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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 13 août 2025, n° 24/03635

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/03635

13 août 2025

N° RG 24/03635 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JZHG

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 AOUT 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

24/00086

Président du tribunal judiciaire de Dieppe du 9 octobre 2024

APPELANTS :

Monsieur [Z] [O]

né le 8 novembre 1980 à [Localité 19]

[Adresse 3]

[Localité 12]

représenté et assisté par Me Franck ROGOWSKI de la SELARL CONIL ROPERS GOURLAIN-PARENTY ROGOWSKI ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

Madame [W] [Y] épouse [O]

née le 16 septembre 1982 à [Localité 15]

[Adresse 3]

[Localité 12]

représentée par Me Franck ROGOWSKI de la SELARL CONIL ROPERS GOURLAIN-PARENTY ROGOWSKI ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Madame [V] [U]

née le 24 mars 1960 à [Localité 16]

[Adresse 2]

[Localité 11]

représentée et assistée par Me Corinne MORIVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de Dieppe plaidant par Me THILLARD

Monsieur [S] [P]

né le 19 août 1959 à [Localité 17]

[Adresse 6]

[Localité 8]

représenté et assisté par Me Benjamin BLIN, avocat au barreau de Dieppe

SARL CAUX IMMOBILIER

RCS de [Localité 14] 790 818 579

[Adresse 1]

[Localité 10]

représentée et assistée par Me Pascale RONDEL, avocat au barreau de Dieppe

SAS LHOTELLIER EAU

[Adresse 20]

[Localité 9]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me DERBISE, avocat au barreau d'Amiens

SAMCV SMABTP - SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

RCS de [Localité 18] 775 684 764

[Adresse 13]

[Localité 7]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Nicolas BARRABE, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 mai 2025 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 12 mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 août 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 août 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOS'' DES FAITS ET DE LA PROC''DURE

En 2014-2015, M. [S] [P] et Mme [V] [U], son épouse, ont fait édifier une maison d'habitation sur un terrain situé [Adresse 4]. Un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la Smabtp.

Par acte notarié du 10 août 2022, M. et Mme [P] ont vendu leur maison à M. [Z] [O] et à Mme [W] [Y], son épouse, au prix de

319 000 euros.

Le 26 octobre 2022, M. et Mme [O] ont adressé une déclaration de sinistre à l'assureur dommages-ouvrage dénonçant :

- une absence de fonctionnement de la vmc dans la salle de bains du rez-de-chaussée,

- un dysfonctionnement de deux volets roulants,

- une déformation du plancher et du parquet de l'étage,

- une fissure au niveau de la porte d'entrée et des fissures des joints du carrelage et des plinthes du rez-de-chaussée,

- une humidité dans le garage,

- une fissure du plancher du garage,

- une fissuration et un vrillage de certaines poutres de soutien et des éclats d'enduit des murs extérieurs proches des boiseries,

- un problème de pente de gouttière,

- un décollement de l'enduit proche des poutres de la terrasse.

La Smabtp a dénié sa garantie.

Le 20 mars 2023, M. et Mme [O] ont effectué une déclaration de sinistre auprès de la Smabtp pour une panne complète de la pompe à chaleur, une absence de raccordement cuivre, et un échangeur et une compression hors d'usage.

La Smabtp a dénié sa garantie.

Le 24 mai 2024, M. et Mme [O] ont adressé une nouvelle déclaration de sinistre à la Smabtp faisant état de :

- une aggravation des dommages d'éclatements des enduits,

- une humidité excessive dans la buanderie et le grenier borgne de l'étage,

- une toiture non étanche,

- une absence de système anti-nuisibles sous les tuiles,

- un défaut de pente et une absence de protection des lucarnes ouest et est,

- un écartement entre des lignes entières de tuiles,

- un affaissement de la charpente au niveau du porche de la porte d'entrée.

La Smabtp a dénié sa garantie.

Le 21 novembre 2024, M. et Mme [O] ont effectué une déclaration de sinistre auprès de la Smabtp concernant notamment la découverte de traces de présence de larves d'insectes xylophages dans les poutres de la terrasse.

La Smabtp a de nouveau dénié sa garantie.

Suivant actes de commissaire de justice des 28 juin, 23 et 25 juillet 2024, M. et Mme [O] ont fait assigner M. et Mme [P], la Sarl Caux Immobilier chargée par ces derniers du mandat de vente de la maison, la Sas Lhotellier Eau ayant effectué le diagnostic assainissement antérieur à la vente, et la Smabtp devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dieppe aux fins d'expertise.

Par ordonnance du 9 octobre 2024, le juge des référés a :

- dit n'y avoir lieu à référé,

- débouté M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] de leur demande d'expertise,

- condamné in solidum M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] à payer à Mme [V] [U] épouse [P] et à M. [S] [P], unis d'intérêts, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] à payer à la société Caux Immobilier la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] aux entiers dépens de la présente procédure,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 18 octobre 2024, M. [O] et Mme [Y], son épouse, ont formé un appel contre cette ordonnance.

Par décision du président de chambre du 18 novembre 2024, l'affaire a été fixée suivant les dispositions des articles 906 et suivants du code de procédure civile.

EXPOS'' DES PR''TENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 5 mars 2025, M. [Z] [O] et Mme [W] [Y], son épouse, demandent de voir :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et en application de l'article 145 du code de procédure civile,

- désigner un expert qu'il plaira à la cour d'appel qui aura pour mission de :

. se rendre sur les lieux, en présence des parties dûment convoquées en temps utile, ainsi que leur conseil, comme pour les réunions ultérieures de l'expert, sauf accord des parties,

. prendre connaissance et se faire communiquer tout document contractuel, toutes pièces et documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et veiller à leur examen contradictoire,

. constater la réalité des désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités énoncés dans l'assignation délivrée par Mme [Y] et M. [O], les pièces visées dans celle-ci et ceux (désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités) énoncés dans les conclusions n°2 des appelants et les pièces visées dans celles-ci ; les décrire ; en indiquer l'origine ; en déterminer les causes et, le cas échéant, en cas de pluralité de cause, l'ordre chronologique et l'importance utile à celle-ci,

. préciser si des désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités listés dans l'assignation délivrée par Mme [Y] et M. [O] et les pièces visées et ceux (désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités) énoncés dans les conclusions n°2 des appelants et les pièces visées dans celles-ci étaient cachés au moment de la vente intervenue entre les consorts [P]/[U] et Mme [Y] et M. [O],

. préciser si des désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités listés dans l'assignation délivrée par Mme [Y] et M. [O] et les pièces visées et ceux (désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités) énoncés dans les conclusions n°2 des appelants et les pièces visées dans celles-ci, étaient connus par les consorts [P]/[U] au moment de la vente intervenue entre eux et Mme [Y] et M. [O],

. fournir tous éléments permettant d'apprécier si les désordres, malfaçons, non façons, et non conformités listés dans l'assignation délivrée par Mme [Y] et M. [O], leurs conclusions d'appelants, et les pièces visées dans celles-ci par Mme [Y] et M. [O], sont susceptibles de compromettre la solidité de l'ouvrage et de le rendre impropre à sa destination,

. préconiser les solutions propres à remédier aux désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités constatés,

. chiffrer le coût des travaux propres à remédier aux désordres, non-conformités, non-façons, et malfaçons,

. préciser et chiffrer tout chef de préjudice qui pourrait être invoqué par Mme [Y] et M. [O],

. donner à la juridiction qui pourra être saisie ultérieurement tout élément d'information pour statuer sur les responsabilités encourues,

. d'une façon générale, répondre aux dires et observations des parties qui se trouveront annexés au rapport,

- mettre à leur charge la provision à valoir sur la rémunération de l'expert,

- juger que les opérations d'expertise seront soumises au contrôle du juge chargé du contrôle des expertises,

- débouter les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile formées en première instance et en cause d'appel,

- réserver les dépens.

Ils font valoir que les conditions de l'article 145 du code de procédure civile sont réunies pour qu'une expertise soit ordonnée afin d'examiner les désordres, objets de leurs déclarations de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage telles que visées ci-dessus dans l'exposé des faits, outre les deux désordres suivants : drain du système d'épandage qui n'est plus fonctionnel et dégradation de l'allée.

Ils précisent que la majeure partie de ces désordres n'était pas visible au moment de la vente pour les acheteurs profanes qu'ils étaient, qu'ils les ont constatés après leur prise de possession de la maison et qu'ils l'ont été aussi notamment aux termes du constat d'huissier de justice du 12 février 2024 et par l'architecte

M. [N] qui les a consignés dans son rapport d'expertise ; qu'ils établissent ainsi l'existence d'un litige plausible avec les vendeurs qui ne peuvent pas leur opposer la clause contractuelle d'éviction des vices cachés du fait de leur qualité de constructeurs et ainsi de vendeurs professionnels en application de l'article 1792-1 du code civil.

Ils ajoutent que les opérations d'expertise permettront au contradictoire des parties de déterminer et/ou de confirmer la cause des désordres et d'agir contre les vendeurs et l'assureur dommages-ouvrage sur le fondement de l'article 1792 du code civil et, contre les vendeurs, à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie des vices cachés et, à titre très subsidiaire sur le fondement de l'absence de délivrance conforme ; qu'elles leur permettront aussi de rechercher la responsabilité de l'agence immobilière, a fortiori si le désordre était considéré comme visible à la vente, car elle a proposé le bien comme étant en parfait état. Ils indiquent également que la responsabilité délictuelle de la Sas Lhotellier Eau est engagée pour le désordre affectant le drain du système d'épandage en raison de son diagnostic erroné.

Par dernières conclusions notifiées le 18 mars 2025, Mme [V] [U] divorcée [P] sollicite de voir :

- confirmer l'ordonnance du 9 octobre 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Dieppe en ce qu'elle a :

. dit n'y avoir lieu à référé,

. débouté M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] de leur demande d'expertise,

. condamné M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] aux entiers dépens de la procédure,

- infirmer cette ordonnance en ce qu'elle a condamné in solidum M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] à payer à Mme [V] [U] épouse [P] et à M. [S] [P], unis d'intérêts, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- condamner M. [O] et Mme [Y] in solidum à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- condamner M. [O] et Mme [Y] in solidum à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens d'appel.

Elle fait valoir que M. et Mme [O] ne justifient pas d'éléments sérieux et légitimes de nature à présager de sa responsabilité sur le fond ; qu'au surplus, la mesure d'expertise judiciaire n'a pas vocation à pallier la carence de ces derniers dans la charge de la preuve qui leur incombe ; qu'ils ne justifient d'aucun motif légitime au soutien de leur demande à défaut d'un litige potentiel car les désordres dénoncés sont constitutifs, soit de vices cachés qui donneront lieu à l'application de la clause contractuelle d'exclusion de garantie des vendeurs qui ne sont pas de mauvaise foi et n'ont pas commis de faute, soit de vices apparents couverts puisque non contestés lors de l'acte de vente, soit encore de désordres apparus postérieurement à l'acquisition sans qu'il ne s'agisse de vices cachés ; que, pour certains désordres allégués, la garantie du constructeur de l'article 1792 du code civil n'est pas mobilisable en l'absence de tels désordres et du fait de sa qualité de vendeur profane.

Elle précise que les éléments produits par les appelants ne font qu'établir le mauvais entretien des lieux qui leur incombe, ou des non-conformités relevées par leur expert qui ne génèrent aucun désordre, ou encore des interrogations sur la conformité d'une construction auxquelles une mesure d'expertise judiciaire n'a pas vocation à répondre faute de désordres constatés ; que, lors de leur occupation de la maison, elle et M. [P] n'ont jamais observé le moindre désordre, ni mis en cause l'assureur dommages-ouvrage.

Par dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2025, M. [S] [P] demande de voir en application des articles 1103, 1128 et suivants, 1353 et suivants, et 1641 du code civil, 9, 145 et suivants, 696 et suivants du code de procédure civile :

à titre principal, sur le rejet de la demande de référé-expertise in futurum,

- confirmer les dispositions de l'ordonnance de référé du 9 octobre 2024,

- rejeter la demande d'expertise sollicitée par Mme [Y] et M. [O],

- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes contraires,

à titre subsidiaire et reconventionnel, sur la désignation de l'expert et ses missions,

- infirmer la décision entreprise,

et y statuant à nouveau,

- ordonner la désignation d'un expert judiciaire,

- fixer les missions suivantes :

. se rendre sur les lieux en présence des parties dûment convoquées en temps utiles, ainsi que leurs conseils, comme pour les réunions ultérieures de l'expert, sauf accord des parties,

. prendre connaissance et se faire communiquer tout document contractuel, toutes pièces et documents qu'il estime utile à l'accomplissement de sa mission, et veiller à leur examen contradictoire,

. constater l'absence ou la réalité des désordres, malfaçons, non-façons, et non- conformités énoncés dans l'assignation délivrée, au regard des règles de l'art applicables au moment de l'édification de la construction entre 2013 et 2015,

à défaut,

. préciser si les désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités énoncés dans l'assignation vicient le sol ou compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à l'habitation,

. préciser si les désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités énoncés dans l'assignation étaient visibles par les acquéreurs et les vendeurs, connus des vendeurs, et dissimulés intentionnellement par les vendeurs lors de la vente intervenue le 10 août 2022,

. préciser si les désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités énoncés dans l'assignation peuvent être apparus postérieurement à la vente ou être dus à un défaut d'entretien postérieurement à la vente du 10 août 2022,

s'il y a lieu :

. préconiser les solutions propres à remédier aux désordres, malfaçons, non-façons, et non-conformités constatés,

. chiffrer le coût des travaux propres à remédier aux désordres, malfaçons, non- façons, et non-conformités constatés,

. préciser et chiffrer tout chef de préjudice qui pourrait être invoqué par les parties, . donner à la juridiction qui pourra être saisie ultérieurement tout élément d'information pour statuer sur les responsabilités, non-responsabilités, ou exonérations de responsabilité encourues,

. de façon générale, répondre aux dires et observations des parties qui se trouveront annexés au rapport,

- condamner la partie demanderesse au paiement de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et la désigner comme devant consigner ladite provision au greffe de la juridiction dans le délai et la modalité de son choix,

- fixer le délai imparti à l'expert pour rendre ses pré-rapport et rapport contradictoirement,

à titre reconventionnel, sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance,

- infirmer la décision en ce qu'elle a condamné in solidum M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] à payer à Mme [V] [U] épouse [P] et à

M. [S] [P], unis d'intérêts, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau comme suit,

- condamner M. [O] et Mme [Y] in solidum à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause sur les frais irrépétibles et les dépens de la présente instance,

- condamner M. [O] et Mme [Y] au paiement de la somme de

2 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens de l'instance en cause d'appel.

Il expose que M. [O] et Mme [Y] ont engagé leur action, non pas pour conserver une preuve, mais plutôt pour la constituer dans le but de contourner la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés ; que le référé-expertise n'a pas vocation à suppléer les carences du demandeur dans l'administration de la preuve ; que les constatations opérées unilatéralement par les appelants n'ont pas de force probante à son égard ; qu'il existe des alternatives moins onéreuses et moins contraignantes qu'une expertise judiciaire qui doit être sollicitée seulement subsidiairement lorsqu'il n'existe pas d'autre moyen d'établir une preuve ; que cette action est dépourvue de motifs légitimes.

Il précise que les chances de succès d'une action au fond des acquéreurs sont faibles dès lors qu'ils ont expressément exclu la garantie légale des vices cachés en acceptant de prendre le bien en l'état ; que les désordres étaient apparents et visibles par les acquéreurs qui ont effectué trois visites avant la vente et ont pris connaissance des diagnostics préalables ; que les acquéreurs n'apportent pas la preuve d'une intention dolosive des vendeurs ; qu'ils ne pourront pas non plus invoquer un défaut de délivrance conforme puisqu'ils ont accepté le bien en l'état ; qu'ils peuvent parfaitement jouir de la maison conformément à sa destination, les désordres invoqués étant purement esthétiques ou de confort et l'assureur dommages-ouvrage ayant refusé trois fois sa garantie pour cette raison.

Il ajoute que du temps de sa possession de la maison avec son ex-épouse, les désordres dénoncés par les appelants n'existaient pas ou étaient parfaitement apparents et/ou connus (présence de fissures esthétiques et déformations) ; qu'il n'a jamais déclaré de sinistre à son asureur multirisque habitation pour un dégât des eaux.

Par dernières conclusions notifiées le 7 avril 2025, la Sarl Caux Immobilier sollicite de voir en application de l'article 145 du code de procédure civile :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 8 octobre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Dieppe,

- débouter M. [O] et Mme [Y] de toutes demandes d'expertise,

- condamner M. [O] et Mme [Y] à lui régler la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle conclut à sa mise hors de cause au motif que M. et Mme [O] ne justifient pas en quoi elle aurait engagé sa responsabilité à ce stade de la procédure. Elle explique qu'ils ont pu visiter le bien à trois reprises avant la vente ; que la majorité des vices listés était apparente ou inexistante et ne relevait pas de la garantie décennale ; qu'elle n'avait pas connaissance de vices cachés, qu'au contraire la maison était en parfait état ; qu'elle a effectué toutes les diligences nécessaires en exécution de son devoir d'information et de conseil.

Elle ajoute qu'il n'existe pas de motif légitime à la mesure d'expertise demandée laquelle n'est pas utile.

Par conclusions notifiées le 20 janvier 2025, la Smabtp demande, sur la base de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- voir confirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Dieppe du 9 octobre 2024,

subsidiairement, s'il était fait droit à la demande d'expertise,

- se voir donner acte de ses protestations et réserves et compléter la mission sollicitée en ordonnant à l'expert de diffuser une note de synthèse et de laisser un délai raisonnable aux parties pour diffuser leurs derniers dires avant le dépôt de son rapport définitif,

- voir rejeter toutes autres demandes à son encontre,

- voir condamner M. [O] et Mme [Y] en tous les dépens de première instance et d'appel que la Selarl Gray Scolan, avocats associés, sera autorisée à recouvrer pour ceux la concernant conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle avance que M. et Mme [O] ne disposent pas d'un intérêt légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que les désordres dont ils se plaignent sont, soit des vices apparents couverts par une réception sans réserve, soit des désordres qui ne peuvent relever de sa garantie.

La Sas Lhotellier Eau, qui a constitué tardivement avocat, n'a pas conclu. Par courrier notifié le 3 mars 2025, son conseil a indiqué se prévaloir du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile et s'approprier les motifs de la décision frappée d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 mai 2025.

MOTIFS

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Pour apprécier l'existence d'un motif légitime, pour une partie, de conserver ou d'établir la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, il n'appartient pas à la juridiction des référés de trancher le débat de fond sur les conditions de mise en 'uvre de l'action que cette partie pourrait ultérieurement engager, ni de se prononcer sur ses chances de succès. En effet, la mise en oeuvre de l'article 145 n'exige pas que le fondement et les limites d'une action future, par hypothèse incertaine, soient déjà fixés.

Le motif légitime existe dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties, et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l'intimé.

Les dispositions de l'article 146 du code précité relatives aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès ne s'appliquent pas lorsque le juge est saisi d'une demande fondée sur l'article 145.

En l'espèce, M. et Mme [O] produisent les pièces suivantes au soutien de leur demande d'expertise :

- une facture de réagrafage du tablier et de remplacement d'une lame d'un volet roulant du 18 septembre 2022,

- une facture de débouchage d'une canalisation wc du 8 septembre 2022 et une facture de nettoyage des drains avec constat d'un drain non-fonctionnel et d'un tuyau en charge et prévision de travaux du 30 mai 2023,

- un bon d'intervention du 13 janvier 2023 mentionnant l'absence de soupape différentiel sur le réseau radiateur et un défaut de raccordement du cuivre frigorifique effectué en 5/8 3/8 au lieu de 5/8 1/4 obligatoire,

- un procès-verbal de constat dressé le 12 février 2024 par Me [T], commissaire de justice,

- plusieurs photographies jointes à leur déclaration de sinistre à la Smabtp du

21 mai 2024,

- des constats visuels et un diagnostic technique portant sur l'état de désordres qui affectent le bâtiment d'habitation, établis unilatéralement par M. [N], architecte expert, le 14 février 2025.

Il en ressort que l'existence des défauts, non-conformités, et désordres allégués par M. et Mme [O] est avérée.

La discussion sur leur nature, leur caractère caché ou apparent, leurs causes, leur ampleur, et leur incidence relève du débat au fond pour lequel le juge des référés n'est pas compétent. Il en est de même de la discussion sur la responsabilité ou non de chaque intimé et l'application ou non de la clause contractuelle d'exclusion de la garantie des vendeurs pour les vices cachés.

Il n'est pas établi en l'état que les actions judiciaires envisagées par M. et Mme [O] contre leurs vendeurs, l'assureur dommages-ouvrage, la Sarl Caux Immobilier, et la Sas Lhotellier Eau sont manifestement vouées à l'échec.

En outre, la mesure d'expertise demandée est légalement admissible et utile. Elle améliore la situation probatoire des parties et ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes des intimés.

Dès lors, le motif légitime nécessaire à la réalisation d'une mesure d'expertise est établi. Il sera fait droit à la demande en ce sens de M. et Mme [O]. Les modalités de cette mesure seront spécifiées dans le dispositif et ses frais seront avancés par ces derniers, demandeurs de celle-ci. L'ordonnance contraire du juge des référés sera infirmée.

Sur les demandes accessoires

Selon l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'article 700 du même code énonce que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer notamment : 1° à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

La partie défenderesse à une demande d'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code précité ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696. En effet, cette mesure d'instruction n'est pas destinée à éclairer le juge d'ores et déjà saisi d'un litige mais n'est ordonnée qu'au bénéfice de celui qui la sollicite en vue d'un éventuel futur procès au fond.

Les dépens de première instance et d'appel seront donc mis à la charge des demandeurs à l'expertise. La décision du premier juge les ayant condamnés aux dépens sera confirmée. Le bénéfice de distraction sera accordé à l'avocat de la Smabtp.

Enfin, il est équitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais non compris dans les dépens. Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées. La décision contraire du premier juge sera infirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a condamné M. [Z] [O] et Mme [W] [Y] aux entiers dépens de la présente procédure,

Confirme l'ordonnance de ce chef,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Ordonne une expertise et désigne pour y procéder Mme [C] [R], expert, domiciliée [Adresse 5], port. : 06 08 37 65 55, [Courriel 21], laquelle aura pour mission de :

- se faire remettre et prendre connaissance de tout document utile ; s'adjoindre tout sapiteur si besoin est,

- se rendre au [Adresse 4], et en tout endroit utile à l'accomplissement de sa mission, après y avoir préalablement convoqué les parties et leurs avocats respectifs,

- décrire les défauts, non-conformités, et désordres allégués, objets des déclarations de sinistre adressées par M. [Z] [O] et Mme [W] [Y], son épouse, à la Smabtp, assureur dommages-ouvrage, telles que visées ci-dessus dans l'exposé des faits, outre les deux désordres suivants : drain du système d'épandage qui n'est plus fonctionnel et dégradation de l'allée ; les photographier si cela est possible, ou les représenter ; en indiquer l'importance, la date d'apparition, et les causes ; préciser si les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou si, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, ils le rendent impropre à sa destination ou en diminuent fortement son usage,

- indiquer si ces défauts, non-conformités, et désordres étaient apparents lors de l'acquisition, ou s'ils sont apparus postérieurement ; préciser la date probable de leur apparition ; fournir tous éléments permettant de déterminer s'ils étaient connus des vendeurs et/ou des acquéreurs ou ne pouvaient manquer de l'être,

- faire toutes observations sur les travaux propres à remédier aux défauts, non-conformités, et désordres ; les décrire ; indiquer leur durée prévisible et la gêne qu'ils peuvent occasionner pour le ou les occupants de l'immeuble ; chiffrer le coût de ces travaux à partir des devis fournis par les parties ;

- fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer s'il y a lieu les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état,

- dire si des travaux urgents sont nécessaires, soit pour empêcher l'aggravation des défauts, non-conformités, et désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible,

- faire toutes observations utiles au règlement du litige,

- communiquer aux parties un pré-rapport en leur accordant un délai de deux mois pour former des dires auxquels il répondra,

- déposer son rapport définitif qui sera transmis au greffe de la chambre des référés du tribunal judiciaire du Havre et aux parties avant le 25 septembre 2026,

Dit que M. [Z] [O] et Mme [W] [Y], son épouse, devront consigner la somme de 4 000 euros auprès de la régie du tribunal judiciaire de Dieppe, avant le 27 septembre 2025, sous peine de caducité de la mesure,

Désigne le juge chargé du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Dieppe pour suivre l'exécution de la mesure d'expertise et, dit qu'en cas de difficultés, l'expert ou les représentants des parties en référeront immédiatement à ce juge,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne M. [Z] [O] et Mme [W] [Y], son épouse, aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de la Selarl Gray Scolan, avocats associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,

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