Cass. 3e civ., 9 novembre 2011, n° 10-20.021
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gelied (SA)
Défendeur :
Catef
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
M. Fournier
Avocat général :
Me Gariazzo
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Le Bret-Desaché
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Gelied du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Catef ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 1er mars 2010), rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 12 juillet 2006, pourvoi n° 05-14.396), que la société Gelied, titulaire, à l'encontre de la société Catef, d'une créance garantie par un nantissement inscrit sur le fonds de commerce exploité par cette dernière société dans des locaux que lui avaient donné à bail les époux X..., reprochant à ceux-ci de s'être abstenus de lui notifier leur demande de résiliation du bail, les a assignés en paiement de dommages et intérêts ;
Attendu que la société Gelied fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce doit, si ce dernier est grevé d'inscriptions, notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, le jugement ne pouvant intervenir qu'un mois après cette notification ; que cette formalité substantielle s'imposant au bailleur à peine d'inopposabilité de la résiliation prononcée par le jugement, il ne peut être suppléé postérieurement à celui-ci au défaut de notification au créancier inscrit ; que le paiement ou l'offre émanant du créancier inscrit doit donc impérativement parvenir au bailleur dans le délai requis, c'est-à-dire dans le mois de la notification prévue à l'article L. 143-2 du code de commerce ; que ces dispositions ont pour but de protéger les créanciers inscrits en leur permettant d'intervenir pendant un délai d'un mois à compter de la notification qui leur est faite pour prendre toute mesure utile à la sauvegarde de leur gage ; qu'il s'ensuit que celui qui s'abstient de procéder à ladite notification commet une faute à l'égard du créancier inscrit et engage sa responsabilité à l'égard de ce dernier ; qu'en l'espèce, en décidant pourtant après avoir déclaré la résiliation du bail commercial de la société Catef inopposable de plein droit à la société Gelied du fait de l'absence de notification dans les conditions de l'article L. 143-2 du code de commerce, que la société Gelied, qui s'était vu signifier le 2 mai 1997 (soit plus de dix-huit mois après le délai requis de l'article L. 143-2) l'assignation et la copie du jugement du tribunal d'instance de Sarrebourg, avait pu intervenir aux côtés de la société Catef au cours de la procédure pendante devant la cour d'appel de Metz, qu'elle avait donc bénéficié d'un délai conséquent lui permettant de régler la dette locative aux lieu et place de la société Catef et en lui reprochant dès lors, pour la débouter de sa demande de dommages-intérêts, d'avoir fait le choix de s'abstenir de payer la créance locative qui s'élevait alors à la somme de 11 930,95 euros au risque de perdre la valeur d'une sureté qu'elle chiffrait à 269 050 euros et de s'abstenir pendant plus de six années de toute initiative visant à recouvrer sa créance à l'encontre de la société Catef in bonis, la cour d'appel, qui a constaté que le délai requis de l'article L. 143-2 n'avait pas été respecté par les époux X..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 143-2 du code de commerce, ensemble 1382 du code civil ;
2°/ qu'aux termes de l'article 2154 du code civil dans sa rédaction alors applicable devenu l'article 2434 du code civil, l'inscription conserve le privilège ou l'hypothèque jusqu'à la date que fixe le créancier en se conformant aux dispositions suivantes ( ) ; si l'échéance ou la dernière échéance est indéterminée ou si elle est antérieure ou concomitante à l'inscription la date extrême d'effet de cette inscription ne peut être postérieure de plus de dix ans au jour de la formalité ; qu'en l'espèce, l'inscription ayant été faite le 18 avril 1995, l'exigibilité de la dette du gage avait comme terme le 17 avril 2005 ; qu'en reprochant dès lors à la société Gelied d'avoir fait le choix de s'abstenir pendant plus de six années de toute initiative visant à recouvrer sa créance à l'encontre de la société Catef in bonis ou à faire vendre le fonds de commerce tout en constatant que la résiliation du bail était inopposable à la société Gelied du fait de l'absence de notification dans les conditions de l'article L. 143-2 du code de commerce par les époux X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ qu'en se bornant à énoncer que quatorze années après l'établissement de la reconnaissance et l'inscription de son nantissement, la société Gelied ne justifiait d'aucune tentative de recouvrement de sa créance à l'encontre de la société Catef ni d'aucune action en justice pour obtenir un titre exécutoire, et qu'elle affirmait sans en justifier que sa créance aurait été irrécouvrable dès l'origine et jusqu'à ce jour sans répondre aux conclusions de la société Gelied faisant valoir, d'une part, qu'il résultait des sommations de la société Gelied et des réponses de la société Catef que celle-ci n'avait jamais contesté devoir les montants réclamés mais réclamait des délais de paiement en raison notamment d'une dette fiscale de 2 516 293,04 francs faisant l'objet d'avis à tiers détenteurs et, d'autre part, que depuis 2003, la société Catef était sous le contrôle de la cellule de prévention des difficultés d'entreprise du tribunal de commerce de Paris de telle sorte que la seule chance de la société Gelied de procéder au recouvrement de sa créance était constituée par la réalisation de la sureté mise en place, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusion en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que celui qui s'abstient de procéder à la notification prévue à l'article L. 143-2 du code de commerce commet une faute à l'égard du créancier inscrit et engage sa responsabilité à l'égard de ce dernier ; que dès lors en se bornant à énoncer qu'il n'était pas justifié d'un préjudice moral subi du fait du caractère tardif de la notification tout en déclarant la résiliation du bail commercial inopposable à la société Gelied et en constatant ainsi la faute commise par les époux X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Gelied, qui avait bénéficié d'un délai conséquent pour payer la dette locative au lieu et place de la société Catef ou pour faire vendre le fonds de commerce et qui ne justifiait pas que sa créance était irrécouvrable dès l'origine, avait fait le choix de s'abstenir pendant plus de six années de toute initiative visant à recouvrer sa créance, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a pu en déduire que le préjudice né de la perte de sa sûreté résultait pour la créancière de son inertie et non de la notification tardive de l'assignation en résiliation du bail ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;