de référence en vue de ne pas préjudicier aux intérêts des locateurs d'ouvrage de bonne foi. Cependant, outre la circonstance que cette absence de rétroactivité doit être prévue par la Cour de cassation dans l'arrêt rendu, ce qui n'est pas le cas de la jurisprudence invoquée par les intimés, elle suppose également que les travaux soient achevés, condition exclusive de l'espèce présente.
' En l'absence d'achèvement des travaux la prescription biennale n'a pu commencer à courir.
' En toute hypothèse, aucune règle n'impose d'émettre une facture avant tout paiement. Le principe demeure donc la délivrance d'un tel document après que le paiement du prix a été régularisé.
' Aucune compensation n'est de mise entre les créances réciproques des parties, étant souligné en l'espèce que l'expertise dont se prévalent les défendeurs n'est pas contradictoire à son endroit si bien que ces derniers ne font pas la preuve d'une créance certaine liquide et exigible pouvant être compensée avec le solde de prix restant dû.
' Les négociations entre les parties se sont poursuivies au-delà du terme de la prescription biennale invoquée par les maîtres de l'ouvrage en sorte que ceux-ci doivent être regardés comme y ayant renoncé.
' Enfin, le fait de s'être engagés dans des négociations en vue de parvenir à un accord amiable alors même qu'ils savaient l'action en recouvrement prescrite caractérise la mauvaise foi des acquéreurs et maîtres de l'ouvrage, les privant ainsi du droit de se prévaloir de la prescription.
' Les malfaçons invoquées sont minimes et ne sont donc pas de nature à justifier une exception d'inexécution. Dès lors la rétention du prix de de la part des consorts [M] revêt un caractère fautif.
* * *
En réponse, et aux termes de leurs ultimes écritures à portée récapitulative en date du 8 avril 2025, les consorts [M] se prononcent en faveur de la confirmation du jugement attaqué.
Subsidiairement, ils excipent d'une fin de non recevoir tirée du défaut du droit d'agir de l'entrepreneur.
Plus subsidiairement encore ils demandent à la cour de :
' Réformer le jugement rendu et dire que les travaux ont été mal réalisés et condamner en conséquence la société IPC à leur payer la somme de 14'738,74 euros à titre de dommages-intérêts et ordonner la compensation de créance réciproque entre les parties.
' Condamner la société IPC à verser aux concluants la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en ce compris le coût du constat d'huissier et de l'expertise amiable, outre les entiers dépens en ce compris les frais de constat d'huissier et d'expertise amiable.
Ils soutiennent, à cet égard, que :
' C'est la date de production du dommage qui fixe le point de départ du délai de prescription. Or la réalisation défectueuse des travaux était contemporaine de la demande en paiement du solde de prix. De surcroît, les pourparlers engagés en vue de trouver une solution amiable ne sont pas une cause interruptrice de prescription.
' Aucun travail de reprise et de finition n'a été entrepris depuis la fin du mois de novembre 2019. Alors même que la facture est datée du 16 novembre de la même année.
' Les travaux n'ont pas été accomplis avec la diligence requise et il reste de nombreuses défectuosités à reprendre ainsi qu'en atteste le procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 10 mars 2020 et le rapport d'expertise subséquent établi au mois de septembre 2020.
* * *
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 23 avril 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour accueillir le moyen de fin de non recevoir tiré de la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation applicable dans les rapports entre professionnels et non professionnels, le premier juge s'est inspiré d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er mars 2023 (3° Civ. N° 21 ' 23. 176). Cette jurisprudence de la troisième chambre civile, qui n'est que la reprise de celle déjà adoptée par la première chambre civile et la chambre commerciale de la haute juridiction, a posé le principe, abandonnant expressément celui de la fixation du point de départ du délai de prescription à la date d'émission des factures, que celui-ci était désormais contemporain de celle d'achèvement des travaux. Elle a pourtant dénié toute valeur rétroactive au principe nouvellement affirmé en estimant que l'impératif de sécurité juridique faisait obstacle à ce que les situations acquises puissent en être impactées. Elle a donc pris l'option de délaisser le critère de l'achèvement des travaux, en ce qui concerne uniquement les instances en cours, pour reporter le point de départ du délai de prescription à la date d'émission des factures.
Il convient toutefois de relever que si la première chambre civile s'était prononcée en faveur de l'inapplicabilité immédiate de la règle prétorienne qu'elle dégageait afin de ne pas léser les entrepreneurs qui, de bonne foi, pouvait en se laisser surprendre, au détriment de leurs intérêts, par le report du point de départ du délai, elle en avait expressément réservé l'application aux situations dans lesquelles le créancier professionnel n'avait pas encore adressé à son partenaire contractuel une facture de travaux. Une telle précision fait défaut dans l'arrêt précité si bien que le différé d'application de la règle nouvelle n'est pas de mise. Ainsi, l'avertissement et le régime dérogatoire pour appliquer dans le temps la jurisprudence nouvelle prévue par un arrêt rendu en 2021 (Cass. 1° Civ. 19 mai 2021 n° 20 ' 12. 520) n'est plus de mise sauf à considérer, au cas présent, que la facture formalisant la créance de prix reliquataire était antérieure à la date de prononcé de cet arrêt.
Il convient cependant de souligner qu'en l'occurrence, les parties exposent chacune les moyens présentés au soutien de leurs prétentions, à front renversé. C'est en effet, au cas présent, le locateur d'ouvrage qui revendique l'application de la jurisprudence nouvelle, pourtant estimée être contraire à ses intérêts, et ce sont les maîtres d'ouvrage qui, à l'inverse, soutiennent l'option inverse.
Ainsi, à la date d'introduction de l'instance, le principe jurisprudentiel était de mettre en concordance le point de départ de la prescription biennale avec la date d'achèvement des travaux, parti pris favorable aux intérêts des consommateurs dans la mesure où il évite le choix potestatif du professionnel dans la détermination de ce point de départ du délai d'extinction de l'obligation. La réserve d'application posée par l'arrêt rendu par la première chambre civile en 2021 était donc d'application relative en ce qu'elle impliquait que la solution précédemment retenue ne pouvait bénéficier qu'à l'entrepreneur de travaux qui était le seul à normalement pâtir de l'inconstance de la jurisprudence en la matière. Il ne peut donc y avoir de choix entre les deux options en fonction des intérêts défendus par chacune des parties.
Il s'ensuit qu'à la date de délivrance de l'assignation soit le 27 décembre 2022, le point de départ du délai biennal de prescription correspondait à la date d'achèvement des travaux. Il sera également observé qu'au cas présent, le tribunal a fait correspondre ce point de départ à la date de mise en demeure du paiement du solde de prix de travaux et non à celle de la facture. Force est de constater, de ce point de vue, qu'une seule facture d'acompte de la somme de 2 900 euros a été émise à la date de souscription du marché, la seconde n'ayant été formalisée qu'en 2025, soit postérieurement à la date de reddition du jugement critiqué. Dès lors, une simple mise en demeure ne respecte pas le formalisme propre à la facture telle qu'énoncée à l'article L.441 ' 3 du code de commerce. Il ne ressort pas des productions des parties qu'une facture ait ainsi été émise pour le montant réclamé antérieurement à la date à laquelle le jugement a été rendu.
Il suit de là que c'est à tort que le premier juge a fixé le point de départ du délai de deux ans, spécifique à la législation consumériste, à la date de la mise en demeure adressée au maître d'ouvrage le 2 décembre 2019 pour en déduire l'admission du moyen de fin de non recevoir excipé en défense. Partant, il y a lieu de déterminer la date d'achèvement des travaux pour établir le point de départ du délai biennal de prescription.
* * *
Il convient donc, au cas présent, de rechercher à quelle date les travaux ont été achevés pour en déduire le point de départ du délai biennal de prescription. En matière de travaux immobiliers, la réception de l'ouvrage joue un rôle majeur dans la mise en 'uvre des garanties légales mais également en matière de prescription. Toutefois, au cas présent, aucune réception expresse n'a été formalisée, les parties s'en étant uniquement tenues à un projet de réunion contradictoire aux fins d'accomplissement de cette formalité. Il n'est pas davantage fait état d'une réception tacite ni d'une demande de réception judiciaire.
Le premier juge a estimé que l'émission de la facture à la date de la mise en demeure d'avoir à régulariser le solde impayé constituait implicitement un indice de terminaison de l'ouvrage puisque la somme réclamée résultait de la différence entre le prix nominal stipulé au devis accepté et le montant de l'acompte déjà versé. Cependant, les relations subséquentes entre les parties démentent l'existence d'un achèvement de la prestation selon les exigences formulées par les maîtres d'ouvrage.
L'achèvement des travaux en ce domaine, et notamment celui des travaux qui ne constituent pas un ouvrage immobilier au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil, ne peut en conséquence être assimilé à la notion d'achèvement visé aux articles R.261-1 et suivants du code de la construction d'habitation, généralement prise comme référence pour étayer la consistance du concept, qui fait référence à l'habitabilité du local. La fin des travaux, s'agissant d'un chantier, est donc caractérisé par la livraison d'un ouvrage conforme aux spécifications du marché initial. Par ailleurs, cette définition s'accommode d'options dissidentes comme celle qui fait de l'abandon de chantier un fait générateur du délai de prescription, ou encore celle de la résiliation amiable où les parties conviennent de mettre un terme à l'engagement en figeant ainsi toute obligation dérivant du contrat originaire pour accepter, en l'état, l'ouvrage déjà réalisé.
Ainsi, en l'occurrence, suivant courrier en date du 12 décembre 2019, en prévision d'une réception prochaine, les maîtres de l'ouvrage ont adressé un courrier de doléances à leur partenaire contractuel se plaignant d'un défaut de pose des plinthes, d'un défaut de ragréage du sol, de malfaçons affectant le nez des marches d'escalier et un défaut de pose du profilé de la salle de bains. La société IPC, dans un courrier en réponse en date du 8 janvier 2020 a acquiescé à certaines critiques et a proposé aux clients une offre commerciale se traduisant par un abattement sur le solde de la créance de prix.
Subséquemment, les consorts [M] ont indiqué à leur cocontractant qu'il convenait de différer l'exécution des travaux de finition en attente de devis émanant d'autres prestataires.
Les pourparlers entre les parties se sont poursuivis et par courrier en date du 29 octobre 2020 l'entreprise a proposé à ses clients une nouvelle intervention moyennant le paiement d'un solde de prix de 6 500 euros avec reprise corrélative des désordres relevés. Un courrier en réponse des maîtres de l'ouvrage en date du 5 juillet 2021, confirmé par un courrier subséquent en date du 26 du même mois puis un dernier courrier en date du 6 décembre 2021, auquel le locateur d'ouvrage a répondu par courrier en date du 13 décembre 2021, atteste de la recherche d'un compromis pour parvenir à la terminaison des travaux. Un devis de reprise des travaux a été adressé aux intimés le 5 avril 2022 correspondant au coût de réfection et de reprise de l'ouvrage, la prestation étant délivrée à titre gratuit.
Ces échanges témoignent de l'absence de finition du service à rendre mais attestent également d'une absence de réception formelle ou tacite de même qu'une absence d'abandon du chantier et d'acceptation de l'ouvrage en l'état par le donneur d'ordre. Il s'ensuit que l'obligation de faire à la charge de l'entrepreneur n'était pas encore entièrement exécutée et que le marché de travaux ne pouvait donc être regardé comme ayant pris fin entre les parties. C'est donc au plus tôt à la date du 5 avril 2022 que doit être fixé le point de départ du délai de prescription biennale de l'article L.218-2 précité. Dans la mesure où l'assignation a été délivrée le 27 décembre 2022 le délai de prescription doit être regardé comme ayant été interrompu à cette dernière date et le moyen de fin de non recevoir articulé sur ce fondement ne saurait, partant, être accueilli. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
* * *
Les consorts [M] ont excipé de l'inexécution des obligations à la charge du locateur d'ouvrage pour se soustraire au paiement du solde de prix restant dû, et ce en application de l'article 1217 du code civil.
À l'appui de leurs prétentions, ils invoquent une expertise amiable non-contradictoire réalisée par M. [B] et un procès-verbal de constat d'huissier ayant mis en évidence l'existence des désordres et malfaçons. Le caractère non contradictoire de l'expertise est invoqué comme moyen de défense par la société IPC. Cependant, la description des inachèvements, non façons et malfaçons est corroborée par le constat de huissier, lui permettant ainsi d'accéder à la perfection probatoire. En toute hypothèse, il résulte des échanges épistolaires entre les parties que si l'existence de certaines malfaçons est contestée, notamment quant à la tolérance du défaut de planéité, les autres griefs articulés par les maîtres de l'ouvrage ont fait l'objet d'un acquiescement de la part de l'entreprise IPC.
Ainsi, si le défaut de planéité ne peut donner lieu à une quelconque réparation dans la mesure où l'expert amiable a admis que le défaut litigieux demeurait compatible avec la tolérance prévue au DTU, les autres motifs de mécontentement, affectant la pose des plinthes, les défauts des marches des escaliers et la défectuosité des éléments d'équipement installés dans la salle de bains, sont avérés et reconnus par la société appelante, au terme des nombreux courriers échangés entre les parties.
Aucune proposition de réparation en nature, dans les termes de l'article 1221 du code civil, n'a été formulée par aucune des parties. Il s'ensuit qu'avant toute réception, l'entreprise demeure soumise au régime de responsabilité des locateurs d'ouvrage fondé sur une obligation de résultat emportant à la fois présomption de faute et de causalité. C'est donc au titulaire de l'obligation de faire d'administrer la preuve d'une absence de faute et d'un lien de causalité entre le manquement allégué et le dommage invoqué.
En l'occurrence, si l'on excepte le défaut de planéité consécutif aux travaux de ragréage du sol de la maison d'habitation, les malfaçons en litige, toutes liées à des défauts d'exécution, et tels qu'ils ressortent du rapport d'expertise amiable et du procès-verbal de constat de huissier, se présentent de la manière suivante :
' Plinthes recouvertes d'un film alu partiellement collé par plot sur de petites longueurs ou fixées par agrafes sur les grandes longueurs. Les plinthes se déforment et dénaturent l'aspect de l'aluminium du fait de la présence d'agrafes visibles. Les coupes d'onglets sont mal réalisées et les plinthes se décollent.
' Concernant les escaliers, les baguettes entre la marche et la contremarche sont à certains endroits désaffleurantes de plus de 2 mm. Il existe une non-conformité aux règles de tolérance avec risque importante de chute et de blessures.
' Baguettes de fixation sur les angles de la baignoire. Les angles sont profilés en alu et sont saillants et coupants.
Ainsi qu'il l'a été dit, les défauts d'exécution de l'ouvrage sont reconnus par la société débitrice. Il reste donc, à partir des productions des parties à déterminer le coût des travaux de réfection et de reprise de l'ouvrage endommagé. L'expert amiable a évalué la créance réparatrice des maîtres de l'ouvrage à une somme globale de 3200 euros. Toutefois, sur ce point, l'évaluation expertale n'est pas corroborée par les indications fournies par l'officier ministériel. Seuls des devis de réfection sont produits aux débats mais qui demeurent en discordance avec l'appréciation de l'expert amiable et il ne ressort nullement de l'énumération des postes de travaux restant à accomplir qu'une parfaite symétrie puisse être établie entre les travaux restant à accomplir et ceux figurant sur chacun des devis.
Dès lors, la cour fera une juste appréciation du quantum dû à titre de dommages et intérêts en l'arbitrant à la somme de 2500 euros.
Au regard des pièces produites, le solde de prix restant dû s'élève à la somme de 7 323,33 euros TTC. Après compensation entre les créances réciproques des parties, le solde créditeur en faveur de l'entreprise de travaux doit donc être liquidé à la somme de 4 823,33 euros TTC. Les consorts [E] [U] seront condamnés à en acquitter le paiement au profit de la société appelante avec majoration d'intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure régularisée suivant courrier en date du 2 décembre 2019.
Il ressort des pièces de la procédure qu'une tentative de conciliation était proche d'aboutir à un accord transactionnel pour régler le litige survenu entre les parties. Les termes de l'accord, dans son état plus abouti, ne méconnaissait les intérêts d'aucune des parties. Force est de constater que ce sont les intimés qui ont pris le parti de ne pas y donner suite. Dans ces conditions, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société IPC les frais exposés par elle tant en première instance qu'en appel, et non compris dans les dépens à hauteur d'une somme de 1500 euros pour chacune des instances contentieuses. Les consorts [M] seront donc tenus d' acquitter le paiement de la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles à la société appelante.
Les entiers dépens, tant en première instance qu'en appel, seront à la charge des intimés.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :
' Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
' Déclare l'action introduite par la SARL Inspiration Parquets Carrelages à l'encontre de Mme [Z] [U] et M. [I] [X], recevable.
' Condamne solidairement Mme [Z] [U] et M. [I] [X] à payer à la SARL Inspiration Parquets Carrelages la somme de 4 823,33 euros pour solde de tout compte au titre du marché de travaux formalisé par devis accepté en date du 5 août 2019, avec majoration d'intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2019, date de la première mise en demeure.
' Condamne solidairement Mme [Z] [U] et M. [I] [X] à payer à la SARL Inspiration Parquets Carrelages la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.
' Les condamne, sous le même lien de solidarité, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,