Cass. com., 5 novembre 2002, n° 00-14.885
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Uniloire (Sté)
Défendeur :
Crédit mutuel de Loire-Atlantique (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
M. Boinot
Avocat général :
M. Viricelle
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP de Chaisemartin et Courjon
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 27 juillet 2004), que la Société de gestion hôtelière du Valinco (la société), après avoir acquis le matériel d'exploitation d'un hôtel auprès de la société Le Miramar, et signé avec cette dernière un contrat de mise à disposition de licence IV de débits de boissons, a exploité les locaux en vertu d'un bail commercial consenti par la société Punta Mare ; que l'administration fiscale, considérant que les conventions passées entre la société et la société Le Miramar avaient emporté cession de clientèle et s'analysaient en une cession de fonds de commerce, assujetti aux droits d'enregistrement prévus à l'article 719 du code général des impôts, a notifié un redressement à la société ; que cette dernière a fait assigner le directeur des impôts aux fins d'annulation de l'avis de mise en recouvrement et décharge des impositions et pénalités ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que le jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en la présente espèce, la Société de gestion hôtelière du Valinco faisait valoir en page 9 de ses conclusions en réponse et récapitulatives que le droit au bail était un élément prépondérant du fonds de commerce, dans la mesure où celui-ci était doté d'une clientèle de passage attachée à sa localisation, et que, dès lors que la société Le Miramar n'avait été en mesure de lui céder ni un droit au bail, ni l'immeuble lui-même, les conventions passées avec cette dernière n'avaient pu, à elles seules, entraîner un transfert de clientèle et constituer une cession occulte de fonds de commerce, lequel constitue une universalité insusceptible d'être partiellement cédée ; qu'en confirmant le jugement entrepris en se contentant d'énoncer, sans répondre au moyen pertinent pris de l'universalité que constitue un fonds de commerce, qu'il n'existait pas de bail commercial, lequel avait été consenti par un tiers quasiment concomitamment à la cession des autres éléments du fonds de commerce, et que ces acquisitions n'avaient aucun intérêt ni aucune utilité si le cessionnaire n'avait eu la certitude de pouvoir assurer l'exploitation de l'établissement auxquels ces éléments étaient attachés, si bien qu'en faisant cette acquisition, il était assuré de reprendre l'exploitation du fonds qui avait appartenu à la société Le Miramar et de bénéficier de la clientèle attachée à ce fonds, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que dès lors qu'elle constatait elle-même que la société Le Miramar n'était plus propriétaire des murs dans lesquels était exploité l'hôtel et qu'en sa qualité d'ancienne propriétaire, elle n'était titulaire d'aucun droit au bail, d'une part, et que l'acquisition des autres éléments du fonds de commerce n'avaient aucun intérêt ni aucune utilité pour elle-même si elle ne pouvait assurer l'exploitation de l'établissement auxquels ces éléments étaient attachés, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait, sans refuser de tirer de ses propres constatations les conclusions qui s'en évinçaient, confirmer le jugement entrepris au motif que la Société de gestion hôtelière du Valinco avait signé un bail commercial avec le nouveau propriétaire des murs quasi concomitamment à la cession des autres éléments du fonds de commerce ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L. 141-5 du code de commerce et 719 du code général des impôts ;
3 / que tant les premiers juges que l'Administration fiscale et la Société de gestion hôtelière du Valinco ont souligné que la société Miramar avait donné sa licence IV à bail à elle-même le 19 décembre 1997 ; qu'en énonçant que les premiers juges avaient rappelé que, par acte du 19 décembre 1997, elle avait fait l'acquisition auprès de la société Le Miramar de la licence IV de l'établissement "Grand Hôtel Le Miramar", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis tant du jugement entrepris que des conclusions des parties ; que, ce faisant, elle a violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'enseigne et le matériel d'exploitation de l'hôtel cédés par la société Le Miramar à la société constituaient des éléments distinctifs et attractifs de la clientèle ; qu'il retient également que le chiffre d'affaires réalisé par la société pour sa première saison d'exploitation était comparable à celui réalisé par son prédécesseur, de sorte qu'elle n'avait pu se constituer une clientèle nouvelle et distincte ; que de ces constatations, la cour d'appel, qui en a déduit que la cession de ces seuls éléments du fonds de commerce au profit de la société avait emporté transfert de clientèle potentielle attachée à la nature et à l'enseigne de l'établissement, et ce indépendamment de la conclusion par la société d'un contrat de bail commercial avec une autre société, et que l'opération réalisée constituait ainsi une cession occulte de fonds de commerce, assujettie, en tant que telle, à des droits d'enregistrement, a répondu, sans dénaturation, aux conclusions prétendument délaissées invoquées à la première branche et a pu statuer comme elle a fait, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;