CA Besançon, 1re ch., 5 août 2025, n° 24/01811
BESANÇON
Arrêt
Autre
Le copies exécutoires et conformes délivrées à
CS/[Localité 5]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 24/01811 - N° Portalis DBVG-V-B7I-E26T
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 05 AOUT 2025
Décisions déférées à la Cour : jugement du 28 septembre 2018 - RG N°13/01352 - TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON - arrêt du 1er avril 2021 de la COUR D'APPEL de DIJON - arrêt du 18 septembre 2024 de la COUR DE CASSATION
Code affaire : 53B - Prêt - Demande en remboursement du prêt
COMPOSITION DE LA COUR :
Cédric SAUNIER, conseiller, président de l'audience
Philippe MAUREL et Bénédicte MANTEAUX, conseillers.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
En application des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire été débattue à l'audience publique du 13 mai 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Cédric SAUNIER, conseiller, président de l'audience et M. Philippe MAUREL, conseiller, qui ont fait un rapport oral avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour à Mme Bénédicte MANTEAUX, conseiller.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A. ARKEA FINANCEMENTS & SERVICES anciennement dénommée la SA FINANCO, société anonyme à directoire et conseil de surveillance immatriculée au RCS de [Localité 4] sous le numéro 338 138 795 ayant son siège social , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Xavier HELAIN de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau D'essonne, avocat plaidant
Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
ET :
INTIMÉ
Monsieur [F] [V]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 6] (95), de nationalité française,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Cédric SAUNIER, conseiller et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
Faits, procédure et prétentions des parties
M. [F] [V] a signé le 03 juin 2008 un bon de commande auprès de la SARL Cinergi concernant la fourniture et la pose d'un dispositif de chauffage thermodynamique au prix de 23 000 euros TTC, en acceptant le même jour une offre préalable de crédit de financement auprès de la SA Financo portant sur un montant de 29 000 euros remboursable en cent-quatre-vingt mensualités avec différé d'amortissement de cent-quatre-vingt jours au taux annuel de 7,32 %.
La société Financo a prononcé la déchéance du terme le 21 janvier 2013 au motif de plusieurs échéances de remboursement non honorées.
La société Cinergi a été placée en liquidation judiciaire, procédure clôturée par jugement rendu le 24 mars 2015 par le tribunal de commerce de Dijon.
Par exploit d'huissier signifié le 08 avril 2013 à étude, la société Financo a assigné l'emprunteur devant le tribunal de grande instance de Dijon en sollicitant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation à lui payer, avec intérêts au taux contractuel capitalisés à compter du 28 février 2013, la somme de 30 154,90 euros outre frais irrépétibles et dépens.
En réponse aux demandes reconventionnelles formées par le défendeur, la banque soulevait la prescription de l'action tendant à la déchéance du droit aux intérêts.
M. [V], invoquant le dysfonctionnement du système de chauffage réversible, concluait en première instance à l'irrégularité de l'offre préalable de crédit accessoire à une vente au regard des articles L. 312-2 et suivants du code de la consommation, à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et à la restitution du capital et à sa condamnation à l'indemniser de ses préjudices liés au manquement à ses obligations.
Le tribunal a, par jugement rendu le 28 septembre 2018 :
- déclaré prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts formulée par M. [V] ;
- dit que les fautes commises par la société Financo ne sauraient conduire à la priver de sa créance de restitution ;
- condamné M. [V] à payer à la société Financo la somme de 27 658,62 euros avec intérêts au taux conventionnel de 7,32% l'an à compter du 08 avril 2013 ;
Sur la demande reconventionnelle,
- condamné la société Financo à payer à M. [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- rejeté les autres demandes indemnitaires ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [V] aux entiers dépens, avec distraction ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
- que le contrat de crédit est soumis au régime du crédit immobilier dans sa version antérieure à la loi du 10 juillet 2010 ;
- concernant la déchéance du droit aux intérêts, que si la mise en cause du vendeur du bien est sans emport à défaut de demande tendant à la nullité du contrat, la demande est prescrite dans la mesure où l'irrégularité invoquée relative au TEG mentionné dans l'offre de crédit était connue dès le 29 août 2008 alors que M. [V] ne s'est prévalu de celle-ci que par conclusions notifiées le 18 novembre 2013 ;
- qu'après réduction de la clause pénale contractuelle de 8 % à la somme de zéro euro, M. [V] est redevable, au regard du décompte daté du 23 janvier 2013 et du tableau d'amortissement, de la somme de 27 658,62 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter de l'assignation valant mise en demeure ;
- qu'alors que la vente litigieuse est soumise à la loi sur le démarchage à domicile, le bon de commande ne comporte pas de formulaire de rétractation tandis que le montant du crédit est supérieur au montant du marché, le défaut de vérification de la banque étant de nature à justifier une indemnisation mais non une déchéance du droit aux intérêts contractuels ;
- que le manquement au devoir de mise en garde et de vigilance reproché à la société Financo, en ce qu'elle aurait consenti un crédit excessif au regard des capacités financières de son client, n'est sanctionné que par l'allocation de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas contracter ;
- que M. [V] ne justifie ni de la nécessité de travaux de remise en état, ni de son préjudice de jouissance, ni d'un état de stress particulier, tandis qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Financo les honoraires de l'expert auquel il a cru utile de devoir recourir.
Sur appels principal de la banque et incident de M. [V], la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Dijon a, par arrêt rendu le 1er avril 2021, confirmé le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts et a condamné M. [V] aux dépens et, l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, a :
- condamné M. [V] à verser à la banque :
. la somme principale de 27 728,52 euros outre intérêts au taux contractuel de 7,32 % par an sur la somme de 27 658,62 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 23 janvier 2013 ;
. la somme de 500 euros au titre de l'indemnité de résiliation outre intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2013 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
- déclaré prescrite l'action en responsabilité pour faute formée par M. [V] à l'encontre de la société Financo ;
- condamné M. [V] aux entiers dépens de l'appel ;
- débouté les parties de leurs demandes respectives formées au titre de leurs frais de procédure.
Sur pourvoi de M. [V], la première chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt rendu le 18 septembre 2024, cassé et annulé l'arrêt susvisé, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en responsabilité pour faute formée par M. [V] à l'encontre de la société Financo, en remettant sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et en les renvoyant devant la cour d'appel de Besançon, outre la condamnation de la société Financo aux dépens et à payer la somme de 3 000 euros à M. [V] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel de Dijon a violé les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce en retenant que le délai de prescription de l'action en indemnisation du manquement de la banque à son obligation de mise en garde de l'emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt commence à courir à la date de sa conclusion, alors que celui-ci débute à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face.
Par déclaration du 12 décembre 2024, la société Arkea Financements & Services, anciennement dénommée Financo, a saisi la cour d'appel de Besançon en sollicitant, suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation, l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Selon ses dernières conclusions transmises le 19 mars 2025, elle demande à la cour de déclarer M. [V] irrecevable en ses demandes et d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à payer à ce dernier la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et, statuant à nouveau sur ce point, de le débouter de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir :
Sur l'étendue de la saisine après cassation et la recevabilité des demandes présentées devant la cour d'appel de Besançon :
- que suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation, la cour d'appel n'est saisie que de l'action en responsabilité de M. [V] dirigée à son encontre sur le fondement d'un prétendu manquement au devoir de mise en garde, à l'exclusion de l'action fondée sur une prétendue faute d'avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité ;
- que dès lors, l'arrêt de la cour d'appel de Dijon ayant déclaré irrecevable l'action en responsabilité fondée sur les irrégularités du bon de commande n'a pas été remis en cause par la Cour de cassation ;
- que dès lors, M. [V] est irrecevable en ses demandes sur ce dernier point, lesquelles se heurtent à l'autorité de la chose jugée ;
- qu'en effet ses demandes indemnitaires à hauteur de 16 525,03 euros au titre du coût de la dépose de l'installation, de 45 000 euros au titre d'un prétendu trouble de jouissance et de 8 000 euros au titre d'un préjudice moral sont sans lien avec le manquement à un devoir de mise en garde ;
- que par ailleurs, ces demandes sont nouvelles en appel, alors même qu'elle-même n'est pas le vendeur, qui n'a jamais été mis en cause, et ne peut être tenue en cette qualité à indemniser des travaux de remise en état ou un préjudice de jouissance ;
Sur la recevabilité de l'action en responsabilité fondée sur un manquement au devoir de mise en garde :
- que cette action est recevable, dans la mesure où le premier impayé non régularisé est intervenu au mois de mai 2012 tandis que l'action en responsabilité a été engagée au mois de novembre 2013 ;
Sur l'absence de manquement au devoir de mise en garde :
- que pour dispenser son devoir de mise en garde, il résulte de la jurisprudence :
. que la banque doit uniquement se faire communiquer les justificatifs des revenus, tel que résultant de l'article D. 312-8 du code de la consommation ;
. que les charges doivent être déclarées de bonne foi sur la fiche de dialogue ;
- qu'étant rappelé que le risque d'endettement excessif s'apprécie au regard de l'intégralité du patrimoine du débiteur, il résulte de l'avis d'imposition sur le revenu 2006 transmis par M. [V] que, contrairement à sa déclaration à hauteur de 1 600 euros net mensuel sur la fiche de dialogue, il percevait une somme annuelle de 16 493 euros de retraite, outre 10 165 euros de retraite complémentaire, soit 26 658 euros par an ou 2 221,05 euros par mois ;
- que dès lors, étant célibataire et sans enfant à charge, il n'existait aucun risque d'endettement excessif puisqu'il lui restait une somme mensuelle de 1 421,05 euros nets d'impôts pour vivre ;
- que cela explique que le prêt a été payé sans la moindre difficulté pendant plusieurs années ;
- qu'en tout état de cause, le manquement au devoir de mise en garde s'analyse nécessairement en une perte de chance, de sorte que les dommages-intérêts ne peuvent jamais être équivalents au capital prêté.
M. [V] a conclu le 19 février 2025 en sollicitant :
- que soit jugée définitive la condamnation de la banque fondée sur la faute contractuelle liée à la violation du code de la consommation, à hauteur de la somme de 10 000 euros ;
- la confirmation de la condamnation de la banque au titre du manquement à son obligation de mise en garde sur le risque d'endettement, avec infirmation sur le quantum qui sera porté à la somme de 29 000 euros égale au capital mis à disposition ;
- l'infirmation pour le surplus et la condamnation de la banque au paiement des sommes de 16 525,03 euros au titre du coût de dépose de l'installation et de remise en état des lieux, avec indexation, de 45 000 euros au titre du trouble de jouissance et de 8 000 euros au titre du préjudice moral.
Il a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 10 avril suivant pour demander à la cour, au visa de l'article 915-12 du code de procédure civile :
- de 'constater' que la société Arkea Financements & Services n'a pas contesté la décision entreprise qui retient sa faute contractuelle à l'occasion de la conclusion d'un contrat violant le code de la consommation et spécialement aux termes de ses conclusions justificatives d'appel ;
- de 'juger' en conséquence définitive la condamnation de cette dernière de ce chef à hauteur de la somme de 10 000 euros dès lors qu'elle est désormais irrecevable à la contester ;
- de 'confirmer également' la condamnation de la société Arkea Financements & Services au titre du manquement à son obligation de mise en garde sur le risque d'endettement ;
- l'infirmant sur le quantum, de la condamner au paiement d'une somme de 29 000 euros égale au capital mis à disposition ;
- l'infirmant également pour le surplus, de la condamner au paiement des sommes suivantes :
. 16 525,03 euros au titre du coût de dépose de l'installation et de remise en état des lieux, avec indexation sur l'indice BT01 du 3ème trimestre 2014 jusqu'à parfait paiement ;
. 45 000 euros au titre du trouble de jouissance ;
. 8 000 euros au titre du préjudice moral ;
- de condamner la société Arkea Financements & Services au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de la condamner aux entiers dépens des 'procédures d'instance et d'appel'.
Il expose :
Sur la portée de la cassation :
- qu'il appartient à la cour de renvoi d'examiner à nouveau ses demandes indemnitaires dont il a été définitivement jugé qu'elles ne pouvaient être frappées de prescription, ce dont convient l'organisme de crédit ;
- que l'arrêt de cassation n'opère aucune dichotomie s'agissant des fautes retenues par le premier juge qui avaient deux fondements distincts, qu'il écarte clairement du débat devant la cour de renvoi la question de la déchéance du droit aux intérêts, et fixe le débat sur l'action en responsabilité et ses deux fondements distincts ;
- qu'ainsi, la cour doit statuer sur les fautes tirées :
. d'une part de la mise en 'uvre du financement au regard d'élément irréguliers qui devait conduire l'établissement financier à procéder à des vérifications préalablement à l'octroi du crédit ;
. d'autre part de l'inexécution de l'obligation de mise en garde sur le risque d'endettement ;
- qu'elle devra également apprécier à nouveau ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de remise en état, du préjudice de jouissance au regard de la défectuosité de matériel mise en 'uvre et de son préjudice moral ;
Sur la faute de l'organisme prêteur au regard de son obligation de vérification précontractuelle :
- que le tribunal a caractérisé cette faute ;
- que l'appelante n'a présenté aucune écriture tendant à sa remise en cause en appel conformément à l'article 915-2 du code de procédure civile, de sorte que ce chef de condamnation est définitif ;
- que le tribunal ayant arrêté sa condamnation à la somme de 20 000 euros au titre des deux violations retenues, la condamnation de la banque à payer la somme de 10 000 euros, qui correspond à la somme accordée pour chacun des manquements, doit être confirmée en l'absence de contestation concernant le manquement à l'obligation de vérification précontractuelle ;
Sur le manquement à l'obligation de mise en garde :
- que la fiche de solvabilité invoquée par la banque ne lui a jamais été remise et n'a aucune valeur probante en l'absence de signature ou de paraphe de sa part, tandis qu'elle n'est pas de sa main ;
- que les chiffres portés par ses soins sur l'offre de crédit ne correspondent pas avec ceux figurant cette fiche de renseignement ;
- que cette fiche constitue un faux établi postérieurement, dès lors qu'il n'est pas annexé à l'exemplaire emprunteur du contrat de crédit ;
- qu'au surplus, le rapport ACOGE, fondé sur son avis d'imposition et prenant en compte les crédits prélevés sur son compte à l'époque de la souscription du crédit litigieux, retient un taux d'endettement de 51,96 % après la souscription de ce dernier ;
- qu'en effet ses revenus mensuels après impôts s'élevaient à la somme de 1 837 euros tandis que ses prêts en cours représentaient une charge mensuelle de 619,88 euros ;
- que la banque a donc incontestablement commis une faute lourde en lui octroyant un crédit manifestement excessif au regard de sa capacité financière ;
- que le fait qu'il ait exécuté le contrat durant plusieurs années n'est pas de nature à effacer la faute de l'organisme préteur sur l'analyse de la situation financière de l'emprunteur qui aurait dû conduire à lui refuser le financement ;
- que le montant correspondant à la somme prêtée, soit 29 000 euros, correspond à la perte de la chance de ne pas avoir contracté le crédit et donc de supporter le remboursement d'un crédit excessif au regard de ses facultés ;
Sur les autres préjudices :
- que contrairement aux motifs retenus par le tribunal, il établit le défaut de fonctionnement de l'installation ;
- qu'en raison de la liquidation judiciaire de la venderesse, il subit un préjudice avéré à raison de la défaillance d'un cocontractant avec lequel il n'aurait pas contracté si l'organisme financeur avait rempli ses propres obligations, de sorte que la banque doit l'indemniser à hauteur de 16 525,03 euros au titre des frais de dépose et de remise en état, avec indexation ;
- qu'il a été définitivement jugé que la banque a été complice des agissements délictueux de la société Cinergi à l'occasion de la régularisation du contrat, de sorte qu'il est fondé à solliciter sa condamnation à réparer le préjudice de jouissance dont il souffre depuis 2008 ;
- qu'il en est de même de son préjudice moral médicalement constaté.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 mai suivant et mise en délibéré au 05 août 2025.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
- Sur le périmètre de la saisine de la cour d'appel sur renvoi après cassation,
A titre liminaire, la cour observe que, contrairement aux affirmations du conseil de M. [V], le juge de première instance n'a, ni dans les motifs ni dans le dispositif de sa décision, chiffré d'une part à la somme de 10 000 euros son préjudice consécutif à une faute de la banque ayant consisté à mettre en 'uvre le financement au vu d'un bon de commande ne respectant pas la réglementation d'ordre public du code de la consommation et d'autre part à la somme de 10 000 euros son préjudice lié à l'inexécution par la banque de son obligation de mise en garde sur le risque d'endettement excessif.
Au contraire, il résulte de la motivation du jugement rendu le 28 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Dijon que le préjudice de M. [V] a été chiffré à la somme de 20 000 euros consécutivement au manquement de la banque à son obligation de mise en garde à deux titres, d'une part le défaut de validité du contrat principal au regard de dispositions d'ordre public et d'autre part l'inadaptation du crédit à ses capacités financières.
L'article 624 du code de procédure civile précise que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Aux termes de l'article 638 du même code, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
Ainsi, si la censure attachée à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui lui sert de base et laisse subsister les dispositions non attaquées par le pourvoi, sauf cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi est déterminée, en application des dispositions susvisées, par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, sans être limitée par le moyen de cassation partielle.
En l'espèce, la première chambre civile de la Cour de cassation a, par son arrêt rendu le 18 septembre 2024, expressément limité la portée de la cassation au chef de l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Dijon aux termes duquel l'action en responsabilité pour faute formée par M. [V] à l'encontre de la société Financo a été déclarée prescrite, au motif de la violation des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce dont il résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation du manquement de la banque à son obligation de mise en garde de l'emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt commence à courir, non pas à la date de sa conclusion, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face.
Or, la cour d'appel de Dijon a constaté la prescription de l'action en responsabilité pour faute de la banque sans distinction de faute ou de nature de préjudice et après avoir infirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait notamment condamné la société Financo à payer à M. [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts mais aussi rejeté les autres demandes indemnitaires formées au titre de la restitution des mensualités réglées, du coût des travaux de remise en état, du préjudice de jouissance, des honoraires d'expert et du préjudice moral.
Etant rappelé qu'une cassation obtenue sur la recevabilité s'étend nécessairement aux dispositions de fond, il en résulte que la cour d'appel de Besançon est saisie, sur renvoi, de l'action indemnitaire formée par M. [V] à l'encontre de la société Arkea Financements & Services, déclarée prescrite par la cour d'appel de Dijon sans distinction de faute ou de préjudice, mais dont la présente cour relève que l'irrecevabilité au motif de la prescription n'est désormais plus soutenue.
Dès lors, ni l'autorité de chose jugée ni le caractère nouveau de certaines de ces demandes indemnitaires en appel ne sont établies et opposables à M. [V], dont les demandes seront déclarées recevables.
De même, en considération des motifs susvisés, étant observé en outre que M. [V] se contredit sur ce point dans les motifs de ses écritures en ce qu'il sollicite dans le même temps un nouvel examen de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, ce dernier n'établit aucune irrévocabilité d'une condamnation de la banque à payer à ce dernier une somme de 10 000 euros au motif d'une faute contractuelle, au demeurant formellement non prononcée en première instance.
La société Arkea est donc recevable à remettre en cause toute condamnation indemnitaire suite à l'appel initialement interjeté à l'encontre du jugement de première instance.
- Sur la demande indemnitaire formée par M. [V] au motif de manquements de la banque aux vérifications de conformité du contrat principal au code de la consommation et à son devoir de mise en garde,
En application de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En premier lieu, la société Arkea se limite, dans ses ultimes écritures, à affirmer que la cour d'appel de renvoi n'est pas saisie de la demande indemnitaire formée à son encontre au motif de la faute tirée des irrégularités affectant le bon de commande en l'absence de cassation concernant le prononcé de l'irrecevabilité de la demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts.
La cour observe cependant que la prescription concernant cette seule demande est sans incidence sur la demande de dommages-intérêts ayant donné lieu pour partie à condamnation, dont l'infirmation au motif de la prescription en appel entre dans le périmètre de la cassation avec renvoi.
La banque ne développe aucun moyen de fond, au soutien de son appel, pour contester sa responsabilité à ce titre telle que retenue en première instance, de sorte que son appel n'est pas soutenu sur ce point.
Le préjudice consécutif à cette faute tirée des irrégularités affectant le bon de commande s'analyse nécessairement en une perte de chance pour M. [V] de ne pas contracter le crédit, la banque étant tiers au contrat de vente principal.
En second lieu, il résulte des dispositions précitée que la banque est tenue à un devoir de mise en garde s'il apparaît, en considération de la situation financière et patrimoniale personnelle de l'emprunteur non averti, que son engagement n'est pas adapté à ses facultés financières et implique un risque d'endettement excessif.
Il appartient à la banque d'établir qu'elle a satisfait le cas échant à son obligation de mise en garde, étant précisé que la qualité d'emprunteur non-averti de M. [V], retraité de la SNCF, n'est contestée par aucune des parties.
De même, l'absence de mise en garde à l'attention de l'emprunteur n'est pas contestée par la banque, qui se borne à faire état de l'absence de risque d'endettement excessif en lien avec la souscription du crédit litigieux.
Le devoir de mise en garde impliquant un devoir préalable de renseignement à la charge de la banque, il incombe à cette dernière d'établir qu'elle a recueilli des informations sur les capacités financières de l'emprunteur afin d'être en mesure d'apprécier si le crédit peut impliquer un rique d'endettement excessif.
Or, la fiche de renseignements relative à la situation de l'emprunteur produite par la banque est dépourvue de toute datation et signature et ne revêt donc aucun caractère probant de sorte que M. [V] est fondé à remettre en cause les informations qu'elle contient.
Par ailleurs, la seule remise par M. [V] de sa déclaration de revenus au titre de l'année 2006, mentionnant une somme totale de 16 493 + 10 165 = 26 658 euros, corroborée par les attestations de pensions versées par la caisse de retraite complémentaire, est impropre à constituer une vérification de ses capacités financières en l'absence de toute demande concernant ses charges, notamment d'emprunt.
Or, étant rappelé que le crédit affecté souscrit implique le remboursement d'échéances mensuelles de 334,56 euros durant quinze années, M. [V] chiffre lui-même ses revenus à la somme de 1 837 euros par mois, en communiquant un avis d'imposition des revenus de l'année 2007 dont il résulte un revenu imposable chiffré à la somme de 19 893 euros, et justifie par des relevés de comptes bancaires correspondant aux mois de mars à mai 2008 de prélèvements mensuels d'échéances d'emprunts de 163,56 + 175,77 + 280,55 = 619,88 euros.
Le fait que l'emprunteur ait été en mesure de procéder au remboursement du crédit durant plusieurs années est sans incidence sur l'appréciation de l'existence d'une obligation de mise en garde à la charge de l'établissement prêteur.
Il se déduit de ces éléments un risque particulier d'endettement dont il résulte une obligation de mise en garde à la charge du prêteur.
Dès lors, la banque, qui n'établit pas avoir satisfait à son obligation de renseignement corollaire de son obligation de mise en garde, ainsi qu'à cette seconde obligation, a commis une faute.
Il résulte nécessairement des fautes commises par la banque un préjudice pour M. [V], consistant en la perte de chance de ne pas contracter après avoir été averti d'une part du caractère irrégulier du bon de commande, d'autre part des conséquences financières et des risques afférents à son endettement.
L'indemnisation de cette perte de chance doit cependant intégrer la probabilité qu'aurait eu M. [V] de ne pas emprunter dans l'hypothèse où il aurait été destinataire des mises en garde et avertissements de la banque.
Compte tenu du fait que le crédit litigieux a été conclu dans le contexte spécifique d'une installation de chauffage thermodynamique avec espérance d'une économie énergétique et alors même que le crédit litigieux a été depuis remboursé sans difficulté, la probabilité de ne pas contracter doit être fixée à 10 % du capital emprunté.
Il en résulte un préjudice de perte de chance chiffré à la somme de 2 900 euros.
Concernant les chefs de préjudices tirés du défaut de fonctionnement de l'installation, lié selon M. [V] à son sous-dimensionnement, ainsi que de la défaillance de son cocontractant principal placé en liquidation judiciaire, l'emprunteur ne développe aucun élément de nature à établir un lien de causalité direct et certain entre les dommages qu'il invoque et le manquement de la banque à ses obligations, lesquelles ne sauraient être confondues avec celles à la charge de la société Cinergi et dont le manquement n'est en tout état de cause pas imputable au financeur.
Il en est de même du préjudice de jouissance, qui n'est par ailleurs corroboré par aucun élément mais relève de la seule affirmation de M. [V], dans la mesure où l'éventuel préjudice tiré d'une atteinte à l'usage de son habitation ne serait lié, d'après les termes mêmes de ses écritures, qu'à une réalisation des travaux non conformes.
Enfin, la mention de 'problèmes judiciaires' comme étant à l'origine de la symptomatologie anxio-dépressive de M. [V] dans le certificat médical établi le 08 janvier 2025 par le Dr [B] [L] ne permet pas d'établir un lien direct et certain avec les fautes commises par la banque au mois de juin 2008, étant observé au surplus que le médecin évoque un suivi depuis l'année 2012 alors même que la déchéance du terme, ainsi que son assignation par la banque ne sont intervenus que postérieurement de sorte que les 'développements judiciaires' susvisés étaient encore inexistants.
Après infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a condamné la banque à payer à M. [V] la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts, ce montant sera réduit à la somme de 2 900 euros, tandis que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté les autres demandes indemnitaires présentées par M. [V].
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Constate que l'irrecevabilité des demandes indemnitaires formées par M. [F] [V] au motif de la prescription n'est plus soutenue ;
Déclare recevables, sur renvoi après cassation, les demandes indemnitaires formées par M. [F] [V] ;
Infirme le jugement rendu entre les parties le 28 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Dijon en ce qu'il a condamné la SA Financo à payer à M. [F] [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant sur ce chef infirmé et y ajoutant :
Condamne la SA Arkea Financements et Services, anciennement dénommée Financo, à payer à M. [F] [V] la somme indemnitaire de 2 900 euros et rejette sa demande pour le surplus ;
La condamne aux dépens de première instance et des deux instances d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la déboute de sa demande et la condamne à payer à M. [F] [V] la somme de 3 000 euros, avec rejet de la demande pour le surplus.
Ledit arrêt a été signé par M. Cédric Saunier, conseiller, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,
CS/[Localité 5]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 24/01811 - N° Portalis DBVG-V-B7I-E26T
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 05 AOUT 2025
Décisions déférées à la Cour : jugement du 28 septembre 2018 - RG N°13/01352 - TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON - arrêt du 1er avril 2021 de la COUR D'APPEL de DIJON - arrêt du 18 septembre 2024 de la COUR DE CASSATION
Code affaire : 53B - Prêt - Demande en remboursement du prêt
COMPOSITION DE LA COUR :
Cédric SAUNIER, conseiller, président de l'audience
Philippe MAUREL et Bénédicte MANTEAUX, conseillers.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
En application des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire été débattue à l'audience publique du 13 mai 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Cédric SAUNIER, conseiller, président de l'audience et M. Philippe MAUREL, conseiller, qui ont fait un rapport oral avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour à Mme Bénédicte MANTEAUX, conseiller.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A. ARKEA FINANCEMENTS & SERVICES anciennement dénommée la SA FINANCO, société anonyme à directoire et conseil de surveillance immatriculée au RCS de [Localité 4] sous le numéro 338 138 795 ayant son siège social , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Xavier HELAIN de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau D'essonne, avocat plaidant
Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
ET :
INTIMÉ
Monsieur [F] [V]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 6] (95), de nationalité française,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Cédric SAUNIER, conseiller et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
Faits, procédure et prétentions des parties
M. [F] [V] a signé le 03 juin 2008 un bon de commande auprès de la SARL Cinergi concernant la fourniture et la pose d'un dispositif de chauffage thermodynamique au prix de 23 000 euros TTC, en acceptant le même jour une offre préalable de crédit de financement auprès de la SA Financo portant sur un montant de 29 000 euros remboursable en cent-quatre-vingt mensualités avec différé d'amortissement de cent-quatre-vingt jours au taux annuel de 7,32 %.
La société Financo a prononcé la déchéance du terme le 21 janvier 2013 au motif de plusieurs échéances de remboursement non honorées.
La société Cinergi a été placée en liquidation judiciaire, procédure clôturée par jugement rendu le 24 mars 2015 par le tribunal de commerce de Dijon.
Par exploit d'huissier signifié le 08 avril 2013 à étude, la société Financo a assigné l'emprunteur devant le tribunal de grande instance de Dijon en sollicitant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation à lui payer, avec intérêts au taux contractuel capitalisés à compter du 28 février 2013, la somme de 30 154,90 euros outre frais irrépétibles et dépens.
En réponse aux demandes reconventionnelles formées par le défendeur, la banque soulevait la prescription de l'action tendant à la déchéance du droit aux intérêts.
M. [V], invoquant le dysfonctionnement du système de chauffage réversible, concluait en première instance à l'irrégularité de l'offre préalable de crédit accessoire à une vente au regard des articles L. 312-2 et suivants du code de la consommation, à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et à la restitution du capital et à sa condamnation à l'indemniser de ses préjudices liés au manquement à ses obligations.
Le tribunal a, par jugement rendu le 28 septembre 2018 :
- déclaré prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts formulée par M. [V] ;
- dit que les fautes commises par la société Financo ne sauraient conduire à la priver de sa créance de restitution ;
- condamné M. [V] à payer à la société Financo la somme de 27 658,62 euros avec intérêts au taux conventionnel de 7,32% l'an à compter du 08 avril 2013 ;
Sur la demande reconventionnelle,
- condamné la société Financo à payer à M. [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- rejeté les autres demandes indemnitaires ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [V] aux entiers dépens, avec distraction ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
- que le contrat de crédit est soumis au régime du crédit immobilier dans sa version antérieure à la loi du 10 juillet 2010 ;
- concernant la déchéance du droit aux intérêts, que si la mise en cause du vendeur du bien est sans emport à défaut de demande tendant à la nullité du contrat, la demande est prescrite dans la mesure où l'irrégularité invoquée relative au TEG mentionné dans l'offre de crédit était connue dès le 29 août 2008 alors que M. [V] ne s'est prévalu de celle-ci que par conclusions notifiées le 18 novembre 2013 ;
- qu'après réduction de la clause pénale contractuelle de 8 % à la somme de zéro euro, M. [V] est redevable, au regard du décompte daté du 23 janvier 2013 et du tableau d'amortissement, de la somme de 27 658,62 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter de l'assignation valant mise en demeure ;
- qu'alors que la vente litigieuse est soumise à la loi sur le démarchage à domicile, le bon de commande ne comporte pas de formulaire de rétractation tandis que le montant du crédit est supérieur au montant du marché, le défaut de vérification de la banque étant de nature à justifier une indemnisation mais non une déchéance du droit aux intérêts contractuels ;
- que le manquement au devoir de mise en garde et de vigilance reproché à la société Financo, en ce qu'elle aurait consenti un crédit excessif au regard des capacités financières de son client, n'est sanctionné que par l'allocation de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas contracter ;
- que M. [V] ne justifie ni de la nécessité de travaux de remise en état, ni de son préjudice de jouissance, ni d'un état de stress particulier, tandis qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Financo les honoraires de l'expert auquel il a cru utile de devoir recourir.
Sur appels principal de la banque et incident de M. [V], la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Dijon a, par arrêt rendu le 1er avril 2021, confirmé le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts et a condamné M. [V] aux dépens et, l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, a :
- condamné M. [V] à verser à la banque :
. la somme principale de 27 728,52 euros outre intérêts au taux contractuel de 7,32 % par an sur la somme de 27 658,62 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 23 janvier 2013 ;
. la somme de 500 euros au titre de l'indemnité de résiliation outre intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2013 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
- déclaré prescrite l'action en responsabilité pour faute formée par M. [V] à l'encontre de la société Financo ;
- condamné M. [V] aux entiers dépens de l'appel ;
- débouté les parties de leurs demandes respectives formées au titre de leurs frais de procédure.
Sur pourvoi de M. [V], la première chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt rendu le 18 septembre 2024, cassé et annulé l'arrêt susvisé, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en responsabilité pour faute formée par M. [V] à l'encontre de la société Financo, en remettant sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et en les renvoyant devant la cour d'appel de Besançon, outre la condamnation de la société Financo aux dépens et à payer la somme de 3 000 euros à M. [V] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel de Dijon a violé les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce en retenant que le délai de prescription de l'action en indemnisation du manquement de la banque à son obligation de mise en garde de l'emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt commence à courir à la date de sa conclusion, alors que celui-ci débute à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face.
Par déclaration du 12 décembre 2024, la société Arkea Financements & Services, anciennement dénommée Financo, a saisi la cour d'appel de Besançon en sollicitant, suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation, l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Selon ses dernières conclusions transmises le 19 mars 2025, elle demande à la cour de déclarer M. [V] irrecevable en ses demandes et d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à payer à ce dernier la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et, statuant à nouveau sur ce point, de le débouter de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir :
Sur l'étendue de la saisine après cassation et la recevabilité des demandes présentées devant la cour d'appel de Besançon :
- que suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation, la cour d'appel n'est saisie que de l'action en responsabilité de M. [V] dirigée à son encontre sur le fondement d'un prétendu manquement au devoir de mise en garde, à l'exclusion de l'action fondée sur une prétendue faute d'avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité ;
- que dès lors, l'arrêt de la cour d'appel de Dijon ayant déclaré irrecevable l'action en responsabilité fondée sur les irrégularités du bon de commande n'a pas été remis en cause par la Cour de cassation ;
- que dès lors, M. [V] est irrecevable en ses demandes sur ce dernier point, lesquelles se heurtent à l'autorité de la chose jugée ;
- qu'en effet ses demandes indemnitaires à hauteur de 16 525,03 euros au titre du coût de la dépose de l'installation, de 45 000 euros au titre d'un prétendu trouble de jouissance et de 8 000 euros au titre d'un préjudice moral sont sans lien avec le manquement à un devoir de mise en garde ;
- que par ailleurs, ces demandes sont nouvelles en appel, alors même qu'elle-même n'est pas le vendeur, qui n'a jamais été mis en cause, et ne peut être tenue en cette qualité à indemniser des travaux de remise en état ou un préjudice de jouissance ;
Sur la recevabilité de l'action en responsabilité fondée sur un manquement au devoir de mise en garde :
- que cette action est recevable, dans la mesure où le premier impayé non régularisé est intervenu au mois de mai 2012 tandis que l'action en responsabilité a été engagée au mois de novembre 2013 ;
Sur l'absence de manquement au devoir de mise en garde :
- que pour dispenser son devoir de mise en garde, il résulte de la jurisprudence :
. que la banque doit uniquement se faire communiquer les justificatifs des revenus, tel que résultant de l'article D. 312-8 du code de la consommation ;
. que les charges doivent être déclarées de bonne foi sur la fiche de dialogue ;
- qu'étant rappelé que le risque d'endettement excessif s'apprécie au regard de l'intégralité du patrimoine du débiteur, il résulte de l'avis d'imposition sur le revenu 2006 transmis par M. [V] que, contrairement à sa déclaration à hauteur de 1 600 euros net mensuel sur la fiche de dialogue, il percevait une somme annuelle de 16 493 euros de retraite, outre 10 165 euros de retraite complémentaire, soit 26 658 euros par an ou 2 221,05 euros par mois ;
- que dès lors, étant célibataire et sans enfant à charge, il n'existait aucun risque d'endettement excessif puisqu'il lui restait une somme mensuelle de 1 421,05 euros nets d'impôts pour vivre ;
- que cela explique que le prêt a été payé sans la moindre difficulté pendant plusieurs années ;
- qu'en tout état de cause, le manquement au devoir de mise en garde s'analyse nécessairement en une perte de chance, de sorte que les dommages-intérêts ne peuvent jamais être équivalents au capital prêté.
M. [V] a conclu le 19 février 2025 en sollicitant :
- que soit jugée définitive la condamnation de la banque fondée sur la faute contractuelle liée à la violation du code de la consommation, à hauteur de la somme de 10 000 euros ;
- la confirmation de la condamnation de la banque au titre du manquement à son obligation de mise en garde sur le risque d'endettement, avec infirmation sur le quantum qui sera porté à la somme de 29 000 euros égale au capital mis à disposition ;
- l'infirmation pour le surplus et la condamnation de la banque au paiement des sommes de 16 525,03 euros au titre du coût de dépose de l'installation et de remise en état des lieux, avec indexation, de 45 000 euros au titre du trouble de jouissance et de 8 000 euros au titre du préjudice moral.
Il a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 10 avril suivant pour demander à la cour, au visa de l'article 915-12 du code de procédure civile :
- de 'constater' que la société Arkea Financements & Services n'a pas contesté la décision entreprise qui retient sa faute contractuelle à l'occasion de la conclusion d'un contrat violant le code de la consommation et spécialement aux termes de ses conclusions justificatives d'appel ;
- de 'juger' en conséquence définitive la condamnation de cette dernière de ce chef à hauteur de la somme de 10 000 euros dès lors qu'elle est désormais irrecevable à la contester ;
- de 'confirmer également' la condamnation de la société Arkea Financements & Services au titre du manquement à son obligation de mise en garde sur le risque d'endettement ;
- l'infirmant sur le quantum, de la condamner au paiement d'une somme de 29 000 euros égale au capital mis à disposition ;
- l'infirmant également pour le surplus, de la condamner au paiement des sommes suivantes :
. 16 525,03 euros au titre du coût de dépose de l'installation et de remise en état des lieux, avec indexation sur l'indice BT01 du 3ème trimestre 2014 jusqu'à parfait paiement ;
. 45 000 euros au titre du trouble de jouissance ;
. 8 000 euros au titre du préjudice moral ;
- de condamner la société Arkea Financements & Services au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de la condamner aux entiers dépens des 'procédures d'instance et d'appel'.
Il expose :
Sur la portée de la cassation :
- qu'il appartient à la cour de renvoi d'examiner à nouveau ses demandes indemnitaires dont il a été définitivement jugé qu'elles ne pouvaient être frappées de prescription, ce dont convient l'organisme de crédit ;
- que l'arrêt de cassation n'opère aucune dichotomie s'agissant des fautes retenues par le premier juge qui avaient deux fondements distincts, qu'il écarte clairement du débat devant la cour de renvoi la question de la déchéance du droit aux intérêts, et fixe le débat sur l'action en responsabilité et ses deux fondements distincts ;
- qu'ainsi, la cour doit statuer sur les fautes tirées :
. d'une part de la mise en 'uvre du financement au regard d'élément irréguliers qui devait conduire l'établissement financier à procéder à des vérifications préalablement à l'octroi du crédit ;
. d'autre part de l'inexécution de l'obligation de mise en garde sur le risque d'endettement ;
- qu'elle devra également apprécier à nouveau ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de remise en état, du préjudice de jouissance au regard de la défectuosité de matériel mise en 'uvre et de son préjudice moral ;
Sur la faute de l'organisme prêteur au regard de son obligation de vérification précontractuelle :
- que le tribunal a caractérisé cette faute ;
- que l'appelante n'a présenté aucune écriture tendant à sa remise en cause en appel conformément à l'article 915-2 du code de procédure civile, de sorte que ce chef de condamnation est définitif ;
- que le tribunal ayant arrêté sa condamnation à la somme de 20 000 euros au titre des deux violations retenues, la condamnation de la banque à payer la somme de 10 000 euros, qui correspond à la somme accordée pour chacun des manquements, doit être confirmée en l'absence de contestation concernant le manquement à l'obligation de vérification précontractuelle ;
Sur le manquement à l'obligation de mise en garde :
- que la fiche de solvabilité invoquée par la banque ne lui a jamais été remise et n'a aucune valeur probante en l'absence de signature ou de paraphe de sa part, tandis qu'elle n'est pas de sa main ;
- que les chiffres portés par ses soins sur l'offre de crédit ne correspondent pas avec ceux figurant cette fiche de renseignement ;
- que cette fiche constitue un faux établi postérieurement, dès lors qu'il n'est pas annexé à l'exemplaire emprunteur du contrat de crédit ;
- qu'au surplus, le rapport ACOGE, fondé sur son avis d'imposition et prenant en compte les crédits prélevés sur son compte à l'époque de la souscription du crédit litigieux, retient un taux d'endettement de 51,96 % après la souscription de ce dernier ;
- qu'en effet ses revenus mensuels après impôts s'élevaient à la somme de 1 837 euros tandis que ses prêts en cours représentaient une charge mensuelle de 619,88 euros ;
- que la banque a donc incontestablement commis une faute lourde en lui octroyant un crédit manifestement excessif au regard de sa capacité financière ;
- que le fait qu'il ait exécuté le contrat durant plusieurs années n'est pas de nature à effacer la faute de l'organisme préteur sur l'analyse de la situation financière de l'emprunteur qui aurait dû conduire à lui refuser le financement ;
- que le montant correspondant à la somme prêtée, soit 29 000 euros, correspond à la perte de la chance de ne pas avoir contracté le crédit et donc de supporter le remboursement d'un crédit excessif au regard de ses facultés ;
Sur les autres préjudices :
- que contrairement aux motifs retenus par le tribunal, il établit le défaut de fonctionnement de l'installation ;
- qu'en raison de la liquidation judiciaire de la venderesse, il subit un préjudice avéré à raison de la défaillance d'un cocontractant avec lequel il n'aurait pas contracté si l'organisme financeur avait rempli ses propres obligations, de sorte que la banque doit l'indemniser à hauteur de 16 525,03 euros au titre des frais de dépose et de remise en état, avec indexation ;
- qu'il a été définitivement jugé que la banque a été complice des agissements délictueux de la société Cinergi à l'occasion de la régularisation du contrat, de sorte qu'il est fondé à solliciter sa condamnation à réparer le préjudice de jouissance dont il souffre depuis 2008 ;
- qu'il en est de même de son préjudice moral médicalement constaté.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 mai suivant et mise en délibéré au 05 août 2025.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
- Sur le périmètre de la saisine de la cour d'appel sur renvoi après cassation,
A titre liminaire, la cour observe que, contrairement aux affirmations du conseil de M. [V], le juge de première instance n'a, ni dans les motifs ni dans le dispositif de sa décision, chiffré d'une part à la somme de 10 000 euros son préjudice consécutif à une faute de la banque ayant consisté à mettre en 'uvre le financement au vu d'un bon de commande ne respectant pas la réglementation d'ordre public du code de la consommation et d'autre part à la somme de 10 000 euros son préjudice lié à l'inexécution par la banque de son obligation de mise en garde sur le risque d'endettement excessif.
Au contraire, il résulte de la motivation du jugement rendu le 28 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Dijon que le préjudice de M. [V] a été chiffré à la somme de 20 000 euros consécutivement au manquement de la banque à son obligation de mise en garde à deux titres, d'une part le défaut de validité du contrat principal au regard de dispositions d'ordre public et d'autre part l'inadaptation du crédit à ses capacités financières.
L'article 624 du code de procédure civile précise que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Aux termes de l'article 638 du même code, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
Ainsi, si la censure attachée à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui lui sert de base et laisse subsister les dispositions non attaquées par le pourvoi, sauf cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi est déterminée, en application des dispositions susvisées, par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, sans être limitée par le moyen de cassation partielle.
En l'espèce, la première chambre civile de la Cour de cassation a, par son arrêt rendu le 18 septembre 2024, expressément limité la portée de la cassation au chef de l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Dijon aux termes duquel l'action en responsabilité pour faute formée par M. [V] à l'encontre de la société Financo a été déclarée prescrite, au motif de la violation des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce dont il résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation du manquement de la banque à son obligation de mise en garde de l'emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt commence à courir, non pas à la date de sa conclusion, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face.
Or, la cour d'appel de Dijon a constaté la prescription de l'action en responsabilité pour faute de la banque sans distinction de faute ou de nature de préjudice et après avoir infirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait notamment condamné la société Financo à payer à M. [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts mais aussi rejeté les autres demandes indemnitaires formées au titre de la restitution des mensualités réglées, du coût des travaux de remise en état, du préjudice de jouissance, des honoraires d'expert et du préjudice moral.
Etant rappelé qu'une cassation obtenue sur la recevabilité s'étend nécessairement aux dispositions de fond, il en résulte que la cour d'appel de Besançon est saisie, sur renvoi, de l'action indemnitaire formée par M. [V] à l'encontre de la société Arkea Financements & Services, déclarée prescrite par la cour d'appel de Dijon sans distinction de faute ou de préjudice, mais dont la présente cour relève que l'irrecevabilité au motif de la prescription n'est désormais plus soutenue.
Dès lors, ni l'autorité de chose jugée ni le caractère nouveau de certaines de ces demandes indemnitaires en appel ne sont établies et opposables à M. [V], dont les demandes seront déclarées recevables.
De même, en considération des motifs susvisés, étant observé en outre que M. [V] se contredit sur ce point dans les motifs de ses écritures en ce qu'il sollicite dans le même temps un nouvel examen de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, ce dernier n'établit aucune irrévocabilité d'une condamnation de la banque à payer à ce dernier une somme de 10 000 euros au motif d'une faute contractuelle, au demeurant formellement non prononcée en première instance.
La société Arkea est donc recevable à remettre en cause toute condamnation indemnitaire suite à l'appel initialement interjeté à l'encontre du jugement de première instance.
- Sur la demande indemnitaire formée par M. [V] au motif de manquements de la banque aux vérifications de conformité du contrat principal au code de la consommation et à son devoir de mise en garde,
En application de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En premier lieu, la société Arkea se limite, dans ses ultimes écritures, à affirmer que la cour d'appel de renvoi n'est pas saisie de la demande indemnitaire formée à son encontre au motif de la faute tirée des irrégularités affectant le bon de commande en l'absence de cassation concernant le prononcé de l'irrecevabilité de la demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts.
La cour observe cependant que la prescription concernant cette seule demande est sans incidence sur la demande de dommages-intérêts ayant donné lieu pour partie à condamnation, dont l'infirmation au motif de la prescription en appel entre dans le périmètre de la cassation avec renvoi.
La banque ne développe aucun moyen de fond, au soutien de son appel, pour contester sa responsabilité à ce titre telle que retenue en première instance, de sorte que son appel n'est pas soutenu sur ce point.
Le préjudice consécutif à cette faute tirée des irrégularités affectant le bon de commande s'analyse nécessairement en une perte de chance pour M. [V] de ne pas contracter le crédit, la banque étant tiers au contrat de vente principal.
En second lieu, il résulte des dispositions précitée que la banque est tenue à un devoir de mise en garde s'il apparaît, en considération de la situation financière et patrimoniale personnelle de l'emprunteur non averti, que son engagement n'est pas adapté à ses facultés financières et implique un risque d'endettement excessif.
Il appartient à la banque d'établir qu'elle a satisfait le cas échant à son obligation de mise en garde, étant précisé que la qualité d'emprunteur non-averti de M. [V], retraité de la SNCF, n'est contestée par aucune des parties.
De même, l'absence de mise en garde à l'attention de l'emprunteur n'est pas contestée par la banque, qui se borne à faire état de l'absence de risque d'endettement excessif en lien avec la souscription du crédit litigieux.
Le devoir de mise en garde impliquant un devoir préalable de renseignement à la charge de la banque, il incombe à cette dernière d'établir qu'elle a recueilli des informations sur les capacités financières de l'emprunteur afin d'être en mesure d'apprécier si le crédit peut impliquer un rique d'endettement excessif.
Or, la fiche de renseignements relative à la situation de l'emprunteur produite par la banque est dépourvue de toute datation et signature et ne revêt donc aucun caractère probant de sorte que M. [V] est fondé à remettre en cause les informations qu'elle contient.
Par ailleurs, la seule remise par M. [V] de sa déclaration de revenus au titre de l'année 2006, mentionnant une somme totale de 16 493 + 10 165 = 26 658 euros, corroborée par les attestations de pensions versées par la caisse de retraite complémentaire, est impropre à constituer une vérification de ses capacités financières en l'absence de toute demande concernant ses charges, notamment d'emprunt.
Or, étant rappelé que le crédit affecté souscrit implique le remboursement d'échéances mensuelles de 334,56 euros durant quinze années, M. [V] chiffre lui-même ses revenus à la somme de 1 837 euros par mois, en communiquant un avis d'imposition des revenus de l'année 2007 dont il résulte un revenu imposable chiffré à la somme de 19 893 euros, et justifie par des relevés de comptes bancaires correspondant aux mois de mars à mai 2008 de prélèvements mensuels d'échéances d'emprunts de 163,56 + 175,77 + 280,55 = 619,88 euros.
Le fait que l'emprunteur ait été en mesure de procéder au remboursement du crédit durant plusieurs années est sans incidence sur l'appréciation de l'existence d'une obligation de mise en garde à la charge de l'établissement prêteur.
Il se déduit de ces éléments un risque particulier d'endettement dont il résulte une obligation de mise en garde à la charge du prêteur.
Dès lors, la banque, qui n'établit pas avoir satisfait à son obligation de renseignement corollaire de son obligation de mise en garde, ainsi qu'à cette seconde obligation, a commis une faute.
Il résulte nécessairement des fautes commises par la banque un préjudice pour M. [V], consistant en la perte de chance de ne pas contracter après avoir été averti d'une part du caractère irrégulier du bon de commande, d'autre part des conséquences financières et des risques afférents à son endettement.
L'indemnisation de cette perte de chance doit cependant intégrer la probabilité qu'aurait eu M. [V] de ne pas emprunter dans l'hypothèse où il aurait été destinataire des mises en garde et avertissements de la banque.
Compte tenu du fait que le crédit litigieux a été conclu dans le contexte spécifique d'une installation de chauffage thermodynamique avec espérance d'une économie énergétique et alors même que le crédit litigieux a été depuis remboursé sans difficulté, la probabilité de ne pas contracter doit être fixée à 10 % du capital emprunté.
Il en résulte un préjudice de perte de chance chiffré à la somme de 2 900 euros.
Concernant les chefs de préjudices tirés du défaut de fonctionnement de l'installation, lié selon M. [V] à son sous-dimensionnement, ainsi que de la défaillance de son cocontractant principal placé en liquidation judiciaire, l'emprunteur ne développe aucun élément de nature à établir un lien de causalité direct et certain entre les dommages qu'il invoque et le manquement de la banque à ses obligations, lesquelles ne sauraient être confondues avec celles à la charge de la société Cinergi et dont le manquement n'est en tout état de cause pas imputable au financeur.
Il en est de même du préjudice de jouissance, qui n'est par ailleurs corroboré par aucun élément mais relève de la seule affirmation de M. [V], dans la mesure où l'éventuel préjudice tiré d'une atteinte à l'usage de son habitation ne serait lié, d'après les termes mêmes de ses écritures, qu'à une réalisation des travaux non conformes.
Enfin, la mention de 'problèmes judiciaires' comme étant à l'origine de la symptomatologie anxio-dépressive de M. [V] dans le certificat médical établi le 08 janvier 2025 par le Dr [B] [L] ne permet pas d'établir un lien direct et certain avec les fautes commises par la banque au mois de juin 2008, étant observé au surplus que le médecin évoque un suivi depuis l'année 2012 alors même que la déchéance du terme, ainsi que son assignation par la banque ne sont intervenus que postérieurement de sorte que les 'développements judiciaires' susvisés étaient encore inexistants.
Après infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a condamné la banque à payer à M. [V] la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts, ce montant sera réduit à la somme de 2 900 euros, tandis que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté les autres demandes indemnitaires présentées par M. [V].
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Constate que l'irrecevabilité des demandes indemnitaires formées par M. [F] [V] au motif de la prescription n'est plus soutenue ;
Déclare recevables, sur renvoi après cassation, les demandes indemnitaires formées par M. [F] [V] ;
Infirme le jugement rendu entre les parties le 28 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Dijon en ce qu'il a condamné la SA Financo à payer à M. [F] [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant sur ce chef infirmé et y ajoutant :
Condamne la SA Arkea Financements et Services, anciennement dénommée Financo, à payer à M. [F] [V] la somme indemnitaire de 2 900 euros et rejette sa demande pour le surplus ;
La condamne aux dépens de première instance et des deux instances d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la déboute de sa demande et la condamne à payer à M. [F] [V] la somme de 3 000 euros, avec rejet de la demande pour le surplus.
Ledit arrêt a été signé par M. Cédric Saunier, conseiller, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,