CA Nancy, 5e ch., 13 août 2025, n° 24/01805
NANCY
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /25 DU 13 AOUT 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/01805 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FNNY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Nancy, R.G. n° 2022004498, en date du 24 juin 2024,
APPELANTE :
Madame [B] [E],
née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 5], domiciliée [Adresse 3]
Représentée par Me Olivier VILLETTE, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5] STANISLAS
Caisse locale de crédit mutuel dont le siège social est [Adresse 1], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANCY sous le n° 771 801 347, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant devant Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller, Président d'audience et chargé du rapport ;
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Monsieur Benoit JOBERT, magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats, le conseiller faisant fonction de Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 13 Août 2025, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 13 Août 2025, par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par M.Olivier BEAUDIER, Conseiller à la cinquième chambre commerciale , et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCEDURE :
Le 28 octobre 2010, l'entreprise [G] a ouvert, sur les livres de la société Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Stanislas, ci-après dénommée le Crédit Mutuel, un compte courant professionnel.
Le 3 décembre 2010, le Crédit Mutuel a accordé un prêt de 300 000 euros à l'entreprise [G], remboursable sur quatre-vingt-quatre mensualités au taux fixe de 3,40% l'an.
En garantie de ce prêt, le nantissement du fonds artisanal de boulangerie-pâtisserie, ainsi que la caution personnelle de M. [S] [D], gérant, ont été consentis à cette même date.
Par acte sous seing privé en date du 11 septembre 2013, M. [S] [D] et Mme [B] [E] se sont également portés caution, de toutes sommes, dont l'entreprise [G] pourrait être redevable auprès de le Crédit Mutuel, au titre de ses engagements, sous quelque forme que ce soit et dans la limite de 18 000 euros.
Par jugement du 24 novembre 2015, le tribunal de commerce de Nancy a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'entreprise [G].
Par courrier du 14 décembre 2015, le Crédit Mutuel a déclaré sa créance auprès de Me [Z] [C], mandataire liquidateur.
Par jugement du 2 février 2016, le tribunal de commerce de Nancy a prononcé la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire de l'entreprise [G].
Par courrier du 12 février 2016, le Crédit Mutuel a déclaré sa créance auprès de Me [Z] [C], à hauteur de la somme de 11 827, 79 euros, au titre du solde débiteur du compte courant, et à la somme de 107 178,85 euros au titre du prêt.
Le 14 décembre 2016, les créances déclarées de le Crédit Mutuel ont été admises à concurrence de 107 178, 85 euros, à titre privilégié et nanti, et 11 827,79 € à titre chirographaire.
Par courrier recommandé en date du 1er octobre 2021, le Crédit Mutuel a mis en demeure Mme [B] [E] de procéder au règlement de la somme de 18 000 euros, en qualité de caution.
Le 28 mars 2022, le Crédit Mutuel a déposé une requête en injonction de payer et par ordonnance en date du 3 mai 2022, une injonction de payer la somme de 18 000 euros au Crédit Mutuel a été délivrée à l'encontre de Mme [B] [E].
Par courrier recommandé en date du 2 août 2022, Mme [B] [E] a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer susvisée.
Suivant jugement, rendu contradictoirement le 24 juin 2024, le tribunal de commerce de Nancy a :
- constaté que Mme [B] [E] a renoncé à sa demande de fin de non-recevoir visant à faire déclarer son adversaire irrecevable au titre de la prescription,
- déclaré Mme [B] [E] recevable mais mal fondée en son opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 1er août 2022,
- constate l'anéantissement de ladite ordonnance, statuant à nouveau,
- déclaré réguliers les engagements souscrits par M. [S] [D] les 3 décembre 2010 et 11 septembre 2013,
- constaté que le cautionnement souscrit par Mme [B] [E] le 11 septembre 2013 n'est pas disproportionné,
- condamné Mme [B] [E] à payer à le Crédit Mutuel la somme de 18 000 euros au titre de son cautionnement, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2021,
- déclaré Mme [B] [E] mal fondée en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,
- l'en a débouté,
- condamné Mme [B] [E] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de la procédure d'injonction de payer,
- condamné Mme [B] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration en date du 9 septembre 2024, Mme [B] [E] a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 24 juin 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 22 novembre 2024, Mme [B] [E] demande à la cour de :
- réformer totalement le jugement de première instance du 24 juin 2024, et statuant de nouveau,
à titre principal,
- dire et juger que les engagements souscrits par Mr [S] [D] sont nuls et de nul effet, et que cette nullité profite à Mme [B] [E],
subsidiairement,
- dire et juger que le Crédit Mutuel a manqué ses obligations légales,
en tout état de cause,
- débouter le Crédit Mutuel de l'intégralité de ses fins et prétentions et décharger Mme [B] [E] de toute obligation à paiement à son égard,
- condamner le Crédit Mutuel à payer 1 euros au titre de la procédure abusive, ainsi que 3 000 euros hors taxes au titre de l'art 700 code de procédure civile,
- le condamner au frais et dépens d'instance et de cour.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe en date du 13 février 2025, le Crédit Mutuel demande à la cour de :
- si l'appel est déclaré recevable, le juger mal fondé,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Mme [B] [E] ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 24 juin 2024 en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- déclarer irrecevables et en tous cal mal fondées les demandes de Mme [B] [E] fondées sur l'article 2314 du code civil,
- juger en tout état de cause que la banque concluante n'a commis aucune faute quant au nantissement dont elle bénéficiait sur le fonds de commerce de l'EURL [G],
- condamner Mme [B] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [B] [E] en tous les dépens qui comprendront les frais relatifs à l'injonction de payer et le coût de l'inscription d'hypothèque judiciaire et le cas échéant son renouvellement et sa conversion.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 avril 2025 ;
MOTIFS :
- Sur la nullité des cautionnements souscrit les 3 décembre 2010 et 11 septembre 2013 par M. [S] [D] :
Aux termes de l'article L. 641-9 I et III du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné. Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2. Toutefois, le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut poursuivre l'exercice d'une ou de plusieurs de ces activités, si celles-ci engagent un patrimoine autre que celui visé par la procédure.
Il est constant en l'espèce que le Crédit Mutuel a ouvert dans ses livres, le 28 octobre 2010, un compte courant professionnel à l'EURL [G], alors représentée par M. [S] [D], puis a accordé à celle-ci, le 3 décembre 2010, un prêt professionnel d'un montant de 300 000 euros , remboursable sur quatre-vingt-quatre mensualités, au taux contractuel de 3,40% l'an. Le tribunal de commerce de Nancy avait précédemment ouvert, le 11 janvier 2005, une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. [S] [D] qui exploitait alors une boulangerie pâtisserie ('du bon coin').
C'est par des motifs pertinents que le tribunal de commerce de Nancy a toutefois rejeté la demande de nullité des engagements de caution souscrits par M. [S] [D], au motif que ce dernier n'était frappé d'aucune interdiction de gérer au jour de la conclusion des actes susvisés, accomplis en l'espèce pour le compte de l'EURL [G], laquelle a une personnalité juridique distincte.
En effet, le dessaisissement du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective qui est prévu par les dispositions susvisées n'atteint pas les prérogatives du dirigeant d'une personne morale qui ne sont pas de nature patrimoniale, celui-ci pouvant ainsi accomplir librement les actes relevant de l'exercice de son mandat de représentation d'une personne morale. Il convient par ailleurs de relever que seul M. [S] [D], exploitant la boulangerie pâtisserie 'du bon coin' a été placé en liquidation judiciaire, le 11 janvier 2005, et qu'il avait en sa qualité de représentant de l'EURL [G] la capacité d'engager celle-ci auprès de la banque ayant ouvert à cette dernière un compte, puis lui ayant accordé un prêt professionnel.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Mme [B] [E] de sa demande de nullité des engagements de caution souscrit les 3 décembre 2010 et 11 septembre 2013 par M. [S] [D], et par voie de conséquence, de celui souscrit par elle le 11 septembre 2013.
- Sur la disproportion du cautionnement :
En application de L. 322-1 du code de la consommation, applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à ses biens et revenus au jour, tels qu'il les a déclarés au créancier le jour de la souscription de ce dernier. A cet effet, la banque est en droit de se fier aux éléments figurant sur une fiche de renseignements, complétée et signée par la caution, quant aux informations sur sa situation financière et patrimoniale, sauf en cas d'anomalies flagrantes.
A la lecture d'une fiche patrimoniale paraphée et signée le 6 septembre 2013, Mme [B] [E] a déclaré percevoir un salaire mensuel de 163 euros, outre des indemnités versées par Pôle Emploi d'un montant de 800 euros par mois, ainsi que des loyers tirés de la location d'un bien immobilier (1 777 euros par mois). Elle a également déclaré être propriétaire d'une maison sise à [Localité 4], estimée à 450 000 euros, libre de tout prêt, et d'un local situé à [Localité 6] évalué à 250 000 euros.
Au soutien de son appel, Mme [B] [E] affirme que les renseignements susvisés sont inexacts et relève que son avis d'imposition 2014 sur les revenus de l'année 2013 mentionne un revenu annuel imposable de 22 941 euros. Elle indique également que l'immeuble situé à [Localité 4] appartient en fait à la société civile immobilière 'Aux Chênes' dans laquelle elle ne détient seulement que 0,04% du capital social (soit une seule part sur 2 600 parts). Elle prétend enfin que les revenus fonciers qu'elle a déclarés sont erronés, ces derniers étant seulement de 508,15 euros par mois, après déduction des échéances de l'emprunt souscrit auprès de la société Banque Cic Est contracté pour son financement.
L'examen de la fiche patrimoniale établie par Mme [B] [E] ne révèle cependant aucune anomalie apparente, s'agissant des biens et revenus qu'elle a personnellement déclarés, mais surtout l'absence totale de charges grevant les immeubles dont elle a certifié à la banque être propriétaire. Le Crédit Mutuel étant en droit de se fier aux informations ainsi fournies, il est acquis que celui-ci ignorait légitimement le fait qu'elle n'était pas propriétaire de l'immeuble de [Localité 4], évalué par ses soins à 450 000 euros, ainsi que l'existence d'emprunts contractés auprès d'une autre banque pour le financement de son patrimoine, dont il ignorait légitimement l'existence.
Au vu de ces observations, le tribunal de commerce de Nancy a exactement considéré que la valeur du patrimoine immobilier, déclarée par Mme [B] [E], permettait le cas échéant de couvrir les sommes dues au titre de son cautionnement qui est limité en l'occurrence à la somme de 18 000 euros.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Mme [B] [E] tendant à ce qu'elle soit déchargée de son engagement de caution, en l'absence de disproportion manifeste de ce dernier avec ses biens et revenus déclarés.
- Sur la déchéance du droit aux intérêts :
Aux termes de l'article 2302 du code civil, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
Le Crédit Mutuel ne justifie pas en l'espèce de l'envoi à Mme [B] [E], avant le 31 mars de chaque année, des informations obligatoires exigées par les dispositions susvisées, étant observé que la seule production des copies des lettres annuelles d'information qui sont produites aux débats ne constitue pas une preuve de leur envoi à la caution.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande formée par Mme [B] [E] et de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Mutuel s'agissant tant du prêt d'un montant de 300 000 euros en date du 3 décembre 2010, que du solde débiteur du compte courant ouvert le 28 octobre 2010.
- Sur la demande de décharge de la caution au titre de la perte du bénéfice de subrogation :
Conformément à l'article 2314 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
Au soutien de sa demande, Mme [B] [E] fait grief au Crédit Mutuel, titulaire d'un nantissement sur le fonds de commerce de M. [S] [D], de ne pas avoir accompli les diligences nécessaire, afin de permettre dans le cadre de la cession de ce dernier la reprise du paiement par le repreneur des échéances restant à courir sur le prêt de 300 000 euros contracté le 3 décembre 2010 par l'EURL [G].
Mme [B] [E] rappelle à cet effet qu'en application des dispositions de l'article L. 642-12 alinéa 2 du code de commerce, le repreneur du fonds de commerce avait pour obligation de poursuivre le paiement des échéances dues par le débiteur principal, et relève que le Crédit Mutuel ne justifie d'aucune diligence particulière quant au respect de cette obligation.
En l'espèce, suivant un premier jugement en date du 24 novembre 2015, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'EURL [G] et a désigné Me [Z] [C] en qualité de mandataire. Par un second jugement en date du 2 février 2016, le tribunal de commerce a ordonné la conversion de cette procédure de redressement en liquidation judiciaire.
A compter du 24 novembre 2015, du fait de la suspension des poursuites durant la procédure collective, Mme [B] [E] ne démontre dans ces conditions aucune faute de la banque dans la mise en oeuvre du nantissement pris sur le fonds de commerce du débiteur principal. Il est justifié par ailleurs que le Crédit Mutuel a postérieurement réalisé celui-ci, et que la somme de 40 000 euros perçue a été affectée aux sommes dues par le débiteur principal, ce qui ressort du décompte du prêt arrêté au 8 septembre 2023. L'appelante ne
rapporte ainsi la preuve d'aucune faute commise par le créancier ayant entraîné la perte de son recours subrogatoire contre l'EURL [G], débiteur principal.
Enfin, Mme [B] [E] ne peut invoquer l'obligation faite au cessionnaire d'acquitter entre les mains du créancier, ayant déclaré sa créance, les échéances restant dues à compter du transfert de propriété, en application de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, en vue d'être déchargée de son cautionnement. Il est constant en effet que les dispositions susvisées sont applicables uniquement dans le cadre d'un plan de cession, impliquant une reprise d'activité, et non à la seule cession d'un fonds de commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire.
Au vu de ces observations, Mme [B] [E] est déboutée en conclusion de sa demande de décharge de son engagement de caution au titre de la perte de son bénéfice de subrogation.
- Sur la créance du Crédit Mutuel :
Il est établi par le tableau d'amortissement produit aux débats dans la déclaration que le seul capital restant dû, au mois d'octobre 2015, au titre du prêt en date du 3 décembre 2010, s'élève à la somme justifiée de 100 583,51 euros.
S'agissant de la créance due au titre du compte courant, il ressort des éléments non contestés par la caution et repris dans la déclaration de créance faite par le Credit Mutuel auprès de Me [Z] [C], mandataire liquidateur, que le solde débiteur de celui-ci s'élève à la somme de 11 827,79 euros.
Après déduction de la somme de 40 000 euros perçue sur le prix de vente du fonds de commerce, le solde restant dû par le débiteur principal au titre du seul capital restant dû sur le prêt, auquel s'ajoute le débit du compte courant (11 827,79 euros) s'élève au total à 72 411,30 euros.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné Mme [B] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme principale de 18 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2021.
Compte tenu de la limite de l'engagement de la caution, il convient d'observer que la déchéance du droit aux intérêts du créancier qui a été précédemment prononcée est sans incidence sur la somme due par cette dernière, au regard du seul montant du capital restant dû sur le seul prêt cautionné d'un montant de 300 000 euros (100 583,51), et ce, même après déduction du prix de vente du fonds de commerce.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Mme [B] [E] ne démontre en l'espèce aucune faute commise par le Crédit Mutuel, à l'initiative de la procédure d'injonction de payer devant le président du tribunal de commerce de Nancy, dans le cadre du recouvrement de sa créance.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Mme [B] [E] de sa demande de dommages-intérêts.
- Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer le jugement entrepris, en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [B] [E] est déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Mme [B] [E] est condamnée à payer au Crédit Mutuel la somme de 2 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
- Déboute Mme [B] [E] de sa demande de décharge de son engagement de caution au titre de la perte de son bénéfice de subrogation ;
- Prononce la déchéance du droit aux intérêts de la société Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Stanislas, concernant le prêt en date du 3 décembre 2010, et le solde débiteur du compte courant ouvert le 28 octobre 2010 ;
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- Déboute Mme [B] [E] de sa demande formée au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Mme [B] [E] aux entiers frais et dépens de l'appel ;
- Condamne Mme [B] [E] à payer à la société Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Stanislas la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M.Olivier BEAUDIER, Conseiller à la cinquième chambre commerciale, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT,
Minute en onze pages.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /25 DU 13 AOUT 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/01805 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FNNY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Nancy, R.G. n° 2022004498, en date du 24 juin 2024,
APPELANTE :
Madame [B] [E],
née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 5], domiciliée [Adresse 3]
Représentée par Me Olivier VILLETTE, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5] STANISLAS
Caisse locale de crédit mutuel dont le siège social est [Adresse 1], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANCY sous le n° 771 801 347, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant devant Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller, Président d'audience et chargé du rapport ;
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Monsieur Benoit JOBERT, magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats, le conseiller faisant fonction de Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 13 Août 2025, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 13 Août 2025, par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par M.Olivier BEAUDIER, Conseiller à la cinquième chambre commerciale , et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCEDURE :
Le 28 octobre 2010, l'entreprise [G] a ouvert, sur les livres de la société Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Stanislas, ci-après dénommée le Crédit Mutuel, un compte courant professionnel.
Le 3 décembre 2010, le Crédit Mutuel a accordé un prêt de 300 000 euros à l'entreprise [G], remboursable sur quatre-vingt-quatre mensualités au taux fixe de 3,40% l'an.
En garantie de ce prêt, le nantissement du fonds artisanal de boulangerie-pâtisserie, ainsi que la caution personnelle de M. [S] [D], gérant, ont été consentis à cette même date.
Par acte sous seing privé en date du 11 septembre 2013, M. [S] [D] et Mme [B] [E] se sont également portés caution, de toutes sommes, dont l'entreprise [G] pourrait être redevable auprès de le Crédit Mutuel, au titre de ses engagements, sous quelque forme que ce soit et dans la limite de 18 000 euros.
Par jugement du 24 novembre 2015, le tribunal de commerce de Nancy a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'entreprise [G].
Par courrier du 14 décembre 2015, le Crédit Mutuel a déclaré sa créance auprès de Me [Z] [C], mandataire liquidateur.
Par jugement du 2 février 2016, le tribunal de commerce de Nancy a prononcé la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire de l'entreprise [G].
Par courrier du 12 février 2016, le Crédit Mutuel a déclaré sa créance auprès de Me [Z] [C], à hauteur de la somme de 11 827, 79 euros, au titre du solde débiteur du compte courant, et à la somme de 107 178,85 euros au titre du prêt.
Le 14 décembre 2016, les créances déclarées de le Crédit Mutuel ont été admises à concurrence de 107 178, 85 euros, à titre privilégié et nanti, et 11 827,79 € à titre chirographaire.
Par courrier recommandé en date du 1er octobre 2021, le Crédit Mutuel a mis en demeure Mme [B] [E] de procéder au règlement de la somme de 18 000 euros, en qualité de caution.
Le 28 mars 2022, le Crédit Mutuel a déposé une requête en injonction de payer et par ordonnance en date du 3 mai 2022, une injonction de payer la somme de 18 000 euros au Crédit Mutuel a été délivrée à l'encontre de Mme [B] [E].
Par courrier recommandé en date du 2 août 2022, Mme [B] [E] a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer susvisée.
Suivant jugement, rendu contradictoirement le 24 juin 2024, le tribunal de commerce de Nancy a :
- constaté que Mme [B] [E] a renoncé à sa demande de fin de non-recevoir visant à faire déclarer son adversaire irrecevable au titre de la prescription,
- déclaré Mme [B] [E] recevable mais mal fondée en son opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 1er août 2022,
- constate l'anéantissement de ladite ordonnance, statuant à nouveau,
- déclaré réguliers les engagements souscrits par M. [S] [D] les 3 décembre 2010 et 11 septembre 2013,
- constaté que le cautionnement souscrit par Mme [B] [E] le 11 septembre 2013 n'est pas disproportionné,
- condamné Mme [B] [E] à payer à le Crédit Mutuel la somme de 18 000 euros au titre de son cautionnement, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2021,
- déclaré Mme [B] [E] mal fondée en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,
- l'en a débouté,
- condamné Mme [B] [E] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de la procédure d'injonction de payer,
- condamné Mme [B] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration en date du 9 septembre 2024, Mme [B] [E] a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 24 juin 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 22 novembre 2024, Mme [B] [E] demande à la cour de :
- réformer totalement le jugement de première instance du 24 juin 2024, et statuant de nouveau,
à titre principal,
- dire et juger que les engagements souscrits par Mr [S] [D] sont nuls et de nul effet, et que cette nullité profite à Mme [B] [E],
subsidiairement,
- dire et juger que le Crédit Mutuel a manqué ses obligations légales,
en tout état de cause,
- débouter le Crédit Mutuel de l'intégralité de ses fins et prétentions et décharger Mme [B] [E] de toute obligation à paiement à son égard,
- condamner le Crédit Mutuel à payer 1 euros au titre de la procédure abusive, ainsi que 3 000 euros hors taxes au titre de l'art 700 code de procédure civile,
- le condamner au frais et dépens d'instance et de cour.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe en date du 13 février 2025, le Crédit Mutuel demande à la cour de :
- si l'appel est déclaré recevable, le juger mal fondé,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Mme [B] [E] ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 24 juin 2024 en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- déclarer irrecevables et en tous cal mal fondées les demandes de Mme [B] [E] fondées sur l'article 2314 du code civil,
- juger en tout état de cause que la banque concluante n'a commis aucune faute quant au nantissement dont elle bénéficiait sur le fonds de commerce de l'EURL [G],
- condamner Mme [B] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [B] [E] en tous les dépens qui comprendront les frais relatifs à l'injonction de payer et le coût de l'inscription d'hypothèque judiciaire et le cas échéant son renouvellement et sa conversion.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 avril 2025 ;
MOTIFS :
- Sur la nullité des cautionnements souscrit les 3 décembre 2010 et 11 septembre 2013 par M. [S] [D] :
Aux termes de l'article L. 641-9 I et III du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné. Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2. Toutefois, le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut poursuivre l'exercice d'une ou de plusieurs de ces activités, si celles-ci engagent un patrimoine autre que celui visé par la procédure.
Il est constant en l'espèce que le Crédit Mutuel a ouvert dans ses livres, le 28 octobre 2010, un compte courant professionnel à l'EURL [G], alors représentée par M. [S] [D], puis a accordé à celle-ci, le 3 décembre 2010, un prêt professionnel d'un montant de 300 000 euros , remboursable sur quatre-vingt-quatre mensualités, au taux contractuel de 3,40% l'an. Le tribunal de commerce de Nancy avait précédemment ouvert, le 11 janvier 2005, une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. [S] [D] qui exploitait alors une boulangerie pâtisserie ('du bon coin').
C'est par des motifs pertinents que le tribunal de commerce de Nancy a toutefois rejeté la demande de nullité des engagements de caution souscrits par M. [S] [D], au motif que ce dernier n'était frappé d'aucune interdiction de gérer au jour de la conclusion des actes susvisés, accomplis en l'espèce pour le compte de l'EURL [G], laquelle a une personnalité juridique distincte.
En effet, le dessaisissement du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective qui est prévu par les dispositions susvisées n'atteint pas les prérogatives du dirigeant d'une personne morale qui ne sont pas de nature patrimoniale, celui-ci pouvant ainsi accomplir librement les actes relevant de l'exercice de son mandat de représentation d'une personne morale. Il convient par ailleurs de relever que seul M. [S] [D], exploitant la boulangerie pâtisserie 'du bon coin' a été placé en liquidation judiciaire, le 11 janvier 2005, et qu'il avait en sa qualité de représentant de l'EURL [G] la capacité d'engager celle-ci auprès de la banque ayant ouvert à cette dernière un compte, puis lui ayant accordé un prêt professionnel.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Mme [B] [E] de sa demande de nullité des engagements de caution souscrit les 3 décembre 2010 et 11 septembre 2013 par M. [S] [D], et par voie de conséquence, de celui souscrit par elle le 11 septembre 2013.
- Sur la disproportion du cautionnement :
En application de L. 322-1 du code de la consommation, applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à ses biens et revenus au jour, tels qu'il les a déclarés au créancier le jour de la souscription de ce dernier. A cet effet, la banque est en droit de se fier aux éléments figurant sur une fiche de renseignements, complétée et signée par la caution, quant aux informations sur sa situation financière et patrimoniale, sauf en cas d'anomalies flagrantes.
A la lecture d'une fiche patrimoniale paraphée et signée le 6 septembre 2013, Mme [B] [E] a déclaré percevoir un salaire mensuel de 163 euros, outre des indemnités versées par Pôle Emploi d'un montant de 800 euros par mois, ainsi que des loyers tirés de la location d'un bien immobilier (1 777 euros par mois). Elle a également déclaré être propriétaire d'une maison sise à [Localité 4], estimée à 450 000 euros, libre de tout prêt, et d'un local situé à [Localité 6] évalué à 250 000 euros.
Au soutien de son appel, Mme [B] [E] affirme que les renseignements susvisés sont inexacts et relève que son avis d'imposition 2014 sur les revenus de l'année 2013 mentionne un revenu annuel imposable de 22 941 euros. Elle indique également que l'immeuble situé à [Localité 4] appartient en fait à la société civile immobilière 'Aux Chênes' dans laquelle elle ne détient seulement que 0,04% du capital social (soit une seule part sur 2 600 parts). Elle prétend enfin que les revenus fonciers qu'elle a déclarés sont erronés, ces derniers étant seulement de 508,15 euros par mois, après déduction des échéances de l'emprunt souscrit auprès de la société Banque Cic Est contracté pour son financement.
L'examen de la fiche patrimoniale établie par Mme [B] [E] ne révèle cependant aucune anomalie apparente, s'agissant des biens et revenus qu'elle a personnellement déclarés, mais surtout l'absence totale de charges grevant les immeubles dont elle a certifié à la banque être propriétaire. Le Crédit Mutuel étant en droit de se fier aux informations ainsi fournies, il est acquis que celui-ci ignorait légitimement le fait qu'elle n'était pas propriétaire de l'immeuble de [Localité 4], évalué par ses soins à 450 000 euros, ainsi que l'existence d'emprunts contractés auprès d'une autre banque pour le financement de son patrimoine, dont il ignorait légitimement l'existence.
Au vu de ces observations, le tribunal de commerce de Nancy a exactement considéré que la valeur du patrimoine immobilier, déclarée par Mme [B] [E], permettait le cas échéant de couvrir les sommes dues au titre de son cautionnement qui est limité en l'occurrence à la somme de 18 000 euros.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Mme [B] [E] tendant à ce qu'elle soit déchargée de son engagement de caution, en l'absence de disproportion manifeste de ce dernier avec ses biens et revenus déclarés.
- Sur la déchéance du droit aux intérêts :
Aux termes de l'article 2302 du code civil, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
Le Crédit Mutuel ne justifie pas en l'espèce de l'envoi à Mme [B] [E], avant le 31 mars de chaque année, des informations obligatoires exigées par les dispositions susvisées, étant observé que la seule production des copies des lettres annuelles d'information qui sont produites aux débats ne constitue pas une preuve de leur envoi à la caution.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande formée par Mme [B] [E] et de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Mutuel s'agissant tant du prêt d'un montant de 300 000 euros en date du 3 décembre 2010, que du solde débiteur du compte courant ouvert le 28 octobre 2010.
- Sur la demande de décharge de la caution au titre de la perte du bénéfice de subrogation :
Conformément à l'article 2314 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
Au soutien de sa demande, Mme [B] [E] fait grief au Crédit Mutuel, titulaire d'un nantissement sur le fonds de commerce de M. [S] [D], de ne pas avoir accompli les diligences nécessaire, afin de permettre dans le cadre de la cession de ce dernier la reprise du paiement par le repreneur des échéances restant à courir sur le prêt de 300 000 euros contracté le 3 décembre 2010 par l'EURL [G].
Mme [B] [E] rappelle à cet effet qu'en application des dispositions de l'article L. 642-12 alinéa 2 du code de commerce, le repreneur du fonds de commerce avait pour obligation de poursuivre le paiement des échéances dues par le débiteur principal, et relève que le Crédit Mutuel ne justifie d'aucune diligence particulière quant au respect de cette obligation.
En l'espèce, suivant un premier jugement en date du 24 novembre 2015, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'EURL [G] et a désigné Me [Z] [C] en qualité de mandataire. Par un second jugement en date du 2 février 2016, le tribunal de commerce a ordonné la conversion de cette procédure de redressement en liquidation judiciaire.
A compter du 24 novembre 2015, du fait de la suspension des poursuites durant la procédure collective, Mme [B] [E] ne démontre dans ces conditions aucune faute de la banque dans la mise en oeuvre du nantissement pris sur le fonds de commerce du débiteur principal. Il est justifié par ailleurs que le Crédit Mutuel a postérieurement réalisé celui-ci, et que la somme de 40 000 euros perçue a été affectée aux sommes dues par le débiteur principal, ce qui ressort du décompte du prêt arrêté au 8 septembre 2023. L'appelante ne
rapporte ainsi la preuve d'aucune faute commise par le créancier ayant entraîné la perte de son recours subrogatoire contre l'EURL [G], débiteur principal.
Enfin, Mme [B] [E] ne peut invoquer l'obligation faite au cessionnaire d'acquitter entre les mains du créancier, ayant déclaré sa créance, les échéances restant dues à compter du transfert de propriété, en application de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, en vue d'être déchargée de son cautionnement. Il est constant en effet que les dispositions susvisées sont applicables uniquement dans le cadre d'un plan de cession, impliquant une reprise d'activité, et non à la seule cession d'un fonds de commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire.
Au vu de ces observations, Mme [B] [E] est déboutée en conclusion de sa demande de décharge de son engagement de caution au titre de la perte de son bénéfice de subrogation.
- Sur la créance du Crédit Mutuel :
Il est établi par le tableau d'amortissement produit aux débats dans la déclaration que le seul capital restant dû, au mois d'octobre 2015, au titre du prêt en date du 3 décembre 2010, s'élève à la somme justifiée de 100 583,51 euros.
S'agissant de la créance due au titre du compte courant, il ressort des éléments non contestés par la caution et repris dans la déclaration de créance faite par le Credit Mutuel auprès de Me [Z] [C], mandataire liquidateur, que le solde débiteur de celui-ci s'élève à la somme de 11 827,79 euros.
Après déduction de la somme de 40 000 euros perçue sur le prix de vente du fonds de commerce, le solde restant dû par le débiteur principal au titre du seul capital restant dû sur le prêt, auquel s'ajoute le débit du compte courant (11 827,79 euros) s'élève au total à 72 411,30 euros.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné Mme [B] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme principale de 18 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2021.
Compte tenu de la limite de l'engagement de la caution, il convient d'observer que la déchéance du droit aux intérêts du créancier qui a été précédemment prononcée est sans incidence sur la somme due par cette dernière, au regard du seul montant du capital restant dû sur le seul prêt cautionné d'un montant de 300 000 euros (100 583,51), et ce, même après déduction du prix de vente du fonds de commerce.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Mme [B] [E] ne démontre en l'espèce aucune faute commise par le Crédit Mutuel, à l'initiative de la procédure d'injonction de payer devant le président du tribunal de commerce de Nancy, dans le cadre du recouvrement de sa créance.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Mme [B] [E] de sa demande de dommages-intérêts.
- Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer le jugement entrepris, en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [B] [E] est déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Mme [B] [E] est condamnée à payer au Crédit Mutuel la somme de 2 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
- Déboute Mme [B] [E] de sa demande de décharge de son engagement de caution au titre de la perte de son bénéfice de subrogation ;
- Prononce la déchéance du droit aux intérêts de la société Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Stanislas, concernant le prêt en date du 3 décembre 2010, et le solde débiteur du compte courant ouvert le 28 octobre 2010 ;
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- Déboute Mme [B] [E] de sa demande formée au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Mme [B] [E] aux entiers frais et dépens de l'appel ;
- Condamne Mme [B] [E] à payer à la société Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Stanislas la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M.Olivier BEAUDIER, Conseiller à la cinquième chambre commerciale, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT,
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