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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 9 août 2025, n° 25/01575

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01575

9 août 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 09 AOUT 2025

N° RG 25/01575

N° Portalis DBVB-V-B7J-BPDCJ

Copie conforme

délivrée le 09 Août 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le MS/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 08 Août 2025 à 12h25.

APPELANT

Monsieur [K] [P]

né le 09 Juillet 1999 à [Localité 4] (ALGERIE), de nationalité Algérienne

comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.

Assisté de Maître Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office.

et de Monsieur [O] [E], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIMÉE

PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

Représentée par Madame [B] [A]

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 09 Août 2025 devant Madame Sylvie CACHET, Présidente de chambre à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Maria FREDON, greffière,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 09 Août 2025 à 15h55,

Signée par Madame Sylvie CACHET, Présidente de chambre et Madame Maria FREDON, greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 20 mai 2025 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE , notifié le même jour à 16h15 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 10 juin 2025 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE notifiée le même jour à 11h20 ;

Vu l'ordonnance du 08 Août 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [K] [P] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 08 Août 2025 à 15h04 par Monsieur [K] [P] ;

Monsieur [K] [P] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : je suis né en 1995; je l'ai signalé à forum qui m'a dit que ce n'était pas important; on m'a dit de faire appel et j'ai fait appel; je n'ai rien à dire;

Son avocate, régulièrement entendue et dont les observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience, reprend les termes de la déclaration d'appel et de son mémoire complémentaire, demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention. Elle soulève qu'une garde à vue n'est pas une déclaration de culpabilité , qu'il n'y a pas eu de poursuite, que M. [P] a fait l'objet d'un contrôle d'identité et que dès lors la menace à l'ordre publique n'est pas caractérisée.

La représentante de la préfecture, dont les déclarations sont également consignées dans le procès-verbal d'audience, sollicite la confirmation de l'ordonnance du premier juge et le maintien de l'appelant en rétention. Elle souligne que le regsitre est bien actualisé, que les diligences nécessaires ont bien été effectuées et que les relations avec l'Algérie peuvent toujours évoluer et que M. [P] est défavorablement connu des services de police.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

- Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 8] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L.743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.

Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;

2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;

3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.

En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.

Toutefois les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.

L'administration verse au dossier les courriels du 10/06/2025, 17/06/2025, 8/07/2025 et 6/08/2025 adressés au consul général d'Algérie, qui constituent les pièces utiles jointes à la requête pour apprécier l'effectivité des diligneces accomplies.

La copie du registre actualisé est par ailleurs versé au dossier permettant au juge d'effectuer son contrôle de la mesure.

En conséquence il y aura lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut de mention des diligences consulaires dans le registre de rétention .

- Sur la demande d'assignation à résidence

Selon l'article L743-13 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire ne peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger que lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives et qu'après remise a un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

En l'espèce la demande d'assignation à résidence ne pourra qu'être rejetée en l'absence de remise préalable d'un passeport en cours de validité aux autorités administratives.

- Sur les diligences de l'administration

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Dans le cas présent le préfet a saisi dès le 10/06/2025, puis les 17/06/2025, 8/07/2025 et 6/08/2025 le consul général d'Algérie aux fins de délivrance d'un laisser-passer consulaire.

Dès lors, au regard de la célérité dont a fait preuve l'administration, l'appelant ne saurait sérieusement lui faire grief de n'avoir pas accompli les diligences légalement requises étant de surcroît rappelé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères.

Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration sera également écarté.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L742-5 du CESEDA

Selon les dispositions de l'article L742-5 du CESEDA, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, à titre exceptionnel, à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L.742-4 (trente jours), lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le même texte ajoute que le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

Il énonce enfin que l'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué et si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Il ne résulte ainsi nullement des dispositions de l'article L742-45 susvisé que la menace à l'ordre public justifiant une troisième prolongation devrait nécessairement apparaître durant les quinze derniers jours et pas davantage qu'elle constituerait une condition cumulative avec les autres critères.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été placé en rétention suite à un contrôle d'identité puis à la vérification du droit de circulation ou de séjour. Il n'est pas établi au dossier qu'il ait été déjà condamné, une signalisation ne pouvant caractériser un antécédent à ce titre. Ainsi ces faits ne sauraient à eux seuls démontrer l'existence d'une menace certaine et actuelle à l'ordre public.

Par ailleurs il n'est aucunement justifié d'une délivrance de documents de voyage à bref délai en l'absence de réponse du consul général d'Algérie saisi à de multiples reprises d'une demande de laissez passer consulaire dont la dernière relance date du 6/08/2025.

Il conviendra dès lors, les conditions d'une troisième prolongation n'étant pas réunies, d'infirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille et d'ordonner la mainlevée de la mesure de rétention de M. [P].

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,

Infirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 8 Août 2025,

Statuant à nouveau,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention de M. [R] [P].

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

La greffière La présidente

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur[P] [K]

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 5]

Aix-en-Provence, le 09 Août 2025

À

- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

- Maître Maeva LAURENS

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 09 Août 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [K] [P]

né le 09 Juillet 1999 à [Localité 4] (ALGERIE), de nationalité Algérienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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