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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 13 août 2025, n° 24/03866

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/03866

13 août 2025

N° RG 24/03866 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JZW4

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 AOUT 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

24/00355

Ordonnance du président du tribunal judiciaire du Havre du 22 octobre 2024

APPELANT :

Monsieur [S] [M]

[Adresse 5]

[Localité 8]

comparant en personne, représenté par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me Pierre-Xavier BOYER, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Monsieur [J] [H]

né le 21 octobre 1981 à [Localité 16]

[Adresse 10]

[Localité 9]

représenté et assisté de Me Michel TARTERET de la SELARL TARTERET AVOCAT, avocat au barreau du Havre

Madame [R] [P]

née le 9 mars 1979 à [Localité 20]

[Adresse 10]

[Localité 9]

représentée et assistée de Me Michel TARTERET de la SELARL TARTERET AVOCAT, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 mai 2025 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 28 mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 août 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 août 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 18 octobre 2004, la commune [Localité 15] a délivré au profit de la Sarl Iris promotion, dont M. [S] [M] est le gérant, un permis de construire valant division foncière n°PC 076 351 04 H 0220 pour la construction d'un ensemble immobilier sur un terrain situé entre la [Adresse 24] et la [Adresse 23], cadastré initialement section PA n°[Cadastre 12], terrain que la Sarl Iris promotion a par la suite acquis le 21 octobre 2005.

Le 2 décembre 2004, seule date certaine de l'acte, la Sarl Iris promotion a déposé auprès du service Droits des Sols et Permis de Construire de la commune [Localité 15] les statuts de l'Association syndicale libre Les jardins de Matisse (l'Asl Les jardins de Matisse) dont la constitution était rendue obligatoire en application de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, devenu l'article R. 431-24.

Plusieurs modifications du permis de construire sont par la suite intervenues réduisant le projet de construction de 10 bâtiments à 8, lesquels étaient destinés à être vendus en l'état futur d'achèvement.

Par acte authentique du 16 décembre 2019, M. [J] [H] et Mme [R] [P] ont fait l'acquisition d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 11], cadastrée section PA n°[Cadastre 2], correspondant au lot n°1A de l'Asl Les jardins de Matisse.

M. [M] est resté propriétaire à titre personnel d'une parcelle cadastrée section PA n°[Cadastre 1], aujourd'hui divisée et nouvellement cadastrée section PA n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4], correspondant au lot n°7 de l'Asl Les jardins de Matisse. Il a déposé le 25 mai 2021 une demande de permis de construire portant sur l'édification sur sa parcelle n°[Cadastre 4] d'une maison individuelle d'une hauteur de 12 mètres au faitage. Le maire de la commune du [Localité 18] a fait droit à cette demande le 20 octobre 2021.

Par lettre recommandée avec avis de réception, réceptionnée en mairie le 16 décembre 2021, l'Asl Les jardins de Matisse a exercé un recours gracieux à l'encontre du permis de construire délivré à M. [M]. Par lettre recommandée en date du 24 février 2022, le maire de la commune du [Localité 18] a rejeté ce recours gracieux. M. [M] a engagé ses travaux par le coulage des fondations au début du mois de juillet 2024.

Par acte d'un commissaire de justice du 12 juillet 2024, M. [H] et Mme [P] ont assigné M. [M] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rouen afin d'obtenir l'interruption des travaux qu'ils jugent contraires au cahier des charges de l'Asl Les jardins de Matisse du 10 février 2015.

Par ordonnance contradictoire du 22 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire du Havre a :

- constaté que la construction engagée par M. [M] sur sa parcelle située [Adresse 6], cadastrée section PA n°[Cadastre 4], correspondant au lot n°7 de l'ensemble immobilier Les jardins [Adresse 14] contrevient aux stipulations de l'article 7 du cahier des charges modifié le 10 février 2015 de l'Asl Les jardins de Matisse et constitue un trouble manifestement illicite,

- ordonné à M. [M] d'interrompre les travaux de construction qu'il a engagé sur sa parcelle située [Adresse 6], cadastrée section PA n°[Cadastre 4], correspondant au lot n°7 de l'ensemble immobilier Les jardins [Adresse 13] Matisse, dans l'attente d'un projet de construction conforme aux dispositions du cahier des charges de l'Asl Les jardins de Matisse dans sa version en vigueur et aux autorisations administratives nécessaires,

- dit que l'interruption des travaux de construction ne concerne pas la réalisation des mesures conservatoires de la construction en cours, ni des travaux de confortement des terres,

- dit n'y avoir lieu à astreinte,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 7 novembre 2024, M. [M] a formé appel de cette ordonnance.

Par décision du président de chambre du 2 décembre 2024, l'affaire a été fixée à bref délai en application des articles 906 et suivants du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 22 mai 2025, M. [S] [M] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a :

. constaté que la construction engagée par M. [M] sur sa parcelle située [Adresse 6], cadastrée section PA n°[Cadastre 4], correspondant au lot n°7 de l'ensemble immobilier Les jardins [Adresse 14] contrevient aux stipulations de l'article 7 du cahier des charges modifié le 10 février 2015 de l'Asl Les jardins de Matisse et constitue un trouble manifestement illicite,

. ordonné à M. [M] d'interrompre les travaux de construction qu'il a engagé sur sa parcelle située [Adresse 6], cadastrée section PA n°[Cadastre 4], correspondant au lot n°7 de l'ensemble immobilier Les jardins [Adresse 13] Matisse, dans l'attente d'un projet de construction conforme aux dispositions du cahier des charges de l'Asl Les jardins de Matisse dans sa version en vigueur et aux autorisations administratives nécessaires,

. dit que l'interruption des travaux de construction ne concerne pas la réalisation des mesures conservatoires de la construction en cours, ni des travaux de confortement des terres,

. débouté en conséquence M. [M] de ses prétentions tendant à voir débouter

M. [H] et Mme [P] en leur demande de fin de travaux sous astreinte et voir condamner les mêmes au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles et aux dépens,

. dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens,

statuant à nouveau,

- débouter M. [H] et Mme [P] de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,

- débouter M. [H] et Mme [P] de leur demande d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile,

- débouter au surplus M. [H] et Mme [P] de leur appel incident tendant à voir :

. infirmer l'ordonnance de référé du 22 octobre 2024 en ce qu'elle n'a pas assorti l'interruption des travaux ordonnée d'une astreinte financière,

. statuant à nouveau, assortir l'interruption des travaux ordonnée par le juge des référés d'une astreinte financière de 1 000 euros par infractions constatées et ce, jusqu'à ce que M. [M] propose un projet de construction conforme aux dispositions du cahier des charges, qu'il dépose et obtienne soit un permis de construire, soit un permis de construire modificatif et qu'il s'engage à le respecter,

- débouter M. [H] et Mme [P] de leur demande de condamnation à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance,

en tout état de cause,

- condamner M. [H] et Mme [P], solidairement ou à défaut in solidum, à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] et Mme [P], solidairement ou à défaut in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel que la Selarl [Localité 17] Scolan, avocats, sera autorisée à recouvrer pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par voie d'exception, il entend remettre en cause la validité de la décision de l'Asl Les jardins de Matisse modifiant le cahier des charges applicable en soutenant que la résidence Les jardins de Matisse ne constitue pas un lotissement ; que les dispositions législatives ou réglementaires applicables à de telles opérations ne lui sont pas applicables ; que par arrêté du 18 octobre 2004 la Sarl Iris promotion a obtenu un permis de construire valant division foncière pour la réalisation d'un groupe de dix bâtiments ; que par un permis de construire modificatif valant division foncière le nombre de bâtiments à construire a été réduit à huit ; et que le lot litigieux était exclu du projet immobilier et avait vocation à accueillir un immeuble de plusieurs logements.

Il ajoute que les opérations groupées, comme celle en litige, ne constituent pas des lotissements et sont exclues du champ d'application de la réglementation sur les lotissements dès lors qu'un permis de construire valant division foncière ne peut légalement être obtenu qu'en vue de la réalisation d'une opération projetée sur une même unité foncière et que, surtout, doit relever d'un seul et unique maître d'ouvrage, alors que le critère premier du lotissement tient à l'intervention sur un même terrain de plusieurs personnes chacun dépositaire d'un droit exclusif de construction.

Il conclut qu'un permis de construire valant division foncière délivré au titre de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme (anciennement l'article R. 421-7-1) est donc issu d'une procédure autonome, différente de celle du lotissement de sorte qu'il ne peut être considéré que le cahier des charges de groupement de bâtiments réalisé en vue d'un permis de construire valant division foncière ait la même valeur qu'un cahier des charges de lotissement.

Il allègue que le cahier des charges de la résidence Les jardins de Matisse, dans sa version modifiée du 10 février 2015, ne lui ait pas opposable ; que cette modification est intervenue de manière irrégulière dès lors que le cahier des charges initial de 2006 ne prévoyait aucune disposition qui régissait la procédure à adopter pour modifier ses stipulations et qu'une telle modification ne pouvait avoir lieu qu'à l'unanimité des propriétaires colotis.

Il relève que les statuts de l'Asl Les jardins de Matisse ne prévoyait pas également la possibilité de modifier le cahier des charges du groupe d'immeubles, et encore moins dans les conditions dans lesquelles s'est déroulées cette modification en 2015.

Il souligne que la procédure de modification de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme couvre uniquement la modification des clauses des cahier des charges des lotissements, approuvés ou non, qui contiennent des règles d'urbanisme, et non pas des clauses étrangères à cet objet, et plus particulièrement, celles intéressant les seuls colotis.

Alors que M. [H] et Mme [P] se prévalent de l'exception de nullité prévue par l'article 1185 du code civil, il prétend que la demande en nullité n'est pas nécessaire car sans incidence dès lors que la modification de 2015 ne lui est pas opposable.

Subsidiairement, il précise que rien ne démontre que la résolution de l'assemblée générale du 10 février 2015 ayant voté la modification du cahier des charges ait reçu un commencement d'exécution, notamment par les actes visés par les intimés et estime que M. [H] et Mme [P] n'établissent pas avec l'évidence requise en référé qu'il aurait failli à ses obligations et que son projet violerait le cahier des charges dès lors que ceux-ci se fondent que sur des clauses issues de la modification de ce document, le 10 février 2015, qui lui sont inopposables.

Subsidiairement, sur l'absence d'atteinte à la vue et à l'ensoleillement de la propriété des intimés, il rapporte que si la constitution d'une servitude peut découler de tout acte, il n'en demeure pas moins qu'elle doit résulter d'un accord de volonté claire et non équivoque des parties concernées. Il souligne que cet accord de volonté des parties est par ailleurs nécessairement indispensable dans la mesure où une servitude est une contrainte juridique grevant un bien et limite en conséquence les prérogatives du propriétaire du fonds servant et notamment du droit de jouir de son bien. Il retient qu'à aucun moment, la Sarl Iris promotion ou lui-même n'ont consenti à instituer une servitude de vue et/ou de vue mer ayant pour seul fonds servant le lot n°7 et que pour cette raison, à défaut d'accord de l'un des propriétaires concernés, l'acte discuté ne peut être constitutif de servitude.

Il expose qu'aucune violation du cahier des charges dans sa version de 2015, avec l'évidence requise en référé, n'est démontrée dès lors qu'en 2015 la propriété de

M. [H] et Mme [P] ne bénéficiait pas de vue mer, en tout cas, pas celle qui est actuelle ; qu'ils ne rapportent aucune preuve de nature à démontrer que le projet litigieux altérerait la vue dont ils bénéficiaient, jusqu'à la modification du cahier des charges en 2015, les villas étant déjà construites, notamment la leur.

Sur la demande d'expertise, il soutient que la mission demandée n'a aucun lien avec le cahier des charges, qu'il n'est pas cité et que les missions outrepassent les éléments qu'il y aurait lieu de vérifier pour savoir si la construction est ou non contraire aux règles applicables.

Il rappelle que la tentative amiable préalable obligatoire prévue à l'article 750-1 du code de procédure civile s'impose même dans le cadre d'une procédure de référé.

Sur l'appel incident pour lequel M. [H] et Mme [P] prétendent qu'il aurait poursuivi l'exécution de ses travaux, il souligne que sa construction est adossée à un talus particulièrement important ; qu'au-dessus de celui-ci est présente une voie publique, empruntée par les usagers de la route et notamment des véhicules d'un important tonnage ; que les travaux qui ont été effectués postérieurement à l'ordonnance de référé ont eu pour unique but de suivre les recommandations de l'architecte sur la nécessité de permettre la poursuite des travaux conservatoires et de confortement des terres.

Par dernières conclusions notifiées le 5 mai 2025, M. [J] [H] et Mme [R] [P] demandent à la cour de :

à titre principal,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 22 octobre 2024 en ce qu'elle a :

. constaté que la construction engagée par M. [M] sur sa parcelle située [Adresse 6], cadastrée section PA n°[Cadastre 1], correspondant au lot n°7 de l'ensemble immobilier Les jardins [Adresse 14] contrevient aux stipulations de l'article 7 du cahier des charges modifié le 10 février 2015 de l'Asl Les jardins de Matisse et constitue un trouble manifestement illicite,

. ordonné à M. [M] d'interrompre les travaux de construction qu'il a engagé sur sa parcelle située [Adresse 6], cadastrée section PA n°[Cadastre 1], correspondant au lot n°7 de l'ensemble immobilier Les jardins [Adresse 13] Matisse, dans l'attente d'un projet de construction conforme aux dispositions du cahier des charges de l'Asl Les jardins de Matisse dans sa version en vigueur et aux autorisations administratives nécessaires,

. dit que l'interruption des travaux de construction ne concerne pas la réalisation des mesures conservatoires de la construction en cours, ni des travaux de confortement des terres,

- l'infirmer en ce qu'elle n'a pas assorti l'interruption des travaux ordonnée d'une astreinte financière en retenant « dit n'y avoir lieu à astreinte »,

statuant à nouveau,

- assortir l'interruption des travaux ordonnée par le juge des référés d'une astreinte financière de 1 000 euros par infractions constatées et ce, jusqu'à ce que M. [M] propose un projet de construction conforme aux dispositions du cahier des charges, qu'il dépose et obtienne soit un permis de construire, soit un permis de construire modificatif et qu'il s'engage à le respecter.

à titre subsidiaire, au visa des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile,

- désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction de céans aux fins de lui confier la mission suivante :

. convoquer les parties,

. se rendre sur le site,

. recueillir et consigner les explications des parties, prendre connaissance de tous documents de la cause, se faire remettre par les parties ou par des tiers tous documents utiles, notamment contractuels, entendre tous sachants à charge de reproduire leurs dires et leur identité, s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source, faire appel, si nécessaire, à un technicien d'une spécialité différente de la sienne, établir et communiquer aux parties ainsi qu'au juge chargé du suivi des expertises une note après chaque réunion,

. décrire la vue qui existe depuis la propriété de M. [H] et Mme [P] située [Adresse 11] avant l'exécution des travaux d'édification de la maison d'habitation projetée par M. [M] sur son terrain cadastré section PA n°[Cadastre 4] situé au [Adresse 6] et correspondant au lot n°7 de l'ensemble immobilier [Adresse 19],

. déterminer les conséquences de la construction entreprise par M. [M] sur son terrain cadastré section PA n°[Cadastre 4] situé au [Adresse 6] et correspondant au lot n°7 de l'ensemble immobilier [Adresse 19], en exécution du permis de construire qu'il a obtenu le 20 octobre 2021, sur la vue dont bénéficiaient

M. [H] et Mme [P] depuis leur propriété avant l'engagement des travaux de M. [M],

. donner son avis sur les travaux nécessaires pour mettre fin aux troubles résultant des travaux d'édification de la maison d'habitation par M. [M] sur son terrain cadastré section PA n°[Cadastre 4] situé au [Adresse 6] et proposer une évaluation de leur coût,

. de manière générale, donner tout élément technique et de fait permettant à la juridiction éventuellement saisie ultérieurement de dégager les responsabilités encourues et d'établir les préjudices subis,

en tout état de cause,

- condamner M. [M] à leur verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre principal, ils soutiennent que le cahier des charges modifié le 10 février 2015 n'a pas fait l'objet d'un retrait ; qu'aucun propriétaire n'a engagé une quelconque procédure en justice pour obtenir l'annulation de la modification intervenue ; qu'il ne peut plus être remis en cause par l'intermédiaire d'une procédure judiciaire.

Ils soulignent que la modification du cahier des charges telle qu'intervenue par décision de l'assemblée générale de l'Asl Les jardins de Matisse le 10 février 2015 est totalement régulière et donc parfaitement opposable à M. [M].

Ils allèguent que le cahier des charges d'un groupe d'habitations édifié en vertu d'un permis de construire valant division foncière s'effectue en principe à l'unanimité des propriétaires, sauf dans le cas où il existe des stipulations fixant des règles de majorités. Ils rapportent que les statuts constitutifs de l'Asl Les jardins de Matisse prévoient bien des modalités de vote, autres que l'unanimité, permettant la modification du cahier des charges comme cela a été effectué le 10 février 2015.

En réplique à M. [M], qui conteste la modification du cahier des charges en ce qu'elle aurait créé, sans son accord, une servitude grevant son lot n°7, ils soulignent que la publication auprès du service de la publicité foncière du cahier des charges lui confère un caractère opposable à tous les membres du groupe d'habitation.

Ils relèvent qu'il ressort de l'application des stipulations du cahier des charges qu'il est expressément interdit au propriétaire du lot n°7 d'édifier une habitation sur son terrain qui aurait pour effet d'altérer la vue dont bénéficie les villas construites à l'origine, dont la leur ; que la vue à préserver est inévitablement celle qui existe a minima au moment du dépôt du permis de construire, et en tout état de cause, celle existant au moment du commencement des travaux.

Ils exposent que les travaux conduits par M. [M] malgré le prononcé de l'ordonnance de référé ne sont pas seulement des travaux confortatifs du talus soutenant la voie publique ou bien de simples travaux constituant des mesures conservatoires de la constructions en cours ; que seul le prononcé d'une astreinte financière serait suffisamment dissuasif pour le conduire à respecter les décisions de justices rendues et sollicitent une astreinte financière de 1 000 euros par infractions constatées jusqu'à ce que M. [M] propose un permis de construire conforme aux dispositions du cahier des charges ; qu'il dépose et obtienne soit un permis de construire, soit un permis de construire modificatif et qu'il s'engage à le respecter.

A titre subsidiaire, sur la désignation d'un expert judiciaire, ils soulignent qu'ils n'ont jamais fondé la présente procédure sur le trouble anormal de voisinage qui relèverait logiquement de la compétence du juge du fond mais sur le non-respect par M. [M] des stipulations du cahier des charges modifié le 10 février 2015 qui lui sont totalement opposables, mais également sur le non-respect du cahier des charges initial.

Ils rapportent que dans ces circonstances et à défaut d'engager une procédure sur le fondement du trouble anormal de voisinage, la présente procédure ne nécessitait pas l'organisation d'une mesure de conciliation préalable.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties.

La clôture de l'instruction est intervenue le 28 mai 2025.

MOTIFS

Sur l'interruption de la construction de l'immeuble

L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La charge de la preuve du trouble manifestement illicite pèse sur celui qui l'allègue pour fonder ses prétentions.

Pour soutenir leurs prétentions, M. [H] et Mme [P] se prévalent des dispositions du cahier des charges du 10 février 2015 publié auprès du service de la publicité foncière le 10 janvier 2016 modifiant le cahier des charges initial du 12 juin 2006 et ajoutant que :

- en page 4, au titre des servitudes réciproques et perpétuelles/règles d'intérêt général, « Dès lors qu'une villa serait édifiée au-delà du délai de 5 ans après la signature du CAHIER DES CHARGES d'origine soit le 12 juin 2006, celle-ci ne pourra en aucun cas altérer ni la vue, ni l'ensoleillement dont peuvent bénéficier les villas déjà construites » ;

- en page 6, au titre des obligations et servitudes de construction, « Le propriétaire du lot 7 s'interdit toute construction ou plantation qui serait de nature à modifier de leur vue ou de leur ensoleillement les villas construites à l'origine. ».

La contestation porte exclusivement sur la privation à venir de la vue sur mer dont bénéficie leur immeuble, vue démontrée par constats établis par actes de commissaire de justice des 10 juillet et 25 octobre 2024, et susceptible d'être compromise par la construction d'un immeuble entreprise par M. [M].

Les débats sur la validité du cahier des charges modificatif du 10 février 2015 sont vains puisqu'en l'absence de nullité prononcée judiciairement, il est applicable, et de droit, selon ses termes, à l'ensemble des membres de l'association syndicale libre, les propriétaires des parcelles énoncées dans les deux cahiers des charges de 2006 et de 2015.

Ces cahiers des charges, particulièrement de 2015, sont opposables à M. [M], propriétaire de la parcelle [Cadastre 7], section cadastrale, PA [Cadastre 1], intégrée dans ces actes sans contestation judiciaire au fond émise par M. [M] depuis 2006.

Il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier le fond débattu par les parties mais d'apprécier uniquement l'existence d'un trouble manifestement illicite qui en l'espèce suppose la démonstration que l'immeuble en cours de construction compromet la vue sur la mer dont bénéficie M. [H] et Mme [P] de leur domicile.

En conséquence, les mesures utiles à la prévention du trouble ne s'analysent pas dans l'interdiction de construire ce d'autant plus que le terrain est, à la fois sur le plan conventionnel, selon les cahiers des charges de 2006 puis de 2015 et sur le plan administratif, constructible et destiné à l'édification d'un immeuble d'habitation. Mais elles doivent tendre, si besoin est, à la limitation des conditions d'élévation de la construction de manière à respecter le cahier des charges et ne pas gêner les voisins au visa des pièces énoncées ci-dessus.

En l'espèce, M. [H] et Mme [P] produisent certes un constat du commissaire de justice du 25 octobre 2024 démontrant que M. [M] a engagé les travaux de construction de la maison mais d'une part, il a ce droit à la suite de l'obtention d'un permis de construire et d'autre part, cet acte démontre que la réalisation en cours se situe en contre-bas d'un talus particulièrement élevé, en haut duquel se trouve et de façon nettement supérieure, une route en laissant encore une marge importante avant que la construction n'obère la vue des immeubles implantés sur le dénivelé.

M. [H] et Mme [P] versent aux débats au sujet de la construction devant être réalisée :

- la demande de permis de construire déposée le 25 mai 2021, accordée le 20 octobre 2021 par la ville du [Localité 18] à M. [M] concernant une maison comprenant un rez-de-chaussée, deux étages et des combles d'une hauteur totale de 12 mètres ;

Le plan de coupe vise une hauteur « absolue de 12 mètres » ; le faitage de la toiture de la construction au-delà du niveau de la [Adresse 22] en surplomb ne dépasse pas

2 mètres et compte tenu du constat du commissaire de justice du 25 octobre 2024 produit par les intimés, n'atteindrait pas la hauteur des garages des maisons la surplombant situés en rez-de-chaussée de maisons dont les pièces de vie sont au 1er étage.

Ce point est confirmé par le compte-rendu de visite de Mme [L], professionnelle de la construction, du 20 mars 2025 qui précise que « La maison présentera des combles aménagés sur rez-de-chaussée ; la déclivité du terrain est telle que la façade Nord-ouest est complètement enterrée : le talus au pied de la [Adresse 22] mesure entre 9 et 10 mètres de hauteur au droit de la maison de M. [M] ».

- la correspondance de la ville du [Localité 18] du 24 février 2022 confirmant expressément la conformité du projet avec les règles d'urbanisme applicables.

Ces éléments ne démontrent pas d'évidence une hauteur de construction obérant la vue sur mer obtenue à partir du domicile des intimés.

De plus, M. [M] verse aux débats le rapport de Mme [L] et des photographies de nature à établir que la vue dégagée vers la mer justifiée en 2024 par M. [H] et Mme [P] n'est pas une donnée constante depuis de longues années et en tous cas depuis 2006, mais résulte au moins, vers l'ouest selon les pièces produites, et en grande partie, de l'abattage d'arbres et du traitement de la végétation assurés par le propriétaire de la parcelle [Cadastre 21] pour les besoins de la construction de son immeuble.

A défaut de démontrer le trouble manifestement illicite dont serait responsable l'appelant, la demande de M. [H] et Mme [P] de voir les travaux interrompus doit être rejetée, l'ordonnance étant en conséquence infirmée.

Sur la demande d'expertise

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

A titre subsidiaire, M. [H] et Mme [P] sollicitent l'organisation d'une expertise judiciaire pour caractériser la perte de la vue actuelle dont ils bénéficient, et partant, la violation du cahier des charges modifié et du cahier des charges initial.

Toutefois, il résulte des débats que M. [H] et Mme [P] disposent de la faculté de rapporter la preuve des faits qu'ils allèguent par tous moyens, constats d'huissier, photographies, témoignages si besoin est, sans qu'il ne soit nécessaire pour les établir de recourir à une mesure technique exécutée par un professionnel. Le seul échec dans la démonstration de l'existence du trouble invoqué, alors qu'il est de nature purement factuel, ne peut constituer un motif légitime à l'organisation de la mesure sollicitée.

En conséquence, ils seront également déboutés de leur demande.

Sur les frais de procédure

Les dispositions de l'ordonnance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.

Parties perdantes, M. [H] et Mme [P] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction est autorisée au profit de la Selarl [Localité 17] Scolan, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ils seront condamnés in solidum à payer à M. [M] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [J] [H] et Mme [R] [P] de leurs demandes,

Condamne in solidum M. [J] [H] et Mme [R] [P] à payer à

M. [S] [M] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [J] [H] et Mme [R] [P] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction est autorisée au profit de la Selarl [Localité 17] Scolan, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,

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