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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 7 février 2023, n° 22/00710

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Meenakshi India Limited (Sté)

Défendeur :

Norki International (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Barlow

Conseillers :

Mme Schaller, Mme Aldebert

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Seguin, Me Yernaux, Me Ribaut, Me Ayache

CA Paris n° 22/00710

6 février 2023

I/ FAITS ET PROCEDURE

1- La société Meenakshi India Limited (ci-après « société Meenakshi ») est une société de droit indien spécialisée dans la fabrication de vêtements et dans le commerce international de ses produits.

2- La société Norki International (ci-après « société Norki ») est une société de droit français ayant pour activité la fabrication, le négoce et l'import-export de prêt-à-porter.

3- Le 31 juillet 2019 la société Norki a passé commande à la société Meenakshi de 12 400 pièces pour la confection de vêtements d'été devant être livrées avant le 10 décembre 2019, la vente étant soumise à la règle de commerce international - Incoterm FOB - « free on board ».

4- Il était convenu que la société Meenakshi se procurerait des étiquettes à apposer sur les vêtements et des vignettes auto collantes / codes-barres à apposer sur les cartons, auprès de la société Label 7 installée à Hong Kong, selon les références fournies par la société Norki en lien avec la commande.

5- Le transport des marchandises devait être assuré par bateau par la société City Transport Syndicate PV LTD, choisie par l'acheteur, la société Norki.

6- Après différents échanges, les délais de livraison de la commande ont été révisés d'un commun accord le 24 octobre 2019 comme suit :

- Une première livraison pour la commande référencée WM, BM & GM au 31 décembre 2019 (ci-après dénommée « Livraison n°1 ») ;

- Une seconde livraison pour la commande référencée 5H & 9H au 14 février 2020 (ci-après dénommée « Livraison n°2 »).

7- La marchandise correspondant à la première tranche de la commande - livraison n° 1-, qui a été embarquée le 14 février 2020, est arrivée au port du [Localité 4] le 22 mars 2020.

8-La seconde tranche de la commande - livraison n° 2- a été chargée sur le bateau le 8 mars 2020 ; elle est arrivée au port du [Localité 4] le 10 avril 2020.

9- La société Meenakshi a, en contrepartie des livraisons n° 1 et 2, émis deux factures : une facture MIL393S20/19-20 du 1er février 2020 d'un montant de 99.207,60 $ (US dollars) ; une autre facture MIL424S20/10-20 du 17 février 2020 d'un montant de 56.103,45 $ (US dollars).

10- Estimant que la société Meenakshi n'avait pas respecté leur accord sur les délais et que les marchandises étaient arrivées trop tard, la société Norki a refusé de prendre la marchandise et de régler ces factures à la société Meenakshi.

11- Les marchandises ont été dédouanées par la société Norki.

12- Les douanes ont saisi et vendu les marchandises afin de couvrir les droits d'importation.

13- C'est dans ce contexte que la société Meenakshi, après avoir recherché une solution amiable, a mis en demeure la société Norki, le 29 mai 2020, de payer les deux factures, puis par exploit en date du 16 juin 2020, a fait assigner ladite société devant le tribunal de commerce de Paris, sur le fondement du droit français, en paiement de la somme de 155.311,05 $ au titre des factures impayées, outre des dommages et intérêts.

14- Au cours de la procédure, la société Norki a contesté devoir les sommes demandées et a formé reconventionnellement une demande en paiement à hauteur de la somme de 81 794,76 euros au titre des frais de stationnement de deux containers au port du [Localité 4] et en réparation de son préjudice financier.

15- Par jugement en date du 9 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

'' Condamné la société Norki à payer à la société Meenakshi les sommes de 99 207,50 USD avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2020, date de l'assignation, au titre de la facture du 1er février 2020, et 40 € au titre de l'indemnité de recouvrement ;

'' Condamné la société Meenakshi à payer à la société Norki la somme de 8 879,74 € ;

'' Débouté la société Meenakshi de sa demande de 10 000 € au titre de dommages-intérêts ;

'' Condamné la société Norki à payer à la société Meenakshi la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'' Condamné la société Norki aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 139,14 € dont 22,76 € de TVA ;

Exposé du litige

'' Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

'' Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire.

16- Par déclaration en date du 4 janvier 2022, la société Meenakshi a interjeté appel de la décision, procédure enrôlée sous le numéro RG n°22/00710.

17- Par déclaration en date du 25 janvier 2022, la société Norki a également interjeté appel de la décision, ce recours étant enrôlé sous le numéro RG n°22/02036.

18- Au cours de la procédure, les parties ont adhéré au protocole de la chambre commerciale internationale.

19- Par ordonnances en date du 15 novembre 2022, les instances ont été clôturées et l'audience de plaidoiries a été fixée le 29 novembre 2022 à 14h30.

II/ PRÉTENTIONS DES PARTIES

20-Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) RG 22/00710 et RG 22/02036, notifiées par voie électronique le 2 novembre 2022, la société Meenakshi demande à la cour, au visa des articles 15, 42 et 46 du code de procédure civile, des articles 1103 et suivants, 1231-1 et suivants et 2044 du code civil, des articles L.5424-2 et suivants du code des transports et des articles L.441-1 et suivants du code de commerce, de bien vouloir :

- INFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 décembre 2021 en ce qu'il a :

' condamné la société Norki à payer à la société Meenakshi les sommes de 99 207,50 USD avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2020, date de l'assignation, au titre de la facture du 1er février 2020 et 40 € au titre de l'indemnité de recouvrement ;

' debouté la société Meenakshi de sa demande de condamnation de la société Norki au paiement de la somme de 10 000 € au titre de dommages et intérêts ;

' condamné la société Meenakshi à payer à la société Norki la somme de 8 879,74 € au titre des frais de dédouanement et de stockage au port du [Localité 4] ;

' rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais uniquement lorsqu'il rejette les demandes de la société Meenakshi ;

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Et, statuant à nouveau, de :

- CONDAMNER la société Norki à lui payer la somme de 155 311,05 USD au titre des factures MIL393S20/19-20 et MIL424S20/10-20 des 1er et 17 février 2020, augmentée des intérêts au taux légal ayant commencé à courir à compter de la date de première présentation de la lettre de mise en demeure, soit le 29 mai 2020;

- CONDAMNER la société Norki à lui payer la somme de 80 € au titre des pénalités de retard relatives aux deux factures impayées en vertu des articles L.441-1 et L.441-10 du code de commerce ;

- CONDAMNER la société Norki à lui payer à la somme de 10 000 € au titre des dommages et intérêts ;

- CONDAMNER la société Norki au paiement de l'intégralité des frais afférents au dédouanement et au stockage des marchandises au port du [Localité 4] ;

- DÉBOUTER la société Norki de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- CONDAMNER la société Norki à payer à la société Meenakshi la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

21-Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) (RG 22/00710 et RG 22/02036), notifiées par voie électronique le 21 octobre 2022 , la société Norki demande à la cour, au visa des articles 1113, 1114, 1117, 1118 et 1219 du code civil, de :

- DIRE autant irrecevable qu'infondé l'appel de la société Meenakshi ;

- LA RECEVOIR en son appel, et la dire bien fondée ;

- INFIRMER le jugement rendu le 9 décembre 2021 (RG n° 2020022908) par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

' condamné la société Norki à payer à la société Meenakshi les sommes de 99.207,50 USD avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2020, date de l'assignation, au titre de la facture du 1er février 2020, et 40 € au titre de l'indemnité de recouvrement ;

' condamné la société Meenakshi à payer à la société Norki la somme de 8.879,74 € seulement ;

' condamné la société Norki à payer à la société Meenakshi la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la société Norki aux dépens ;

' rejeté les demandes des parties autres, en ce qui concerne exclusivement les demandes de la société Norki ;

- CONFIRMER le jugement rendu le 9 décembre 2021 (RG n°2020022908) par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

' débouté la société Meenakshi de sa demande de règlement au titre de la 2ème facture du 17 février 2020 à hauteur de 56 103, 60 USD ;

' débouté la société Meenakshi de sa demande de 10 000 € au titre de dommages-intérêts.

Et, statuant à nouveau,

- DÉBOUTER la société Meenakshi de sa demande de condamnation de la société Norki à lui verser la somme de 155 311,05$ au titre des factures des 1er et 17 février 2020, augmentée des intérêts au taux légal ayant commencé à courir à compter de la date de première présentation de la lettre de mise en demeure, soit le 29 mai 2020 ;

- CONDAMNER la société Meenakshi à lui verser la somme de 81 794, 76 € en réparation de son préjudice tel que détaillé dans les motifs qui précèdent ;

- CONDAMNER la société Meenakshi aux entiers dépens relatifs à la première instance ;

En toute hypothèse,

- DÉBOUTER la société Meenakshi de toutes ses conclusions, fins et prétentions et, plus généralement, de son appel ;

- CONDAMNER la société Meenakshi à lui payer la somme complémentaire de 15 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais et honoraires irrépétibles d'appel ;

- CONDAMNER la société Meenakshi aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Vinvent RIBAUT.

III/ MOYENS DES PARTIES

22-La société Meenakshi soutient, au visa des dispositions des articles L. 5424-2 et L. 5424-5 du code des transports et de l'article 1103 du code civil que, s'agissant d'un contrat régi par les conditions FOB- Free On Board, le contrat est une vente au départ qui, du seul fait de la remise les marchandises au transporteur au jour du départ des navires du port de [Localité 3] les 14 février 2020 (livraison 1) et 8 mars 2020 (livraison 2), lui donne droit au paiement du prix stipulé au contrat qu'elle a facturé.

23-Elle fait valoir que les expéditions ont été validées par la société Norki en toute connaissance de cause des reports des dates de livraison qu'elle a expressément acceptés.

24-Elle conteste en tout état de cause sa responsabilité dans les reports successifs qu'elle impute à la société Norki pour l'avoir tardivement avisée des modifications des commandes et des coloris en novembre 2019 et au fait qu'elle a dû attendre la réception des étiquettes et les codes-barres en provenance de la société Label 7 qui n'étaient pas disponibles pour commencer le processus post couture et le conditionnement de la commande.

25-Elle conteste avoir reconnu sa responsabilité dans le cadre des discussions ayant eu lieu après la naissance du différend et soutient que la société Norki a voulu profiter de la situation de confinement en France à l'arrivée des marchandises et de la fermeture de ses magasins pour refuser les marchandises et obtenir une réduction de prix abusive à laquelle elle n'a finalement pas consenti.

26-Sur les demandes reconventionnelles en paiement de la société Norki, la société Meenakshi fait valoir que la société Norki n'était pas légitime à refuser les marchandises à leur arrivée au Havre et doit en conséquence supporter la totalité des frais de dédouanement et de stationnement des containers sans pouvoir prétendre à aucune indemnité.

27-Elle conteste l'existence d'un préjudice financier et sollicite en raison de la mauvaise foi de sa cocontractante des dommages et intérêts pour procédure abusive.

28-En réponse, la société Norki fait valoir que la société Meenakshi a manqué à son obligation de livraison aux dates convenues de sorte que le transfert de propriété des marchandises n'est pas intervenu, ce qui justifie le non-paiement des deux factures.

29-Elle conteste avoir donné son accord pour le report des livraisons 1 et 2 et soutient que c'est par une erreur d'appréciation des faits que les premiers juges ont retenu que le contrat avait été amendé d'un commun accord pour la livraison n° 1.

30-Elle maintient, sur la livraison n° 2, qu'elle n'avait consenti un report de livraison qu'à condition que la marchandise soit livrée par bateau au plus tard le 1er mars 2020 et, passé cette date, par avion aux frais du fournisseur ce que la société Meenakshi n'a pas respecté.

31-Elle conteste avoir contribué au retard qui est, selon elle, exclusivement imputable à la société Meenakshi, ce que cette dernière a reconnu dans sa proposition amiable de règlement en offrant au départ, de sa propre initiative, une remise de 50% avant de se raviser et de saisir la juridiction commerciale.

32-Elle soutient qu'en raison de ses manquements, la société Meenakshi doit l'indemniser des frais de stationnement des marchandises sur le port du [Localité 4] qu'elle a été contrainte de payer et réparer son préjudice financier pour perte de chance de réaliser une marge sur ces ventes de vêtements saisonniers faute d'être parvenus à temps.

 

IV/ MOTIFS DE LA DECISION

Sur la jonction

33-Il convient, en application de l'article 367 du code de procédure civile et dans l'intérêt

Motivation

d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction de l'affaire RG 22/02036

avec l'affaire RG 22/00710 et de statuer par une seule décision.

Sur la loi applicable

34- Le litige porte sur l'exécution d'un contrat de vente onternationale de marchandises entre deux cocontractants dont l'un est établi en France et l'autre en Inde et non sur le contrat de transport lui-même.

35- Les parties qui n'ont pas convenu, dans les documents contractuels, de clause sur le droit applicable à leur contrat de vente, exposent avoir fait le choix de l'application du droit interne français depuis l'origine du litige.

36- Elles demandent à la cour de retenir leur choix sans tenir compte de conventions internationales applicables en matière de contrats de ventes d'objets mobiliers corporels ([Localité 5]) et de marchandises ([Localité 6]) qui n'ont pas été ratifiées par l'Inde.

37- Il ressort de ces constatations que pour déterminer la loi applicable, il convient de se référer à la volonté des parties qui ont entendu soumettre leur litige aux dispositions du droit français.

38- Il est constant que la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises conclue à [Localité 6] le 11 avril 1980 (ci-après CVIM) instituant un droit uniforme sur les ventes internationales de marchandises constitue le droit substantiel français ; à ce titre elle s'impose au juge français sous réserve de son exclusion, même tacite, selon l'article 6 de cette convention, dès lors que les parties se sont placées sous l'empire d'un droit déterminé.

39- En l'espèce c'est en connaissance du caractère international de la vente que les parties ont volontairement placé la solution de leur litige sous le régime du droit interne français en invoquant et en discutant les dispositions du code civil à l'exclusion de la CVIM de sorte qu'il sera fait application du droit national interne.

Sur la demande en paiement des factures de la société Meenakshi

40- Il résulte des pièces versées aux débats et notamment des bons de commande et des courriels échangés entre les parties, que la société Meenakshi s'était engagée contractuellement à embarquer la marchandise sur bateau au port de [Localité 3] aux dates prévues dans la commande du 31 juillet 2019 qui ont été révisées le 24 octobre 2019 et que celles-ci n'ont pas été respectées.

41- S'agissant d'un contrat de vente au départ conclu sur la base de la règle du commerce international FOB -Free On Board-, la société Meeanakshi doit être considérée comme ayant dument délivré la marchandise dès lors que la celle-ci a passé le bastingage du navire au port d'embarquement opérant transfert de propriété.

42- Le fait que la vente soit une vente FOB réalisée au risque du destinataire ne fait pas obstacle à ce qu'une action en indemnisation du fait du retard de livraison soit intentée par l'acquéreur sur le fondement du contrat de vente.

43- L'obligation de respecter la date d'expédition par la société Meenakshi constitue indiscutablement une des conditions essentielles du contrat, à laquelle elle était d'autant plus tenue que la livraison portait sur des vêtements de saison d'été.

44- Les parties contestent l'appréciation par les premiers juges de l'existence ou non d'un commun accord pour reporter la date de la livraison n° 1 et celle de la livraison n° 2 par rapport aux dates convenues le 24 octobre 2019, sans mettre en cause la responsabilité du transporteur.

45- C'est donc au regard des règles du code civil ci-dessous énoncées, qui régissent le contrat de vente, qu'il appartient à la cour d'examiner si l'obligation de livraison opérant transfert de la marchandise a été régulièrement exécutée par la société Meenakshi dans le délai convenu et si les conditions engageant sa responsabilité ou celle de sa cocontractante sont réunies.

46- Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

47- Conformément à l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut :

' refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

' poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

' obtenir une réduction du prix ;

' provoquer la résolution du contrat ;

' demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

48- L'article 1231 prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Sur la livraison n° 1

49- Il n'est pas contesté que les marchandises correspondant à cette commande, référencée -WM BM GM-, embarquées le 14 février 2020 et arrivées au port du [Localité 4] le 22 mars 2020, ont été livrées avec un retard de plusieurs semaines sur la date de livraison qui, initialement fixée au 10 décembre 2019, avait été reportée le 24 octobre 2019 d'un commun accord au 31 décembre 2019.

50-Toutefois, il ressort des pièces produites, dont les premiers juges ont fait une juste et exacte appréciation, que, sans qu'il soit utile de tenir compte de la transmission des vignettes et des étiquettes par la société Label 7 qui relevait du planning interne de la société Meenakshi pour la confection, celle-ci avait averti à plusieurs reprises, les 2 janvier et 23 janvier 2020, la société Norki de son retard, auquel cette dernière ne s'était pas opposé.

51-Il ressort en effet des échanges du 2 janvier au 24 janvier 2020 que, si la société Norki a exprimé son mécontentement à l'annonce du retard, elle n'a pas notifié que la date limite de départ était dépassée ni émis de contestation au fait d'embarquer la marchandise le 14 février 2020.

52-Il résulte de ce qui précède que les parties ont accepté de reporter la date de livraison, la société Norki ne pouvant légitimement reprocher à la société Meenakshi un manquement à son obligation de livraison et devant en conséquence être condamnée au paiement de la facture des marchandises dont elle était devenue propriétaire.

53-Il convient pour ce motif de confirmer la décision des premiers juges sur ce chef.

Sur la livraison n° 2

54- Il est acquis que les marchandises correspondant à cette commande, référencée 5H&9H, embarquées le 8 mars 2020 arrivées au port du [Localité 4] le 18 avril 2020, ont été livrées avec un retard de plusieurs semaines sur la date de livraison retenue par les parties qui, initialement fixée au 10 décembre 2019, avait été reportée le 24 octobre 2019, d'un commun accord, au 14 février 2020.

55-Il ressort des pièces produites qu'à la différence de la livraison n° 1, la société Norki a souhaité dès le 31 janvier 2020, à l'annonce du retard, annuler la commande.

56-Il est établi par les échanges produits, comme les premiers juges l'ont exactement relevé, que si elle a donné le 31 janvier 2020 son accord pour une date limite d'expédition par bateau au 28 février, c'est en posant comme condition que si la société Meenakshi ne pouvait pas respecter cette date, il faudrait expédier les produits par avion aux frais du vendeur, ce que la société Meenakshi a accepté en réponse le jour même par courriel évoquant une expédition par bateau au plus tard le 1er mars 2020.

57-C'est donc en toute connaissance de cause que la société Meenakshi a embarqué le 8 mars 2020 sur le navire la marchandise hors du délai.

58- La société Meenakshi n'établit pas qu'en confirmant l'expédition par navire le 21 février 2020 la société Norki aurait approuvé une extension du délai, au motif qu'il est reconnu en droit des transports un délai de douze jours entre la réservation et le chargement, dès lors que la réservation est intervenue dans le délai imparti sans modification de leur cause.

59-Elle ne démontre pas davantage en quoi la société Norki aurait contribué au retard de la commande correspondant à la livraison n° 2.

60- Il ressort en effet des pièces que ce n'est pas de manière tardive mais au lendemain de leur réception que la société Norki a validé les échantillons que la société Meenakshi lui avait envoyés seulement les 22 février et 24 février 2020.

61-Il résulte de ce qui précède que c'est de sa propre initiative et sans concertation avec la société Norki que la société Meenakshi a volontairement chargé la marchandise sur le navire en dépassant le délai convenu le 8 mars 2020 et non par avion comme convenu.

62-Il convient dans ces conditions de rejeter la demande en paiement de la société Meenakshi correspondant à cette livraison, faute pour elle d'avoir exécuté son obligation de livraison dans le délai convenu.

Sur les demandes en paiement de la société Norki des frais de stockage et de perte de marge

Sur les frais de dédouanement et de stationnement des containers

63-C'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont débouté la société Norki de sa demande en paiement des frais de stockage de la livraison n° 1 dont elle était responsable et retenu pour la livraison n° 2 que les frais de dédouanement et de stockage sont à la charge des deux parties et réparti entre elles au prorata de la valeur des chargements, soit respectivement 99.207,5O et 56.103,45 (15.702,02 € laissés a la charge de Norki ; 8.879,74 € imputés a Meenakshi) ;

64-En conséquence, il convient de confirmer la décision du tribunal qui a condamné la société Meenakshi à payer la somme de 8.879,74 euros et débouté la société Norki du surplus.

Sur la demande de perte de marge

65-La société Norki qui était mal fondée à refuser la marchandise de la livraison n° 1 au port du [Localité 4], n'établit pas le lien de cause à effet entre le retard de livraison n° 2 et la perte de chance de réaliser sa marge sur ces ventes.

66-Les documents comptables produits ne démontrent pas en effet le lien entre le défaut de vente des marchandises de la livraison n° 2 et son chiffre d'affaires, étant observé que les faits litigieux ont eu lieu à une période au cours de laquelle la société Norki n'était pas en mesure de vendre les marchandises du fait des mesures gouvernementales prises dans le cadre de la crise sanitaire entrainant la fermeture de ses boutiques.

67-En considération de ces motifs, la décision sera confirmée sur ce chef.

Sur la demande de la société Meenakshi en procédure abusive

68- La société Meenakshi qui succombe partiellement, n'établit pas le caractère abusif de la procédure engagée par la société Norki et sera déboutée de sa demande.

69- Il convient de confirmer sur ce chef la décision et en conséquence l'intégralité du jugement rendu.

Sur les autres demandes

70- Les parties qui succombent chacune en partie en leurs demandes seront condamnées aux dépens par moitié.

71- L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

IV/ DISPOSITIF

Dispositif

Par ces motifs, la Cour:

1-Ordonne la jonction des instances RG 22/00710 et RG22/02036 sous le numéro de rôle unique RG 22/00710 ;

2- Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 décembre 2021 en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

3- Fait masse des dépens et condamne les sociétés Norki International et Meenarkshi India Limited à les supporter chacune par moitié ;

4- Déboute les parties de leurs demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

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