CA Douai, etrangers, 7 août 2025, n° 25/01392
DOUAI
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 25/01392 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WK2L
N° de Minute : 1399
Ordonnance du jeudi 07 août 2025
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [O] [X]
né le 16 Octobre 1988 à [Localité 6] TUNISIE
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Roseline CHAUDON, avocat au barreau de DOUAI, Avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [G] [E] interprète en langue arabe,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU PAS DE [Localité 1]
dûment avisé, absent représenté par Maitre LEULIET , avocat au barreau de DOUAI substituant Me TERMEAU Xavier, avocat
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRATE DELEGUEE : Danielle THEBAUD, conseillère à la Cour d'Appel de Douai désignéé par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assistée de Aurélie DI DIO, Greffière
DÉBATS : à l'audience publique du jeudi 07 août 2025 à 13 h 00
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à [Localité 3] par mise à disposition au greffe le jeudi 07 août 2025 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles les 740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 et L 922-3 al 1 à 4 du CESEDA ;
Vu l'ordonnance du juge du tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER en date du 05 août 2025 à 11h53 notifiée à à M. [O] [X] prolongeant sa rétention administrative ;
Vu l'appel interjeté par M. [O] [X] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 05 août 2025 à 16h48 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [O] [X], né le 16 octobre 1988 à [Localité 6] (Tunisie), de nationalité tunisienne a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Pas-de-[Localité 1] le 31 juillet 2025 notifié à 11h05 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire délivrée par la même autorité le 11 septembre 2023 et notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 19 septembre 2023.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 5 août 2025 à 11h53, rejetant le recours en annulation du placement en rétention administrative et ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'intéressé pour une durée de 26 jours,
Vu la déclaration d'appel de M. [O] [X] du 5 août 2025 à 16h48 sollicitant la mainlevée du placement en rétention administrative.
Au soutien de sa déclaration d'appel l'appelant soulève de nouveaux moyens tirés :
de la violation de l'article 8 CEDH au titre de la contestation de l'arrêté de placement en rétention,
de l'irrecevabilité de la requête en prolongation compte tenu de l'absence d'actualisation du registre,
du défaut de diligences de l'administration pour organiser l'éloignement
et sollicite une assignation à résidence judiciaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
Sur la recevabilité de la requête en prolongation de la préfecture
A l'appui de son recours, l'appelant soutient que la requête serait irrecevable en l'absence de production d'une copie du registre actualisé en ce qu'il ne comporte pas la mention de son appel interjeté auprès de la cour administrative d'appel de Douai, qu'il indique enregistré par le greffe de la dite juridiction le 1er août 2025.
L'article R.743-2 du Ceseda dispose que : 'A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du magistrat du siège du tribunal judiciaire, de la copie du registre.'.
Il en résulte qu'à l'inverse de la rédaction antérieurement codifiée à l'article R. 552-3 du même code, ce texte ne sanctionne plus l'absence de production des pièces par une irrecevabilité de la requête.
Dans ces conditions, le défaut de production d'un registre actualisé s'analyse exclusivement comme une cause d'irrégularité de la procédure.
En application des dispositions de l'article L. 743-12 du Ceseda, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
Par ailleurs, selon l'article 2 de l'arrêté du ministre de l'Intérieur du 6 mars 2018 (paru au journal officiel du 9 mars 2018), portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA), ce registre contient des données à caractère personnelle et informations relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant ;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement.
L'annexe dudit arrêté les détaille ainsi :
'[...]
III. - Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :
1 Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ; [...].'
En l'espèce, si la mention du recours devant la cour administrative d'appel figure bien parmi les mentions devant être mentionné le registre, c'est uniquement lorsqu'il a un effet suspensif, et il résulte des observations formulées par la préfecture du Pas-de-Calais que l'administration n'avait pas connaissance, au moment où elle a déposé sa requête en prolongation, soit le 3 août 2025 à 13h12, de l'appel interjeté par M. [O] [X], de sorte qu'elle ne pouvait retranscrire cette information sur le registre. Elle produit au soutien de ses observations une capture d'écran de l'application télérecours justifiant de ses allégations, nonobstant la pièce produite par l'appelant faisant état de son recours le 1er août 2025.
Dès lors, une telle information n'a pas à figurer sur la feuille de registre dès lors que la mesure d'éloignement a acquis force exécutoire et que la procédure devant la cour administrative d'appel, ne revêt, dans cette hypothèse, aucun caractère suspensif.
Au surplus, la procédure devant la cour administrative d'appel n'ayant aucun caractère suspensif, le recours interjeté ne peut avoir aucune incidence sur les conditions de ladite rétention, de sorte que l'intéressé ne peut justifier d'aucune atteinte à ses droits.
Par conséquent, aucune irrégularité n'est à relever, la cour considère que le registre produit par l'administration avec sa requête en prolongation de la rétention est actualisé, le moyen n'est donc pas fondé et sera rejeté.
A titre superfétatoire, à la demande de la cour une nouvelle copie du registre actualisée a été demandé le 6 août 2025, y est complété la décision rendue le 5 août 2025 par le tribunal judiciaire et l'appel devant notre cour, mentions qui ne pouvaient figurer lors du dépôt de la requête.
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention tiré de la violation de l'article 8 de la CEDH
Le contrôle du respect de l'article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s'entendre qu'au regard de l'arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d'éloignement ou du choix du pays de retour, cirières de la compétence du juge administratif.
Le dit arrêté de placement en rétention ayant été adopté pour une durée de 4 jours.
Le placement en rétention administrative d'un étranger, qui consiste à maintenir l'intéressé à la disposition de l'administration avant son éloignement, du fait de sa durée nécessairement limitée et des garanties qu'il comporte, ne saurait porter une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ni constituer une peine ou un traitement inhumains et dégradants. Seule la décision d'éloignement pourrait éventuellement être critiquée à ces titres, mais devant le juge administratif seul compétent pour apprécier la mesure d'éloignement et pas devant le juge judiciaire en charge uniquement du contrôle de la rétention.
En conséquence, le moyen ne peut qu'être rejeté.
Sur l'assignation à résidence judiciaire
L'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que:
'Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'
Le fait de justifier disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' conforme à l'article L.612-3,8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut néanmoins, au cas d'espèce, légitimement être considéré par l'autorité judiciaire comme insuffisant pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement de l'article [4]-13 précité, dès lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français et qu'en conséquence la mesure d'assignation à résidence ne serait pas suffisamment coercitive pour assurer la bonne exécution de l'éloignement.
La Cour de cassation sanctionne strictement et systématiquement les décisions de juges du fond qui prononcent une assignation à résidence sans avoir constaté « la remise de tout document justificatif de l'identité de l'intéressé et, à tout le moins, d'un passeport. » (2 e Civ., 18 septembre 1996, pourvoi n°95-50.066 / jurinet). La possession d'un autre document d'identité ne supplée pas l'absence de passeport, quel que puisse être le motif de son absence, tel que la destruction du passeport par un tiers. (2 e Civ., 21 octobre 1999, pourvoi n°98-50.028 / jurinet) ou l'impossibilité de s'en procurer un (2 e Civ., 3 février 2000)
Cette demande ne saurait prospérer d'une part parce qu'il n'a pas remis malgré ses déclarations son passeport tunisien en cours de validité aux autorités , et d'autre part, dans la mesure où l'intéressé a délibérément fait obstruction à son éloignement en refusant de prendre un vol à destination de [Localité 6] le 3 juillet 2025 à 09h20, ce qui a par ailleurs conduit à son placement en rétention administrative le 31 juillet 2025, qu'en outre il a été assigné à résidence pendant un an, sans régulariser sa situation. Par conséquent, il convient de constater que M. [O] [X] n'est pas éligible à la mesure d'assignation à résidence en application de l'article [4]-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de ce fait permettant raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français et qu'en conséquence la mesure d'assignation à résidence ne serait pas suffisamment coercitive pour assurer la bonne exécution de l'éloignement.
La demande d'assignation à résidence est rejetée.
Sur les diligences de l'administration
Il ressort de l'article L 741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'administration doit justifier avoir effectué toutes les 'diligences utiles' suffisantes pour réduire au maximum la période de rétention de l'étranger.
Il résulte de la procédure que l'administration a effectué l'ensemble des diligences utiles et suffisantes en l'espèce, pour avoir adressé une nouvelle demande de laissez-passer consulaire aux autorités tunisiennes par courrier du 4 août 2025, et par courriel le 5 août 2025 à 11h14, ainsi qu'une nouvelle demande de routing le 6 août 2025 à 15h36. Il sera en outre rappelé que de par ses obstructions, M. [X] a inéluctablement retardé son éloignement vers son pays d'origine et ne saurait donc imputer cette situation à l'administration qui réitère ses démarches pour obtenir la délivrance d'un nouveau laissez-passer consulaire et d'un vol le plus rapidement possible.
En l'attente d'une réponse à ces diligences, utiles et suffisantes en l'espèce, la prolongation du placement en rétention administrative de l'intéressé est justifiée au regard de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d'être relevé d'office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
DECLARE la requête de la M. le préfet du Pas-de-[Localité 1] recevable ;
REJETTE la demande d'assignation à résidence ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [O] [X] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Aurélie DI DIO, Greffière
Danielle THEBAUD, conseillère
A l'attention du centre de rétention, le jeudi 07 août 2025
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Mme [G] [E]
Le greffier
N° RG 25/01392 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WK2L
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 07 Août 2025 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 5]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
à (heure) :
- M. [O] [X]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [O] [X] le jeudi 07 août 2025
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS DE [Localité 1] et à Maître Roseline CHAUDON le jeudi 07 août 2025
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au tribunal judiciaire
Le greffier, le jeudi 07 août 2025
N° RG 25/01392 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WK2L
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 25/01392 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WK2L
N° de Minute : 1399
Ordonnance du jeudi 07 août 2025
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [O] [X]
né le 16 Octobre 1988 à [Localité 6] TUNISIE
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Roseline CHAUDON, avocat au barreau de DOUAI, Avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [G] [E] interprète en langue arabe,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU PAS DE [Localité 1]
dûment avisé, absent représenté par Maitre LEULIET , avocat au barreau de DOUAI substituant Me TERMEAU Xavier, avocat
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRATE DELEGUEE : Danielle THEBAUD, conseillère à la Cour d'Appel de Douai désignéé par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assistée de Aurélie DI DIO, Greffière
DÉBATS : à l'audience publique du jeudi 07 août 2025 à 13 h 00
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à [Localité 3] par mise à disposition au greffe le jeudi 07 août 2025 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles les 740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 et L 922-3 al 1 à 4 du CESEDA ;
Vu l'ordonnance du juge du tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER en date du 05 août 2025 à 11h53 notifiée à à M. [O] [X] prolongeant sa rétention administrative ;
Vu l'appel interjeté par M. [O] [X] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 05 août 2025 à 16h48 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [O] [X], né le 16 octobre 1988 à [Localité 6] (Tunisie), de nationalité tunisienne a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Pas-de-[Localité 1] le 31 juillet 2025 notifié à 11h05 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire délivrée par la même autorité le 11 septembre 2023 et notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 19 septembre 2023.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 5 août 2025 à 11h53, rejetant le recours en annulation du placement en rétention administrative et ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'intéressé pour une durée de 26 jours,
Vu la déclaration d'appel de M. [O] [X] du 5 août 2025 à 16h48 sollicitant la mainlevée du placement en rétention administrative.
Au soutien de sa déclaration d'appel l'appelant soulève de nouveaux moyens tirés :
de la violation de l'article 8 CEDH au titre de la contestation de l'arrêté de placement en rétention,
de l'irrecevabilité de la requête en prolongation compte tenu de l'absence d'actualisation du registre,
du défaut de diligences de l'administration pour organiser l'éloignement
et sollicite une assignation à résidence judiciaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
Sur la recevabilité de la requête en prolongation de la préfecture
A l'appui de son recours, l'appelant soutient que la requête serait irrecevable en l'absence de production d'une copie du registre actualisé en ce qu'il ne comporte pas la mention de son appel interjeté auprès de la cour administrative d'appel de Douai, qu'il indique enregistré par le greffe de la dite juridiction le 1er août 2025.
L'article R.743-2 du Ceseda dispose que : 'A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du magistrat du siège du tribunal judiciaire, de la copie du registre.'.
Il en résulte qu'à l'inverse de la rédaction antérieurement codifiée à l'article R. 552-3 du même code, ce texte ne sanctionne plus l'absence de production des pièces par une irrecevabilité de la requête.
Dans ces conditions, le défaut de production d'un registre actualisé s'analyse exclusivement comme une cause d'irrégularité de la procédure.
En application des dispositions de l'article L. 743-12 du Ceseda, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
Par ailleurs, selon l'article 2 de l'arrêté du ministre de l'Intérieur du 6 mars 2018 (paru au journal officiel du 9 mars 2018), portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA), ce registre contient des données à caractère personnelle et informations relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant ;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement.
L'annexe dudit arrêté les détaille ainsi :
'[...]
III. - Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :
1 Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ; [...].'
En l'espèce, si la mention du recours devant la cour administrative d'appel figure bien parmi les mentions devant être mentionné le registre, c'est uniquement lorsqu'il a un effet suspensif, et il résulte des observations formulées par la préfecture du Pas-de-Calais que l'administration n'avait pas connaissance, au moment où elle a déposé sa requête en prolongation, soit le 3 août 2025 à 13h12, de l'appel interjeté par M. [O] [X], de sorte qu'elle ne pouvait retranscrire cette information sur le registre. Elle produit au soutien de ses observations une capture d'écran de l'application télérecours justifiant de ses allégations, nonobstant la pièce produite par l'appelant faisant état de son recours le 1er août 2025.
Dès lors, une telle information n'a pas à figurer sur la feuille de registre dès lors que la mesure d'éloignement a acquis force exécutoire et que la procédure devant la cour administrative d'appel, ne revêt, dans cette hypothèse, aucun caractère suspensif.
Au surplus, la procédure devant la cour administrative d'appel n'ayant aucun caractère suspensif, le recours interjeté ne peut avoir aucune incidence sur les conditions de ladite rétention, de sorte que l'intéressé ne peut justifier d'aucune atteinte à ses droits.
Par conséquent, aucune irrégularité n'est à relever, la cour considère que le registre produit par l'administration avec sa requête en prolongation de la rétention est actualisé, le moyen n'est donc pas fondé et sera rejeté.
A titre superfétatoire, à la demande de la cour une nouvelle copie du registre actualisée a été demandé le 6 août 2025, y est complété la décision rendue le 5 août 2025 par le tribunal judiciaire et l'appel devant notre cour, mentions qui ne pouvaient figurer lors du dépôt de la requête.
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention tiré de la violation de l'article 8 de la CEDH
Le contrôle du respect de l'article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s'entendre qu'au regard de l'arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d'éloignement ou du choix du pays de retour, cirières de la compétence du juge administratif.
Le dit arrêté de placement en rétention ayant été adopté pour une durée de 4 jours.
Le placement en rétention administrative d'un étranger, qui consiste à maintenir l'intéressé à la disposition de l'administration avant son éloignement, du fait de sa durée nécessairement limitée et des garanties qu'il comporte, ne saurait porter une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ni constituer une peine ou un traitement inhumains et dégradants. Seule la décision d'éloignement pourrait éventuellement être critiquée à ces titres, mais devant le juge administratif seul compétent pour apprécier la mesure d'éloignement et pas devant le juge judiciaire en charge uniquement du contrôle de la rétention.
En conséquence, le moyen ne peut qu'être rejeté.
Sur l'assignation à résidence judiciaire
L'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que:
'Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'
Le fait de justifier disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' conforme à l'article L.612-3,8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut néanmoins, au cas d'espèce, légitimement être considéré par l'autorité judiciaire comme insuffisant pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement de l'article [4]-13 précité, dès lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français et qu'en conséquence la mesure d'assignation à résidence ne serait pas suffisamment coercitive pour assurer la bonne exécution de l'éloignement.
La Cour de cassation sanctionne strictement et systématiquement les décisions de juges du fond qui prononcent une assignation à résidence sans avoir constaté « la remise de tout document justificatif de l'identité de l'intéressé et, à tout le moins, d'un passeport. » (2 e Civ., 18 septembre 1996, pourvoi n°95-50.066 / jurinet). La possession d'un autre document d'identité ne supplée pas l'absence de passeport, quel que puisse être le motif de son absence, tel que la destruction du passeport par un tiers. (2 e Civ., 21 octobre 1999, pourvoi n°98-50.028 / jurinet) ou l'impossibilité de s'en procurer un (2 e Civ., 3 février 2000)
Cette demande ne saurait prospérer d'une part parce qu'il n'a pas remis malgré ses déclarations son passeport tunisien en cours de validité aux autorités , et d'autre part, dans la mesure où l'intéressé a délibérément fait obstruction à son éloignement en refusant de prendre un vol à destination de [Localité 6] le 3 juillet 2025 à 09h20, ce qui a par ailleurs conduit à son placement en rétention administrative le 31 juillet 2025, qu'en outre il a été assigné à résidence pendant un an, sans régulariser sa situation. Par conséquent, il convient de constater que M. [O] [X] n'est pas éligible à la mesure d'assignation à résidence en application de l'article [4]-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de ce fait permettant raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français et qu'en conséquence la mesure d'assignation à résidence ne serait pas suffisamment coercitive pour assurer la bonne exécution de l'éloignement.
La demande d'assignation à résidence est rejetée.
Sur les diligences de l'administration
Il ressort de l'article L 741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'administration doit justifier avoir effectué toutes les 'diligences utiles' suffisantes pour réduire au maximum la période de rétention de l'étranger.
Il résulte de la procédure que l'administration a effectué l'ensemble des diligences utiles et suffisantes en l'espèce, pour avoir adressé une nouvelle demande de laissez-passer consulaire aux autorités tunisiennes par courrier du 4 août 2025, et par courriel le 5 août 2025 à 11h14, ainsi qu'une nouvelle demande de routing le 6 août 2025 à 15h36. Il sera en outre rappelé que de par ses obstructions, M. [X] a inéluctablement retardé son éloignement vers son pays d'origine et ne saurait donc imputer cette situation à l'administration qui réitère ses démarches pour obtenir la délivrance d'un nouveau laissez-passer consulaire et d'un vol le plus rapidement possible.
En l'attente d'une réponse à ces diligences, utiles et suffisantes en l'espèce, la prolongation du placement en rétention administrative de l'intéressé est justifiée au regard de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d'être relevé d'office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
DECLARE la requête de la M. le préfet du Pas-de-[Localité 1] recevable ;
REJETTE la demande d'assignation à résidence ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [O] [X] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Aurélie DI DIO, Greffière
Danielle THEBAUD, conseillère
A l'attention du centre de rétention, le jeudi 07 août 2025
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Mme [G] [E]
Le greffier
N° RG 25/01392 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WK2L
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 07 Août 2025 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 5]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
à (heure) :
- M. [O] [X]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [O] [X] le jeudi 07 août 2025
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS DE [Localité 1] et à Maître Roseline CHAUDON le jeudi 07 août 2025
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au tribunal judiciaire
Le greffier, le jeudi 07 août 2025
N° RG 25/01392 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WK2L