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Décisions

CA Nouméa, ch. civ., 7 août 2025, n° 22/00138

NOUMÉA

Arrêt

Autre

CA Nouméa n° 22/00138

7 août 2025

N° de minute : 2025/186

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 07 août 2025

Chambre Civile

N° RG 22/00138 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TBS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Avril 2022 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :18/3266)

Saisine de la cour : 23 Mai 2022

APPELANTS

S.C.I. MULHOLLAND INVESTISSEMENTS, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 5]

Représentée par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. ARCHI 13, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 7]

Représentée par Me John LOUZIER de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

Compagnie d'assurance GAN OUTREMER IARD,

Siège social : [Adresse 10]

Représentée par Me Lionel CHEVALIER de la SELARL CHEVALIER AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

Société RHPH, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 9]

Représentée par Me Franck ROYANEZ de la SELARL D'AVOCAT FRANCK ROYANEZ, avocat au barreau de NOUMEA

Représentée par Me Hanan CHAOUI de la SELEURL Hanan Chaoui Avocat, avocat au barreau de PARIS

07/08/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me DE GRESLAN ;

Expéditions - Me LOUZIER ; Me CHEVALIER ; Me ROYANEZ ;

- Me [V] ; O'CONNOR ; Me CASIES ; Me LEVASSEUR ; Me GILLARDIN ;

- Copie CA ; Copie TPI

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. [B] [Y] [V] MANDATAIRE JUDICIAIRE, ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL ENTREPRISE DE CONSTRUCTION NAJEBE,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Philippe O'CONNOR de la SELARL P.O.C. & ASSOCIÉS, avocat au barreau de NOUMEA

Substitué lors des débats par Me Philippe OLIVIER avocat du même barreau

S.C.I. MULHOLLAND INVESTISSEMENTS, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 5]

Représentée par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. ARCHI 13, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 7]

Représentée par Me John LOUZIER de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES DE FRANCE,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Denis CASIES de la SELARL D'AVOCAT DENIS CASIES, avocat au barreau de NOUMEA

Compagnie d'assurance GAN OUTREMER IARD,

Siège social : [Adresse 10]

Représentée par Me Lionel CHEVALIER de la SELARL CHEVALIER AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

Société RHPH, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 9]

Représentée par Me Franck ROYANEZ de la SELARL D'AVOCAT FRANCK ROYANEZ, avocat au barreau de NOUMEA

Représentée par Me Hanan CHAOUI de la SELEURL Hanan Chaoui Avocat, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. ATELIER 13,

Siège social : [Adresse 6]

Représentée par Me John LOUZIER de la SELARL SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. GINGER LPTP NC,

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Emmanuelle LEVASSEUR, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. BETONPAC,

Siège social : [Adresse 11] [Adresse 4]

Représentée par Me Philippe GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. SOCOTEC,

Siège social : [Adresse 8]

Représentée par Me Philippe REUTER de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Mars 2025, en audience publique, devant la cour composée de :

M. François GENICON, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 26 mai 2025 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 26 juin 2025 puis au 31 juillet puis au 7 août 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Mme XIVECAS Marie-Claude, conseillère, en remplacement de M. François GENICON, président, empêché et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENTS a confié la maîtrise d'oeuvre de la réalisation d'un bâtiment, dock à usage d'entrepôt et de bureaux situé à [Adresse 13] à la SARL ARCHI 13, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Francais qui sera dénommé la MAF. La Société Entreprise de Construction NAJEBE en charge du gros 'uvre, a réalisé les bétons de la construction, fournis par la société Beton Pacifique dite BETONPAC, sous le contrôle du Laboratoire d'Expertise du Bâtiment et des Travaux Publics (LBTP).

L'entreprise NAJEBE a souscrit une police d'assurance de responsabilité décennale auprès de la compagnie d'assurances GAN OUTRE MER IARD au titre de ce chantier.

La réception de l'ouvrage est intervenue le 26 novembre 2004.

Par acte authentique des 11 et 18 mai 2006, la SCI MULHOLLAND a consenti à la SAS RP2H, aux droits de laquelle est venue la SARL RHPH, exerçant sous l'enseigne SPOT un bail pour une durée de 12 ans portant sur les locaux à usage commercial sis à [Adresse 13] contre un loyer mensuel de 2.990.000 FCFP porté à 3.290.000 FCFP suivant avenant du 23 février 2007.

Courant 2011, le preneur a dénoncé au bailleur l'apparition de désordres sur le plancher du parking aérien du bâtiment.

Des travaux de renforcement de la dalle béton armé et charpente métallique ont été réalisés sur ordre de la société ATELIER 13 sous le contrôle du bureau d'études SOCOTEC.

Mandatée par la société RHPH, M. [R] [J] a rédigé deux rapports d'expertise extra-judiciaire les 26 avril et 5 décembre 2012 puis un rapport de visite périodique le 20 mai 2014.

Le bureau d'études GINGER LBTP, mandaté par la société ATELIER 13, a dressé un rapport le 28 octobre 2014.

Par requêtes introductives d'instance déposées les 25 et 26 novembre 2014, la SCI MULHOLLAND, se plaignant de désordres affectant l'ossature et les planchers du parking aérien du bâtiment (fissures dans les éléments structuraux -poutres, voiles, dalles de planchers et poutres voiles, déformations des cadres et bâtis de portes, décollements et fractures des carrelages collés) a exercé une action en responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du Code civil contre les sociétés d'architectes ATELIER 13 et ARCHI 13, la MAF, la SARL NAIEBE et la compagnie d'assurances GAN, assureur décennal, et a appelé la société RHPH en déclaration de jugement commun.

Les affaires enrôlées auprès du tribunal de première instance de Nouméa ont été jointes par mention au dossier le 16 mars 2015.

Par ordonnance du 25 janvier 2016, le juge de la mise en état a ordonné une expertise et désigné M. [K] [P] à cet effet.

Par acte d'huissier du 25 janvier 2016, la compagnie d'assurances GAN a fait assigner en intervention forcée les bureaux d'études SOCOTEC et GINGER LPTP.

Par ordonnance du 4 avril 2016, le juge de la mise en état a étendu les opérations d`expertise aux deux bureaux d'études.

Par requête introductive d'instance déposée le 15 mars 2016, la société RHPH a fait citer la SCI MULHOLLAND devant le Tribunal de première instance de ce siège aux fins de voir prononcer la résolution du bail commercial pour manquement du bailleur à son obligation de délivrance avec suspension immédiate du paiement des loyers et aux fins d`obtenir la somme de 119.730.459 FCFP à titre de dommages et intérêts outre la somme de 78.588.930 FCFP au titre de la restitution des loyers depuis septembre 2013, enfin une indemnité de 850.000 FCFP au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 5 septembre 2016, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux affaires, suspendu provisoirement l'obligation de la SAS RHPH de payer le loyer mensuel à la SCI MULHOLLAND, condamné la SCI MULHOLLAND à rembourser à titre provisionnel à la société RHPH la somme de 6.580.000 FCFP au titre des loyers versés de juillet et août 2016, rejeté la demande de la SCI MULHOLLAND tendant à la condamnation provisionnelle et en garantie contre les sociétés NAJEBE, ARCHI 13 et la compagnie d'assurances GAN OUTRE MER IARD.

Par arrêt du 27 octobre 2016, la Cour d'appel de NOUMEA a annulé l'ordonnance du 5 septembre 2016 au motif que le juge de la mise en état a statué par une même décision sur la demande de jonction et une demande d'incident présentée dans le cadre d'une seule des deux instances jointes, constaté qu'elle n'était saisie d'aucune demande de la SAS RHPH et rejeté les demandes 'incidentes' de la SCI MULHOLLAND.

Par acte du 26 décembre 2016, la SARL NAJEBE a fait assigner en intervention forcée la société BETON PACIFIQUE ci-après dénommée BETONPAC.

Les affaires ont été jointes sous le n°14/2358 par mention au dossier le 27 février 2017.

Par ordonnance du 13 mars 2017, le juge de la mise en état a étendu les opérations d`expertise à la société BETONPAC.

Par requête déposée le 22 mars 2017, la SAS RHPH a saisi le juge de la mise en état aux fins d`être dispensée du paiement des loyers, d'obtenir de la SCI MULHOLLAND la restitution des loyers perçus depuis septembre 2013 jusqu'à ses écritures à parfaire soit la somme de 130.215.300 FCFP.

Par ordonnance du 28 août 2017, le juge de la mise en état a :

- suspendu provisoirement à compter de l'ordonnance et jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué l'obligation de la SAS RHPH de payer le loyer mensuel à la SCI MULHOLLAND au titre du contrat de bail portant sur les locaux à usage commercial situé à [Adresse 14],

- rejeté les demandes en restitution de loyers versés et tendant à l'allocation de provision,

- rejeté les demande de la SCI MULHOLLAND tendant à la condamnation provisionnelle et en garantie contre les sociétés NAJEBE, ARCHI 13 et la compagnie d'assurances la MAF.

- rejeté la demande tendant à voir ordonner la recherche de la lente dégradation du béton.

Par jugement du 26 septembre 2017, la société NAJEBE a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL [B] [Y] [V] désignée en qualité de liquidateur.

L'expert M. [P] a déposé son rapport le 9 mars 2018.

Après radiation de l'affaire par décision du 10 octobre 2018, la SCI MULHOLLANI a déposé le 12 octobre 2018 des conclusions de reprise d'instance en reprenant l'instance.

Par arrêt du 12 février 2019, statuant sur recours contre ordonnance de mise en état du 28 août 2017 la Cour d'appel de NOUMEA a :

- déclaré l'appel de la SCI MULHOLLAND contre la seule SARL RHPH irrecevable comme tardif ;

- confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état du 28 août 2017 en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'elle a rejeté les demandes de la SCI MULHOLLAND tendant à la condamnation provisionnelle et en garantie contre la SARL NAJEBE, la SARL Archi 13 et la MAF.

L'infirmant de ce chef, la cour a statué à nouveau et a :

- condamné solidairement la SARL ARCHI 13 et la société la MAF à payer à la SCI MULHOLLAND une provision de 71.104.270 FCFP à valoir sur le préjudice économique ;

- dit que la garantie de la MAF intervient sous déduction de la franchise contractuelle et dans les limites du plafond de garantie,

- fixé à titre provisionnel au passif de la SARL NAJEBE la créance de la SCI MULHOLLAND à hauteur de la somme de 71.104.270 FCFP ;

- déclaré irrecevables, les demandes de la SCI MULHOLLAND contre la société d'assurance le GAN ;

- déclaré la demande additionnelle de la SCI MULHOLLAND irrecevable comme nouvelle ; I

- condamné solidairement la SARL ARCHI 13 et la société la MAF à payer à la SCI MULI-IOLLAND I la somme de 250.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement la SARL ARCHI 13 et la société la MAF aux dépens de la procédure d'appel ;

- fixé au passif de la SARL NAJEBE, les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens d'appel.

L'instance s'est poursuivie devant le tribunal de première instance et par jugement rendu le 25/04/2022, le 1ère juge a statué comme suit :

Constate les désordres de nature décennale rendant l'immeuble impropre à sa destination ;

Dit que la garantie décennale est acquise au maître de l'ouvrage et que la société ARCHI 13 et la société NAJEBE ont concouru au même dommage ;

Dit que la compagnie GAN OUTRE MER IARD doit sa garantie au titre de l'assurance décennale des sociétés NAJEBE et ARCHI 13 ;

Dit que la MAF doit sa garantie au titre de l'assurance responsabilité de la société ARCHI 13 ;

Condamne in solidum les sociétés NAJEBE et ARCHI 13, ainsi que leurs assureurs GAN et MAF à payer à la SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENTS la somme de 600.000 F CFP en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENTS à payer à la société RHPH la somme de 300.000 francs CFP en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les autres parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

Condamne in solidum les sociétés NAJEBE et ARCHI13, ainsi que leurs assureurs GAN et MAF aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause ;

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 23/05/2022, la Sarl Archi 13, a interjeté appel de cette décision. L'instance a été enregistrée sous le numéro 22/138.

Par requête du 03/06/2022, la compagnie LE GAN a interjeté appel de cette décision. L'instance a été enregistrée sous le numéro 22/149.

Par requête du 08/06/2022, la Sci Mulholland a interjeté appel de cette décision. L'instance a été enregistrée sous le numéro 22/180.

Par requête du 10/06/2022, la société RHPH a interjeté appel de cette décision. L'instance a été enregistrée sous le numéro 22/160.

Les appels ont fait l'objet d'une jonction, l'instance se poursuivant sous le numéro le plus ancien.

Dans ses dernières conclusions, la SCI MULHOLLAND demande à la cour de :

- débouter le GAN de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement du 25 avril 2022 en tant qu'il a condamné la SARL ARCHI 13 sous la garantie de son assureur la société MAF à indemniser la SCI MULHOLLAND au titre du préjudice de perte de chance de percevoir des loyers,

- réformer ce jugement sur le montant de l'indemnisation du préjudice en le fixant à la somme de 264 208 498 F CFP sous réserve d'une actualisation future,

- réformer ce jugement sur le montant à payer à la SCI MULHOLLAND, déduction faite de la provision versée, en le fixant à la somme de 193 104 228 CFP, au titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de percevoir des loyers, sous réserve d'actualisation au titre de demande additionnelle,

- réformer le jugement en tant qu'il a fixé le plafond de la garantie de la MAF à la somme de 500 000 € à cet égard et fixer ce plafond à la somme de 1.200.000 euros ;

- confirmer ce jugement en tant qu'il a condamné la Société ARCHI 13 sous la garantie de l'assureur décennal, le GAN, à lui rembourser le coût de la démolition/reconstruction du bâtiment,

- condamner in solidum la société Archi 13 sous la garantie de son assureur la MAF et de l'assureur décennal le GAN à payer la somme de 404.085.775 F CFP, sous réserve de la demande additionnelle en réévaluation du coût de la démolition/reconstruction en fonction de l'évolution de l'indice BT 21.

- reformer le jugement en tant qu'il a rejeté la demande de condamnation à rembourser la perte des aménagements commerciaux et statuant à nouveau, condamner solidairement la société ARCHI 13 et la MAF à lui payer la somme de 46.763.274 F CFP à ce titre,

- Fixer la créance de la SCI MULHOLLAND à l'égard de la SARL NAJEBE à la somme 715. 057. 547 F CFP,

- Débouter la Société RHPH de toutes ses demandes,

A titre reconventionnel, la condamner à payer à la SCI MULHOLLAND les frais de remise en état des lieux loués, soit une somme de 16.396.080 F CFP.

A titre subsidiaire, confirmer la condamnation de la Société ARCHI 13, sous la garantie de son assureur la MAF à garantir la SCI MULHOLLAND de toutes condamnations mises à sa charge à l'égard de la Société RHPH.

- condamner in solidum la SARL NAJEBE en liquidation judiciaire, le GAN, la SARL ARCHI 13 et la MAF à payer à la SCI MULHOLLAND la somme de 2.000.000 F CFP au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles d'appel.

- Condamner in solidum les défendeurs aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, la Sarl Archi 13 demande à la cour de recevoir la société ARCHI 13 en son appel et le dire fondé.

A titre principal, réformer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société ARCHI 13 in solidum avec celle de l'entreprise NAJEBE.

Et statuant à nouveau : Mettre hors de cause ARCHI 13 avec toutes conséquence de droit sur la charge des dépens et des frais irrépétibles.

Condamner la société MULHOLLAND aux frais irrépétibles que la société ARCHI 13 a dû exposer pour faire valoir ses droits soit une somme de 750 O00 F.CFP.

A titre subsidiaire, pour le cas où la responsabilité d'archi 13 était retenue en tout ou partie : la dire partagée entre ARCHI 13 et SOCOTEC ; en pareil cas, DIRE que SOCOTEC devra garantir ARCHI 13 en tout ou partie de toute condamnation en principal frais et dépens.

Plus subsidiairement, réformer le jugement en ce qu'il a jugé que seule la démolition reconstruction mettait la société MULHQLLAND dans l'état où elle se serait trouvée si les désordres n'étaient pas survenus et ordonner les reprises selon les modalités de renforcement des structures par des poteaux métalliques tel que suggéré par le GAN le bureau d'études BRH et le bureau de contrôle Socotec.

A titre plus subsidiaire, Reformer le jugement en ce qu'il a estimé le coût la somme de 351 350 542 F et statuant à nouveau, Fixer le prix de la démolition reconstruction à la somme de 284 314 435 F.cfp estimation 2020 et assortir ce coût ainsi rectifié de l'évolution de l'indice BT 21 point de base 2020.

A titre encore plus subsidiaire, Dire et juger pour les dommages immatériels consécutifs que constitue la perte de chance de perte des loyers et autres dommages immatériels consécutifs des désordres décennaux que la société ARCHI 13 devra bénéficier de la garantie de la MAF dans la limite du plafond de 1.200.000 € révisables dans les conditions fixées dans l'article 6 des conditions particulières de la police MAF.

Débouter la société MULHOLLAND de ses demandes en condamnation d'une somme de 41 567 337 F formées contre ARCHI 13 et MAF au titre de la perte des travaux embellissements améliorations installations et constructions quelconques qui ont été faits par le locataire.

En toute hypothèse, décharger la société ARCHI 13 de toutes condamnations aux frais et dépens

Dans ses dernières écritures (récapitulatives n°3), le GAN demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

Sur la fin de non-recevoir :

Dire que les demandes de la SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENTS en tant qu'elles sont dirigées contre la compagnie GAN OUTRE MER IARD se heurtent la fin de non-recevoir tirée de la prescription de toute action susceptible d'être dirigée à son encontre.

Dire qu'il en va de même de l'ensemble des demandes qui seraient dirigées contre elle, et qui aurait été formée postérieurement au 21 novembre 2016 (soit dans les deux ans suivant la requête introductive de la présente instance)

Au fond

Dire, si la fin de non-recevoir tirée de la prescription devait ne pas être retenue, que la solution alternative à celle de la démolition/reconstruction est suffisante à remédier aux désordres constatés, de sorte que le préjudice matériel de la SCI MULHOLLAND ne saurait excéder le coût de la mise en 'uvre d'une telle solution, arrêtée à la somme de 110.000.000 XPF, majorée le cas échéant, d'une indemnité compensatrice de la perte de superficie générée par la mise en 'uvre de cette solution, laquelle ne saurait excéder la somme de 2 millions de XPF.

A titre subsidiaire, dire que la compagnie GAN OUTRE-MER IARD ne pourra en tout état de cause être tenue à garantie que pour les seuls désordres du bâtiment entrant dans le champ de la responsabilité décennale (c'est-à-dire à l'exclusion des aménagements commerciaux, ainsi que des dommages immatériels), et dans les limites du plafond prévu par la police souscrite au cas particulier, soit la somme globale de 199.511.344 XPF.

Fixer le cas échéant la créance de la compagnie GAN OUTRE MER IARD au passif de la société ENTREPRISE DE CONSTRUCTION NAJEBE pour un montant identique à celui des sommes mises à la charge de GAN OUTRE MER IARD par la Cour.

Condamner la société SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENTS à payer à la compagnie GAN OUTRE-MER IARD une somme de 1.798.512 XPF en réparation du préjudice consécutif à sa faute.

Condamner la société SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENTS à payer à la compagnie GAN OUTRE-MER IARD une somme de 800.000 XPF au titre des frais irrépétibles.

Condamner la société SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENTS aux dépens à hauteur de la somme de 4.504.918 XFP ;

Dans ses écritures récapitulatives n°2, la MAF conclut comme suit :

- Juger les appels de la SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENT, de la Société RHPH, du GAN OUTREMER IARD et de la Société ARCHI 13, mal fondés ; -Juger l'appel incident de la MAF autant recevable que bien fondé ;

En conséquence ;

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Société ARCHI 13, condamné la MAF au titre de la perte de chance de percevoir des loyers, de sa condamnation à garantir la SCI MULHOLLAND INVESTISSEMENT des condamnations prononcées au profit de la Société RHPH ainsi qu'au titre de l'article 700 du CPC. Statuant à nouveau :

- débouter la SCI MULHOLLAND de toutes ses demandes en l'absence de dommages imputables à la Société ARCHI 13 ;

- débouter la Société RHPH de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de la MAF ;

- débouter la Société GAN OUTREMER IARD de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la MAF ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité de la Société ATELIER 13 ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la MAF prise en sa qualité d'assureur de la Société ARCHI 13 ne garantit pas les désordres de nature décennale relevant de la police du GAN ;

En conséquence,

- débouter la SCI MULHOLLAND de ses demandes en condamnation à l'encontre de la MAF en qualité d'assureur de la Société ARCHI 13 au titre des dommages matériels;

- Juger que le préjudice immatériel constitué par les pertes de loyer constitutif de la perte d'une chance devra être réduit à hauteur de 30% et CONFIRMER le jugement de ce chef ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la SCI MULHOLLAND au titre de la perte des aménagements commerciaux ;

- Juger que la garantie de la MAF au profit de la Société ARCHI 13 pour les dommages immatériels s'applique dans les limites et conditions du contrat qui contient une franchise ainsi qu'un plafond de garantie de 500 000 € hors actualisation au titre des dommages immatériels non consécutifs tous deux opposables aux tiers lésés ;

- juger que la somme de 607 968,90 € versée par la MAF à la SCI MULHOLLAND s'impute sur ce plafond au titre du préjudice immatériel non consécutif;

- juger que la MAF est fondée à opposer à la Société ATELIER 13 une non garantie en l'absence de déclaration du risque ;

A défaut,

- juger qu'en application de l'article L113-9 du code des assurances, toute indemnité mise à la charge de la MAF en sa qualité d'assureur de la Société ATELIER 13 sera réduite à 100% et donc à néant ;

En tout état de cause, vu l'article 1382 du code civil,

- condamner solidairement la Compagnie GAN prise en sa qualité d'assureur de la Société NAJEBE, la Société SOCOTEC, la Société GINGER LPTP NC et la Société BETONPAC à relever et garantir la MAF de toute condamnation prononcée à son encontre tant en sa qualité d'assureur de la Société ARCHI 13 que de la Société ATELIER 13 ;

- condamner solidairement la SCI MULHOLLAND et la Société RHPH à payer la somme de 500 000 F CFP au titre de l'article 700 du CPC ;

- la condamner aux entiers dépens

Par écritures responsives, la société SOCOTEC conclut comme suit :

CONFIRMER en toutes ces dispositions le Jugement n°22/183 rendu le 25 avril 2022 par le Tribunal de Première Instance de NOUMEA en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause la société SOCOTEC CALEDONIE ;

RECEVOIR les écritures de la société SOCOTEC CALEDONIE, les dire justes et bien fondées ;

DEBOUTER la MAF et la société RHPH de toutes leurs demandes formées à l'encontre de la société SOCOTEC CALEDONIE ;

A Titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la responsabilité de la société SOCOTEC CALEDONIE serait engagée, condamner in solidum la société RHPH, la société NAJEBE représentée par son mandataire judiciaire la SELARL [B]-[Y] [V], la société GAN OUTRE MER IARD, la société GINGER LBTP, la société BETON PACIFIQUE, la société ATELIER 13, la société ARCHI 13 et la MAF à relever indemne et garantir la société SOCOTEC CALEDONIE de toutes les condamnations pouvant être prononcées à son encontre.

En tout état de cause, CONDAMNER solidairement la société RHPH et la MAF à payer à la société SOCOTEC CALEDONIE la somme de 450.000 XPF sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, la société BETON PAC conclut à l'irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée délivrée à son encontre par la société NAJEBE et demande de voir débouter la MAF et la société SOCOTEC de leur demande et les condamner solidairement à lui payer la somme de 800 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, la société GINGER LPTP NC demande de confirmer le jugement du Tribunal de Première Instance de Nouméa du 25 avril 2022 (jugement n°22/83) dans toutes ses dispositions et de débouter la MAF, la société SOCOTEC la SELARL [B] [Y] [V], mandataire judiciaire de la société NAJEBE de toutes leurs demandes, fins, et conclusions orientées à l'encontre de la société GINGER LBTP NC et de condamner solidairement les parties succombantes au paiement à la société GINGER LBTP NC de la somme de 400. 000 FCFP au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Enfin, aux termes de ses écritures, la société NAJEBE, représentée par Me [V] mandataire liquidateur, soulève la prescription de l'action engagée par la SCI MULHOLLAND et conclut au débouté des demandes. En tout état de cause, condamner la Sci MULHOLLAND à lui payer la somme de 210 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens

Vu l'ordonnance de clôture

Vu l'ordonnance de fixation

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur l'action liée aux désordres

1. Sur la prescription

La Sarl NAJEBE soutient que l'action est prescrite pour avoir été engagée à l'expiration du délai de prescription de 10 ans puisque le procès-verbal de réception des travaux a été dressé le 26/11/2004, au matin (8h) alors que la requête introductive d'instance a été déposée au greffe du tribunal de première instance le 26/12/2014, dans l'après midi (14h).

La compagnie LE GAN considère pour sa part que l'action engagée par la Sci Mulholland à son encontre qui ne formulait aucune demande indemnitaire mais seulement de voir l'assureur relever indemne et garantir son assuré la société la Sarl NAJEBE de toutes condamnations prononcées à son encontre est prescrite ; qu'en effet cette action ne constitue pas une action directe mais s'analyse comme un appel en garantie non susceptible d'interrompre le cours du délai décennal et ce, d'autant que ses assurées la Sarl NAJEBE et la Sarl Archi 13 n'ont pas formé d'action fondée sur le contrat d'assurance à son encontre dans le délai de la prescription.

C'est à juste titre que le 1er juge a écarté la prescription invoquée à l'encontre de l'action engagée par la Sci Mulholland dès lors que la Sci Mulholland a déposé sa requête le 25/11/2014 dirigée contre le GAN pris en qualité d'assureur décennal en sollicitant sa condamnation dans le cadre de la garantie due à son assurée, peu important la nature de l'action engagée. Par ailleurs, au visa de l'article 642 du code de procédure civile qui édicte que : tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et que le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant >>, la requête de la Sci Mulholland reçue au greffe ' le jour de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, qui a fait courir le délai ', l'a bien été dans le délai de la prescription.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2. Sur la nature des désordres et sur les modalités de réparation

La nature décennale des désordres n'est pas remise en cause. La compagnie LE GAN et la Sarl Archi 13 et la MAF contestent, en revanche, le choix fait par le 1er juge de privilégier la réparation par démolition avec reconstruction au lieu de consolidation de l'existant

Le 1er juge a fait une analyse pertinente que la cour adopte en relevant que le maître de l'ouvrage victime des désordres avait droit à la réparation intégrale de son préjudice et que cette réparation ne pourrait être atteinte par la solution réparatoire confortative proposée par l'assureur dont la faisabilité est délicate et qui nécessite la modification du bâtiment ce que la Sci Mulholland ne souhaite pas. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition et reconstruction du bâtiment pour la somme de 359 897 985 F.CFP. Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle du GAN formée contre le maître de l'ouvrage pour faute délictuelle dès lors qu'il ne saurait être sérieusement reproché à la Sci Mulholland d'avoir accepté en première une solution alternative de reprise des désordres avant de la rejeter au vu de l'ampleur des travaux à reprendre sans être certain de leur pérennité . Au contraire, l'acceptation d'une telle mesure en cours d'expertise n'est pas fautive mais est prudente au vu des enjeux financiers.

3. Sur les responsabilités

La Sarl Archi 13 en tant que maître d'oeuvre considère qu'elle n'est pas responsable des désordres car elle n'a commis aucune faute, le CCTP gros oeuvre étant exempt de critiques et seule la mauvaise qualité des bétons mise en oeuvre étant à l'origine du sinistre. La société la Sarl Archi 13 estime que la présomption de responsabilité pesant sur elle est renversée dès lors qu'elle démontre que la quasi totalité des analyses fournies par la société NAJEBE au cours du chantier par la remise des éprouvettes étaient conformes aux normes du CCTP et que le mouillage du béton lors de sa mise en oeuvre n'était pas apparent.

La Sarl Archi 13 était chargée d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre. En sa qualité d'assimilée au constructeur elle est présumée responsable des vices de nature décennale sauf à démontrer l'existence d'une cause étrangère. Le 1er juge a estimé à bon droit que cette preuve n'était pas rapportée puisque ne suffisait pas à combattre et renverser la présomption simple de faute, la démonstration d'une preuve contraire ou l'absence de faute. Il faut prouver au contraire, l'existence d'une cause étrangère ce que la Sarl Archi 13 ne fait pas. De surcroît, l'expert [K] [P] a retenu que le maître d'oeuvre chargé de contrôler le chantier aurait dû s'apercevoir de la mauvaise qualité du travail ayant relevé que certaines analyses du béton faites par la société GINGER LPTP montraient une défaillance de la résistance du matériau dont le maître d'oeuvre n'a pas tenu compte.

La Sarl NAJEBE ne conteste pas ses fautes qui ont été stigmatisées par l'expert et que la cour rappelle à savoir un défaut de mise en oeuvre des bétons d'une porosité excessive soit du fait d'une présence excessive d'eau soit de manque de vibrations lors du coulage soit d'une combinaison de ces deux facteurs.

C'est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité de la Sarl Archi 13 avec la société de gros oeuvre dans la réalisation de l'entier dommage. La cour confirmera le jugement de ce chef. Le principe de démolition reconstruction a déjà été approuvé supra ainsi que son montant.

4. Sur les appels en garantie

A. Sur la garantie de la compagnie le GAN

La compagnie GAN OUTRE-MER IARD demande à ce que sa garantie ne joue que pour les seuls désordres du bâtiment entrant dans le champ de la responsabilité décennale (c'est-à-dire à l'exclusion des aménagements commerciaux, ainsi que des dommages immatériels), et dans les limites du plafond prévu par la police souscrite au cas particulier, soit la somme globale de 199.511.344 XPF. Elle sollicite également que la Sci Mulholland soit déclarée responsable du préjudice tenant à une solution alternative de reprise pour ensuite faire volte face

La cour approuve le 1er juge d'avoir déclaré inopposable au maître de l'ouvrage le plafond de garantie et d'avoir écarté la garantie pour les dommages immatériels qui ne sont pas couverts par la police de chantier. De même, le maître de l'ouvrage non professionnel de la construction n'a pas commis de faute en acceptant une mesure alternative de reprise qui au final restait une mesure délicate dans sa mise en oeuvre et incertaine dans sa pérennité. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

B. Sur la garantie de la MAF

La responsabilité de la Sarl Archi 13 étant retenue, la MAF sera condamnée à garantir son assurée.

Sur l'exclusion de la garantie décennale.

La police souscrite à effet du 01/01/1984 qui est celle à prendre en compte pour le chantier la Sci Mulholland prévoit aux conditions particulières que : sont exclues des garanties du présent contrat les conséquences pécuniaires des responsabilités professionnelles de l'assuré encourue à l'occasion de dommages entrant dans l'objet de la garantie police globale chantier et à l'occasion des désordres relevant des responsabilités biennales et décennales visées aux articles 1792 et 2270 du code civil >>

La Sci Mulholland, conteste l'existence d'une police globale de chantier. Or, il n'est pas contesté que dans le cadre du chantier, la compagnie LE GAN assurait en responsabilité décennale l'ensemble des intervenants dont la Sarl Archi 13 et la Sarl NAJEBE, couverture unique qui vaut police globale de chantier ; que la Sarl Archi 13 ne conteste pas n'avoir cotisé auprès de la MAF que pour les garanties facultative et qu'elle a bien déclaré pour le chantier la Sci Mulholland qu'il existait une police globale (pièce 32 de la MAF). Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les dommages de nature décennale n'étaient pas pris en charge par la MAF.

Sur le plafond de la garantie

La MAF estime qu'en application du contrat d'assurance, le plafond de garantie à prendre en compte et qui doit s'appliquer est celui limité à 500 000 €. La Sci Mulholland considère au contraire que la MAF devant sa garantie pour les désordres à caractère décennal, les dommages immatériels sont bien des dommages consécutifs dont le plafond d'indemnisation est fixé à 1.200 000 €. Elle sollicite la réformation du jugement de ce chef.

Les conditions générales et particulières de la police souscrite en 1984 sont très succinctes. Elles ne font pas état d'un distinguo entre les catégories de dommages, le plafond d'indemnisation étant fixé à 2 000 000 de francs étant précisé que les euros n'existaient pas à l'époque, que le contrat ne dit pas s'il s'agit de francs pacifiques ou de francs métropolitain et que la MAF ne verse aucun document de valorisation.

La MAF reconnaît que la police à prendre en compte est celle souscrite en 1984 puisque le chantier a été réceptionné le 26/11/2004. Toutefois, pour l'application des plafonds de garantie, elle se réfère sans explication aux conditions générales et particulières de la seconde police souscrite par la Sarl Archi 13 à effet du 01/01/2007 lesquelles prévoient pour les garanties facultatives un plafond de 1.2 million d'euros limité à 500 000 euros en distinguant selon que le dommage immatériel (tous préjudices pécuniaires subis par des tiers et résultant de la privation de jouissance d'un droit ) est consécutif à un dommage garanti, auquel cas, le plafond de garantie est de 1,2 million ou selon qu'il est non consécutif c'est-à -dire lorsque les préjudices subviennent en l'absence de tout dommage matériel ou corporel couvert par le contrat auquel cas le plafond de garantie est limité à 500 000 €.

La cour relève que la Sci Mulholland ne conteste pas le principe de distinction tel que visé dans le tableau de 2007 versé par la MAF relatifs aux indemnisations mais seulement l'interprétation de la nature du dommage. Dès lors que la responsabilité décennale de la société d'architecte n'entre pas dans le champs des garanties, le dommage immatériel subi par le maître de l'ouvrage est bien un dommage non consécutif couvert à hauteur de 500 000 €. Le jugement sera confirmé de ce chef .

C. Sur les appels en garantie contre les autres intimés

1.Sur le recours contre la société SOCOTEC.

En cause d'appel, la société ARCHI 13 et la MAF soutiennent comme devant le 1er juge que le bureau d'étude a commis une faute au regard des mauvais résultats de résistance du béton qui n'auraient pas dû lui échapper.

La société SOCOTEC est un contrôleur technique ayant une mission générale de contrôle destinée à la prévention des aléas techniques. Elle peut donner un avis technique qui n'est pas impératif. Il ne ressort pas de l'expertise et du dossier que la société a commis une faute en relation avec sa mission n'étant pas tenue à une obligation d'information ou de conseil envers le maître de l'ouvrage avec qui elle a seule un lien contractuel. Il appartenait au contraire au maître d'oeuvre et à l'entreprise NAJEBE au vu des résultats des essais sur la qualité des bétons de prendre les mesures qui s'imposaient. Le jugement sera approuvé qui a rejeté toutes les demandes de recours à son encontre.

2.[Localité 12] la société GINGER LPTP

La MAF, la société SOCOTEC et la société NAJEBE mettent en cause la responsabilité de la société GINGER LPTP qui aurait dissimulé des informations et aurait failli à donner l'alerte aux motifs que certains des essais sur la résistance des bétons analysés au cours du chantier montraient un défaut de résistance.

La cour approuve le 1er juge d'avoir écarté toute responsabilité à l'encontre du laboratoire qui n'a, aux termes de sa mission, qu'à procéder aux analyses et à les transmettre à l'entreprise qui la mandate (en l'espèce NAJEBE) sans avoir à interpréter les résultats ou à donner son avis sur la conformité des essais alors qu'elle ne dispose pas des documents techniques relatifs au chantier. Il n'a été mis en exergue aucune faute en relation avec sa mission. Le jugement qui a rejeté toutes les demandes de recours à son encontre sera confirmé.

3. Contre la Sarl BETONPAC

En cause d'appel, la société BETONPAC a été appelée par la société NAJEBE et la MAF et la société SOCOTEC ont demandé qu'elle soit condamnée à les relever indemnes de toutes condamnations prononcées à leur encontre.

Pour autant, aucune faute n'est caractérisée à l'encontre du fournisseur non constructeur dont les recours à son encontre relèvent de la prescription quinquennale. Le jugement qui a écarté la responsabilité de BETONPAC sera approuvé par motifs adoptés

5. Sur les préjudices de la Sci Mulholland

A. au titre des loyers

Le bail entre La société RHPH et la Sci Mulholland conclu les 11 et 18 mai 2006 pour 12 ans à effet du 01/05/2006 venait normalement à expiration le 30/04/2018. Du fait de sa résiliation anticipée, la Sci Mulholland a perdu une chance de percevoir des loyers à supposer que La société RHPH soit restée dans les lieux au même prix.

Par adoption de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que la bailleresse ne pouvait prétendre qu'à une perte de chance de percevoir les loyers jusqu'au terme du bail et non les loyers eux mêmes de sorte qu'il a retenu un coefficient de pondération de 70 % qu'il a appliqué sur les sommes réclamées pour la période du au mois de janvier 2021 inclus retenant un loyer mensuel de 2 619 631 Fcfp.

En appel, la Sci Mulholland réactualise sa demande à la somme de 264 208 498 soit (33 680. 970 Fcfp + 86 447. 823 + 62 871.144 + 81 208 561) pour la période d'août 2017 à juillet 2023 inclus outre le loyer pendant la période de reconstruction du bâtiment estimé à 24 mois par l'expert étant précisé que le loyer s'élevait à la somme mensuelle de 3 742 330 Fcfp pondéré à 2. 619 631 Fcfp.

La MAF s'y oppose sollicitant la confirmation du jugement qui a limité le préjudice à la perte de chance de percevoir des loyers jusqu'au mois de janvier 2021 ; qu'indemniser la Sci Mulholland jusqu'en juillet 2023 inclus consiste à accorde une rente de situation à la bailleresse qui n'a jamais actionné la compagnie LE GAN pour obtenir l'indemnisation due au titre de la reconstruction du dock alors qu'elle aurait pu le faire dès dépôt du rapport d'expertise.

Considérant que la compagnie LE GAN soulevait la prescription de l'action engagée par la Sci Mulholland et serait réticente à prendre en charge les conséquences des désordres, que la MAF avait émis également des réserves de même que les constructeurs concernés de sorte que seule une décision de justice pouvait les contraindre à régler le litige, la cour considère que le préjudice de la Sci Mulholland a couru au moins jusqu'à octobre 2022 soit 6 mois après le jugement du 25/04/2022 qui consacrait la garantie de la compagnie LE GAN et de la MAF et la responsabilité de la société NAJEBE et était assorti de l'exécution provisoire; qu'un délai de 6 mois s'avère ainsi de nature à permettre, à défaut de règlement amiable, d'engager une action en exécution forcée afin d'obtenir l'indemnisation. Il sera alloué, en conséquence, les sommes suivantes:

- 33 680 970 FCFP pour la période de la durée du bail d'Août à 2017 à avril 2018 sans pondération ;

- 86 447 823 Fcfp ( 33 mois x 2. 619 631 Fcfp ) pour la période de mai 2018 à janvier 2021;

- 55 012 251 Fcfp (21 mois X 2. 619 631 Fcfp ) pour la période de février 21 à octobre 2022 inclus ;

- 62 871 144 FCFP pour la période de reconstruction estimée par l'expert à 24 mois (70 % de 89 815 920 Fcfp )

soit la somme totale de 238 012 188 Fcfp dont à déduire la provision versée de 71.104 .270 Fcfp .

La somme de 166 907 918 Fcfp sera fixée au passif de la société NAJEBE et la Sarl Archi 13 et son assureur la MAF seront condamnées solidairement à payer cette somme dans la limite du plafond de garantie et après déduction de la franchise pour la MAF .

B. Sur la perte des aménagements faits par la société RHPH

La Sci Mulholland soutient qu'elle a subi un préjudice résultant de la perte des aménagements réalisés par La société RHPH à son entrée dans les lieux et qui auraient dû lui revenir au départ de sa locataire. La cour considère que le coût de démolition reconstruction à neuf interdit le remboursement des aménagements existants puisque la Sci Mulholland n'a pas fait le choix de conserver le bien aux fins de consolidation.

C. Sur le montant de la démolition/ reconstruction

La Sci Mulholland indique avoir réactualisé au 1er juillet 2023 le montant des travaux retenu par le tribunal de première instance soit la somme de 404.085.775 FCFP. Il est un fait que la décision n'a pas prévu de réactualisation en fonction de l'indice du BT 21. Cette mention sera rajoutée et la condamnation prononcée au titre du préjudice matériel le sera avec indexation.

II. Sur l'action liée au bail commercial.

L'appel de la Sarl RHPH locataire de la Sci Mulholland porte sur la date de résiliation du bail et par voie de conséquence sur le montant des remboursements indus, sur la responsabilité contractuelle de la Sci Mulholland et sur celle délictuelle des constructeurs à son égard avec pour effet une demande de condamnation du maître de l'ouvrage et des entreprises à réparer in solidum son préjudice immatériel que représente la perte de loyers.

A . Sur la date de résiliation du bail

La société RHPH a poursuivi l'exploitation de son activité jusqu'en janvier 2015 date de son départ constaté par un constat d'huissier dressé le 23/02/2015 à l'initiative de la bailleresse. Celle-ci l'a mise en demeure de réintégrer les locaux par commandement du 06/03/2015. Le 26/03/2017 et le 19/04/2017, La société RHPH a fait délivrer à sa locataire une sommation d'assister à l'état des lieux de sortie. Les clés seront restituées à la Sci Mulholland le 22/04/2017, date où un état contradictoire des lieux a été établi.

La société RHPH fait grief à la Sci Mulholland d'avoir failli à son obligation de défaillance en la laissant dans un immeuble en ruine de sorte que son départ n'était pas fautif mais était nécessaire eu égard aux dangers auxquels le bien l'exposait elle et sa clientèle.

Il ressort certes des différentes expertises que le bâtiment était dégradé et que cette dégradation était évolutive. Néanmoins, ce n'est que dans son rapport intermédiaire du 18/01/2017 que l'expert a indiqué que le bien en son état actuel était impropre à sa destination et inutilisable. Dès lors, en l'absence de demande du locataire de résiliation du bail conformément aux dispositions de l'article 1722 du code civil et de restitution de clés, le bail sera résilié judiciairement à effet du 15/01/2017 et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la Sci Mulholland à restituer à La société RHPH les loyers indûment payés de janvier 2017 à mars2017 inclus soit la somme de 11 266 990 Fcfp ( 3X 3 742 330)

B. Sur la responsabilité de la Sci Mulholland à l'égard de sa locataire

La Sci Mulholland est responsable en sa qualité de bailleresse de la rupture anticipée du bail. A ce titre le jugement sera confirmé qui a mis à sa charge les frais de déménagement (867 345 Fcfp ) exposés par la société RHPH ainsi que les dépenses engagées au titre des mesures conservatoires prises durant le bail afin de poursuivre son exploitation (1 969 198 Fcfp ).

La décision sera également confirmée sur le rejet des frais d'aménagement du nouveau local dès lors que la société RHPH ne justifie toujours pas en cause d'appel que les dépenses exposées à ce titre soit 47 208 252 ont été d'un montant quasi équivalent à celui des travaux d'aménagement réalisés dans l'ancien local. La société RHPH vise pour justifier du montant dépensé de 41 567 337 Fcfp une pièce 30 qui correspond en réalité à de la jurisprudence mais non à une facturation. Quant à la pièce 40, elle reprend une liste établie par la locataire elle même des travaux réalisés avec sa valeur et son numéro de compte. Ce document qui constitue une preuve à soi même n'est en rien probant . Le jugement qui a débouté la locataire de ce chef sera confirmé.

C. Sur la responsabilité délictuelle des constructeurs.

Au cours du chantier, les constructeurs sont responsables délictuellement, s'ils causent un dommage à un tiers et il doit être démontré l'existence d'une faute et d'un lien causal avec le préjudice invoqué. En revanche, il ne leur appartient pas de garantir le maître de l'ouvrage des dommages causés par ricochet à autrui ; les constructeurs doivent avoir commis une faute directement causée aux tiers, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Le jugement qui a écarté la responsabilité délictuelle des sociétés la Archi 13, NAJEBE et SOCOTEC à l'égard du locataire ,la société RHPH sera confirmé de ce chef.

III. Sur la demande reconventionnelle de la bailleresse

La Sci MULHOLLAND fait grief à la société RHPH de n'avoir pas entretenu les lieux et de ne pas les avoir restitués en bon état en fin de bail ; elle sollicite paiement à ce titre d'une somme de 16 396 080 Fcfp pour la remise en état des locaux.

La bailleresse est mal fondée à rechercher la responsabilité pour faute de sa locataire alors que le bail a été résilié en raison de la dégradation du bien donné à bail dont le mauvais état n'est pas imputable au preneur. Le jugement qui a débouté la SCI de ce chef sera confirmé. Il le sera également en ce qu'il a jugé que la garantie de la MAF et la responsabilité de la société ARCHI 13 étant retenues, elles seront tenues solidairement à relever indemne la bailleresse des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société RHPH.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il n'est pas inéquitable d'écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile eu égard à la nature du litige.

Sur les dépens de l'appel

Les parties appelantes qui succombent, à l'exception de la SCI MULHOLLAND supporteront les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme la décision en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Dit que la condamnation prononcée à hauteur de 359 897 985 Fcfp au titre de l'indemnisation du préjudice matériel (démolition / reconstruction du bâtiment ) sera réévaluée au jour du règlement sur la base de l'indice BT21 du coût de la construction en Nouvelle Calédonie.

Fixe à la somme de 55 012 251 Fcfp (21 mois X 2. 619 631 Fcfp) la perte de chance de percevoir les loyers pour la période de février 2021 à octobre 2022 inclus ;

Condamne solidairement la Sarl Archi 13 et la MAF à payer cette somme à la Sci Mulholland sous déduction de la franchise contractuelle et des provisions versées

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl NAJEBE, la créance de la Sci Mulholland retenue à hauteur de la somme de 55 012 251 Fcfp au titre de la perte de chance de percevoir les loyers pour la période de février 2021 à octobre 2022 inclus ;

Dit que la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl NAJEBE, de la créance de la Sci Mulholland prononcée à hauteur de 359 897 985 Fcfp au titre de l'indemnisation du préjudice matériel (démolition / reconstruction du bâtiment ) se fait avec réévaluation au jour du règlement sur la base de l'indice BT 21 du coût de la construction en Nouvelle Calédonie.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum la compagnie LE GAN, la MAF, la Sarl Archi 13 et la société RHPH aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.

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