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Décisions

CA Rouen, ch. des etrangers, 5 août 2025, n° 25/02949

ROUEN

Ordonnance

Autre

CA Rouen n° 25/02949

5 août 2025

N° RG 25/02949 - N° Portalis DBV2-V-B7J-KBDY

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 05 AOUT 2025

Catherine THERON, conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Madame Marie DEMANNEVILLE, Greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de rétention administrative qu'il a le 4 juin 2025 prise à l'égard de M. [C] [Y] né le 13 Avril 2001 à [Localité 3] (LYBIE) ;

Vu l'ordonnance rendue le 03 Août 2025 à 15:53 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen disant n'y avoir lieu à prolongation de la mesure de rétention administrative concernant M. [C] [Y] ;

Vu l'appel interjeté le 04 août 2025 à 12:00 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, avec demande d'effet suspensif, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen à 12:26, régulièrement notifié aux parties ;

Vu l'ordonnance du 04 août 2025 disant qu'il sera sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 03 Août 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire à l'égard de M. [C] [Y] dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de ladite ordonnance ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- au préfet de la Seine-Maritime,

- à Me Vincent SOUTY, avocat au barreau de ROUEN, choisi en vertu de son droit de suite,

- à [V] [D], interprète en arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [C] [Y] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de [V] [D], interprète en arabe, expert assermenté, en l'absence du PREFET DE [Localité 1] et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [C] [Y] par visioconférence depuis les locaux dédiés situés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Me Vincent SOUTY, avocat au barreau de ROUEN assistant son client à Oissel ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

M. [C] [Y] et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS :

[C] [Y], né le 13 avril 2001 à [Localité 3]( Lybie) de nationalité étrangère et en situation irrégulière sur le territoire français, a été placé en rétention administrative le 4 juin 2025.

Par ordonnance du 3 août 2025, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, saisi par l'autorité administrative d'une demande de 3ème prolongation d'une durée de 15 jours de la rétention administrative de l'intéressé ,après avoir déclaré la requête recevable, considérant que la preuve que des diligences consulaires n'avaient pas été réalisées, a dit n'y avoir lieu à prononcer l'une quelconque des mesures prévues par le CESADA, ordonné la remise en liberté immédiate de [C] [Y] et alloué une indemnité de 500 euros à son conseil au titre de l'aide juridictionnelle.

Le ministère public a interjeté un appel suspensif et par ordonnance du 4 août 2025, le magistrat délégué par Mme la première présidente a sursis à l'exécution de l'ordonnance litigeuse.

Dans le mémoire annexé à la déclaration d'appel soutenu à l'audience, ,le conseil de l'appelant , se fondant sur les articles R743-2, L741-1, L741-3 et L743-7du CESEDA, faisant valoir d'une part, que la salle du centre de rétention, inaccessible au public, est inadaptée à ce type d'audience et qu'en outre, aucun agent n'est présent pour rédiger le procès-verbal , qu'il n'existe aucun registre de sécurité et que l'installation électrique est non conforme, qu'il n'a pas eu accès au dossier complet au centre de rétention articulant plus particulièrement que [C] [Y] « aurait » saisi le tribunal administratif et que la décision ne figure pas au dossier, que la requête n'est pas recevable en ce qu'aucune copie du registre actualisé n'a été produite par l'autorité administrative , que l'administration ne justifie pas avoir effectué les diligences consulaires prescrites par les textes en vigueur que la preuve n'est pas rapportée que la présence de [C] [Y] sur le sol français constitue une menace grave pour l'ordre public et qu'enfin , les soins que requiert son état de santé ne peuvent lui être dispensés , sollicite le rejet de la demande de prolongation et une indemnité de 700 euros.

L'autorité administrative n'est ni présente ni représentée à l' audience.

Dans ses réquisitions du 4 août 2025, Mme la procureure générale requiert l'infirmation de l'ordonnance déférée.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par le ministère public l'encontre de l'ordonnance rendue le 03 août 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.

Sur la recevabilité de la requête préfectorale en prolongation en l'absence de registre actualisé :

Aux termes de l'article R742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.

La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.

Selon les dispositions de l'article R743-2 alinéas 1 et 2 du même code, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs. Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d'une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l'irrecevabilité de la demande. Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).

L'article L744-2 du CESEDA dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.

L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

L'article R743-2 du même code rappelle qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Selon les dispositions de l'article 2 du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé 'logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative et de son annexe', le registre de rétention enregistrent les données à caractère personnel et informations suivantes:

I. - Concernant l'étranger faisant l'objet de la mesure de placement en rétention administrative :

1° Nom(s), prénom(s), alias éventuels ;

2° Date et lieu de naissance, nationalité ;

3° Sexe ;

4° Situation familiale, nom(s), prénom(s) et âge des enfants mineurs accompagnants;

5° Photographie d'identité ;

6° Type et validité du document d'identité éventuel ;

7° Numéro de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France correspondant au dossier de l'étranger placé en rétention ;

8° Le cas échéant, qualité de sortant de prison ;

9° Signature.

II. - Concernant la procédure administrative de placement en rétention administrative :

1° Date et heure du prononcé et de la notification de l'arrêté préfectoral de placement en rétention et, le cas échéant, des décisions de prolongation ;

2° Lieu de placement en rétention, date et heure d'admission au centre de rétention administrative, date et heure d'un transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention et motif ;

3° Préfecture en charge de l'exécution de la mesure de placement en centre de rétention administrative;

4° Service interpellateur ou réalisant le transfert : transfert éventuel depuis un autre centre de rétention administrative ou depuis un établissement pénitentiaire ;

5° Droits de la personne liés au placement en rétention (date et heure de la notification des droits, référence du procès-verbal de notification) ;

6° Agent chargé de la mesure d'admission en centre de rétention administrative : nom, prénom, grade, numéro d'identification, signature ;

7° Conditions particulières d'accueil, secteur d'hébergement, affectation d'une chambre et d'un lit ;

8° Origine, nature et date de la mesure d'éloignement, date de sa notification, interdiction de retour ;

9° Bagages placés en consigne : numéro de registre et de consigne, détail et état des bagages, date de restitution des bagages ;

10° Biens placés au coffre : numéro de registre et de coffre, liste des objets de valeur et des objets écartés, date de dépôt et de restitution ;

11° Objets laissés à la disposition du retenu ;

12° Mouvements d'argent : numéro de registre, détail du numéraire, date et heure de dépôt et de retrait des fonds ;

13° Compte rendu des incidents au centre de rétention (date, heure, circonstances) : mise à l'écart, dates de début et de fin de la mise à l'écart et avis de cette mesure aux autorités judiciaires et administratives compétentes, nom, prénom, grade et numéro d'identification de l'agent ayant décidé la mise à l'écart, date et heures d'une demande d'examen médical et, le cas échéant, date et heure de l'examen médical et des mesures prescrites nécessitant l'intervention d'un agent du centre de rétention administrative ;

14° Hospitalisation éventuelle : date et heure d'admission, coordonnées de l'établissement hospitalier, date et heure de sortie ;

15° Existence d'une procédure « étranger malade » : date de saisine de l'agence régionale de santé (ARS), avis de l'ARS, décision préfectorale ;

16° Nom, prénom et signature de l'interprète ;

17° Nom, prénom, grade et signature du personnel du centre de rétention administrative.

III. - Concernant les procédures juridictionnelles mises en oeuvre au cours de la rétention:

1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;

2° Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;

3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.

IV. - Concernant la fin de la rétention et l'éloignement :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de l'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de l'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire ;

2° Réservation du moyen de transport national et international : date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte ;

3° Fin de la rétention : date et motif de la fin de rétention.

Aussi, il est constant que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre actualisé. L'absence de production avec la requête du préfet de cette copie est sanctionnée par l'irrecevabilité de la requête, cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief.

La production d'une copie actualisée du registre a pour seul but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention. Elle a pour fondement la volonté de pallier la difficulté voire l'impossibilité pour l'étranger, de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif.

Il se déduit de ces considérations que la sanction qu'est l'irrecevabilité ne doit s'apprécier qu'à l'aune de la fonction assignée au registre. A ce titre, il sera rappelé que si le juge, gardien de la liberté individuelle, doit s'assurer d'après les mentions figurant au registre que l'étranger a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en mesure de les faire valoir, ce contrôle s'opère également par tous moyens.

En l'espèce, la copie du registre produite par l'autorité administrative à l'appui de sa requête n'a pas été actualisée en ce qu'elle ne comporte pas la décision du JLD du 4 juillet 2025 et l'ordonnance confirmative du magistrat délégué par Mme la première présidente en date du 7 juillet 2025.

La requête de la préfecture de Seine-Maritime est par conséquent irrecevable.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Infirmons l'ordonnance déférée,

Déclarons irrecevable la requête de la préfecture de Seine-Maritime,

Allouons au conseil de [C] [Y] une indemnité de 700 euro au titre de l'aide juridictionnelle.

Fait à Rouen, le 05 Août 2025 à 13h45.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

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