CA Dijon, 2e ch. civ., 3 avril 2025, n° 22/01150
DIJON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Grie (SARL)
Défendeur :
Mercier (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blanchard
Conseillers :
Mme Charbonnier, Mme Kuentz
Avocats :
Me Soulard, Me Fernex de Mongex, Me Renevey-Laissus, Me Raynaud
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
La société G.R.I.E. est titulaire d'un contrat de distribution exclusif pour la France des produits de tabac à chicha de marque Fantasia en vertu d'une convention signée avec un fournisseur américain.
Elle a concédé à la SAS Mercier, spécialisée dans le commerce de gros, aux termes d'un contrat conclu le 22 mars 2017, la distribution des produits Fantasia sur l'ensemble du territoire français, le contrat étant conclu pour une durée de trois ans, renouvelable tous les ans, et comprenant notamment une exigence minimale de quantité (article 1: 24 000 kg).
La société Mercier a procédé à une première commande de 6 000 kg de tabac à chicha Fantasia pour un montant global de 121 200 euros HT.
Le 22 mai 2017, la société G.R.I.E a adressé une confirmation de commande et a émis une première facture n°F0001-06- 2017 du même montant le 5 juin 2017.
Des retards de livraisons sont intervenus.
Le 12 août 2017, la société G.R.I.E a émis deux nouvelles factures à l'ordre des Etablissements Mercier portant sur les mêmes marchandises.
-facture n°F001-06-2017-AIR d'un montant de 20 361,60 euros HT
-facture n°F001-06-2017-B d'un montant de 100 838,40 euros HT.
Le 15 septembre 2017, la société Mercier a réglé la somme de 106 878,20 euros puis une somme de 11 998,80 euros le 24 octobre 2018 concernant un reliquat de marchandises livrées courant octobre 2017.
Par courriel du 20 octobre 2017, la société Mercier a procédé à une nouvelle commande portant sur des emballages vides.
Une facture n°002-10-2017 d'un montant de 14 198,04 euros a été établie le 30 octobre 2017 au titre des emballages paquets (50g) et cartouches (10 x 50g), répartis entre les quatre sociétés membres du groupe Neodis auquel appartient la société Mercier. Cette somme a été réglée le 18 décembre 2017.
Le 13 mars 2018, la société G.R.I.E a établi un document intitulé «mise à jour du contrat de distribution de tabac à chicha de la marque Fantasia» portant sur le nouveau prix au kg, non signé par le distributeur.
La deuxième partie de la facture n°F002-10-2017 relative au produit lui même a donné lieu à une facture émise le 30 avril 2018 d'un montant de 108 381,78 euros portant sur une quantité de 6 192 euros de tabac à chicha, après déduction des frais d'emballage susvisés, déjà réglé. Cette facture a été réglée le 28 mai 2018.
La société Mercier n'a procédé à aucune nouvelle commande.
Le 26 avril 2019, la société G.R.I.E. a indiqué à son co-contractant que le non respect de ses engagements contractuels tenant à la quantité d'achats minimum, lui causait un manque à gagner de 200 000 euros. Elle lui reprochait encore des prises de contact avec d'autres fournisseurs allemands. Elle ouvrait la voie à une négociation.
En l'absence de réponse, par nouveau courrier du 9 mai 2019, la société G.R.I.E indiquait qu'au regard des infractions au contrat, elle entendait saisir la juridiction compétente pour réclamer réparation de son préjudice.
La société Mercier, objectant du caractère irréaliste des quantités minimales fixées, des difficultés dans la livraison des produits et une absence d'accord d'exclusivité d'approvisionnement de sa part, n'a pas entendu donner suite aux injonctions de la société G.R.I.E.
Aucune solution amiable n'a pu être trouvée entre les parties.
C'est dans ces conditions que, par acte du 02 mars 2021, la société G.R.I.E a fait assigner la société Mercier devant le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône aux fins de voir constater les manquements de la société Mercier, prononcer la résiliation du contrat de distribution aux torts de la défenderesse et condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 25 juillet 2022, le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a :
- dit que la résiliation du contrat est intervenue aux torts de la société G.R.I.E. SARL,
- débouté la société G.R.I.E. SARL de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Mercier SAS de ses autres demandes,
- condamné la société G.R.I.E. SARL à payer à la société Mercier SAS la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société G.R.I.E. SARL en tous les dépens de l'instance, dont frais de greffe indiqués auxquels sont ajoutés le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution de la décision, les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 60,22 euros TTC.
Par déclaration du 16 septembre 2022, la société G.R.I.E. a relevé appel de ce jugement.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'appelante notifiées le 29 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société G.R.I.E. demande à la cour, au visa des articles 1101 à 1104, 1171 alinéas 1 et 2, 1224, 1217, 1231 et 1353 du code civil, ainsi que de l'article L441-6 du code de commerce, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel dirigé contre la société Mercier, celui-ci ayant été formulé dans les délais légaux ;
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de la société Mercier tendant à voir juger :
*le remboursement de stock périmé en l'absence de clause prévoyant la reprise de la marchandise,
*le droit à préjudice économique.
- réformer le jugement de première instance déféré en ce qu'il :
*a dit que la résiliation du contrat est intervenue à ses torts,
*l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
*l'a condamnée à payer à la société Mercier SAS la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*l'a condamnée en tous les dépens de l'instance, dont frais de greffe indiqués auxquels sont ajoutés le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution de la décision, les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 60,22 euros TTC.
et statuant à nouveau :
- juger que la société Mercier a engagé sa responsabilité contractuelle envers elle pour manquement à l'obligation de paiement 100% à la commande validée ;
- constater la faute de la société Mercier dans les retards allégués ;
- retenir l'absence d'inexécution grave de son obligation de livraison ;
- juger pleine et entière la responsabilité de la société Mercier dans le non-respect de son obligation d'achat d'un minimum annuel de 24 000 kg de tabac à chicha de marque Fantasia, obligation de résultat ;
- juger que la société Mercier a engagé sa responsabilité contractuelle envers elle concernant le non-respect de son obligation de développement du marché ;
- rejeter l'ensemble des demandes ou prétentions de la société Mercier émises à son encontre, lesquelles sont infondées.
en conséquence,
- condamner la société Mercier à réparer l'entier préjudice direct qu'elle a subi et à lui régler les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
*en raison du non-respect de l'obligation d'achat d'un minimum annuel :
-242 400 euros HT au titre du préjudice commercial pour la première année,
-475 200 euros HT au titre du préjudice commercial pour la deuxième année,
-475 200 euros HT au titre du préjudice commercial pour la troisième année,
*en raison du non-respect de l'obligation de développement :
-500 000 euros,
- condamner la société Mercier à lui régler en raison de sa mauvaise foi et du manquement à l'obligation de loyauté la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.
en tout état de cause,
- débouter la société Mercier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre ;
- ordonner la publication de la décision dans deux journaux locaux aux frais de la société Mercier ;
- condamner la société Mercier à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même aux entiers dépens et frais de première instance et d'appel et la signification de la décision à intervenir.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'intimée et d'appel incident notifiées le 10 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société Mercier demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1231-1 et 1171 du code civil, de :
A titre principal :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône le 25 juillet 2022 en ce qu'il a :
-dit que la résiliation du contrat est intervenue aux torts de la société G.R.I.E. SARL,
-débouté la société G.R.I.E. SARL de l'ensemble de ses demandes,
-condamné la société G.R.I.E. SARL à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société G.R.I.E. SARL en tous les dépens de l'instance, dont frais de greffe indiqués auxquels sont ajoutés le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution de la décision.
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône le 25 juillet 2022 en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes.
en conséquence,
- juger que la société G.R.I.E. a engagé sa responsabilité contractuelle envers elle pour manquement à son obligation de livraison telle que prévue à l'article 9.C du contrat de distribution ;
- condamner la société G.R.I.E. à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'atteinte à l'image subie, la somme de 19 190 euros HT au titre du préjudice économique subi de son fait et la somme de 556,70 euros HT au titre des frais de destruction du stock.
en tout état de cause,
- débouter la société G.R.I.E. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre ;
- condamner la société G.R.I.E. à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Renevey, avocat sur son affirmation de droit.
La clôture est intervenue le 14 janvier 2025.
Sur ce la cour,
I/ Sur la procédure
La société Mercier fait observer, à titre liminaire, sans en tirer de conséquence, que les conclusions en appel n°2 de la société G.R.I.E. ne permettent pas d'identifier ses moyens nouveaux en violation de l'article 768 du code de procédure civile.
Elle soulève ensuite l'irrecevabilité de prétentions formées par la société Mercier au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile.
Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Or, la cour ne peut que constater que la demande de condamnation à hauteur de 50 000 euros à titre de dommages- intérêts en raison de la mauvaise foi et manquement à l'obligation de loyauté a été formée pour la première fois dans les conclusions n°2 de société G.R.I.E notifiées le 29 août 2023, les premières ayant été notifiées le 23 janvier 2023.
Il ne s'agit pas d'une prétention répliquant aux conclusions ou pièces adverses ni d'une question née postérieurement aux premières conclusions.
Il en résulte que cette demande est déclarée irrecevable.
II/ Sur le fond
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Selon l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
L'article 1224 du code civil prévoit que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Chacune des parties soutient que la résiliation du contrat est imputable à l'autre.
Pour obtenir la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée au paiement de dommages-intérêts, la société G.R.I.E soutient que la société Mercier a manqué aux obligations suivantes :
-obligation de paiement 100 % du prix à la commande validée,
-obligation d'achat d'un volume minimum annuel de 24 000 kg de tabac à chicha de marque Fantasia,
-obligation de développement du marché.
La société Mercier conclut, quant à elle, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit (il faut comprendre prononcé) que la résiliation du contrat est intervenue aux torts de la société G.R.I.E et a débouté cette dernière de sa demande de dommages-intérêts.
Le contrat de distribution conclu entre les parties prévoit en son article 7 B que le contrat peut être résilié de plein droit notamment :
-si le distributeur ne paie pas le fournisseur 100 % à la commande validée,
-si le fabricant ne livre pas les marchandises commandées avec N+30 jours (maximum) à compter de la date à laquelle tout bien est dû.
Il convient de vérifier si les manquements reprochés à la société Mercier justifient que soit prononcée la résiliation du contrat de distribution à ses torts.
1/ Sur l'obligation de paiement 100% du prix à la commande validée
Le contrat de distribution prévoit que le distributeur paie le fournisseur 100% à la commande validée.
En revanche la confirmation de commande du 22 mai 2017 et les factures prévoient un paiement par lettre de crédit avec déblocage de celle-ci une fois la marchandise réceptionnée et justifiée par le bon de livraison émis par le transitaire.
Il est certain que la première commande validée le 22 mai 2017 a été réglée le 15 septembre 2017, la marchandise ayant été livrée fin août 2017. Le solde a été réglé le 24 octobre 2017 pour les marchandises livrées en retard la semaine du 11 octobre.
Par suite, la deuxième commande du 20 octobre 2017 a été payée le 18 décembre 2017 pour les emballages.
Enfin, la facture n°F002-10-2017 du 30 avril 2018 portant sur la deuxième livraison de tabac à chicha intervenue le 4 mai 2018 a été réglée le 28 mai 2018, sur facture du 30 avril 2018.
Contrairement à ce que soutient la société G.R.I.E, il n'est aucunement démontré que ces retards de règlement auraient désorganisé le processus de livraison mis en place, alors qu'il résulte des échanges de courriels entre les parties que les retards de livraison s'expliquent par des causes non imputables à la société Mercier.
Il est observé, par ailleurs, à l'instar des premiers juges, qu'avant la présente procédure, la société G.R.I.E n'a fait aucun reproche à ce sujet à son distributeur et en particulier les courriers adressés en avril et mai 2019 à la société Mercier ne font nullement état de ce manquement.
Le seul envoi de factures mentionnant les modalités et délais de paiement ne saurait valoir mise en demeure et les courriels indiquant «dans l'attente de votre règlement» ou «dans l'attente de votre lettre de crédit» ou «sinon avez vous effectué les 2 paiements pour les marchandises déjà reçues» ne constituent pas davantage une mise en demeure.
S'il est certain que la société G.R.I.E a dû faire l'avance des fonds, elle reconnaît qu'elle a bénéficié d'un étalement de la part de son propre fournisseur.
En outre, il n'est aucunement établi que la société G.R.I.E était en position de dépendance économique, quand bien même la société Mercier appartient à un réseau, et qu'elle aurait été contrainte d'accepter cette situation.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société G.R.I.E s'était accommodée de paiements à la livraison.
2/ Sur la validité de la clause d'approvisionnement minimum
Il est reproché à la société appelante d'avoir manqué à son obligation de résultat d'achat d'un volume minimal annuel de 24 tonnes.
L'article 5 du contrat prévoit que :
-les parties se sont consultées et acceptent que le distributeur achète au minimum de l'exigence annuelle et distribue dans le territoire au cours de la première année de l'entente.
-au début de chaque année subséquente, les parties se consulteront de bonne foi et fixeront l'exigence annuelle applicable à cette année. Toutefois, s'ils ne sont pas d'accord, l'exigence de l'année précédente s'appliquera à l'année en cours.
L'article 1 de la convention fixe l'exigence annuelle à 24 000 kg.
La cour observe que la mise à jour du contrat de distribution de tabac à chicha de la marque Fantasia datée du 13 mars 2018 stipulant le nouveau prix au kg n'a pas été signé par la société Mercier de sorte qu'il est sans effet et qu'il ne peut en être tiré aucune obligation.
Il est certain que la société Mercier a passé et honoré, au cours de la première année, deux commandes pour un montant total de 12 tonnes.
Il est indéniable que la quantité annuelle commandée par l'appelante ne respecte pas la clause contractuelle d'approvisionnement minimum. Il est certain en outre que la société Mercier n'a procédé à aucune nouvelle commande.
Il est de principe que le défaut de respect d'une clause d'achat minimum, qui oblige le débiteur à acheter auprès de son cocontractant un volume ou une valeur minimum de biens, peut engager la responsabilité du débiteur fautif.
Toutefois, l'opposabilité de cette clause est conditionnée à son caractère proportionné et réaliste.
Or, en l'espèce, la société G.R.I.E, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre aucunement que cet objectif était réaliste et qu'il a été déterminé au regard d'une étude spécifique de marché.
Les premiers juges ont fort justement relevé qu'aucun élément aux débats ne permettait de vérifier comment la quantité minimale annuelle fixée au contrat avait été déterminée.
La société G.R.I.E n'explique pas sur quelles données cette quantité aurait été retenue ni, comme le relève l'intimée, ne justifie pas du chiffre d'affaires qu'elle avait elle-même réalisé en France avant la signature du contrat litigieux.
Il n'est nullement établi que la société Mercier aurait une position dominante sur le marché des grossistes français de fournitures de produits destinés aux bureaux de tabac et qu'elle aurait pu lui imposer la quantité minimale annuelle.
Il importe peu dans ces circonstances que le territoire concédé pour l'exclusivité soit la France entière ni que la société Mercier ait obtenu une réduction du volume que la société G.R.I.E envisageait de fixer à l'origine dans ses rapports avec le fournisseur américain, soit entre 60 et 100 tonnes, dont il n'est pas davantage expliqué sur quels éléments ces quantités auraient été évaluées.
Par ailleurs, à l'instar des premiers juges, il est relevé que les parties n'ont pas entendu sanctionner tout manquement à la clause de volume d'achat minimum par la résiliation du contrat.
De même, selon l'article 5 du contrat intitulé «vente de produits par distributeur» il est prévu que le distributeur s'engage à faire de son mieux pour développer le plus grand marché possible pour les produits dans le territoire.
Il en résulte qu'en fixant un minimum d'achats annuels, les parties n'ont pas entendu en faire une obligation de résultat, mais une obligation de moyen.
Au demeurant, la société G.R.I.E n'a formulé aucun reproche à son distributeur quant au volume d'achat minimum avant mai 2019 alors que les relations entre les parties étaient déjà distendues, plus aucune commande n'ayant été passée depuis octobre 2017.
Enfin, il résulte des échanges de courriels entre les parties qu'en ce qui concerne la première commande, les produits devaient être livrés entre les semaines 32 et 33.
Par courriel du 13 août 2017, la société G.R.I.E expliquait le report de livraison d'une partie de la marchandise à la semaine 35 (pour 4992 kg) par l'autorisation d'export de la Jordanie et la gestion d'escorte policière de la marchandise.
Les produits ont été, en réalité, livrés le 24 août 2017, à l'exclusion d'une quantité de 709 kg, en raison d'un problème avec les emballages.
Selon courriel du 11 octobre 2017, il apparaît que 594 kg ont été livrés au cours de cette semaine.
La livraison des produits attendue pour la deuxième commande est intervenue le 4 mai 2018, soit 140 jours après la commande, alors que selon courriel du 19 décembre 2017, la société G.R.I.E indiquait pouvoir récupérer les marchandises pour le 12 février 2018, à la suite de quoi il fallait tenir compte de 18 jours de transport.
La société Mercier répondait le même jour qu'au regard d'une livraison annoncée pour début mars, il fallait «absolument lancer la commande pour livraison au plus tôt».
Il est incontestable à la lecture des échanges de courriels entre les parties que les retards de livraison sont étrangers au distributeur.
Si la société G.R.I.E soutient que la deuxième commande dite «parcellaire» portait dans un premier temps sur un produit non conforme au contrat s'agissant exclusivement d'emballages vides, elle ne justifie pas en quoi cette commande qu'elle a acceptée a créé une situation compliquée et aurait eu pour conséquence de déstabiliser encore plus le marché fragile qui se mettait en place, occasionnant une distorsion évidente dans l'approvisionnement des stocks des bureaux de tabac.
Aucun élément au dossier ne vient étayer la thèse de la société G.R.I.E selon laquelle ces retards s'expliqueraient par l'attitude du distributeur qui a attendu plusieurs mois avant de passer sa deuxième commande après réception de la première, ce qui au demeurant est une contre-vérité dès lors que la première commande a été réceptionnée le 24 août 2017 tandis que la deuxième commande a été passée le 20 octobre suivant, soit à peine deux mois après.
Il n'est pas davantage établi que la société Mercier aurait intentionnellement négocié une forte quantité minimum afin d'obtenir des prix qu'elle n'aurait jamais obtenus si elle s'était engagée sur de moindres volumes.
Bien au contraire, et comme l'ont parfaitement relevé les premiers juges, les retards de livraison, prévisibles et imputables à société appelante et dont elle ne saurait être excusée au motif qu'elle aurait tenu informée son co- contractant, n'ont pas permis à la société Mercier une exécution normale du contrat dès la première année et ce alors que le fournisseur s'engageait à lui fournir suffisamment de produits pour lui permettre de satisfaire la demande complète de produits dans le territoire.
3/ Sur l'obligation de développement
Il est reproché à la société Mercier au cours de l'année 2018 de ne pas avoir mis en 'uvre tous les moyens pour atteindre le résultat de développement contractuellement prévu et surtout d'avoir entendu privilégier d'autres fournisseurs.
Selon l'article 5 du contrat conclu entre les parties, le distributeur s'engage à faire de son mieux pour développer le plus grand marché possible pour les produits dans le territoire et offrir, annoncer, démontrer et promouvoir de tout autre manière la vente de produits sur le territoire.
Il en résulte que le distributeur est investi d'une obligation de moyen et non de résultat.
Tel que l'ont justement relevé les premiers juges, le contrat ne donne aucune précision quant aux moyens et actions à mettre en 'uvre pour atteindre l'objectif de développement.
Il ne saurait être tiré du seul refus du projet de digitalisation visant à la vente en ligne des produits par le biais du click and collect, présenté par la société G.R.I.E et NET&PRO sous forme de devis, un manquement à cet engagement alors que le contrat n'impose aucunement au distributeur d'accepter les projets présentés par le fournisseur.
Il a été démontré plus haut que les retards de livraison et livraisons partielles avaient pu empêcher le distributeur d'exécuter normalement le contrat.
Par ailleurs, il est constant qu'au terme du contrat litigieux, la société Mercier n'est pas tenue de s'approvisionner exclusivement auprès de la société G.R.I.E puisque les parties ne sont pas liées par un contrat de fournisseur exclusif mais de distributeur exclusif.
En tout état de cause, la société G.R.I.E ne démontre pas que l'appelante a effectivement commercialisé du tabac de la marque Water pipe Tobacco-Zomo, tel que soutenu tandis qu'au contraire, cette dernière justifie qu'elle n'a fait que répondre à une demande d'information du fournisseur sur les prix pratiqués par les concurrents (pièces 16 et 17 des Ets Mercier).
Ce moyen est donc inopérant.
Il résulte des éléments qui précèdent que la société G.R.I.E n'est pas fondée à se prévaloir de la résiliation du contrat de distribution aux torts de la société intimée.
En revanche, il a été suffisamment démontré que les retards de livraison et livraisons partielles imputables à la société
G.R.I.E ont empêché le distributeur, qui a été lâché par ses partenaires dès la première année, de développer le marché et d'exécuter le contrat normalement.
En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a dit que la résiliation du contrat est intervenue aux torts de la société G.R.I.E et débouté cette dernière de ses demandes de dommages-intérêts.
4/ Sur la demande de publication de la décision
Compte tenu du rejet des demandes de la société appelante, cette demande est devenue sans objet.
5/ Sur l'appel incident et les demandes reconventionnelles
La société Mercier soutient que les manquements de la société G.R.I.E à ses obligations contractuelles lui ont causé de graves préjudices en raison des retards de livraisons des produits en ce que :
-ses clients ont été contraints de référencer d'autres marques en urgence ce qui nuit gravement à son image de marque et porte atteinte à sa réputation,
-elle s'est retrouvée «prise au piège» avec un stock livré très tardivement de 19 000 produits (950 kg) qu'elle n'a pas pu vendre et qu'elle a dû détruire à ses frais avancés du fait de la péremption desdits produits, ce qui lui a causé un préjudice économique de 19 190 euros correspondant à la valeur du stock.
Elle fonde sa demande sur l'article 9.c du contrat de distribution qui prévoit que le fournisseur doit fournir au distributeur suffisamment de produits pour permettre à celui-ci de satisfaire la demande complète de produits dans le territoire.
S'il était, en effet, conventionnellement prévu que le fournisseur devait fournir au distributeur des marchandises en quantité suffisante afin que ce dernier puisse développer le plus grand marché possible sur le périmètre considéré, la société Mercier, à qui incombe la charge de la preuve, ne produit pas le moindre commencement de preuve d'une atteinte à son image en lien avec les retards de livraison de son fournisseur.
En revanche, il est établi que la société intimée a été contrainte de faire détruire 950 kg de tabac à chicha de marque Fantasia, selon certificat de destruction du 5 juin 2020 des Etablissements Desplat recyclage et facture du 30 juin 2020 d'un montant de 1 316,71 euros.
Toutefois, il n'est nullement démontré, d'une part, que les produits litigieux qui ont été livrés en retard étaient périmés au jour de la livraison et, d'autre part, que la société intimée se soit trouvée dans l'incapacité de les vendre.
En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté la société Mercier de ses demandes reconventionnelles.
6/ Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
La SARL G.R.I.E, succombant, est condamnée aux dépens d'appel.
Partie tenue aux dépens, la SARL G.R.I.E est condamnée à verser à la société Mercier la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour,
Déclare irrecevable la demande de condamnation à hauteur de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la mauvaise foi et manquement à l'obligation de loyauté formée pour la première fois dans les conclusions n°2 de société G.R.I.E notifiées le 29 août 2023,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,