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Décisions

CA Paris, 16 septembre 2022, n° 21/04392

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Allianz I.a.r.d (SA)

Défendeur :

Société Küttner (SARL), Société Küttner GmbH & Co KG (KKG) (Sté), Société Gothaer (Sté), Société AIG Europe (Sté)

CA Paris n° 21/04392

15 septembre 2022

Exposé des Faits et de la Procédure

1 Par un contrat en date des 6 février 2004 et 27 mars 2004, la société Fonderie mécanique 

générale castelbriantaise (la société FMGC), qui exploite une fonderie, a confié à la société Küttner, devenue la société Küttner Manutention et Automatisation (la société Küttner), la livraison, le montage et la mise en route d’un cubilot «à vent chaud», pour remplacer deux cubilots «à vent froid».

Une fusion préliminaire a eu lieu le 26 août 2004, la mise en production, ou «mise en service industrielle», le 30 août 2004 et la réception le 30 septembre 2004.

2 La société Küttner, assurée auprès de la société AGF (devenue la société Allianz IARD), a commandé à sa société mère, la société de droit allemand Küttner GmbH & Co KG (la société KKG), assurée auprès de la société HDI Gerling Industrie Versicherung AG, devenue la société HDI Global SE (la société HDI), différents équipements dont douze tuyères, six d’entre-elles étant appelées à équiper le cubilot, les six autres constituant une réserve de pièces détachées.

3 La société KKG s’est elle-même fournie pour ces tuyères auprès de la société de droit allemand REA Rhein Emscher Armaturen GmbH (la société REA), suivant des bons de commande des 25 mars et 3 mai 2004.

La société REA a souscrit une police d’assurance responsabilité civile auprès de la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG (la société Gothaer), régie par le droit allemand.

4 La mise en service de l’installation a eu lieu le 30 août 2004 mais, à 21 heures le même jour, des explosions brutales se produisant à l’intérieur du cubilot ont nécessité un arrêt d’urgence.

L’installation a été remise en service mais une explosion identique à celle du 30 août 2004 est survenue à l’intérieur du cubilot le 6 septembre 2004.

Le 13 septembre 2004, l’installation a finalement été remise en service, après de notables modifications ainsi que le remplacement des tuyères par un autre type de tuyères, d’un modèle antérieur provenant d’un autre fournisseur.

Cette installation a été réceptionnée le 23 novembre 2004.

5 Par acte d’huissier du 10 mars 2005, la société FMGC a assigné la société Küttner et la société Allianz IARD (son assureur) devant le Tribunal de commerce de Paris, afin qu’elles soient condamnées solidairement à l’indemniser de son préjudice, évalué aux sommes de 4 040 306 euros au titre de son préjudice certain et actuel et de 10 800 000 euros au titre de son préjudice certain et futur.

La société FMGC a assigné en intervention forcée, au titre de ses pertes d’exploitation, son propre assureur, la société AIG Europe Limited (la société AIG), venant aux droits de la société Chartis.

La société Gothaer est intervenue volontairement à l’instance en qualité d’assureur de la société REA puis a été assignée par la société Allianz IARD, agissant en qualité d’assureur de la société Küttner.

La société REA ayant fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité régie par le droit allemand, la société Allianz IARD a assigné son administrateur judiciaire, M. [B].

6 Par jugement avant-dire-droit du 12 juillet 2006, le Tribunal de commerce de Paris a ordonné une expertise judiciaire.

7 Par jugement du 2 juin 2014, le Tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes:    

Sur l’incident:

-  écarte les pièces 8, 8-1, 8-2, le certificat de coutume de la compagnie d’assurance Gothaer Allgemeine Versicherung AG et les dernières conclusions récapitulatives du 26 février 2014, le Tribunal retenant les conclusions antérieures,

-  écarte les pièces 15, 16, 17, 18 de la société Allianz IARD anciennement dénommée AGF et les dernières conclusions dénommées «après expertise numéro 2», le Tribunal retenant les conclusions antérieures dénommées «après expertise numéro 1»,

-  écarte les pièces 5 à 11 de la société AIG,

-  condamne in solidum la société Allianz IARD anciennement dénommée AGF, la compagnie d’assurance Gothaer Allgemeine Versicherung AG et la société AIG Europe venant aux droits de la compagnie Chartis à verser au titre de l’incident au visa de l’article 700 du Code de procédure civile 1 000 euros à la société Fonderie et mécanique générale Castelbriantaise (FMGC), 1 000 euros à la société Küttner (nouvellement dénommée Küttner Manutention et Automatisation), 1 000 euros à la société Küttner GmbH & Co KG, et 1 000 euros à la compagnie HDI Gerling Industrie Versicherung AG ainsi que les dépens relatifs à l’incident,

Sur le fond, Condamne in solidum:

la société AIG Europe à payer à la société FMGC le montant des dommages et intérêts, sous déduction de la somme provisionnelle de 450 000 euros en principal avec intérêts de droit à compter du 17 mai 2005 avancée par elle, et condamne les différents intervenants lui succédant dans la chaîne de responsabilité, la société Küttner, la société Allianz IARD son assureur, la société REA, la compagnie HDI Gerling Industrie Versicherung AG son assureur et la société Gothaer à la relever et garantir indemne de toute condamnation en principal, frais et accessoires, en ce compris la quote-part provisionnelle ci-dessus,

la société Küttner à payer à la société FMGC ou son assureur subrogé la société AIG Europe ou tout autre subrogé le montant des dommages et intérêts ci-après en ce compris la quote-part provisionnelle ci-dessus et condamne les différents intervenants lui succédant dans la chaîne de responsabilité, la société Allianz son assureur, la société Küttner GmbH, la compagnie HDI, la société REA, en tant que de besoin, et la société Gothaer à la relever et garantir indemne de toute condamnation en principal, frais et accessoires, en ce compris la quote-part provisionnelle ci-dessus,

la société Allianz IARD à garantir son assuré la société Küttner, déduction faite d’une franchise totale de 30 488 euros et condamne les différents intervenants lui succédant dans la chaîne de responsabilité, la société Küttner GmbH, la compagnie HDI, la société REA en tant que de besoin et la SA Gothaer à la relever et garantir indemne de toute condamnation en principal, frais et accessoires,

la société Küttner GmbH à payer à la société FMGC ou son assureur subrogé la SA AIG ou tout autre subrogé le montant des dommages et intérêts ci-après en ce compris la quote- part provisionnelle ci-dessus, la compagnie HDI, à relever et garantir son assuré la société Küttner GmbH, et condamne les différents intervenants lui succédant dans la chaîne de responsabilité la société REA, en tant que de besoin, et la SA Gothaer à la relever et garantir indemne de toute condamnation en principal, frais et accessoires, en ce compris la quote-part provisionnelle ci-dessus,

la société REA en état de procédure d’insolvabilité de droit allemand, représentée par Me [J] [B] ès qualités d’administrateur, en tant que de besoin, à payer-ou à voir fixer à son passif-à la société FMGC ou à son assureur subrogé, la SA AIG ou tout autre subrogé, la société Gothaer à relever et garantir son assuré la société REA et toute partie subrogée ou condamnée au titre du présent jugement et autorisée à l’appeler en garantie, notamment la SA AIG, de toute condamnation en principal, intérêts et accessoires, en ce compris la somme provisionnelle de 450 000 euros en principal avec intérêts de droit à compter du 17 mai 2005 avancée par la SA AIG, un montant de dommages et intérêts la somme de 2 128 880 euros hors-taxes arrêtée au 18 octobre 2011 augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

condamne in solidum l’ensemble des défenderesses à l’exception de la SAS Como et la société REA – à payer à la société FMGC la somme de 95 000 euros et à la SAS Como celle de 40 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, déboutant les parties de leurs demandes plus amples, déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif du jugement,

ordonne l’exécution provisoire,

condamne in solidum les sociétés AIG, Küttner, Allianz IARD, Küttner GmbH, HDI et Gothaer aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 246,24 euros dont 40,82 euros de TVA en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

8 Saisi par la société Allianz IARD (assureur de la société Küttner) d’une requête en 

interprétation et erreur matérielle, par jugement du 22 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a dit que les condamnations en garantie prononcées englobent les intérêts et visent donc «le principal, frais et accessoires, en ce compris les intérêts».

9 La société Gothaer a interjeté appel du jugement du 2 juin 2014.    

10 Par arrêt du 26 septembre 2018, la Cour d’appel de Paris a statué en ces termes:   

-  constate que la société Como n’ayant été ni intimée ni assignée en intervention forcée devant la Cour, le jugement entrepris est définitif en ce qu’il a ordonné sa mise hors de cause et qu’il a condamné in solidum au fond l’ensemble des défenderesses – à l’exception de la société REA – à lui payer in solidum la somme de 40 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

-  rejette la demande de nullité du jugement formée par la compagnie d’assurance Gothaer, société de droit allemand;

-  infirme le jugement en ce qu’il a retenu l’obligation pour la société Gothaer de garantir son assurée la société REA et pour la compagnie Allianz IARD de garantir son assurée la société Küttner, et les a en conséquence condamnées à participer à l’indemnisation du préjudice subi par la société FMGC;

-  infirme le jugement en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Allianz IARD, Gothaer et AIG à verser au titre de l’incident au visa de l’article 700 du Code de procédure civile 1 000 euros à la société FMC, 1 000 euros à la société Küttner, 1 000 euros à la société Küttner GmbH, et 1 000 euros à la compagnie HDI ainsi que les dépens relatifs à l’incident,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

-  déclare la société Küttner, la société Küttner GmbH et la société REA responsables in solidum à l’égard de la société FMGC de la survenance du sinistre imputable à un vice de fabrication et à un défaut de conception des tuyères;

-  condamne in solidum la compagnie AIG, en sa qualité d’assureur de la société FMGC, dans la limite de la police et sous déduction de la provision d’ores et déjà payée de 450 000 euros en principal, mais aussi la société Küttner, la société Küttner GmbH et l’assureur de celle-ci, la société HDI, à payer à la société FMGC la somme de 2 128 880 euros hors taxes arrêtée au 18 octobre 2011, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le Tribunal de commerce de Paris;

-  fixe la créance de la société FMGC au passif de la société REA à la somme de 2 128 880 euros hors taxes arrêtée au 18 octobre 2011 augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le Tribunal de commerce de Paris;

-  dans les rapports internes de la société Küttner, de la société Küttner GmbH et de la société REA, déclare la société REA entièrement responsable de la survenance du sinistre;

-  fixe la créance des sociétés Küttner, Küttner GmbH et HDI, au passif de la société REA à la somme de 2 128 880 euros hors taxes arrêtée au 18 octobre 2011, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le Tribunal de commerce de Paris;

-  constate l’absence de recours entre la société Küttner et la société Küttner GmbH;

-  déclare la compagnie AIG en sa qualité d’assureur de la société FMGC irrecevable à solliciter des condamnations à paiement au profit de la société Tokio Marine Europe Insurance et de la société Groupama Paris Val de Loire, non parties à l’instance;

-  déboute la compagnie AIG en sa qualité d’assureur de la société FMGC de ses demandes de paiement;

-  rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution sur les postes de condamnation infirmés;

-  déboute les parties de leurs autres demandes;

-  condamne in solidum la compagnie AIG, en sa qualité d’assureur de la société FMGC ainsi que les sociétés Küttner, Küttner GmbH et son assureur la société HDI à payer à la société FMGC la somme totale de 100 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile;

-  condamne in solidum la compagnie AIG, en sa qualité d’assureur de la société FMGC ainsi que les sociétés Küttner, Küttner GmbH et HDI aux entiers dépens.

11 Les sociétés Küttner, Gothaer, HDI, KKG et l’administrateur judiciaire de la société REA ont

formé des pourvois principaux et incidents contre cet arrêt.

12 Par arrêt du 17 décembre 2020 (2e Civ., 17 décembre 2020, pourvoi n° 18-24.915, 18-24.103),

la Cour de cassation a statué en ces termes:

Casse et annule, mais seulement en ce qu’il infirme le jugement du 2 juin 2014 qui a retenu l’obligation pour la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG de garantir son assurée, la société de droit allemand REA Rhein Emscher Armaturen GmbH, et pour la compagnie Allianz IARD de garantir son assurée la SARL Küttner, devenue Küttner manutention et automatisation et les a en conséquence condamnées à participer à l’indemnisation du préjudice subi par la société Fonderie et mécanique générale castelbriantaise (FMGC), et en ce qu’il déboute les parties de leurs demandes dirigées contre la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG et la société Allianz IARD, déboute la société AIG Europe Limited, en sa qualité d’assureur de la société FMGC, de ses demandes en paiement et condamne in solidum la société AIG Europe limited, la société Küttner devenue Küttner manutention et automatisation, la société Küttner GmbH & Co KG et la société HDI Gerling Industrie Versicherung AG au paiement des entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 100 000 euros à la société FMGC sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

13 Par déclaration du 4 mars 2021, la société Gothaer, assureur de la société REA, a saisi la

Cour d’appel de Paris, cour d’appel de renvoi autrement composée. La société FMGC n’a pas été appelée devant la cour d’appel de renvoi.

La société Borro, qui a été destinataire de la déclaration de saisine, a constitué avocat mais n’a pas conclu.

Exposé des Prétentions des Parties

14 Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 12 janvier 2022, la compagnie Gothaer demande à la Cour d’appel de:

-  la recevoir et la déclarer bien-fondée en son appel régulièrement interjeté contre le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 02/06/2014 (RG n° 2008 004732);

A titre principal

-  en tant que de besoin, confirmer le jugement uniquement en ce qu’il a constaté qu’AIG justifie seulement avoir versé à son assurée FMGC la somme de 450 000 euros et qu’AIG n’est pas recevable à demander des sommes supplémentaires, aux lieu et place des autres assureurs, et en ce qu’il a débouté Allianz de sa demande de dommages-intérêts pour refus d’intervention volontaire;

et, statuant à nouveau:

-  constater que les rapports d’expertise du professeur [F] et de M. [E] ont été régulièrement versés aux débats;

-  constater que les rapports d’expertise technique versés aux débats comportent des conclusions contradictoires, en ce qui concerne l’origine des incidents du 30 août et du 6 septembre 2004;

-  constater que rien ne permet de privilégier les conclusions d’un expert par rapport à celles d’un autre expert;

-  constater qu’en l’état, la preuve d’une défectuosité des tuyères fabriquées par REA n’est pas apportée;

-  dire et juger que, dans ces conditions, la responsabilité de REA n’est pas engagée;

-  et, subsidiairement, et en tant que de besoin, ordonner un complément d’expertise, par un autre expert agréé par la Cour de cassation, aux frais avancés par les sociétés Küttner KG et Küttner Sarl.

A titre plus subsidiaire

-  constater que les garanties de la cie Gothaer prévues par la police souscrite par REA, ne sont donc pas mobilisables en l’occurrence;

-  en conséquence, déclarer infondées toutes les demandes principales et annexes dirigées à l’encontre de la cie Gothaer;

-  et, par conséquent, déclarer irrecevable et en tous cas mal fondées toutes les demandes dirigées contre elle;

A titre subsidiaire

Limiter la responsabilité de REA à 30% ou, à défaut, à 80%. A titre infiniment subsidiaire

-  constater qu’en tout état de cause, la garantie de la cie Gothaer est contractuellement limitée à 511 291 euros, avec une franchise de 5 112,92 euros;

-  dire et juger que l’indemnité qui serait mise à la charge de la Cie Gothaer ne peut excéder la somme totale de 506 178,08 euros.

En tout état de cause,

-  constater que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 septembre 2018 a définitivement infirmé le jugement du Tribunal de commerce de Paris, en ce qu’il avait condamné in solidum la cie Gothaer et d’autres parties au paiement d’une somme de 1 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’incident;

-  En conséquence, déclarer irrecevable et en tous cas mal fondée la demande de la société Küttner France tendant à l’infirmation de ce chef du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 et, subsidiairement, infirmer ce jugement en ce qu’il a condamné la Cie Gothaer, in solidum avec d’autres parties, au paiement d’une indemnité de 1 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, au titre de l’incident de communication de pièces;

-  juger irrecevables et en tous cas mal fondées les demandes de la société AIG Europe concernant la condamnation au paiement d’une somme de 900 000 euros ainsi que d’une somme de 147 925, 20 euros, du moins en ce qui concerne la Cie Gothaer.

-  dire et juger irrecevables et en tous cas infondées, toutes fins, conclusions et demandes supplémentaires ou contraires, dirigées contre la Cie Gothaer à titre principal ou incident par les parties intimées devant la cour de céans,

-  condamner in solidum toutes les parties succombantes au paiement d’une indemnité de 50 000 euros au profit de la Cie Gothaer, par application de l’article 700 du Code de procédure civile,

-  condamner les mêmes in solidum, aux entiers dépens.

15 Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 février 2022, la société Allianz IARD

demande à la Cour d’appel de renvoi de:

– L’étendue de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 septembre 2018 et ses conséquences sur certaines demandes de Gothaer, Küttner France et AIG Europe

A – Les demandes de Gothaer

1. A titre principal

Juger que la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 26 septembre 2018 a irrévocablement déclaré:

-  les sociétés Küttner France, KKG et REA responsables in solidum à l’égard de FMGC dans la survenance du sinistre imputable à un vice de fabrication et à un défaut de conception des tuyères,

-  dans les rapports internes de Küttner France, KKG et REA, la société REA entièrement responsable de la survenance du sinistre.

En conséquence,

Déclarer irrecevables, car se heurtant à l’autorité de la chose jugée, les demandes de Gothaer tendant à voir,

-  à titre principal, juger que la responsabilité de REA n’est pas engagée,

-  à titre subsidiaire ordonner un complément d’expertise,

-  à titre encore plus subsidiaire, limiter la responsabilité de REA à 30% ou à défaut à 80%.

2. A titre subsidiaire

Juger, en toute hypothèse, mal fondées les demandes de Gothaer tendant à voir

-  à titre principal, juger que la responsabilité de REA n’est pas engagée,

-  à titre subsidiaire ordonner un complément d’expertise,

-  à titre encore plus subsidiaire, limiter la responsabilité de REA à 30% ou à défaut à 80%.

B – La demande de Küttner France

1. A titre principal

Juger que la Cour d’appel Paris dans son arrêt du 26 septembre 2018 a irrévocablement infirmé le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a condamné in solidum, au titre de l’incident de communication de pièces Allianz, Gothaer et AIG à payer à FMGC, Küttner France, KKG et HDI une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens de l’incident.

En conséquence, déclarer irrecevable car se heurtant à l’autorité de la chose jugée la demande de Küttner France tendant à la confirmation de ce chef du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014.

Déclarer pour les mêmes raisons Gothaer irrecevable en sa demande tendant à l’infirmation de ce chef du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014.

2. A titre subsidiaire

Infirmer en toute hypothèse, le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 en ce qu’il a au titre de l’incident de communication de pièces condamné in solidum Allianz, Gothaer et AIG à payer à FMGC, Küttner France, KKG et HDI à une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l’instance.

C – Les demandes de AIG Europe

1. La demande en fixation de la provision payée à FMGC de 900 000 euros Juger:

-  que la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 26 septembre 2018, a irrévocablement jugé que AIG Europe ne pouvait se prévaloir du paiement à FMGC que d’une avance provisionnelle de 450 000 euros.

-  que AIG Europe ne peut dès lors désormais prétendre devant la Cour d’appel de renvoi avoir payé à FMGC une somme de 900 000 euros.

En conséquence,

Dire la société AIG Europe irrecevable en sa demande de voir dire et juger que AIG et la co- assurance ont versé à la société FMGC la somme de 900 000 euros à titre provisionnel.

2. La demande en paiement de condamnation solidaire formée contre Allianz, Küttner France et Gothaer à payer la somme de 147 925,20 euros

A titre principal

Vu l’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire,

Se déclarer incompétent au profit du juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Paris pour connaître d’une telle demande.

Vu le jugement du juge de l’éxécution du Tribunal judiciaire de Paris du 2 avril 2015 entre AIG Europe et Allianz, désormais passé en force de chose jugée,

Dire AIG Europe irrecevable en sa demande du moins en ce qui concerne Allianz. En toute hypothèse,

Juger la société AIG Europe mal fondée en sa demande. L’en débouter.

II – L’exception de subrogation soulevée par Allianz

Vu l’article L 121-12 du Code des assurances,

Vu l’article 5.3 de la police d’assurance souscrite par Küttner France,

Vu les consultations du professeur [N] des 2 septembre 2005 et 27 juin 2012,

Vu les dispositions revêtues de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 septembre 2018 qui a déclaré les sociétés Küttner France, KKG et REA responsables in solidum à l’égard de FMGC de la survenance du sinistre imputable à un vice de fabrication et à un défaut de conception des tuyères,

A. La recevabilité des conclusions d’Allianz du 23 août 2021 et de ses conclusions postérieures

Juger que:

-  Allianz a déposé ses conclusions dans le délai de 2 mois à compter de la signification des conclusions de Gothaer conformément à l’article 1037-1 du Code de procédure civile,

-  le chef du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 condamnant Allianz à garantir Küttner France n’est pas passé en force de chose jugée.

En conséquence,

Juger que les conclusions d’Allianz du 23 août 2021 et ses conclusions postérieures sont recevables.

B. Le bien-fondé de l’exception de subrogation

Juger:

A titre principal:

-  que la subrogation de Allianz (AGF) dans les droits de son assurée, du fait de la clause exclusive de responsabilité expressément demandée par Küttner France, dans ses commandes, au profit de sa maison-mère KKG, est susceptible de ne pas s’opérer;

-  qu’en faisant insérer une telle clause dans les contrats qu’elle concluait avec KKG au bénéfice de sa maison-mère tout en limitant sa responsabilité vis-à-vis de FMGC à la couverture de sa police d’assurance, Küttner France a commis une faute autorisant Allianz à se prévaloir de l’exception de subrogation prévue à l’article L 121-12 alinéa 2 du Code des assurances et à l’article 5-3 de la police d’assurance,

A titre subsidiaire:

-  que si Allianz devait, sur le fondement de l’article 38 de la Convention de Vienne, être déchue du droit de se prévaloir du défaut de conformité du fait de l’absence de dénonciation du défaut à KKG par Küttner France, cette déchéance empêcherait la subrogation de s’opérer par la faute de l’assurée,

En conséquence,

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 en ce qu’il a condamné Allianz à garantir son assurée Küttner France, sous déduction de la franchise prévue à la police d’assurance d’un montant de 30 488 euros, et condamné Allianz à garantir AIG des condamnations prononcées contre elle au bénéfice de FMGC,

Débouter Küttner France et AIG Europe des demandes en garantie qu’elles forment contre Allianz,

III – A titre subsidiaire et pour le cas où la Cour declarerait Allianz mal-fondée en son exception de subrogation

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déduit de la garantie d’Allianz la franchise contractuelle de 30 488 euros.

IV – A titre tout aussi subsidiaire: les recours en garantie de Allianz (AGF)

1 – Contre la société Küttner GmbH & Co KG et HDI Gerling, devenue HDI Global SE

a.  Subrogation de Allianz dans les droits de Küttner France (article L 121-12 du Code des assurances)

Vu les dispositions de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers, corporels (article 2) et celles de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises,

Dire et juger que:

-  le recours récursoire de Allianz, de nature contractuelle, est régi par la Convention de Vienne du 11 avril 1980, partie intégrante du droit allemand, convenu entre Küttner France et KKG,

-  ce recours n’est pas atteint de prescription et est donc parfaitement recevable, En conséquence,

Vu les articles 35, 36, 39, 40 et 74 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980,

Juger que KKG avait connaissance du défaut de conformité des tuyères avant l’échéance du délai de dénonciation de 2 ans et n’est donc pas fondée à opposer à Allianz l’absence de dénonciation dudit défaut par Küttner France,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné in solidum, les sociétés Küttner GmbH & Co KG et HDI Gerling, devenue HDI Global SE, à garantir la compagnie Allianz IARD, venant aux droits de la compagnie AGF, de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre elle en principal, intérêts et frais au bénéfice de la société FMGC et/ou de tout autre intervenant.

b.  Subrogation de Allianz dans les droits de la victime FMGC (Article 1251-3° du Code civil en vigueur au moment des faits)

Vu les dispositions des articles 5 et 8 de la Convention de la Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits et de la règle de conflit de droit commun (lex loci delicti),

Juger que le recours récursoire de Allianz, de nature délictuelle, est régi par le droit français et particulièrement par l’article 1382 du Code civil en vigueur au moment des faits.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné in solidum, les sociétés Küttner GmbH & Co KG et HDI Gerling, devenue HDI Global SE, à garantir la compagnie Allianz IARD, venant aux droits de la compagnie AGF, de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre elle en principal, intérêts et frais au bénéfice de la société FMGC et/ou de tout autre intervenant.

2   – Contre Maître [B] ès qualités d’administrateur à la procédure d’insolvabilité de la société REA Rhein Emscher Armaturen GmbH et la compagnie Gothaer.

Juger que Allianz qu’elle soit subrogée dans les droits de son assurée, en application de l’article L 121-12 du Code des assurances, ou dans ceux de FMGC en application de l’article 1251-3° du Code civil en vigueur au moment des faits, exerce à l’encontre de REA Rhein Emscher Armaturen GmbH et de sa compagnie d’assurance responsabilité civile, la compagnie Gothaer, une action directe de nature délictuelle.

Vu les dispositions de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 et la règle de conflit de droit commun (lex loci delicti),

Juger que le droit français régit l’action de Allianz contre la société REA Rhein Emscher Armaturen GmbH et la compagnie Gothaer.

En conséquence,

Vu l’article 1382 du Code civil en vigueur au moment des faits,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé la créance de la compagnie Allianz IARD, venant aux droits de la compagnie AGF, vis-à-vis de la société REA Rhein Emscher Armaturen GmbH représentée par son administrateur judiciaire, Maître [J] [B], au montant de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre Allianz IARD venant aux droits de la compagnie AGF, en principal, intérêts et frais au bénéfice de la société FMGC et/ou de tout autre intervenant.

Vu le certificat de coutume du Professeur [V] en date du 7 octobre 2013, son certificat de coutume complémentaire du 29 décembre 2015 et sa consultation additionnelle du 7 mai 2018,

Donner acte à la compagnie Allianz IARD, venant aux droits de la compagnie AGF, de ce qu’elle fait siennes sur ce point les conclusions déposées par la société Küttner France (conclusions d’intimée du 18 août 2021 pages 23 à 37).

Juger que la garantie d’assurance de la compagnie Gothaer Allgemeine Versicherung AG est acquise à la société REA.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG à relever et garantir la compagnie Allianz IARD, venant aux droits de la compagnie AGF, de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre elle, en principal, intérêts et frais au bénéfice de la société FMGC et/ou de tout autre intervenant.

V – En toute hypothèse

Condamner in solidum la compagnie Gothaer Allgemeine Versicherung AG ou tout succombant à payer à la compagnie Allianz IARD, venant aux droits de la compagnie AGF, la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d’appel que ce soit dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’arrêt du 26 septembre 2018 que dans celui de la procédure sur renvoi après cassation, dont, pour les dépens d’appel, distraction au profit de Maître Michel Wolfer, avocat au Barreau de Paris, dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

16 Par conclusions notifiées le 8 février 2022, la société Küttner demande à la Cour d’appel de renvoi de:

-  Juger que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 septembre 2018 a autorité de chose jugée en ce qu’il a:

-  Déclaré responsables in solidum les sociétés Küttner, Küttner GmbH & Co. KG et REA à l’égard de FMGC au titre de «la survenance du sinistre imputable à un vice de fabrication et à un défaut de conception des tuyères»;

-  Jugé REA pleinement et entièrement responsable de la survenance du sinistre dans les rapports internes entre Küttner, Küttner GmbH & Co. KG et REA;

-  Fixé la créance de la société Fonderie mécanique générale Castelbriantaise (FMGC), Küttner, KÜTTNER GmbH & Co. KG et HDI GLOBAL SE, au passif de la société REA à la somme de 2 128 880 euros Hors Taxes arrêtée au 18 octobre 2011 augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le Tribunal de commerce de Paris;

-  Juger irrecevables, comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée, les demandes de la société Gothaer tendant à voir juger que la responsabilité de REA n’est pas engagée, et tendant subsidiairement à voir ordonner un complément d’expertise sur les causes techniques des incidents des 30 août et 6 septembre 2004 aux frais avancés des sociétés Küttner et Küttner GmbH & Co. KG, et plus subsidiairement encore, tendant à limiter la responsabilité de REA à 30%, ou à défaut 80%;

En tout état de cause,

-  Juger mal fondées les demandes de la société Gothaer tendant à voir juger que la responsabilité de REA n’est pas engagée, et tendant subsidiairement à voir ordonner un complément d’expertise sur les causes techniques des incidents des 30 août et 6 septembre 2004 aux frais avancés des sociétés Küttner et Küttner GmbH & Co. KG, et plus subsidiairement encore, tendant à limiter la responsabilité de REA à 30%, ou à défaut 80%;

-  Fixer au passif de la société REA le montant de toute condamnation qui pourrait être prononcée à l’encontre de la société Küttner, en principal, intérêts, frais et accessoires;

-  Juger que la garantie d’assurance de la société Gothaer est acquise à la société REA, les exceptions de non-garantie soulevées par la société Gothaer étant mal fondées;

-  Confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a condamné la société Gothaer, in solidum avec les autres défenderesses, à relever et garantir son assurée la société REA, et toute partie subrogée ou condamnée, en ce compris la société Küttner, de toute condamnation en principal intérêts frais et accessoires, en ce comprise la somme provisionnelle de 450 000 euros en principal avec intérêts de droit à compter du 17 mai 2005 avancée par la société AIG Europe limited;

-  Juger la société Gothaer mal fondée en sa demande tendant à l’application d’un plafond de garantie de 511 291 euros;

-  Juger que le plafond de garantie de la société Gothaer applicable au sinistre s’établit à la somme de 5 112 918 euros;

-  Juger irrecevables les conclusions d’intimée n°1 sur renvoi après cassation de la société Allianz signifiées le 23 août 2021, ainsi que les conclusions de la société Allianz signifiées postérieurement;

-  Juger que le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 a force de chose jugée en ce qu’il a condamné la société Allianz, in solidum avec les autres défenderesses, à garantir la société Küttner, sous déduction d’une franchise de 30 488 euros, de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires;

Subsidiairement,

-  Juger que la société Allianz doit être réputée s’en tenir aux moyens et prétentions de ses conclusions n°6 signifiées le 8 juin 2018 et visées dans l’arrêt du 26 septembre 2018 de la Cour d’appel de Paris;

-  Juger tant irrecevables que non fondées les demandes de la société Allianz formées à l’encontre de la société Küttner tendant à lui opposer un refus de garantie;

-  Confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a condamné la société Allianz, in solidum avec les autres défenderesses, à garantir la société Küttner, sous déduction d’une franchise de 30 488 euros, de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires;

-  Juger irrecevables les demandes formées par la société AIG Europe limited à l’encontre de la société Küttner;

-  Débouter en conséquence la société AIG Europe limited de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Küttner;

-  Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Allianz, Gothaer et AIG à verser au titre de l’incident au visa de l’article 700 du Code de procédure civile, 1000 euros à chacune des sociétés FMGC, Küttner, Küttner GmbH & CO. KG et HDI Global SE, ainsi qu’à payer les dépens relatifs à l’incident.

-  Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 en ce qu’il a condamné la société Gothaer et Allianz in solidum avec les autres défenderesses, aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.

-  Débouter en conséquence la société Gothaer de toutes ses demandes, fins et conclusions, et celles de toutes autres parties dirigées à l’encontre de la société Küttner;

-  Condamner la société Gothaer et tout succombant à payer à la société Küttner la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en cause d’appel;

-  Condamner la société Gothaer et tout succombant aux entiers dépens d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Éric Allerit, membre de la SELARL Taze-Bernard- Allerit, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile

17 Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 janvier 2022, la société KKG (Küttner GmbH & Co) et son assureur la société HDI Global SE demandent à la Cour d’appel de renvoi de:

A. Sur l’étendue de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt d’appel du 26 septembre 2018 et ses conséquences sur les demandes de Gothaer:

Juger que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 septembre 2018 a autorité de chose jugée en ce qu’il a (i) déclaré responsables in solidum Küttner SARL, Küttner KG et REA à l’égard de FMGC au titre de la survenance du sinistre causé par les tuyères fournies par REA, (ii) jugé REA pleinement et entièrement responsable de la survenance du sinistre dans les rapports internes entre Küttner SARL, Küttner KG et REA et (iii) infirmé les condamnations prononcées au titre de l’incident de communication de pièces;

En conséquence,

Déclarer irrecevables, car se heurtant à l’autorité de la chose jugée, les demandes de Gothaer tendant à voir juger que la responsabilité de REA n’est pas engagée, et tendant subsidiairement à voir ordonner un complément d’expertise sur les causes techniques des incidents des 30 août et 6 septembre 2004 aux frais avancés des sociétés Küttner SARL et Küttner KG, et plus subsidiairement encore, tendant à limiter la responsabilité de REA à 30% ou, à défaut, à 80%;

Juger en toute hypothèse et à titre subsidiaire mal fondées les demandes de Gothaer tendant à voir juger que la responsabilité de REA n’est pas engagée, et tendant subsidiairement à voir ordonner un complément d’expertise sur les causes techniques des incidents des 30 août et 6 septembre 2004 aux frais avancés des sociétés Küttner Sarl et Küttner KG, et plus subsidiairement encore, tendant à limiter la responsabilité de REA à 30% ou, à défaut, à 80%;

Par ailleurs,

Déclarer irrecevable, car se heurtant à l’autorité de la chose jugée, la demande de Gothaer tendant à l’infirmation du chef du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 ayant condamné in solidum, au titre de l’incident de communication de pièces, Gothaer, Allianz et AIG à payer à FMGC, Küttner SARL, Küttner KG et HDI Global la somme de 1 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles et les dépens de l’incident;

Confirmer en toute hypothèse et à titre subsidiaire le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 en ce qu’il a, au titre de l’incident de communication de pièces, condamné in solidum Gothaer, Allianz et AIG à payer à FMGC, Küttner SARL, Küttner KG et HDI Global la somme de 1 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles et les dépens de l’incident;

B.  Sur la couverture d’assurance de Gothaer au profit de son assuré REA et le rejet des exclusions de garantie invoquées:

Vu le certificat de coutume établi par le Professeur [Z] [V] le 7 octobre 2013, son certificat de coutume complémentaire du 29 décembre 2015 et sa consultation additionnelle du 3 mai 2018,

Juger que la garantie d’assurance responsabilité civile de Gothaer est pleinement acquise à son assuré REA;

Juger que l’ensemble des exceptions de non-garantie soulevées par Gothaer sont mal fondées et inapplicables aux faits de l’espèce et, par conséquent, les rejeter purement et simplement;

Juger Gothaer mal fondée en sa demande tendant à l’application d’un plafond de garantie de 511 291 €;

Juger que le plafond de garantie de Gothaer applicable au sinistre s’élève à la somme de 5 112 918 €;

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a condamné Gothaer à relever et garantir son assuré REA et toute partie subrogée ou condamnée, en ce compris Küttner KG et son assureur HDI Global, de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et accessoires, en ce compris la somme provisionnelle de 450 000 euros en principal avec intérêts de droit à compter du 17 mai 2005 avancée par AIG Europe Limited ès qualités d’assureur de FMGC;

C.  Sur le rejet de l’appel en garantie formé par Allianz à l’encontre de Küttner KG et son assureur HDI Global:

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a condamné Allianz, in solidum avec les autres défenderesses, à garantir Küttner SARL, sous déduction d’une franchise de 30 488 euros, de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires;

Déclarer irrecevable l’appel en garantie formé par Allianz à l’encontre de Küttner KG et HDI Global;

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a déclaré recevable l’appel en garantie formé par Allianz à l’encontre de Küttner KG et HDI Global;

Juger en toute hypothèse mal fondé l’appel en garantie formé par Allianz à l’encontre de Küttner KG et HDI Global;

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a jugé bien fondé l’appel en garantie formé par Allianz à l’encontre de Küttner KG et HDI Global;

D. En toute hypothèse:

Débouter en conséquence Gothaer, Allianz et toutes autres parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de Küttner KG et HDI Global;

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 en ce qu’il a condamné Gothaer à relever et garantir son assuré REA et toute partie subrogée ou condamnée, en ce compris Küttner KG et HDI Global, des condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire;

Condamner in solidum Gothaer, Allianz et tout succombant à verser à Küttner KG et HDI Global, la somme de 100 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

Condamner in solidum Gothaer, Allianz et tout succombant aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi, pour les dépens d’appel, par le cabinet Lexavoue Paris-Versailles en la personne de Maître Matthieu Boccon-Gibod, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

18 Par conclusions notifiées le 25 août 2021 (de nouveau notifiées le 17 janvier 2022), la   compagnie AIG Europe SA (venant aux droits de la compagnie Chartis), assureur du maître de l’ouvrage la société FMGC, demande à la Cour d’appel de renvoi de:

Débouter la société Gothaer de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, puisqu’elle se heurte au principe de l’autorité de la chose jugée, notamment en ce qui concerne l’origine des désordres et les conséquences dommageables de ceux-ci,

Confirmer la décision de la Cour d’appel de Paris en date du 26 septembre 2018 en ce qu’elle a considéré que les désordres sont dus à un vice de fabrication des tuyères fabriquées par la société REA, assurée auprès de la compagnie Gothaer,

Infirmer ledit arrêt en ce qu’il a considéré que la co-assurance, dont la compagnie AIG Europe est l’apériteur, n’avait une avance provisionnelle qu’à hauteur de 450 000,00 euros alors même que AIG Europe et les co-assureurs ont versé à la société FMGC la somme de 900 000,00 euros,

Constater que le 30 septembre 2014, la Compagnie Gothaer a versé au bénéfice de la concluante la somme de 2 440 836,19 euros,

En conséquence, statuant à nouveau,

Dire et juger que la compagnie AIG et la co-assurance ont versé à la société FMGC la somme de 900 000,00 euros à titre provisionnel en décembre 2004,

Dire et juger que les sociétés Küttner manutention et automatisation, Küttner KG et HDI Global, la Compagnie Allianz et Gothaer devront garantir à titre principal frais et accessoires, la société AIG subrogée dans les droits de la société FMGC et ce conformément aux dispositions de l’article L.121-12 du Code des assurances,

Condamner la compagnie Gothaer à régler à la compagnie AIG la somme de 20 000,00 euros par application des dispositions de l’article 700,

Débouter les sociétés Küttner manutention et automatisation, Küttner GmbH KGG, HDI Gerling industrie, la compagnie Allianz et Gothaer de toutes leurs demandes, fins et conclusions, y compris les demandes de garantie, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société concluante, la compagnie AIG.

Condamner la compagnie Gothaer en tous les dépens.

19 L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 février 2022

Motivation

20 A titre liminaire,

La Cour rappelle que l’article 954 du Code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la Cour ne statue que sur celles-ci.

Les «demandes» tendant à voir «dire et juger que», «dire que», «constater que», lorsque celles-ci développent en réalité des moyens, ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du Code de procédure civile et ne saisissent pas la Cour.

I. Recevabilité des conclusions de la société Allianz et détermination de l’étendue de la saisine de la Cour d’appel de renvoi

1.1. Sur la recevabilité des conclusions de la société Allianz

Moyens des parties

21 La société Küttner demande de déclarer irrecevables les conclusions de la société Allianz IARD  

signifiées le 23 août 2021 ainsi que ses conclusions postérieures. Elle soutient que la société Allianz IARD n’a pas respecté les délais fixés par l’article 1037-1 du Code de procédure civile.

La société Allianz IARD conclut à la recevabilité de ses conclusions.

Réponse de la Cour

22 Selon l’article 1037-1 du Code de procédure civile, en cas de renvoi devant la Cour d’appel, lorsque l’affaire relevait de la procédure ordinaire, les parties remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’auteur de la déclaration.

En l’espèce l’auteur de la déclaration de saisine, la société Gothaer, a signifié ses conclusions à la société Allianz IARD le 23 juin 2021.

La société Allianz IARD a constitué avocat devant la Cour de renvoi le 22 juillet 2021. Elle a déposé et notifié ses premières conclusions le 13 août 2021, soit dans le délai de deux mois exigé par le texte susvisé.

Les conclusions déposées et notifiées par la société Allianz IARD devant la Cour d’appel de renvoi sont donc recevables.

23 Par ailleurs, la circonstance que la société Küttner ait signifié l’arrêt de cassation à la société Allianz IARD le 24 juin 2021 sans que celle-ci ne saisisse la Cour d’appel de renvoi est sans effet sur la force de chose jugée du chef du dispositif du jugement ayant retenu la garantie de la société Allianz IARD. En effet, à la date du 24 juin 2021, la Cour était déjà saisie par la société Gothaer.

En outre, ainsi que jugé précédemment, la société Allianz IARD a déposé ses conclusions contenant appel incident de ce chef dans les délais.

24 En conclusion, la Cour rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Küttner tendant à l’irrecevabilité, d’une part, des conclusions de la société Allianz IARD, d’autre part, de la demande de celle-ci tendant à l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu sa garantie d’assurance au profit de la société Küttner.

1.2. Sur l’étendue de la saisine de la Cour d’appel de renvoi

1.2.1. Sur la portée de la cassation

25 Les parties débattent de la portée de la cassation et, partant, de l’étendue de la saisine de la Cour.

L’article 623 du Code de procédure civile dispose que la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres.

Les dispositions des articles 624, 625 et 638 du Code de procédure civile prévoient respectivement que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce; qu’elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire; que sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la décision cassée et que l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

26 En l’espèce, saisie d’un litige relatif à la responsabilité des sociétés Küttner, KKG et REA envers

la société FMGC, à la garantie des assureurs AIG Europe (assureur de FMGC), HDI (assureur de KKG), Allianz IARD (assureur de la société Küttner) et Gothaer et aux recours en garantie entre les responsables et leurs assureurs, la Cour d’appel de Paris, a, par arrêt du 26 septembre 2018, infirmé partiellement le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2014 sur les points suivants:

-  l’obligation pour la société Gothaer de garantir son assurée la société REA,

-  l’obligation pour la société Allianz IARD de garantir son assurée la société Küttner,

-  les demandes des autres parties formées contre ces deux assureurs.

Par ailleurs, la Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement du Tribunal de commerce en ce qu’il avait condamné in solidum les sociétés Allianz IARD, Gothaer et AIG Europe à verser une indemnité de procédure (1 000 euros pour chacun des adversaires) aux sociétés FMGC, Küttner et HDI et à payer les dépens au titre d’un incident relatif à la communication de pièces et a rejeté ces demandes.

27 La Cour de cassation a, par arrêt du 17 décembre 2020, cassé et annulé partiellement cet arrêt   en ce qu’il infirme le jugement du 2 juin 2014 qui a retenu l’obligation pour la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG de garantir son assurée, la société de droit allemand REA Rhein Emscher Armaturen GmbH, et pour la compagnie Allianz IARD de garantir son assurée la

Sarl Küttner, devenue Küttner manutention et automatisation et les a en conséquence condamnées à participer à l’indemnisation du préjudice subi par la société Fonderie et mécanique générale castelbriantaise (FMGC), et en ce qu’il déboute les parties de leurs demandes dirigées contre la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG et la société Allianz IARD, déboute la société AIG Europe Limited, en sa qualité d’assureur de la société FMGC, de ses demandes en paiement et condamne in solidum la société AIG Europe limited, la société Küttner devenue Küttner manutention et automatisation, la société Küttner GmbH & Co KG et la société HDI Gerling Industrie Versicherung AG au paiement des entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 100 000 euros à la société FMGC sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

28 Il s’ensuit qu’outre les demandes relatives aux dépens et à l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, il revient à la Cour d’appel de renvoi, sous réserve des prétentions émises par les parties, de se prononcer exclusivement sur les points suivants:

-  l’obligation pour les sociétés d’assurance Allianz IARD et Gothaer de garantir leurs assurées (les sociétés Küttner et REA);

-  le cas échéant, les recours en garantie en découlant;

-  les demandes en paiement de la société AIG Europe.

29 Le rejet des demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile et la   condamnation aux dépens concernant l’incident devant le Tribunal de commerce relatif à la communication de pièce ne sont pas atteints pas la cassation. En effet, cette question est sans lien avec l’objet de la cassation.

30 Sont donc irrévocables les chefs suivants, définitivement tranchés par l’arrêt partiellement confirmatif du 26 septembre 2018:

rejette  la  demande  de  nullité  du  jugement  formée  par  la  compagnie d’assurance Gothaer, société de droit allemand;

infirme le jugement en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Allianz IARD, Gothaer et AIG Europe à verser au titre de l’incident au visa de l’article 700 du Code de procédure civile 1 000 euros à la société FMGC, 1 000 euros à la société Küttner, 1 000 euros à la société Küttner GmbH, et 1 000 euros à la compagnie HDI ainsi que les dépens relatifs à l’incident et rejette ces demandes;

ordonne la mise hors de cause de la société Cosmo;

condamne in solidum les sociétés Allianz, Küttner Manutention et Automatisation, Küttner Gmbh & Co KG, AIG Europe, HDI, Gothaer à payer la somme de 40 000 euros à la société Como en application de l’article 700 du Code de procédure civile;

rejette la demande de nullité du jugement formée par la compagnie d’assurance Gothaer Allgemeine Versicherung AG, société de droit allemand;

déclare la société Küttner, la société Küttner GmbH et la société REA responsables in solidum à l’égard de la société FMGC de la survenance du sinistre imputable à un vice de fabrication et à un défaut de conception des tuyères;

condamne in solidum la compagnie AIG, en sa qualité d’assureur de la société FMGC, dans la limite de la police et sous déduction de la provision d’ores et déjà payée de 450 000 euros en principal, mais aussi la société Küttner, la société Küttner GmbH et l’assureur de celle-ci, la société HDI, à payer à la société FMGC la somme de 2 128 880 euros hors taxes arrêtée au 18 octobre 2011, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le Tribunal de commerce de Paris;

fixe la créance de la société FMGC au passif de la société REA à la somme de 2 128 880 euros hors taxes arrêtée au 18 octobre 2011 augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le Tribunal de commerce de Paris;

dans les rapports internes de la société Küttner, de la société Küttner GmbH et de la société REA, déclare la société REA entièrement responsable de la survenance du sinistre;

fixe la créance des sociétés Küttner, Küttner GmbH et HDI, au passif de la société REA à la somme de 2.128.880 euros hors taxes arrêtée au 18 octobre 2011, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le Tribunal de commerce de Paris constate l’absence de recours entre la société Küttner et la société Küttner GmbH;

déclare la compagnie AIG Europe en sa qualité d’assureur de la société FMGC irrecevable à solliciter des condamnations à paiement au profit de la société Tokio Marine Europe Insurance et de la société Groupama Paris Val de Loire, non parties à l’instance;

déboute les parties du surplus des demandes ou des demandes contraires aux dispositions précitées;

1.2.2.  Sur les conséquences de l’irrévocabilité de certaines dispositions de l’arrêt du 26 septembre 2018 sur les demandes des parties

* La compagnie Gothaer Allgemeine Versicherung AG

31 Sont irrecevables les demandes ci-après formées par la compagnie Gothaer     

-  dire que la responsabilité de la société REA n’est pas engagée,

-  ordonner un complément d’expertise par un autre expert agréé par la Cour de cassation aux frais avancés par les sociétés Küttner KG et Küttner sarl,

-  limiter la responsabilité de REA à 30% ou à défaut à 80%.

* Les sociétés KKG et HDI

32 Est irrecevable la demande tendant à voir confirmer le jugement du Tribunal de commerce de  Paris du 2 juin 2014, en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Allianz IARD, Gothaer et AIG Europe à verser, au titre de l’incident au visa de l’article 700 du Code de procédure civile, 1 000 euros à chacune des sociétés FMGC, Küttner, Küttner GmbH & Co. KG et HDI Global SE ainsi qu’à payer les dépens relatifs à l’incident.

* La société AIG Europe

33 Ainsi que souligné par les sociétés Allianz IARD et Küttner, certaines demandes de la  

société AIG Europe énoncées dans le corps de ses conclusions à l’encontre de FMGC, qui, en outre, n’a pas été visée dans la déclaration de saisine, et des sociétés Küttner, Allianz et Gothaer, ne sont pas reprises dans le dispositif desdites conclusions. La Cour n’en est donc pas saisie.

De plus, la société AIG Europe demande «d’infirmer l’arrêt du 26 septembre 2018» alors que la Cour d’appel de renvoi n’est saisie que des appels concernant les chefs du jugement non atteints par la cassation.

Il s’ensuit que la demande tendant à obtenir la garantie des sociétés Küttner, KKG, HDI, Allianz IARD et Gothaer est irrecevable.

 

II. Examen des demandes au fond

2.1. La garantie de la société de droit allemand Gothaer, assureur de la société REA

Moyens des parties

34 La société Gothaer oppose une absence de garantie. Elle se fonde sur un certificat de coutume établi par le professeur [D] (professeur agrégé des facultés de droits, co-directeur du centre juridique franco-allemand de l’université de la Sarre) complété par ceux rédigés par le professeur [L] (associé, avocat, notaire) et Maître [R].

Elle considère, tout d’abord, que sa garantie est exclue en raison de la nature des dommages.

Elle soutient, ensuite, que la garantie est exclue en raison du caractère intentionnel de la réalisation du dommage par la société REA, de l’absence de test préalable du produit et de la circonstance que les dommages résultent d’une activité de conception, qui n’est pas garantie.

Enfin, elle oppose la délimitation de la garantie par les plafonds contractuels.

35 Les sociétés KKG et HDI, Küttner, Allianz et Maître [B] – ès qualités d’administrateur judiciaire    de la société de droit allemand REA poursuivent la confirmation du jugement. Ils revendiquent l’analyse développée dans les certificats de coutume rédigés par le professeur [V] (ancien juge à la Cour fédérale de justice allemande et enseignant en droit des assurances à l’université de Tübingen).

Réponse de la Cour

36 Le contrat d’assurance de responsabilité civile souscrit par la société REA auprès de la société Gothaer est régi par le droit allemand.

37 Ainsi que relevé par les certificats des professeurs [D] et [V], les polices d’assurance responsabilité civile allemandes correspondent à des conditions-types élaborées par la confédération du secteur allemand de l’assurance. Il s’agit:

-  d’une part, des conditions générales applicables à l’assurance de responsabilité: Allgemeine Versicherungsbedingungen für die Hafplichtversicherung ou AHB,

-  d’autre part, des conditions spécifiques et descriptions de risques applicables à l’assurance de responsabilité pour produits des entreprises industrielles et commerciales: Besondere Bedingungen und Risikobeschreibungen für die Produkt-Haftpflichtversicherung von Industrie- und Handelsbetrieben ou PHB.

38 En l’espèce, l’indemnisation du préjudice subi par la FMGC, en raison des explosions des 30 août et 6 septembre 2004, irrévocablement fixée à la somme de 2 128 880 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le Tribunal de commerce, a été déterminée au regard du rapport d’expertise judiciaire déposé par M. [C] qui indiquait (p 164 de son rapport, pièce n°8 des sociétés KKG et HDI) que les préjudices de FMGC correspondaient:

-  à la perte de marge brute: 1 927 599 euros,

-  aux frais supplémentaires internes: 10 618 euros,

-  au surcoût de fabrication (sous-traitance de certaines commandes; économies de frais variables déduites): 190 671, 33 euros

39 Les sociétés KKG et HDI font valoir, à bon droit, que la société Gothaer doit sa garantie par  application des stipulations suivantes:

section A – article 2.2.: l’assurance couvre la responsabilité civile de droit privé du souscripteur, au titre de ses qualités, rapports de droits et activités (...) dès lors qu’il s’agit de:

-  dommages corporels et matériels, y compris leurs préjudices consécutifs; section B – article 1.1.: dans la mesure où les dommages ont été occasionnés par:

-  des produits fabriqués ou livrés par l’assuré

section B – article 4: Etendue de la garantie d’assurance

En dérogation aux dispositions contraires des § 1, § 4 I n°6 alinéa 3 des AHB, sont assurées les demandes de dommages et intérêts ayant un fondement légal, y compris celles résultant de l’absence de qualités promises, de la livraison d’un aliud ou d’une information fautive relative à l’emploi ou à l’utilisation des produits, dans la mesure où il s’agit de:

4.1. dommages aux personnes et aux biens et les préjudices consécutifs en résultant. (la Cour reproduit ici la traduction de la police d’assurance annexée à la consultation du professeur [D] (page 51) produite par la société Gothaer).

40 Les stipulations de la clause B-4 précitée dérogent expressément à la clause 4. I n° 6, alinéa 3 des AHB qui prévoient l’exclusion de principe des préjudices immatériels.

41 Le professeur [D] précise d’ailleurs que «dans la mesure où les PHB sont plus spécifiques, elles prévalent sur les dispositions plus générales des AHB» (pages 10 et 11 du certificat de coutume du professeur [D]).

42 Il résulte de la jurisprudence citée dans le certificat de coutume établi par le professeur [V]   qu’en droit allemand, en matière d’assurance, le dommage matériel correspond à un effet physique sur la substance d’une chose déjà existante, entraînant une modification de son

aspect et de sa forme extérieurs. La détérioration réside dans la perte ou la minoration de son bon état de fonctionnement.

 43 Les certificats de coutume rédigés par les professeurs [D], [L] et Maître [R] ne sont pas de

nature à contredire utilement cette définition du dommage matériel.

44 Contrairement à ce que soutient la société Gothaer, la fourniture des tuyères défectueuses par la société REA a occasionné un préjudice matériel autre que les dommages causés auxdites tuyères elles-mêmes.

En effet, le préjudice immatériel subi par la société FMGC résulte de l’arrêt du cubilot, après les explosions, provoqué par le refroidissement et la solidification de la fonte puis la nécessité de vidanger ce cubilot. Il n’est pas utilement contesté que, sans ces travaux d’évacuation, le cubilot n’était pas en état de fonctionner.

Le fonctionnement du cubilot et le combustible en fusion ont donc été sensiblement affectés par les explosions provoquées par les tuyères défectueuses.

45 Le préjudice immatériel subi par la société FMGC ne présente donc pas un caractère de  

«substitut», au sens du droit allemand, dont la garantie serait exclue par la police d’assurance.

46 Il est donc justifié d’un dommage au sens de la clause B.4.1. précitée.     

A – Exclusions de garantie

* Les exclusions de garantie opposées en raison de la nature du dommage

- Article B 6-6

47 La société Gothaer revendique l’application de l’exclusion de garantie visée par l’article B 6.6.  qui prévoit que «ne sont pas assurées, dans le cadre de la couverture selon les articles 4.2. et suivants, les droits résultant de préjudices consécutifs (p. Ex. interruption d’exploitation ou arrêt de production), sous réserve de leur inclusion explicite par les articles 4.2. et suivants.»

48 Toutefois, il a été jugé supra que les préjudices subis par FMGC étaient consécutifs à des dommages causés à des biens autres que le produit livré par la société REA.

49 De plus, les sociétés KKG et Allianz IARD opposent à juste titre, se fondant sur le certificat de coutume du professeur [V], que, conformément au droit allemand, l’exclusion définie par l’article B 6-6 doit être strictement interprétée. La formule suivante – article 4.2. et suivants (mis en caractères gras par la Cour) est imprécise en ce qu’elle ne détermine pas tous les articles visés. Il convient donc de considérer que l’exclusion ne concerne que les articles B 4.2. à B. 4-.2.5, qui sont étrangers au présent litige.

En outre, l’article B 6-6 ne vise pas l’article B 4-1 dont il est ici fait application.

50 La Cour écarte, par conséquent, l’exclusion de garantie visée par l’article B 6-6. 

- Article B 6-1

51 La société Gothaer n’est pas plus fondée à solliciter l’application de l’article B 6-1 qui prévoit que «ne sont pas assurées, en sus des exclusions désignées à la section A 15, les droits résultant de l’inexécution, de l’effet de la résolution, de la réduction du prix, de la livraison d’un bien de remplacement, de la réparation des produits du souscripteur de l’assurance, sous réserve de leur inclusion explicite par la clause 4 en dérogation aux § 1,§ 4.1. n° 6 troisième alinéa des AHB».

52 En effet, ainsi que jugé plus haut, les préjudices de la FMGC sont la conséquence d’un dommage subi par le cubilot.

De plus, les demandes formées contre la société Gothaer ne concernent pas l’inexécution du contrat puisque les tuyères ont été livrées par la société REA mais son exécution fautive. Ne sont, en outre, pas en cause la réduction du prix, la livraison d’un bien de remplacement ou la réparation des produits de la société REA.

53 En conclusion, la Cour écarte le moyen tiré de l’exclusion de garantie visée par l’article B-6.1.

* Les exclusions de garantie relatives au comportement de la société REA inobservation délibérée d’instructions (article B. 6.9)

54 La société Gothaer, qui estime qu’il résulte du rapport d’expertise que la société REA s’est

délibérément écartée du plan fourni par Küttner, revendique l’application de l’article B. 6-9 de la police d’assurance ainsi rédigé:

«Exclusions,

Ne sont pas assurées, en sus des exclusions déjà désignées à l’article 15:

6.9 Les demandes dirigées à l’encontre du souscripteur ou de tout coassuré, dans la mesure où ceux-ci ont occasionné le dommage par leur violation consciente de normes légales ou réglementaires, ainsi que par leur inobservation d’instructions écrites ou de conditions écrites du donneur d’ordre.»

55 La société Gothaer se fonde également sur le § 4, alinéa 2, n° 1 des AHB ci après reproduit:  

«II. Restent exclues de l’assurance:

1. Les demandes fondées sur le contrat d’assurances par toute personne qui a intentionnellement causé le dommage. En matière de livraison et de fabrication de marchandises, de produits ou de réalisation de travaux, la connaissance de la défectuosité ou de la nocivité des marchandises etc. est assimilée à l’intention de causer le dommage.»

56 Il résulte du certificat de coutume du professeur [V], qui n’est pas utilement contredit par les certificats produits par la société Gothaer, ni même précisément commenté par celle-ci, que, si la validité de la clause B. 6-9 est admise en droit allemand, les quatre conditions suivantes doivent être cumulativement vérifiées:

1  – la société REA doit objectivement ne pas avoir respecté les instructions de la société Küttner KG,

2  – il n’y a pas d’inobservation si Küttner KG a consenti à la société REA certaines dérogations à ses instructions initiales,

3 – en cas d’inobservation objective, la société REA doit en avoir eu conscience,

4  – en cas d’inobservation des instructions de Küttner KG, cette inobservation doit avoir été la cause du dommage survenu.

57 L’expert judiciaire, M. [C], a conclu à une grande confusion quant à la définition précise des tuyères et a relevé que la défectuosité de celles-ci résultait de vices de fabrication.

58 Il n’est donc pas établi que la défectuosité des tuyères ait pour cause la violation par la société Réa des plans établis par la société KKG.

Il n’est pas plus démontré que la société Réa avait conscience de la défectuosité des tuyères et des conséquences dommageables de ce défaut.

59 Cette exclusion de garantie doit, en conséquence, être écartée.   

* Exclusion de dommages résultant d’une activité de conception

60 La clause A 15.6 du contrat d’assurance souscrit par la société REA prévoit:    

Ne sont pas assurées les demandes (...) résultant d’une activité de conception, de conseil, de maîtrise d’oeuvre, d’analyse ou d’expertise pour des dommages aux biens qui ont fait l’objet de cette activité (p. ex. Les biens qui ont été fabriqués suivant la conception).

61 La société Gothaer ne peut obtenir l’application de ces dispositions, même partiellement, dès lors que cette clause n’exclut pas de la garantie les préjudices résultant d’une activité de fabrication qui a contribué à la réalisation de l’entier dommage.

62 Le jugement qui a écarté cette exclusion de garantie sera confirmé.   

* Exclusion des dommages occasionnés par les produits non testés

63 La société Gothaer sollicite l’application de l’exclusion de garantie prévue par la clause B 6-10 du contrat la liant à la société REA, libellée ainsi qu’il suit:

«Ne sont pas assurées, en sus des exclusions désignées à la section A 15: les demandes fondées sur des dommages aux biens ou sur des dommages pécuniaires occasionnés par des produits dont l’emploi ou l’effet n’avait pas été suffisamment testé en vue de l’usage concret auxquels ils étaient destinés et ce, selon l’état des sciences et de la technique.»

64 Elle soutient que l’absence de test constitue, en soi, le critère déterminant pour l’application de la clause, peu important que l’assuré dispose dans son entreprise des moyens et infrastructures nécessaires à la réalisation du test.

65 Cependant, les parties adverses répliquent à juste titre que les conditions d’application de la clause litigieuse ne sont pas réunies.

En effet, l’expert judiciaire a conclu, d’une part, qu’aucun des moyens couramment employés dans l’industrie ne permettait de détecter le vice interne qui affectait les tuyères avant leur mise en service, d’autre part, que ce vice de construction présentait même un caractère pernicieux en ce sens qu’il ne pouvait être révélé ni par une anomalie de débit de circulation de sortie des tuyères ni par les alarmes de température qui équipaient le circuit.

Eu égard à l’impossibilité de réaliser des vérifications plus amples que celles effectuées, la clause d’exclusion B. 6-10 ne peut être opposée par l’assureur.

66 Le jugement sera confirmé de ce chef   

B. Délimitation de la garantie

67 Le contrat d’assurance prévoit les plafonds de garantie suivants:

- DM 10 000 000 (soit 5 112 918 euros) en cas de dommages aux personnes et aux biens d’autrui;

- DM 1 000 000 (soit 511 291 euros) en cas de préjudices financiers en l’absence d’un dommage aux personnes et aux biens d’autrui.

68 La société Gothaer n’est pas fondée à solliciter l’application du second plafond de garantie

(511 291 euros).

En effet, il a été jugé précédemment que les biens de la société FMGC avaient subi un dommage (le fonctionnement du cubilot a été affecté et l’ensemble de l’installation a cessé de fonctionner).

Le jugement sera confirmé de ce chef.

69 La société Gothaer fait exclusivement valoir que sa garantie ne peut être recherchée, du moins est limitée au regard de la nature du dommage, du comportement de son assurée et des plafonds de garantie.

Elle ne conteste pas la recevabilité ou le fondement des actions dirigées à son encontre par l’administrateur judiciaire de la société REA, les sociétés Küttner, Allianz IARD, KKG et HDI.

70 En conclusion, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que la société Gothaer devait sa garantie à son assurée, la société REA, et qu’elle devait garantir les sociétés Küttner, Allianz IARD (dont la garantie sera retenue ci-après), KKG et HDI des condamnations prononcées à leur encontre.

2.2. La garantie de la société Allianz IARD, assureur de la société Küttner, et ses demandes

71 La société Allianz IARD recherche la garantie des sociétés KKG et HDI au titre des condamnations prononcées à son encontre.

Les sociétés KKG et HDI ne contestent utilement ni le fondement de cette action en garantie par la société Allianz IARD ni l’exercice, par celle-ci, des droits de son assurée.

2-2.1. L’exception de subrogation

Moyens des parties

Pour contester sa garantie, la société Allianz IARD oppose une exception de subrogation au  72 motif que son assurée (la société Küttner) a inséré dans les commandes passées auprès de sa société mère KKG la clause exclusive de responsabilité suivante: «il est formellement convenu que KKG ne supporte aucune responsabilité pour les dommages indirects de toute nature, notamment les pertes de production et le manque à gagner.» qui s’applique aux dommages et intérêts alloués à FMGC. Elle se fonde sur les consultations du professeur [N] des 2 septembre 2005 et 27 juin 2012.

Elle relève que la Cour de cassation a fait grief à la Cour d’appel de Paris d’avoir, dans son arrêt en date du 26 septembre 2018, appliqué l’exception de subrogation, sans caractériser l’existence d’une faute à la charge de Küttner France ayant privé son assureur du bénéfice de la subrogation pouvant s’opérer en sa faveur.

73 La société Allianz IARD soutient que la faute de la société Küttner, qui a mis en place un système destiné à faire supporter par son assureur l’intégralité des risques en mettant sa maison mère (la société KKG) à l’abri est établie.

Elle  oppose  qu’elle  dispose  d’une  subrogation  dans  les  droits  de  son  assurée (la société Küttner) et dans les droits de la victime (la FMGC).

A titre subsidiaire, elle demande de déduire de la condamnation prononcée à son encontre la franchise contractuelle de 38 000 euros.

74 La société Küttner, assurée de la société Allianz IARD venant aux droits de la société AGF, se fondant sur une consultation du Professeur [X], conclut au rejet de l’exception de subrogation. Elle objecte que l’insertion de la clause limitative de responsabilité au profit de la société KKG n’est pas fautive ainsi que jugé par la Cour de cassation et ne prive pas la société Allianz IARD de son recours subrogatoire.

Réponse de la Cour

75 Aux termes de l’article L. 121-12, alinéas 1 et 2, du Code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.

L’assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l’assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur.

76 En outre, l’article 5.3 du contrat d’assurance souscrit par la société Küttner prévoit que    «Nous sommes subrogés dans vos droits et actions, c’est-à-dire que nous nous substituons à vous pour agir contre tous responsables des sinistres jusqu’à concurrence des indemnités payées par nous conformément à l’article L. 121-12 du Code des assurances. Si la subrogation ne peut plus, par votre fait, s’opérer en notre faveur, notre garantie cesse d’être engagée dans la mesure où aurait pu s’exercer la subrogation.»

77 La société Allianz échoue à démontrer le bien fondé de l’exception de subrogation. 

En effet, l’insertion d’une clause limitative de responsabilité par la société Küttner, au moment de la formation du contrat avec sa société-mère (la société KKG), au profit de celle- ci, n’est pas, par elle-même, fautive, étant, en outre, observé que cette clause, d’une part, ne prévoit pas la renonciation à recourir contre l’assureur de la société KKG, d’autre part, n’est pas opposée à la société Allianz IARD par la société KKG dans le cadre du présent litige.

Il n’est pas démontré que la société Küttner aurait agi de mauvaise foi à l’égard de son assureur en ne l’informant pas de l’existence de cette clause.

78 Au surplus, la société Allianz IARD n’est pas privée de subrogation puisque, ainsi que jugé plus haut, son recours contre la société Gothaer est intégralement accueilli et que conformément à ce qui sera jugé, ci-après, que la société Allianz IARD est recevable et bien fondée à agir contre les sociétés KKG et HDI.

Il n’y a donc pas lieu de décharger la société Allianz de ses obligations envers la société Küttner.

79 Le jugement sera confirmé de ce chef   

2-2.2. Les demandes de la société Allianz IARD

2.2.2.1. Action en garantie formée contre la société KKG et son assureur, la société HDI

a) Fin de non-recevoir tirée de la prescription

Moyens des parties

80 Les parties s’accordent sur l’application du droit allemand et plus précisément de l’article 438, alinéa 2 et 3 du BGB qui prévoit un délai d’action de deux ans qui commence à courir à compter de la livraison du bien à l’acheteur.

81 Selon les sociétés KKG et HDI, l’action est prescrite car les tuyères litigieuses ont été livrées entre les 17 et 23 mai 2004 et la société Allianz IARD a assigné la société KKG en intervention forcée plus de deux ans après, soit le 8 juin 2006. Elles considèrent que les certificats d’étanchéité délivrés par la société REA sont sans lien avec la date de livraison des tuyères.

La société Allianz IARD objecte que la livraison des tuyères est postérieure à l’émission des certificats d’étanchéité des 29 juin et 16 juillet 2004 et conclut à la recevabilité de son action, engagée le 8 juin 2006.

Réponse de la Cour

82 Le contrat conclu entre les sociétés Küttner France, qui a son siège social en France, et KKG, qui a son siège social en Allemagne, stipule qu’il est régi par le droit allemand.

83 Selon l’article 438 du BGB (Bürgerliches Gesetzbuch) les actions en réparation relatives au défaut de la chose vendue se prescrivent en deux ans à compter de la livraison du bien.

La seule circonstance que les commandes passées par Küttner KG à la société REA (pièce n° 4 des sociétés KKG et HDI) prévoyaient une livraison la semaine 21 de 2004 (entre les 17 et 23 mai 2004) est insuffisante à établir la date effective de cette livraison.

La société Allianz IARD produit deux certificats d’étanchéité des tuyères litigieuses, établis par la société REA les 29 juin 2004 et 16 juillet 2004, dont il n’est pas utilement discuté qu’elles portent la mention «autorisation d’expédition» (pièces n° 33 et 34 de la société Allianz IARD).

La Cour retient, en conséquence, que les tuyères ont été livrées après le 29 juin 2004.

84 La société Allianz IARD ayant assigné la société KKG le 8 juin 2006, soit dans le délai de deux ans susvisé, son action est recevable.

La Cour rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

b) La déchéance du droit de se prévaloir du défaut de conformité

Moyens des parties

85 Les sociétés KKG et HDI opposent à la société Allianz IARD une déchéance du droit d’agir au motif que le défaut de conformité des tuyères n’a pas été dénoncé à la société KKG dans les délais et conditions de l’article 39 de la Convention sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 (CVIM). Elles soutiennent qu’il ne saurait être fait application de l’article 40 de la même convention, puisque la société KKG n’avait pas connaissance d’un défaut de conformité avant la fin du délai de dénonciation de deux ans; ce défaut ayant été mis en évidence après des opérations d’expertise ayant duré plus de cinq ans (entre 2006 et 2011).

86 La société Allianz IARD, se fondant sur les articles 39 et 40 de la CVIM, réplique que lorsque le vendeur a pleinement connaissance des problèmes de fonctionnement dans le délai de deux ans, il n’est pas fondé à invoquer les dispositions de l’article 39 de la CVIM. Elle soutient que la société KKG était informée des défauts affectant les tuyères dès le 30 août 2004, date de la première explosion sur le site de la FMGC.

Réponse de la Cour

87 Selon l’article 39 de la Convention de Vienne, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut dans un délai raisonnable à partir du moment où il l’a constaté ou aurait dû le constater.

Dans tous les cas, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d’une garantie contractuelle.

L’article 40 ajoute que le vendeur ne peut pas se prévaloir des dispositions des articles 38 et 39 lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer et qu’il n’a pas révélés à l’acheteur.

88 Il convient de distinguer la connaissance par le vendeur des défauts de conformité de l’action    en responsabilité intentée par l’acheteur à son encontre.

De même, la dénonciation du défaut de conformité ne doit pas être confondue avec l’identification des causes du défaut.

89 En l’espèce, l’importante technicité du produit livré est incontestable.     

90 La société KKG ne conteste pas utilement qu’elle était représentée sur le site de FMGC lors  

des deux explosions qui se sont produites les 30 août et 6 septembre 2004, très peu de temps après la livraison des tuyères, qu’elle a, dès le 7 septembre 2004, annulé la commande auprès de la société REA puis qu’elle a commandé de nouvelles tuyères d’un autre type à un autre fournisseur, qu’une réunion a eu lieu le 13 décembre 2004 entre AGF (aux droits de laquelle vient la société Allianz), Küttner France et KKG, représentée par son gérant, au sujet des tuyères, qu’à l’issue de cette réunion, la société KKG devait faire connaître sa décision sous quinzaine quant à son analyse de responsabilité au regard de la réclamation de FMGC (courrier du 20 décembre 2004 émanant du cabinet Equad, pièce n° 3 ter de la société Allianz), que les sociétés Küttner France et KKG ont introduit une action contre la société REA en Allemagne, qu’une expertise judiciaire a été ordonnée le 5 avril 2006 concernant les vices présentés par les tuyères et, enfin, que la société AGF a assigné en intervention forcée les sociétés KKG et HDI par acte du 8 juin 2006.

91 La société Allianz IARD établit donc que la société KKG était informée, dans le délai de déchéance de deux ans et au sens des articles 39 et 40 de la Convention de Vienne, des défauts de conformité affectant les tuyères.

La déchéance invoquée par les sociétés KKG et HDI sera donc écartée.

c) Bien-fondé de l’action

Moyens des parties

92 La société Allianz se fonde sur les dispositions des articles 35 et 74 de la Convention de Vienne pour établir que les sociétés KKG et HDI doivent la garantir des condamnations prononcées contre elle.

Les sociétés KKB et HDI ne concluent pas sur l’application des textes susvisés.

Réponse de la Cour

93 Il n’est pas utilement discuté que les relations des sociétés Küttner et KKG sont régies par la

Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 juin 1980, ratifiée par la France et par l’Allemagne.

94 Selon l’article 35 de la Convention de Vienne, le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat et dont l’emballage ou le conditionnement correspond à celui qui est prévu au contrat.

A moins que les parties n’en soient convenues autrement, les marchandises ne sont conformes au contrat que si :

a) elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type;

b) elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat, sauf s’il résulte des circonstances que l’acheteur ne s’en est pas remis à la compétence ou à l’appréciation du vendeur ou qu’il n’était pas raisonnable de sa part de le faire.

95 Aux termes de l’article 74 de la même Convention, les dommages-intérêts pour une contravention au contrat commise par une partie sont égaux à la perte subie et au gain manqué par l’autre partie par suite de la contravention. Ces dommages-intérêts ne peuvent être supérieurs à la perte subie et au gain manqué que la partie en défaut avait prévus ou aurait dû prévoir au moment de la conclusion du contrat, en considérant les faits dont elle avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance, comme étant des conséquences possibles de la contravention au contrat.

96 Il résulte des motifs qui précèdent et du rapport d’expertise que les tuyères litigieuses, dont

KKG connaissait l’usage particulier auquel elles étaient destinées, n’étaient pas conformes au sens des textes précités.

Le jugement qui a condamné les sociétés KKG et HDI à garantir la société Allianz IARD des condamnations en principal, frais et accessoires, en ce compris les intérêts sera confirmé.

2.2.2.2. Recours en garantie contre la société REA et la société Gothaer

97 Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé la créance de la société Allianz IARD à l’égard de la société REA à la somme de 2 128 880 euros arrêtée au 18 octobre 2011 augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

Ainsi que jugé plus haut, le jugement est également confirmé en ce qu’il condamne la société Gothaer à garantir la société Allianz des condamnations en frais, accessoires et principal.

III. Sur les depens et l’Article 700 du Code de Procédure Civile

98 Aux termes de l’article 639 du Code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Gothaer sera condamnée aux dépens afférents à la décision cassée et à ceux concernant la procédure devant la Cour d’appel de renvoi.

Elle sera condamnée à verser la somme de 30 000 euros à la société Küttner, la somme de 30 000 euros aux sociétés KKG et HDI ainsi que la somme de 30 000 euros à la société Allianz IARD sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les autres demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile seront rejetées.

Par ces Motifs

99 La Cour,    

Statuant dans les limites de la cassation et de la saisine de la Cour d’appel de renvoi,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Küttner (anciennement désignée Küttner Manutention et Automatisation) tendant à l’irrecevabilité, d’une part, des conclusions de la société Allianz IARD, d’autre part, de la demande de celle-ci tendant à l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu sa garantie d’assurance au profit de la société Küttner;

Déclare irrecevables les demandes de la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG tendant à voir dire que la responsabilité de la société REA Rhein Emscher Armaturen GmbH n’est pas engagée, ordonner un complément d’expertise par un autre expert agréé par la Cour de cassation aux frais avancés par les sociétés Küttner et Küttner Küttner GmbH & Co KG et limiter la responsabilité de REA Rhein Emscher Armaturen GmbH à 30% ou à défaut à 80%;

Déclare irrecevable la demande des sociétés Küttner GmbH & Co. KG et HDI Gerling Industrie Versicherung AG – HDI Global SE tendant à tendant à voir confirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Allianz IARD, Gothaer Allgemeine Versicherung AG et AIG Europe à verser, au titre de l’incident au visa de l’article 700 du Code de procédure civile, 1000 euros à leur verser chacune ainsi qu’à payer les dépens relatifs à l’incident;

Déclare irrecevables les demandes de la société AIG Europe à l’exception des demandes fondées sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile;

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Küttner GmbH & Co. KG et HDI Gerling Industrie Versicherung AG – HDI Global SE tirée de la prescription de l’action de la société Allianz IARD;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour; Y ajoutant,

Condamne la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG aux dépens afférents à la décision cassée et à ceux relatifs à la présente procédure avec distraction en faveur des avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile;

Condamne, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG à payer les sommes de:

- 30 000 euros à la société Küttner;

- 30 000 euros aux sociétés Küttner GmbH & Co. KG et HDI Gerling Industrie Versicherung AG – HDI Global SE;

- 30 000 euros à la société Allianz IARD.

Rejette toutes les autres demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile.

 

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