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Décisions

Cass. com., 18 mars 2020, n° 18-11.675

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Gelied (SA)

Défendeur :

Stanislas (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Avocat :

SCP Le Bret-Desaché

Cass. com. n° 18-11.675

17 mars 2020

La société Gelied, société anonyme, dont le siège est [...] ), a formé le pourvoi n° N 18-11.675 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2017 par la cour d'appel de Metz, dans le litige l'opposant à la société Stanislas, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Gelied, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 7 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 6 septembre 2016, pourvoi n° 15-13.199), la société Gelied, se prévalant de deux nantissements inscrits sur le fonds de commerce de la société Catef, exploité dans des locaux donnés à bail par la société Stanislas, et reprochant à celle-ci de s'être abstenue, en violation de l'article L. 143-2 du code de commerce, de lui notifier la demande de résiliation judiciaire du bail qu'elle avait formée le 5 mars 2008, l'a assignée en réparation de son préjudice.

2. La société Catef a été mise en liquidation judiciaire le 22 février 2010.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. La société Gelied fait grief à l'arrêt de déclarer qu'en ne notifiant pas sa demande de résiliation du bail consenti à la société Catef, la société Stanislas a commis une faute qui lui a causé un préjudice de perte de chance de recouvrer sa créance au titre du prêt consenti pour une somme de 148 192,79 euros, d'évaluer cette perte de chance à 1 %, de condamner la société Stanislas à lui payer diverses sommes assorties des intérêts légaux, capitalisés mensuellement, et de rejeter sa demande au titre du préjudice moral alors :

« 1°/ que le préjudice né de la perte du nantissement d'un créancier du preneur à bail commercial, occasionnée par la demande de résiliation présentée par le bailleur et non notifiée au créancier, doit être évalué au regard des conséquences favorables qui auraient pu être tirées d'une action diligentée par le créancier, dûment prévenu de la menace de résiliation du bail ; qu'en ayant dit qu'il fallait évaluer le préjudice subi par la société Gelied en prenant en compte une reprise de l'activité du fonds sur les instances de la créancière, pour ensuite se fonder sur la fermeture temporaire du fonds et sur la mise en liquidation judiciaire de la société Catef, en 2010, consécutive à la résiliation du bail, ainsi que sur le défaut de paiement des loyers par la preneuse, la cour d'appel a violé les articles L. 143-2 du code de commerce et 1382 ancien du code civil ;

2°/ que le préjudice causé à un créancier nanti qui a perdu sa sûreté par suite de la résiliation du bail à l'initiative du bailleur qui ne lui a pas notifié la demande de résiliation, doit être intégralement réparé ; qu'en limitant drastiquement le préjudice subi par la société Gelied, en considération du fait que la nouvelle preneuse à bail commercial avait dû refaire tous les agencements du fonds et racheter du mobilier et en considération d'un privilège de rang meilleur de la SCI Stanislas, quand c'était la SCI Stanislas elle-même qui avait détruit ce mobilier et ces agencements et que le prétendu privilège de la SCI Stanislas n'existait plus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 143-2 du code de commerce et 1382 ancien du code civil ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant octroyé une indemnisation symbolique à la société Gelied, sans répondre à ses conclusions ayant fait valoir que la valeur du fonds perdu s'élevait a minima à 50 000 euros, la cour d'appel n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les termes des conventions doivent être appliquées par les juges ; qu'en ayant constaté qu'il résultait de la convention du 1er mars 1995 une pénalité financière de 15 % productrice d'intérêts capitalisables au taux de 1,5 % par mois, faute de paiement de la dette six mois après son échéance, sans prendre cette pénalité en considération pour fixer les sommes dues à la société Gelied, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales qui se déduisaient de ses constatations au regard des articles L. 143-2 du code de commerce et 1382 ancien du code civil ;

5°/ qu'un préjudice moral peut exister sans que l'auteur de celui-ci ait été animé d'une intention de nuire ; qu'en ayant écarté le préjudice moral subi par la société Gelied, au motif que la SCI Stanislas n'aurait été animée d'aucune intention de nuire à son égard, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir relevé que la société Stanislas avait commis une faute en s'abstenant de notifier à la société Gelied sa demande de résiliation du bail commercial de la société Catef, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation du préjudice causé par cette faute que la cour d'appel a estimé que la valeur du fonds de commerce, en cas de reprise d'exploitation, devait être nécessairement très diminuée par rapport à celle estimée en 1993, a retenu que la perte de chance de la société Gelied de recouvrer sa créance à raison de la perte de son gage devait être évaluée à 1 % de son montant et a, en outre, alloué à la société Gelied, au titre de la pénalité de retard conventionnelle, 1 % de la somme de 26 802 euros avec intérêts mensuels de 1,5 %.

5. C'est également dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la cour d'appel, abstraction faite du motif, erroné mais surabondant, critiqué par la cinquième branche, a rejeté la demande de la société Gelied de réparation d'un préjudice moral dont elle ne justifiait pas.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

7. La société Gelied fait grief à l'arrêt de juger qu'au titre du prêt consenti à la société Catef d'un montant de 30 489,80 euros, elle ne disposait pas de la qualité de créancier nanti et de déclarer irrecevable, pour défaut de qualité à agir, son action au titre de ce prêt alors :

« 1°/ que la décision du juge-commissaire d'admettre une créance est opposable à tous ; qu'en ayant jugé que la décision d'admission des créances de la société Gelied au passif de la société Catef ne pouvait être opposée à la SCI Stanislas, tiers à la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien du code civil ;

2°/ que la décision du juge-commissaire d'admettre une créance est opposable à tous ; qu'en ayant jugé que la décision d'admission des créances de la société Gelied au passif de la société Catef ne pouvait être opposée à la SCI Stanislas, au motif inopérant qu'en sa qualité de bailleur, cette dernière n'était tenue à aucune garantie de la créance admise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 ancien du code civil ;

3°/ que le bailleur n'a pas qualité pour se prévaloir de la nullité d'un nantissement de fonds de commerce, pris par un créancier du preneur, qui n'aurait pas été inscrit dans le délai de 15 jours de l'acte constitutif ; qu'en ayant jugé que la SCI Stanislas pouvait se prévaloir de la prétendue nullité du nantissement constitué, le 15 mars 1995, au profit de la société Gelied sur le fonds de la société Catef, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et 11 de la loi du 17 mars 2009, codifié à l'article L. 142-4 du code de commerce ;

4°/ que l'exception de nullité perpétuelle ne peut être soulevée que si l'acte n'a pas été exécuté ; qu'en ayant admis que la SCI Stanislas pouvait, en 2017, soulever la nullité d'un nantissement pris en 1995 par la société Gelied sur le fonds de la société Catef, la cour d'appel a violé l'article 1304 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil, l'article 31 du code de procédure civile, et l'article L. 142-4 du code de commerce ;

8. Pour juger qu'au titre du prêt consenti à la société Catef d'un montant de 30 489,80 euros, la société Gelied ne disposait pas de la qualité de créancier nanti en raison de la non-inscription du nantissement garantissant le remboursement de ce prêt dans le délai de quinze jours prescrit par l'article 11 de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 142-4 du code de commerce, l'arrêt retient que cette société ne peut se prévaloir, au titre de l'autorité de la chose jugée, de la décision d'admission de sa créance au passif privilégié de la société Catef, qui n'est pas opposable au bailleur, la société Stanislas, tiers à cette procédure d'admission.

9. En statuant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission des créances par le juge-commissaire s'étendant à la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est assortie, le bailleur qui, en s'abstenant d'exercer le recours prévu par la loi, a laissé l'admission à titre privilégié devenir irrévocable à son égard, ne peut plus invoquer, sur le fondement d'une cause antérieure à la décision d'admission, la nullité du nantissement du fonds de commerce pris par le créancier du preneur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge qu'au titre du prêt consenti à la société Catef pour la somme de 30 489,80 euros, la société Gelied ne dispose pas de la qualité de créancier nanti au sens de l'article L. 143-2 du code de commerce et déclare, en conséquence, irrecevable, pour défaut de qualité à agir, l'action de la société Gelied au titre de ses demandes indemnitaires afférentes au prêt consenti à la société Catef sur la somme de 30 489,80 euros et en ce qu'il statue sur les dépens et l'indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

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