Cass. 3e civ., 12 avril 2018, n° 17-15.904
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
La Rose (SCI), X
Défendeur :
Y
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. Bureau
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Gadiou et Chevallier
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ la société La Rose, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
2°/ M. Lucien X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 8 février 2017 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige les opposant à M. Serge Y..., domicilié [...] , exerçant sous l'enseigne RS Multi services,
défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Bureau, conseiller rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bureau, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la SCI La Rose et de M. X..., de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. Y..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 février 2017), qu'un différend relatif à deux factures de travaux ayant opposé M. X... et la société civile immobilière La Rose (la SCI), maîtres d'ouvrage, à M. Y..., menuisier, celui-ci les a assignés en paiement ;
Sur les deux premiers moyens, ci-après annexés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen, qui est recevable :
Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt accueille intégralement les demandes de M. Y... présentées à titre principal et partiellement sa demande de dommages-intérêts présentée à titre subsidiaire ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCI La Rose et M. X..., in solidum, à payer à M. Y... la somme de deux mille euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 8 février 2017 par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Condamne la société civile immobilière La Rose et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la SCI La Rose et M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SCI La Rose à payer à M. Y... la somme de 29 641,12 euros, outre 2 000 euros à titre de dommages et intérêts
AUX MOTIFS QU'il est constant que M. Y... a
effectué différents travaux pour le compte de M. X... ou à sa demande pour le compte de la SCI La Fleur sur plusieurs chantiers dont le magasin exploité par l'intimé ; que la preuve étant libre en matière commerciale, il appartient à M. Y... de rapporter la preuve du contrat, de la réalité des travaux réalisés et leur coût dans la mesure où aucun devis n'avait été établi ; que la réalité des relations commerciales entre M. Y..., M. X... et la SCI La Rose est attestée par les nombreuses factures s'échelonnant au cours de l'année 2009, pour lesquelles ni M. X... ni la SCI La Rose n'ont émis de contestation quant à la réalité des commandes ; que celle-ci est également établie par les acomptes payés par M. X... à hauteur de 51 000 euros, et par un courrier de celui-ci du 7 janvier 2010 (postérieur aux factures litigieuses), demandant une modification des factures : « veuillez me faire parvenir dans les meilleurs délais toutes ses factures en bonne et due forme ainsi que la facture n° 2009019 qui est à refaire », sans contester à aucun moment la réalité des travaux, leur commande et leur exécution ; que M. Y... a également démontré la réalité de ces travaux par les commissions versées à M. X... pour 13 des factures de matériel, sur lesquels des montants ont été rétrocédées à son client sans que M. X... s'en explique ; que différentes factures d'achat de matériel et d'outillage, avec les indications correspondantes pour M. X... ont été également produites, qui corroborent les achats réalités par M. Y... pour ces chantiers ; qu'enfin, un expert privé M Z... a analysé les différentes factures de l'appelant, dont il a attesté de leur conformité par rapport aux prix et aux usages en vigueur ; que le fait que M. Y... ait du diminuer le montant d'une facture (n° 209050) ne peut être retenu, car M. Y... a justifié de l'application de remises consenties à son client ; que de son côté, M. X... s'est contenté de produire le rapport d'expertise privé établi à sa demande par un autre expert M. A... à qui il a montré les travaux et les factures de manière non contradictoire ; qu'aussi ce rapport ne peut-il être opposé à M. Y..., les deux rapport privés se neutralisant ; qu'en ce qui concerne la ventilation des travaux de menuiserie entre ceux réalisés pour la SCI La Rose et ceux réalisés pour M. X... à titre personnel, ils ressortent de la facture du 10 novembre 2009 intitulée « privé » pour 26 640,19 euros ; que M. X... reconnaît que les travaux ont été faits, non pas pour la SCI mais pour son propre domicile, tout en précisant qu'il n'était que locataire ; qu'il s'est néanmoins reconnu ainsi comme le donneur d'ordre, et rien n'interdit au locataire de commander des travaux pour le logement qu'il occupe, à charge de le faire en accord avec le propriétaire ; que le propriétaire étant en l'espèce une autre société de M. X..., la SCI LEL, il a nécessairement profité des travaux réalisés ; que l'attitude de M. X... dénote une mauvaise foi caractérisée qui a pénalisé M. Y..., trompé par son cocontractant ; que par ailleurs, l'absence de devis n'est pas un obstacle au paiement des travaux, dès lors qu'ils sont justifiés ; qu'en ce qui concerne les travaux commandés et réalisés pour la SCI La Rose, les contestations portent sur les prix unitaires pratiqués qui seraient supérieurs à ceux appliquées en 2008 pour des travaux similaires ; que la SCI n'a pas pour autant accepté de payer sur la base des prix antérieurs (sauf le paiement d'un acompte non affecté à des travaux déterminés) ni réclamé une expertise judiciaire, et elle a attendu d'être assignée pour contester les prix facturés ; que cette attitude dénote un comportement déloyal envers l'entrepreneur ; qu'il n'appartient pas à la cour, en l'absence d'expertise judiciaire sur les comptes entre les parties, de porter une appréciation technique sur les métrés, les coûts unitaires et la facturation finale, faute de disposer de critères de référence objectifs et de contestations précises et détaillées, pour chacun des postes, sur la consistance et l'importance des fournitures mises en oeuvre ; qu'il ne peut être non plus opposé à M. Y... le caractère imprécis et incomplet de certaines des factures au titre des travaux unitaires pratiqués, M. X... ayant lui-même commandé des travaux et payé un acompte sans remettre en cause les prix pratiqués ni la régularité des factures à leur réception, avant d'être poursuivi en paiement ; que M. X... ne justifie enfin d'aucune réclamant ni demande de détail sur les postes facturés pendant plusieurs mois, hormis la lettre évoquée plus haut demandant une réduction et une révision des factures ; que, de plus, les équipements mobiliers et les matériels et outillages mise en place ont été réceptionnés apparemment sans réserve justifiée de la part de la SCI La Rose ni de M. X... ; qu'enfin, M. X... a réglé un acompte de 51 000 euros sans justifier avoir préciser à M. Y... la ou les factures sur lesquelles il imputait ce règlement, manifestant une désinvolture critiquable ; qu'il a semble-t-il effectué ainsi le règlement qu'il estimait justifié sans explication, au mépris de la loyauté contractuelle ; que les factures établies font donc foi à l'encontre des intimés ; que la preuve est ainsi suffisamment rapportée de la créance de M. Y..., dont le seul tort a été de ne pas faire établir des devis, compte tenu des relations amicales existantes ; que les montants facturés sont dus par la SCI La Rose, à l'exception des travaux réalisés pour le compte de M. X... qui en sera tenu ; que compte tenu de l'ancienneté de la créance, il n'y a pas lieu de différer la solution du litige par une mesure d'expertise ;
ALORS QU'en présence d'un contrat d'entreprise, il appartient aux juges du fond de fixer la rémunération due à l'entrepreneur, compte tenu des éléments de la cause, au besoin au moyen d'une expertise ; qu'en refusant de déterminer elle-même si la rémunérations demandée par M. Y... étaient justifiée, motif pris qu'il ne lui appartiendrait pas, en l'absence d'expertise judiciaire, de « porter une appréciation sur les métrés, les coûts unitaires et la facturation finale, faute de disposer de critères de référence objectifs et de contestations précises et détaillées » la cour d'appel a violé l'article 1787 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à M. Y... la sommes de 26 640,19 euros, outre 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,
AUX MOTIFS QU'il est constant que M. Y... a effectué différents travaux pour le compte de M. X... ou à sa demande pour le compte de la SCI La Fleur sur plusieurs chantiers dont le magasin exploité par l'intimé ; que la preuve étant libre en matière commerciale, il appartient à M. Y... de rapporter la preuve du contrat, de la réalité des travaux réalisés et leur coût dans la mesure où aucun devis n'avait été établi ; que la réalité des relations commerciales entre M. Y..., M. X... et la SCI La Rose est attestée par les nombreuses factures s'échelonnant au cours de l'année 2009, pour lesquelles ni M. X... ni la SCI La Rose n'ont émis de contestation quant à la réalité des commandes ; que celle-ci est également établie par les acomptes payés par M. X... à hauteur de 51 000 euros, et par un courrier de celui-ci du 7 janvier 2010 (postérieur aux factures litigieuses), demandant une modification des factures : « veuillez me faire parvenir dans les meilleurs délais toutes ses factures en bonne et due forme ainsi que la facture n° 2009019 qui est à refaire », sans contester à aucun moment la réalité des travaux, leur commande et leur exécution ; que M. Y... a également démontré la réalité de ces travaux par les commissions versées à M. X... pour 13 des factures de matériel, sur lesquels des montants ont été rétrocédées à son client sans que M. X... s'en explique ; que différentes factures d'achat de matériel et d'outillage, avec les indications correspondantes pour M. X... ont été également produites, qui corroborent les achats réalités par M. Y... pour ces chantiers ; qu'en ce qui concerne la ventilation des travaux de menuiserie entre ceux réalisés pour la SCI La Rose et ceux réalisés pour M. X... à titre personnel, ils ressortent de la facture du 10 novembre 2009 intitulée « privé » pour 26 640,19 euros ; que M. X... reconnaît que les travaux ont été faits, non pas pour la SCI mais pour son propre domicile, tout en précisant qu'il n'était que locataire ; qu'il s'est néanmoins reconnu ainsi comme le donneur d'ordre, et rien n'interdit au locataire de commander des travaux pour le logement qu'il occupe, à charge de le faire en accord avec le propriétaire ; que le propriétaire étant en l'espèce une autre société de M. X..., la SCI LEL, il a nécessairement profité des travaux réalisés ; que l'attitude de M. X... dénote une mauvaise foi caractérisée qui a pénalisé M. Y..., trompé par son cocontractant ; que par ailleurs, l'absence de devis n'est pas un obstacle au paiement des travaux, dès lors qu'ils sont justifiés ; ;
ALORS QUE dans un acte mixte, les règles de la preuve du droit civil s'appliquent envers la partie pour laquelle il est de caractère civil ; qu'en faisant application des règles probatoires propres aux relations commerciales s'agissant des travaux mis à la charge de M. X... tout en relevant que ceux-ci avaient été réalisés à son domicile et lui auraient profité à titre personnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1353 (anciennement 1315) 1359 code civil (anciennement 1341) du code civil, ensemble l'article L. 110-3 du code de commerce ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI La Rose et M. X..., in solidum, à payer à M. Y... la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,
AUX MOTIFS QUE des dommages et intérêts répareront le préjudice commercial subi du fait de la confusion entretenue par M. X... entre les travaux réalisés pour lui-même et ceux faits pour la SCI La Rose ; qu'ils seront limités, compte tenu de l'amateurisme dont M. Y... qui a réalisé des travaux nombreux, sans faire de devis préalables, et sans s'assurer du règlement d'acomptes au fur et à mesure de ses travaux ;
ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'énoncées dans le dispositif de leurs conclusions ; que modifie l'objet du litige la cour d'appel qui statue sur une prétention présentée à titre subsidiaire, dans l'hypothèse du rejet de la demande principale, bien qu'elle ait fait droit à celle-ci ; qu'en faisant droit tant aux conclusions principales de M. Y... sollicitant la condamnation de la SCI La Rose à lui verser la somme de 29 641,12 euros et la condamnation de M. X... à lui verser la somme de 26 640,19 euros qu'à ses conclusions subsidiaires tendant à la condamnation de la SCI La Rose et M. X... à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts la cour a modifié les termes du litige et violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile.