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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 8 août 2025, n° 25/01571

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01571

8 août 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 08 AOUT 2025

N° RG 25/01571 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPC7I

Copie conforme

délivrée le 08 Août 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention de [Localité 6] en date du 07 Août 2025 à 12H04.

APPELANT

Monsieur [C] [P]

né le 09 Juin 1979 à [Localité 9] (TUNISIE) (99)

comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.

Assisté de Maître Aziza DRIDI, avocat au barreau de GRASSE, choisi.

INTIMÉE

PREFECTURE DU VAR

Avisée, non représentée

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 08 Août 2025 devant Madame Paloma REPARAZ, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Himane EL FODIL, Greffière,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 08 Août 2025 à 16h15,

Signée par Madame Paloma REPARAZ, Conseillère et Mme Himane EL FODIL, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 04 février 2025 par PREFECTURE DU VAR ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 09 juillet 2025 par PREFECTURE DU VAR notifiée le même jour à 10h05 ;

Vu l'ordonnance du 07 Août 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [C] [P] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 07 Août 2025 à 17H27 par Monsieur [C] [P] ;

Monsieur [C] [P] a comparu et a indiqué n'avoir rien à dire de plus par rapport aux observations de son avocat.

Son avocat a été régulièrement entendu.

Il soulève l'irrecevabilité de la requête aux motifs, d'une part, que le registre mentionne une mesure d'éloignement qui lui a été notifiée le 9 juillet 2025 mais qu'elle n'est pas produite et d'autre part, que ni l'ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté ni sa notificacion ne sont produites.

Au fond, il conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée au motif qu'il n'a pas encore été présenté devant les autorités tunisiennes parce que la préfecture n'a pas entrepris les diligences et ne les a relancées que le 29 juillet 2025.

Le représentant de la préfecture n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

A titre liminaire il convient de rappeler que le premier président de la cour d'appel doit répondre à tous les moyens soulevés expressément à l'appui de l'appel mais uniquement à ceux-là.

La phrase suivante contenue au début de l'acte d'appel : 'S'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous les éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidé devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement', n'a pas pour conséquence de saisir le premier président de la cour d'appel d'éventuels autres moyens.

Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 8] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.

Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;

2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;

3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.

En l'espèce l'appelant soulève l'irrevevabilité de la requête dans la mesure où la décision d'éloignement notifiée le 9 juillet 2025 ne serait pas communiquée et que l'ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté et sa notification n'ont pas été communiquées.

Il convient de relever que l'autorité préfectorale a produit la copie du régistre et que, contrairement à ce que prétend l'intéressé, l'absence de production de la décision d'éloignement, de l'ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté et de sa notification est inopérante dès lors qu'il reconnaît qu'elles ont été portées à sa connaissance.

En conséquence il y aura lieu de rejeter la fin de non recevoir.

Sur les diligences auprès des autorités tunisiennes

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet."

Il appartient au magistrat, en application de l'article L. 741-3 du CESEDA de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Cela induit, sauf circonstances insurmontables, la production de pièces par l'administration qui établissent ces diligences, en fonction de la situation de l'étranger.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la réalisation d'actes sans véritable effectivité, tels que des relances auprès des consulats n'est pas requis dès lors que l'administration ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires.

En l'espèce, l'appelant conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée au motif qu'il n'a pas encore été présenté devant les autorités tunisiennes parce que la préfecture n'a pas entrepris les diligences à [Localité 6], les a faites à [Localité 5] et ne les a relancées que le 29 juillet 2025.

Il convient de relever que:

- Monsieur [C] [P] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 4 février 2025 qui lui a été notifié le même jour,

- Monsieur [C] [P] a été interpellé le 8 juillet 2025 et déclare être tunisien mais ne présente pas de passeport en cours de validité,

- la préfecture a saisi les autorités consulaires tunisiennes d'une demande de reconnaissance le 11 juillet 2025 et les a relancées le 29 juillet 2025,

- la circonstance que ce soit les autorités consulaires tunisiennes de [Localité 6] ou non de [Localité 5] est inopérante,

- les autorités consulaires tunisiennes n'ont pas encore répondu.

Par conséquent, il y a lieu de dire que les diligences ont été régulièrement effectuées, l'administration ne disposant au demeurant d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de réponse du consulat.

Il y a lieu de rejeter la fin de non recevoir.

Sur la prolongation de la rétention

Selon les dispositions de l'article L742-4 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'

En l'espèce, il convient de relever que Monsieur [C] [P]:

- a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 4 février 2025 qui lui a été notifié le même jour,

- a été condamné à plusieurs reprises et notamment:

- par le tribunal correctionnel de Draguignan pour des faits détention non autorisée de produits stupéfiants et recel d'un bien provenant d'un délit à une peine de 4 mois d'emprisonnement,

- par la cour d'assises du Var pour des faits de destruction par moyen dangereux pour les personnes, suivie d'une incapacité de travail supérieure à 8 jours à une peine de 6 ans d'emprisonnement,

- par le tribunal correctionnel de Draguignan pour des faits de vol et vol en réunion,

- par le tribunal correctionnel de Draguignan pour des faits de violence suivie d'une incapacité de travail inférieure à 8 jours par conjoint en état de récidive légale, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique en état de récidive légale et de menace de mort réitérée en état de récidive légale et de violence avec usage ou menace d'une arme,

- par le tribunal correctionnel de Draguignan pour des faits d'envois réitérés de messages malveillants émis par la voie de communications électroniques par conjoint, ménace réitérée de délit par conjoint.

- ne présente pas de document d'identité en cours de validité, contrairement à ce qu'il prétend, son passeport tunisien ayant expiré le 23 juillet 2019,

- déclare être célibataire et père d'un enfant mineur qui réside chez sa mère.

Il s'ensuit que Monsieur [C] [P] ne présente pas de garantie effective de représentation, que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement est particulièrement pregnant, que malgré les diligences accomplies il n'a pas été possible de pouvoir procéder à l'exécution de ladite mesure d'éloignement dans les délais et que son comportement constitue bien une menace pour l'ordre public, notamment au regard de son casier judiciaire comportant 15 mentions dont la plupart en état de récidive légale.

Pour l'ensemble des motifs précédemment exposés il conviendra de confirmer l'ordonnance du 7 août 2025 et de faire droit à la requête de maintien en rétention afin de permettre à l'autorité administrative d'exécuter la mesure d'éloignement.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Rejetons les fins de non recevoir,

Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 07 Août 2025.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [C] [P]

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 08 Août 2025

À

- PREFECTURE DU VAR

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de [Localité 6]

- Maître Emeline GIORDANO

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 08 Août 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [C] [P]

né le 09 Juin 1979 à [Localité 9] (TUNISIE) (99)

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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