Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-14.813
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
Y
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Célice, Blancpain et Soltner
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 décembre 2009), que le 5 décembre 2004, M. X... a vendu son fonds de commerce de kiosque à journaux à M. Y... ; que l'acquéreur, invoquant l'omission dans l'acte de vente de la mention des chiffres d'affaires et des bénéfices commerciaux pour l'année 2004, a assigné le vendeur en nullité de la vente ; que ce dernier a appelé en garantie Mme Z..., rédactrice de l'acte de vente et Mme A..., comptable, ayant établi un document prévisionnel au 31 décembre 2004 ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire nulle la vente du fonds de commerce et de le condamner à payer à M. Y... les sommes de 76 000 euros en restitution du prix de vente, de 2 691 euros au titre des frais d'acte et de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen :
1°/ que l'omission des mentions prévues par l'article L. 141-1 du code de commerce ne peut être sanctionnée par la nullité de la vente que si elle a vicié le consentement de l'acquéreur et lui a causé un préjudice ; qu'en se fondant, pour prononcer la nullité de l'acte de vente du 5 décembre 2004, sur l'omission dans l'acte des mentions relatives au chiffre d'affaires et au bénéfice réalisés sur l'exercice 2004, sans constater que cette omission avait causé un préjudice à l'acquéreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du code de commerce ;
2°/ que l'omission des mentions prévues par l'article L. 141-1 du code de commerce ne peut être sanctionnée par la nullité de la vente que si elle a vicié le consentement de l'acquéreur ; qu'en considérant que l'acquéreur ne se serait pas engagé s'il avait eu connaissance des chiffres concernant l'activité du fonds de commerce pour l'année 2004, sans répondre au moyen selon lequel il avait déclaré dans l'acte du 5 décembre 2004 avoir pris connaissance des documents comptables de l'année 2004, dont la fausseté n'a jamais été alléguée, de sorte qu'il s'était en réalité engagé en toute connaissance de cause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'article L. 141-2 du code de commerce prévoit qu'au jour de la cession du fonds de commerce, les livres de comptabilité tenus par le vendeur durant les trois exercices précédant celui de la vente doivent être visés par les parties et faire l'objet d'un inventaire signé par elles et dont un exemplaire leur est remis, et que les mentions de l'acte ne faisaient pas ressortir que cette obligation légale avait été respectée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que le dol n'est cause de nullité que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée ; qu'en retenant, pour annuler l'acte de vente du 5 décembre 2004, que le vendeur avait eu un comportement dolosif puisque l'acte ne mentionnait pas le chiffre d'affaires et le bénéfice réalisés pour l'exercice 2004 et que l'acquéreur, M. Y..., avait contracté sur la foi d'un prévisionnel qui lui avait été remis et comportait des chiffres bien meilleurs que ceux effectivement réalisés, sans répondre au moyen de l'exposant selon lequel il n'était pas l'auteur de ce document, établi par son comptable, de sorte qu'aucune manoeuvre dolosive ne pouvait lui être attribuée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le dol n'est cause de nullité que si la partie qui l'invoque a été induite en erreur; qu'en retenant, pour annuler l'acte de vente du 5 décembre 2004, que le consentement de M. Y... avait été vicié par un dol dès lors que l'acte ne mentionnait pas le chiffre d'affaires et le bénéfice réalisés pour l'exercice 2004 et qu'il avait contracté sur la foi d'un prévisionnel qui lui avait été remis comportant des chiffres bien meilleurs que ceux effectivement réalisés, sans répondre au moyen selon lequel il avait déclaré dans l'acte du 5 décembre 2004 avoir pris connaissance des documents comptables de l'année 2004, dont la fausseté n'a jamais été alléguée, de sorte que la remise en juillet 2004 d'un document prévisionnel, fût-il optimiste quant au bénéfice escompté, ne pouvait l'avoir induit en erreur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que la réalisation d'un bénéfice bien supérieur pour l'exercice suivant la cession peut permettre de caractériser l'absence de préjudice de l'acquéreur; que le juge ne peut méconnaître les termes clairs et précis des pièces produites aux débats ; qu'en l'espèce, M. X... avait soutenu, dans ses écritures d'appel, que M. Y... avait fait état d'une situation comptable au 15 octobre 2005 faisant apparaître un résultat bénéficiaire de 28 450 euros, soit un résultat bien supérieur à celui de 2004 ; que cette pièce mentionnait bien un bénéfice de 28 450 euros ; qu'en retenant néanmoins que la preuve d'une plus grande rentabilité du fonds en 2005 qu'en 2004 n'a pas été rapportée, la cour d'appel a dénaturé la situation comptable au 15 octobre 2005, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que M. Y..., n'avait obtenu, qu'en octobre 2005, sur sa demande réitérée, la communication par M. X... des chiffres d'affaires et bénéfices réels de l'exercice 2004 qui étaient bien inférieurs à ceux réalisés les années précédentes tandis que le document prévisionnel au 31 décembre 2004, remis par le vendeur bien qu'il ait été établi auparavant et que la vente soit intervenue à proximité de la fin de l'exercice, comportait des informations grossièrement erronées et même mensongères ; que la cour d'appel qui a implicitement mais nécessairement retenu que M. Y... n'avait pas consenti à la vente du fonds en toute connaissance de cause mais avait été induit en erreur par les informations fournies personnellement par le vendeur, a ainsi répondu aux conclusions invoquées ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que M. Y... avait du quitter un emploi stable et sûr dans lequel il pouvait espérer progresser pour se retrouver dans une situation plus difficile et contracter un emprunt pour acquérir un fonds de commerce dont la véritable valeur lui avait été dissimulée, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la portée du document visé par la sixième branche et, qui, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, a ainsi caractérisé le préjudice subi par celui-ci résultant du caractère incomplet des mentions de l'acte de vente, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen qui ne peut être accueilli en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;