CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 9 août 2025, n° 25/04331
PARIS
Ordonnance
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 09 AOUT 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/04331 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLYS2
Décision déférée : ordonnance rendue le 07 août 2025, à 11h44, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Marie-Sygne Bunot-Rouillard, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Maxime Martinez, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT
M. [M] [T] [Y] [C]
né le 27 août 1997 à [Localité 1], de nationalité bolivienne
RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°2
assisté de Me Céline Vandecasteele avocat de permanence, avocat au barreau de Paris présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
et M. [U] [O] (interprète en espagnol),tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
INTIMÉ
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Sophie Schwilden, du cabinet Schwilden-Gabet, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu l'ordonnance du 07 août 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par la requête du préfet de police de Paris enregistré sous le N° RG 25/03078 et celle introduite par le recours de M. [M] [T] [Y] [C] enregistrée sous le N° RG 25/03079, déclarant le recours de M. [M] [T] [Y] [C] recevable, rejetant le recours de M. [M] [T] [Y] [C], déclarant la requête du préfet de police de Paris recevable et la procédure régulière, constatant le désistement du moyen tiré de la demande d'assignation à résidence judiciaire et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [M] [T] [Y] [C] au centre de rétention administrative n°2 du [2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 06 août 2025 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 08 août 2025, à 11h39 complété à 11h49 et 11h53, par M. [M] [T] [Y] [C] ;
- Vu les pièces produites le 09 août 2025 à 09h59 par l'association présente au centre de rétention administrative dans l'intérêt de M. [M] [T] [Y] [C] ;
- Après avoir entendu les observations :
- par visioconférence, de M. [M] [T] [Y] [C], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- en salle d'audience, du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [M] [T] [Y] [C], né le 27 août 1997 à [Localité 1] et de nationalité bolivienne, a été placé en rétention suivant l'arrêté préfectoral qui lui a été notifié le 02 août 2025 à 19 heures 41.
M. [M] [T] [Y] [C] a contesté cet arrêté de placement en rétention et, statuant par ailleurs sur la requête en prolongation du préfet, le juge du tribunal judiciaire de Meaux a autorisé cette prolongation par ordonnance rendue le 07 août 2025 à 11 heures 44.
Le 08 août 2025 à 11 heures 39, M. [M] [T] [Y] [C] a fait appel de cette décision, sollicitant sa réformation et qu'il soit dit n'y avoir lieu à maintien en rétention, aux motifs :
- De l'insuffisance de motivation de l'arrêté de placement en rétention faute de mention des éléments connus de sa situation personnelle et de ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine ;
- De l'irrecevabilité de la requête de la préfecture du fait de l'absence de communication d'une copie actualisée du registre ;
- De la violation de l'article 8 de la CEDH et de la convention internationale sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, son enfant se trouvant actuellement isolé auprès de sa conjointe, libérée après son placement en zone d'attente ;
- De l'absence de diligences nécessaires à son éloignement dès son placement en rétention alors qu'il a remis son passeport en cours de validité, la simple sollicitation d'un vol ne pouvant suffire.
SUR QUOI,
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il ne peut être fait d'analyse de pièces en langue étrangère qui n'ont pas été traduites.
Sur le moyen pris de l'insuffisance de motivation de l'arrêté de placement en rétention au titre du contrôle légalité interne (bien-fondé), de la violation de l'article 8 de la CEDH et de la Convention internationale de New York sur les droits l'enfant :
L'article L.731-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que "L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.(...)"
L'article L.741-1 du même Code dispose que "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente."
L'article L.612-3 dispose que "Le risque (que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet) peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5."
L'article L741-1 alinéa 1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose en outre que "L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire, dans un délai de quatre jours à compter de sa notification."
Pour l'appréciation de la légalité interne de l'acte administratif que constitue la motivation de l'arrêté de placement en rétention, il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a pris la décision et de prendre en considération les éléments dont il disposait alors.
En application de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision".
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou "au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente."
L'article L. 741-4 énonce que "La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention."
L'article L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile implique que la décision de placement en rétention soit "écrite et motivée".
Il ne résulte pas de ce texte la nécessité de mentionner l'ensemble des éléments personnels, professionnels et familiaux inhérents à l'intéressé mais de préciser les points sur lesquels la décision de rétention se fonde, en sorte que le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé mais seulement des motifs positifs qu'il retient qui suffisent à justifier le placement en rétention.
Il convient de rappeler que sous couvert de contrôle de proportionnalité, le juge judiciaire ne saurait se prononcer sur le bien-fondé de la décision préfectorale d'éloignement de l'intéressé.
Si M. [M] [T] [Y] [C] soutient que sa situation personnelle n'a pas été prise en compte comme elle le devait, cette dernière est toutefois expressément visée par l'arrêté discuté puisqu'il est bien mentionné qu'il déclare vivre en concubinage avec un enfant à charge, sans qu'il soit porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. L'enfant dont il fait état se trouve, ainsi qu'il l'indique lui-même, avec sa mère et est pris en charge par cette dernière qui n'est pas placée en rétention, en sorte qu'il ne peut pas être tiré de conséquence juridique plus avant de la séparation.
De la même manière, il est précisé qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitement contraires à la CEDH en cas de retour dans le pays d'éloignement, M. [M] [T] [Y] [C] ayant d'une part lui-même admis dans son audition par les services de police le 02 août 2025 ne pas être en mesure de prouver qu'il se trouvait en danger du fait d'une dette contractée dans son pays d'origine, répondu à sa situation et d'autre part pu, ensuite, déposer une demande d'asile.
Enfin, les arguments ainsi développés paraissent davantage destinés à contester la décision d'éloignement que le placement en rétention, cette décision relevant de l'appréciation du seul juge administratif.
Le recours en contestation de l'arrêté de placement en rétention a donc été rejeté à bon droit par le premier juge.
Sur l'irrecevabilité de la requête faute de communication d'une copie actualisée du registre :
L'article L 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : "Il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompa-gnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la dis-position des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation".
L'article R. 743-2 du même Code prévoit que : "A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, da-tée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'ar-ticle L. 744-2. Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge (...), de la copie du re-gistre".
Il résulte de la lecture combinée de ces textes avec celles de l'article L.743-9 que le juge s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention, que, depuis la précé-dente présentation, la personne retenue a été placée en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions de ce registre prévu par l'article L.744-2, qui doit être émargé par l'intéressé, et que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrece-vabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.
Il s'en déduit que le registre doit être actualisé et émargé et que la non-production d'une copie actua-lisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ.1ère - 4 septembre 2024, n°23-12.550).
Il ne peut être suppléé à son absence par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).
Pour autant, il appartient à celui qui se prévaut d'une mention manquante sur la copie du registre jointe à la requête de préciser quelle est cette mention afin de permettre le contrôle prévu par les textes.
A défaut, cette fin de non-recevoir doit être écartée.
Sur le moyen pris de l'insuffisance de diligences de l'administration aux fins d'éloignement :
Il résulte de la combinaison des articles L. 741-3 et L.742-4 3° du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ici applicables qu'en première prolongation, la personne retenue ne peut le rester que le "temps strictement nécessaire" et "lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement".
Il n'en résulte à ce stade aucune obligation pour l'administration d'un "bref délai" pour cette obtention.
M. [M] [T] [Y] [C] fait valoir que la simple sollicitation d'u vol d'éloignement ne constitue pas une diligence suffisante et effective alors que dès le 03 août 2025 à 10 heures 31, soit le lendemain de son placement en rétention suite à son refus d'embarquer lorsqu'il se trouvait encore placé en zone d'attente, l'administration, au visa de son passeport bolivien en cours de validité, a sollicité un vol à destination de la Bolivie.
Il est ainsi démontré que les diligences nécessaires sont en cours, qu'elles ont été diligentées dans le délai requis et qu'elles sont de nature à permettre l'exécution de la mesure d'éloignement, en sorte qu'en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, l'ordonnance du premier juge, qui relève par ailleurs que celui-ci, dûment informé et qui ne le conteste pas, n'a jamais cessé d'être mis en mesure d'exercer ses droits, ne peut qu'être confirmée.
PAR CES MOTIFS
CONFIRMONS l'ordonnance ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l'ordonnance dans la langue comprise par l'intéressé ),
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à [Localité 3] le 09 août 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'interprète L'avocat de l'intéressé
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 09 AOUT 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/04331 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLYS2
Décision déférée : ordonnance rendue le 07 août 2025, à 11h44, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Marie-Sygne Bunot-Rouillard, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Maxime Martinez, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT
M. [M] [T] [Y] [C]
né le 27 août 1997 à [Localité 1], de nationalité bolivienne
RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°2
assisté de Me Céline Vandecasteele avocat de permanence, avocat au barreau de Paris présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
et M. [U] [O] (interprète en espagnol),tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
INTIMÉ
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Sophie Schwilden, du cabinet Schwilden-Gabet, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu l'ordonnance du 07 août 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par la requête du préfet de police de Paris enregistré sous le N° RG 25/03078 et celle introduite par le recours de M. [M] [T] [Y] [C] enregistrée sous le N° RG 25/03079, déclarant le recours de M. [M] [T] [Y] [C] recevable, rejetant le recours de M. [M] [T] [Y] [C], déclarant la requête du préfet de police de Paris recevable et la procédure régulière, constatant le désistement du moyen tiré de la demande d'assignation à résidence judiciaire et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [M] [T] [Y] [C] au centre de rétention administrative n°2 du [2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 06 août 2025 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 08 août 2025, à 11h39 complété à 11h49 et 11h53, par M. [M] [T] [Y] [C] ;
- Vu les pièces produites le 09 août 2025 à 09h59 par l'association présente au centre de rétention administrative dans l'intérêt de M. [M] [T] [Y] [C] ;
- Après avoir entendu les observations :
- par visioconférence, de M. [M] [T] [Y] [C], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- en salle d'audience, du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [M] [T] [Y] [C], né le 27 août 1997 à [Localité 1] et de nationalité bolivienne, a été placé en rétention suivant l'arrêté préfectoral qui lui a été notifié le 02 août 2025 à 19 heures 41.
M. [M] [T] [Y] [C] a contesté cet arrêté de placement en rétention et, statuant par ailleurs sur la requête en prolongation du préfet, le juge du tribunal judiciaire de Meaux a autorisé cette prolongation par ordonnance rendue le 07 août 2025 à 11 heures 44.
Le 08 août 2025 à 11 heures 39, M. [M] [T] [Y] [C] a fait appel de cette décision, sollicitant sa réformation et qu'il soit dit n'y avoir lieu à maintien en rétention, aux motifs :
- De l'insuffisance de motivation de l'arrêté de placement en rétention faute de mention des éléments connus de sa situation personnelle et de ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine ;
- De l'irrecevabilité de la requête de la préfecture du fait de l'absence de communication d'une copie actualisée du registre ;
- De la violation de l'article 8 de la CEDH et de la convention internationale sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, son enfant se trouvant actuellement isolé auprès de sa conjointe, libérée après son placement en zone d'attente ;
- De l'absence de diligences nécessaires à son éloignement dès son placement en rétention alors qu'il a remis son passeport en cours de validité, la simple sollicitation d'un vol ne pouvant suffire.
SUR QUOI,
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il ne peut être fait d'analyse de pièces en langue étrangère qui n'ont pas été traduites.
Sur le moyen pris de l'insuffisance de motivation de l'arrêté de placement en rétention au titre du contrôle légalité interne (bien-fondé), de la violation de l'article 8 de la CEDH et de la Convention internationale de New York sur les droits l'enfant :
L'article L.731-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que "L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.(...)"
L'article L.741-1 du même Code dispose que "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente."
L'article L.612-3 dispose que "Le risque (que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet) peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5."
L'article L741-1 alinéa 1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose en outre que "L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire, dans un délai de quatre jours à compter de sa notification."
Pour l'appréciation de la légalité interne de l'acte administratif que constitue la motivation de l'arrêté de placement en rétention, il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a pris la décision et de prendre en considération les éléments dont il disposait alors.
En application de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision".
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou "au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente."
L'article L. 741-4 énonce que "La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention."
L'article L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile implique que la décision de placement en rétention soit "écrite et motivée".
Il ne résulte pas de ce texte la nécessité de mentionner l'ensemble des éléments personnels, professionnels et familiaux inhérents à l'intéressé mais de préciser les points sur lesquels la décision de rétention se fonde, en sorte que le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé mais seulement des motifs positifs qu'il retient qui suffisent à justifier le placement en rétention.
Il convient de rappeler que sous couvert de contrôle de proportionnalité, le juge judiciaire ne saurait se prononcer sur le bien-fondé de la décision préfectorale d'éloignement de l'intéressé.
Si M. [M] [T] [Y] [C] soutient que sa situation personnelle n'a pas été prise en compte comme elle le devait, cette dernière est toutefois expressément visée par l'arrêté discuté puisqu'il est bien mentionné qu'il déclare vivre en concubinage avec un enfant à charge, sans qu'il soit porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. L'enfant dont il fait état se trouve, ainsi qu'il l'indique lui-même, avec sa mère et est pris en charge par cette dernière qui n'est pas placée en rétention, en sorte qu'il ne peut pas être tiré de conséquence juridique plus avant de la séparation.
De la même manière, il est précisé qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitement contraires à la CEDH en cas de retour dans le pays d'éloignement, M. [M] [T] [Y] [C] ayant d'une part lui-même admis dans son audition par les services de police le 02 août 2025 ne pas être en mesure de prouver qu'il se trouvait en danger du fait d'une dette contractée dans son pays d'origine, répondu à sa situation et d'autre part pu, ensuite, déposer une demande d'asile.
Enfin, les arguments ainsi développés paraissent davantage destinés à contester la décision d'éloignement que le placement en rétention, cette décision relevant de l'appréciation du seul juge administratif.
Le recours en contestation de l'arrêté de placement en rétention a donc été rejeté à bon droit par le premier juge.
Sur l'irrecevabilité de la requête faute de communication d'une copie actualisée du registre :
L'article L 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : "Il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompa-gnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la dis-position des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation".
L'article R. 743-2 du même Code prévoit que : "A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, da-tée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'ar-ticle L. 744-2. Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge (...), de la copie du re-gistre".
Il résulte de la lecture combinée de ces textes avec celles de l'article L.743-9 que le juge s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention, que, depuis la précé-dente présentation, la personne retenue a été placée en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions de ce registre prévu par l'article L.744-2, qui doit être émargé par l'intéressé, et que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrece-vabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.
Il s'en déduit que le registre doit être actualisé et émargé et que la non-production d'une copie actua-lisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ.1ère - 4 septembre 2024, n°23-12.550).
Il ne peut être suppléé à son absence par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).
Pour autant, il appartient à celui qui se prévaut d'une mention manquante sur la copie du registre jointe à la requête de préciser quelle est cette mention afin de permettre le contrôle prévu par les textes.
A défaut, cette fin de non-recevoir doit être écartée.
Sur le moyen pris de l'insuffisance de diligences de l'administration aux fins d'éloignement :
Il résulte de la combinaison des articles L. 741-3 et L.742-4 3° du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ici applicables qu'en première prolongation, la personne retenue ne peut le rester que le "temps strictement nécessaire" et "lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement".
Il n'en résulte à ce stade aucune obligation pour l'administration d'un "bref délai" pour cette obtention.
M. [M] [T] [Y] [C] fait valoir que la simple sollicitation d'u vol d'éloignement ne constitue pas une diligence suffisante et effective alors que dès le 03 août 2025 à 10 heures 31, soit le lendemain de son placement en rétention suite à son refus d'embarquer lorsqu'il se trouvait encore placé en zone d'attente, l'administration, au visa de son passeport bolivien en cours de validité, a sollicité un vol à destination de la Bolivie.
Il est ainsi démontré que les diligences nécessaires sont en cours, qu'elles ont été diligentées dans le délai requis et qu'elles sont de nature à permettre l'exécution de la mesure d'éloignement, en sorte qu'en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, l'ordonnance du premier juge, qui relève par ailleurs que celui-ci, dûment informé et qui ne le conteste pas, n'a jamais cessé d'être mis en mesure d'exercer ses droits, ne peut qu'être confirmée.
PAR CES MOTIFS
CONFIRMONS l'ordonnance ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l'ordonnance dans la langue comprise par l'intéressé ),
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à [Localité 3] le 09 août 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'interprète L'avocat de l'intéressé