Livv
Décisions

CA Bordeaux, ch. civ., 23 novembre 2010, n° 09/03401

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

KOPPERT MACHINES ET ZN BV (SA)

Défendeur :

TOP LEGUMES LATRILLE (SCEA)

CA Bordeaux n° 09/03401

22 novembre 2010

FAITS ET PROCEDURE :

La société de droit néerlandais Koppert Machines BV a livré en 2001 à la société civile d'exploitation agricole Top Légumes une machine à récolter et botteler les radis. Elle lui a livré une seconde machine le 24 janvier 2003.

Par acte d'huissier de justice du 3 avril 2006, la société Koppert Machines BV a assigné la société Top Légumes. Exposant que la première machine a été payée mais non la seconde alors qu'elle avait continué à fournir prestations et assistance jusqu'à ce qu'elle refuse de livrer les pièces commandées le 13 mai 2003 dans l'attente du règlement, elle demande de juger que le contrat passé avec la société Top Légumes pour la seconde machine est un contrat de vente et que la société Top Légumes soit condamnée à lui payer le prix de vente et les frais de transport de cette machine, en déduisant par compensation la somme due à la société Top Légumes.

Par jugement du 27 janvier 2009, le tribunal de grande instance de Bordeaux a dit que le contrat relatif à la machine récolteuse liant les parties ne constituait pas un contrat de vente ; il a rejeté la demande en paiement de la société Koppert Machines BV, reçu partiellement la société Top Légumes en sa demande reconventionnelle, condamné la société Koppert Machines BV à rembourser à la société Top Légumes la somme de 29 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jugement, et rejeté toutes les autres demandes.

La société Koppert Machines BV a relevé appel de ce jugement dans des conditions de régularité non contestées, par déclaration remise au greffe de la cour d'appel le 12 juin 2009.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 septembre 2010.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses dernières conclusions déposées le 6 août 2010, la société Koppert Machines BV sollicite de la cour qu'elle réforme le jugement frappé d'appel et juge que seule la convention > de Vienne > sur les contrats de vente internationale de marchandises a vocation à s'appliquer en l'espèce et qu'il existe entre elles un contrat de vente internationale de marchandises en application de l' article > 18 de cette convention > , que les exceptions soulevées par la société Top Légumes dans son courrier du 21 octobre 2005 sont inopérantes en application de l' article > 39 (2) de cette convention > et qu'elle est fondée en l'espèce à exercer une

compensation avec le montant de 29 500 euros payé par la société Top Légumes au titre de la commande d'un autre matériel ; elle sollicite de la cour qu'elle condamne la société Top Légumes à lui payer le prix de la machine et les pénalités de retard, une indemnité pour préjudice moral et une somme correspondant aux coûts de procédure de première instance et d'appel.

Pour dire qu'un contrat de vente a été conclu pour la seconde machine, la société Koppert Machines BV, qui affirme que l'acceptation peut résulter du comportement, en général un acte matériel relatif à l'exécution même de la vente proposée tel que la prise de livraison des marchandises, se prévaut du fait que la société Top Légumes, lorsqu'elle a réceptionné la seconde machine au mois de janvier 2003 et a commencé à l'utiliser, était consciente des caractéristiques de la marchandise livrée, de son prix et des modalités de paiement de ce prix (juillet 2004) et qu'en acceptant cette livraison sans réserve sur les éléments échangés par écrit et constituant l'offre de vente, elle a adopté un comportement indiquant qu'elle acquiesçait à l'acquisition de cette seconde machine conformément aux termes de cette offre. Elle se prévaut des dispositions de l' article > 18 de la convention > de Vienne > .

Par ses dernières conclusions déposées le 17 septembre 2010, la société Top Légumes sollicite de la cour à titre principal, qu'elle juge que les parties ont conclu un prêt à usage sans durée déterminée, que l' article > 39 de la convention > de Vienne > est inapplicable en l'espèce, le contrat n'étant pas un contrat de vente, et qu'en conséquence, elle rejette la demande de la société Koppert Machines BV et la condamne à lui payer la somme de 115 502,94 euros ; en toute hypothèse, qu'elle condamne la société Koppert Machines BV à lui rembourser la somme de 29 500 euros correspondant au prix de vente d'un système de recyclage des eaux jamais livré, qu'elle lui donne acte de ce que la botteleuse est à la disposition de la société Koppert Machines BV à charge pour cette dernière de l'enlever à ses frais et qu'elle condamne la société Koppert Machines BV à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l' article > 700 du code de procédure civile.

Sur la nature de la relation contractuelle concernant la seconde machine, elle fait valoir qu'il n'y a aucun document contractuel démontrant l'existence d'une vente ferme et qu'il n'y a jamais eu d'accord en ce sens mais une proposition unilatérale d'essai sans engagement dont les conditions n'ont pas été respectées ; elle en déduit que la référence à la convention > de Vienne > et au délai de deux ans fixé par son article > 39 est inappropriée. Elle sollicite le remboursement de la somme de 29 500 euros correspondant au prix d'achat d'un système de recyclage des eaux qui n'a jamais été livré et qui constitue un enrichissement sans cause donnant lieu à répétition.

MOTIFS :

Sur la qualification de la relation consécutive à la livraison de la seconde machine ayant existé entre les parties

La société Koppert Machines BV fonde sa demande sur les dispositions de la convention > de Vienne > sur les contrats de vente internationale de marchandises.

La société Top Légumes est une société de droit français et la société Koppert Machines BV une société de droit néerlandais. Ces deux sociétés ont leur établissement respectivement en France et aux Pays-Bas.

Aux termes de l' article > 4 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), A défaut de choix exercé conformément à l' article > 3 et sans préjudice des articles > 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminé comme suit : a) le contrat de vente de biens est

régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ; ...

La France et les Pays-Bas sont deux Etats qui ont ratifié, respectivement en 1982 et 1990, la convention > de Vienne > dont les dispositions, entrées en vigueur en 1988 et 1992, s'appliquent aux contrats de vente de marchandises passées entre la société Top Légumes et la société Koppert Machines BV. La juridiction saisie d'un litige qui les oppose doit appliquer la convention > de Vienne > dans les domaines qu'elle régit, à l'exclusion des droits nationaux de l'une ou de l'autre. En application de cette convention > qui régit la formation du contrat de vente, il convient donc de rechercher d'abord si les relations ayant existé entre la société Top Légumes et la société Koppert Machines BV constitue une vente au sens de cette convention > .

Aux termes de l' article > 14 > de la convention > de Vienne > , alinéa 1er, une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes déterminées constitue une offre si elle est suffisamment précise et si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. Une proposition est suffisamment précise lorsqu'elle désigne les marchandises et, expressément ou implicitement, fixe la quantité et le prix ou donne des indications permettant de les déterminer. Aux termes de son article > 18, alinéa 1er, une déclaration ou autre comportement du destinataire indiquant qu'il acquiesce à une offre constitue une acceptation. Le silence ou l'inaction à eux seuls ne peuvent valoir acceptation. Et l'alinéa 3 de cet article > renvoie aux habitudes ou aux usages susceptibles d'avoir été établis entre les parties. La seule prise de livraison de la machine, qui peut être effectuée à des titres divers et pas uniquement à titre de vente, est insuffisante à démonter l'existence d'une vente.

En l'espèce, après que la société Top Légumes eût acheté une première machine à la société Koppert Machines BV, une discussion s'est engagée entre les parties sur la livraison d'une seconde machine. A cet effet, le 26 juin 2002 à 6 h. 18, la société Top Légumes a passé un fax à la société Koppert Machines BV par lequel elle lui demandait notamment d'envoyer un devis avec les conditions de paiement pour une autre botteleuse de radis. Le même jour, la société Koppert Machines BV lui a répondu par un fax-message qu une seconde machine pouvait être livrée en semaine 40 de 2002 en lui indiquant les caractéristiques principales de cette machine, son prix (197 615 euros) et en précisant que, par courrier séparé, elle lui enverrait une offre avec les propositions de paiement d'origine, sollicitant aussi l'envoi d'une autre proposition. Le même jour encore, 26 juin 2002 à 14 > h. 45, la société Koppert Machines BV lui a envoyé un fax daté du 3 avril 2002, comportant une offre proposant par la présente la machine suivante sans engagement de votre part', avec description de la machine et indication du prix, de la date de livraison et des conditions de paiement. Et, par fax-message du 17 septembre 2002, la société Koppert Machines BV lui a écrit qu elle lui envoyait le lendemain séparément une offre et lui demandait ce qu'elle pensait de l'offre pour la machine avec un paiement total au mois de juillet 2004. Une machine a effectivement été envoyée le 24 janvier 2003 et livrée au mois de février 2003.

Il résulte de cet échange de correspondances que des pourparlers ont eu lieu sur l'achat d'une seconde machine mais que le paiement et ses modalités n'ont pas été arrêtées alors qu'ils constituaient un élément constitutif de l'engagement des parties, qui en étaient restées au stade des offres et des propositions sans engagement et qui ne se sont pas mises d'accord sur les termes de la vente. Par comparaison, la société Top Légumes rappelle que l'achat de la première machine avaient fait l'objet d'un formalisme précis, offre du 21 novembre 2000, bon de commande à signer daté du 4 décembre 2000, certificat de garantie du 26 janvier 2001 et réclamation de la confirmation de commande du 6 février 2001.

Dans cette situation, la société Koppert Machines BV ne démontre pas qu'en réceptionnant la seconde machine au mois de janvier 2003 et en commençant à l'utiliser, la société Top Légumes, consciente des caractéristiques de la machine livrée, de son prix et des modalités de paiement de ce prix, a accepté cette livraison sans réserve sur les éléments constitutifs de

la vente et a acquiescé à l'acquisition de cette seconde machine. Elle ne justifie d'aucun accord de la société Top Légumes sur l'acquisition de cette machine.

Dès lors, aucune vente au sens de la convention > de Vienne > n'est intervenue entre la société Top Légumes et la société Koppert Machines BV. La demande de la société Koppert Machines BV doit être rejetée.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de la société Top Légumes

- I - La société Top Légumes sollicite à titre principal la condamnation de la société Koppert Machines BV à lui payer la somme de 115 502,94 euros. Mais elle ne donne aucun moyen ni fondement à l'appui de ce chef de demande. Le tribunal, saisi de même, en rejetant toutes les autres demandes' avait rejeté ce chef de demande.

En conséquence, la cour le rejette.

- II- La société Koppert Machines BV ne s'oppose pas au remboursement de la somme de 29 500 euros correspondant au prix d'achat d'un système de recyclage des eaux qui n'a pas été livré.

Il doit donc être fait droit à la demande reconventionnelle de la société Top Légumes, la somme allouée portant intérêts au taux légal à compter du jour du jugement.

En conséquence, la cour confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les autres chefs de demande

La société Koppert Machines BV se borne à solliciter des dommages et intérêts sans préciser en quoi la société Top Légumes, qui obtient satisfaction, lui aurait créé un préjudice indemnisable. Sa demande ne peut dès lors être accueillie.

Puisqu'elle succombe en ses prétentions, elle est condamnée aux dépens. Elle est également condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros au profit de la société Top Légumes en application de l' article > 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement prononcé le 27 janvier 2009 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,

Rejette la demande de la société Koppert Machines BV en versement d'une indemnité pour préjudice moral,

La condamne à payer à la société Top Légumes la somme de 1 500 euros en application de l' article > 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Composition de la juridiction :

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site