CA Dijon, 10 mars 2020
DIJON
Arrêt
Autre
Faits, Procédure et Prétentions des Parties:
Au cours de l’année 2004, Monsieur F[...] E[...] a confié à la SARL Develet Frères la construction
d’un bâtiment à usage de stabulation sur un terrain lui appartenant à Sommant dont la couverture devait être constituée de plaques de fibre ciment.
L’ouvrage commandé a été facturé le 15 décembre 2004 pour un prix de 85 653,93 euros,
intégralement réglé.
Par courrier du 8 septembre 2014, Monsieur F[...] E[...] a informé la SARL Develet Frères que
de nombreuses plaques de la toiture étaient fendues et que toutes les tôles se soulevaient
aux jonctions, en lui demandant d’intervenir.
Il a fait constater les désordres par Maître A[...], huissier de justice à Autun, les 14 février 2014
et 3 novembre 2014.
Ses démarches amiables n’ayant pas abouti, il a saisi le juge des référés du Tribunal de Grande
Instance de Chalon sur Saône d’une demande d’expertise, par acte du 9 décembre 2014, et,
après mise en cause de la société BMRA Point P, fournisseur des plaques de fibre ciment, le
juge des référés a désigné Monsieur B[...] en qualité d’expert, par ordonnance du 23 février
2015.
Cette ordonnance a été déclarée commune à la société Edilfibro SpA, fabricant des plaques,
par ordonnance du 31 juillet 2015.
L’expert a déposé son rapport le 8 décembre 2015, concluant à l’existence d’un vice du matériau qui a pour conséquence un défaut général d’étanchéité de la toiture, rendant l’ouvrage
impropre à sa destination.
Par exploit du 16 février 2016, Monsieur F[...] E[...] a assigné la SARL Develet Frères devant le
Tribunal de Grande Instance de Chalon sur Saône, sur le fondement des articles 1792 et 1641
du Code Civil, afin d’obtenir sa condamnation à lui payer, sous le bénéfice de l’exécution provisoire:
- la somme de 62 784 euros TTC au titre des travaux de reprise, subsidiairement, la somme
de 12 000 euros TTC, avec indexation sur l’indice du coût de la construction à compter du
dépôt du rapport d’expertise et jusqu’au jugement,
- la somme de 19 200 euros arrêtée au 31 décembre 2015 en réparation de son préjudice
de jouissance et d’exploitation, outre une indemnité mensuelle de 200 euros à compter
du 1er janvier 2016 et jusqu’à réparation des désordres,
- une indemnité de procédure de 3 000 euros.
Dans ses dernières écritures saisissant le Tribunal, le demandeur a maintenu l’ensemble de
ses prétentions en portant à 24 000 euros la somme réclamée au titre du trouble de jouissance
et d’exploitation, arrêtée au 31 décembre 2016, outre une indemnité mensuelle de 200 euros
à compter du 1er janvier 2017 et jusqu’à réparation des désordres.
Il se fondait sur les conclusions de l’expert qui ont permis de confirmer les désordres allégués
et de les imputer à un vice des matériaux mais également de retenir leur nature décennale
dès lors qu’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination.
Il en déduisait que la société Develet Frères était responsable de plein droit des conséquences
du vice de fabrication.
Il contestait en revanche le partage de responsabilité retenu par l’expert, estimant n’avoir
aucune part de responsabilité dans la survenance des désordres, n’étant pas intervenu sur la
ventilation du bâtiment, tout comme il contestait les préconisations de Monsieur B[...] pour
remédier aux désordres, estimant que seul le remplacement de l’ensemble des plaques de
fibre ciment était de nature à remettre en état la couverture.
Par acte des 1er et 7 juillet 2016, la société Develet Frères a appelé en cause la société BMRA
Point P et la société Edilfibro SpA, afin de les voir condamner à la garantir, sur le fondement
des articles 1641 et subsidiairement 1147 et 1382 du Code Civil, de toutes les condamnations
qui pourraient intervenir à son encontre à la demande de Monsieur F[...] E[...].
Les deux procédures ont été jointes à l’instance principale par ordonnance rendue le 26 août
2016 par le juge de la mise en état.
La SARL Develet Frères a conclu au rejet des réclamations du maître de l’ouvrage, faisant valoir
que l’expertise a démontré que les plaques de fibre ciment présentaient un vice de fabrication
et que leur pose n’était pas en cause, et considérant que, si l’expert a retenu sa responsabilité
à hauteur de 20% dans les désordres au motif que certaines tôles avaient pu être choquées
lors de leur mise en place, il s’agissait de suppositions non démontrées.
Elle a relevé que l’expert avait conclu à l’absence de préjudice financier, moral ou de jouissance subi par Monsieur E[...], le bâtiment ayant toujours été exploité, et que la demande de
ce dernier aux fins de remplacement de l’ensemble des tôles n’était pas fondée, au regard des
conclusions de l’expert qui a constaté que seules 150 tôles étaient affectées de désordres.
A titre subsidiaire, elle a sollicité la garantie de la société BMRA Point qui lui a vendu les tôles
et de la société Edilfibro SpA qui les a fabriquées, et, pour répondre à la fin de non recevoir
tirée de la prescription de son appel en garantie, elle a soutenu que le délai de prescription ne
courait qu’à compter du dépôt du rapport d’expertise qui a révélé l’existence du vice.
A titre très subsidiaire, elle a conclu à la limitation de sa responsabilité à 20% du montant des
travaux de reprise évalués à 12 000 euros.
En tout état de cause, elle a sollicité l’allocation d’une indemnité de procédure de 2 500 euros.
La société BMRA Point, venant aux droits de la société Dubois Matériaux, a excipé de l’irrecevabilité de l’action de la société Develet Frères, pour cause de prescription au visa de l’article L110-4 du Code de Commerce, et à sa condamnation au paiement d’une indemnité de
procédure de 8 000 euros.
Elle a conclu, à titre subsidiaire, à la limitation de l’indemnité allouée au maître de l’ouvrage
au titre de la reprise des désordres à la somme de 12 000 euros et de sa responsabilité à 70%
de cette somme, ainsi qu’au rejet de la demande formée au titre du préjudice d’exploitation.
Elle a enfin demandé que la société Edilfibro SpA soit condamnée à la garantir des condamnations qui seront prononcées à son encontre, sur le fondement des articles 1134 et 1641 du
Code Civil, et à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros.
Elle a fait valoir que la société Develet Frères l’a appelée en cause le 22 décembre 2014, plus
de dix ans après l’acquisition du matériau litigieux, en précisant que, si l’action en garantie des
vices cachés est une garantie autonome, les actions contre le vendeur doivent être intentées,
quelque soit leur fondement, à l’intérieur du délai de 5 ans défini par l’article L110-4 du Code
de Commerce qui court à compter de la livraison.
Elle a considéré que la demande de Monsieur E[...] aux fins de réfection totale de la couverture
n’était pas fondée au regard des conclusions de l’expert et que sa demande d’indemnisation
d’un prétendu préjudice d’exploitation n’était justifiée ni dans son principe, ni dans son quantum.
Elle a approuvé le partage de responsabilité retenu par Monsieur B[...] et a soutenu que la
société Edilfibro SpA lui devait sa garantie dans la mesure où l’expert a conclu à un vice du
matériau.
La société Edilfibro SpA a conclu au rejet de l’appel en garantie de la société Develet Frères,
au visa de l’article 4 de la Convention de Vienne et de l’article 1199 du Code Civil, faisant valoir
que cette dernière ne dispose d’aucune action directe à son encontre, tant sur le plan contractuel que délictuel, n’ayant de compte à rendre qu’à son cocontractant.
Elle a également conclu à la prescription de l’action formée par la société Develet Frères
contre la société BMRA Point, au visa de l’article L110-4 du Code de Commerce.
A titre infiniment subsidiaire, elle a conclu au rejet des demandes de la société BMRA Point
aux motifs que cette dernière ne démontre pas qu’elle lui doit sa garantie, faute de prouver
la date de réception des matériaux en magasin, et que le rapport d’expertise échoue à démontrer un quelconque vice du matériau, en l’absence d’analyse relevant des protocoles de
test répondant à la norme EN 494.
Elle a enfin sollicité l’allocation d’une indemnité de procédure de 3 000 euros.
Par jugement du 24 avril 2018, le Tribunal de Grande Instance de Chalon sur Saône a:
- déclaré irrecevable et rejeté l’action introduite sur le fondement de la garantie des vices
cachés par la SARL Develet Frères à l’encontre de la société Edilfibro SpA,
- condamné la SARL Develet Frères à verser à Monsieur F[...] E[...] la somme de 10 000 euros
HT au titre des travaux de reprise,
- condamné la SARL Develet Frères à verser à Monsieur F[...] E[...] la somme de 2 000 euros
au titre de son préjudice de jouissance,
- condamné la société BMRA Point-P à garantir intégralement la SARL Develet Frères des
condamnations prononcées à son encontre tant en principal qu’au titre des frais irrépétibles et des dépens dans le cadre de la présente instance,
- condamné la société Edilfibro SpA à garantir intégralement la société BMRA Point-P des
condamnations prononcées à son encontre tant en principal qu’au titre des frais irrépétibles et des dépens dans le cadre de la présente instance,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la SARL Develet Frères à payer à Monsieur F[...] E[...] la somme de 1 800 euros
au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Develet Frères aux dépens, qui comprendront les frais de l’expertise
judiciaire,
- ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
Après avoir relevé que les opérations d’expertise ont confirmé l’existence de désordres affectant la couverture et rendant l’ouvrage impropre à sa destination puisque le clos-couvert n’est
plus assuré, le Tribunal a retenu que ces désordres engagent la responsabilité décennale de la
société Develet Frères, constructeur de l’ouvrage.
Il n’a retenu aucune responsabilité du maître de l’ouvrage dans la survenance des désordres
en considérant que les contraintes de ventilation du bâtiment destiné à l’élevage de bovins
devaient être intégrées par le constructeur et ne pouvaient pas reposer sur le maître de l’ouvrage.
Sur la réparation des préjudices, le Tribunal a retenu les préconisations de l’expert et son évaluation des travaux de reprise, en relevant que le rapport d’expertise avait été déposé le 8 décembre 2015 et que Monsieur E[...] ne justifiait pas que, depuis cette date, les désordres
avaient évolué différemment des prévisions de Monsieur B[...].
Il a relevé qu’il n’était produit aucune pièce justificative du préjudice d’exploitation allégué
mais il a en revanche considéré que le maître de l’ouvrage, dont le bâtiment était exposé à
des infiltrations, n’avait pas pu exploiter celui-ci normalement depuis plusieurs années, ce qui
était constitutif d’un préjudice de jouissance.
Il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par la société BMRA Point P,
considérant que, s’agissant d’une action récursoire en garantie des vices cachés, l’entrepreneur ne pouvait pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d’avoir été lui-même assigné
par le maître de l’ouvrage, de sorte que le point de départ du bref délai défini par l’article 1648
du Code Civil n’était pas constitué par la date de la livraison de la chose mais par la date de
l’assignation de la société Develet Frères, le délai décennal de l’article L110-4 du Code de Commerce étant suspendu jusqu’à ce que la responsabilité de cette dernière soit recherchée.
Il a ensuite considéré que l’expertise démontrait que les désordres affectant la couverture du
bâtiment construit par la société Develet Frères étaient imputables à un vice de fabrication
des tôles la constituant, remplissant les conditions de l’article 1641 du Code Civil, et que le
constructeur était ainsi fondé à solliciter la garantie de son vendeur, en écartant le partage de
responsabilité proposé par l’expert au motif que l’affirmation de celui-ci, selon laquelle certaines plaques pouvaient avoir été choquées lors de la mise en œuvre par l’entreprise, n’était
corroborée par aucun élément probant, en relevant que les tôles inutilisées stockées sur une
palette depuis la construction du bâtiment présentaient les mêmes vices que celles mises en
place en toiture et que l’expert n’avait par ailleurs relevé aucune faute imputable au constructeur dans la réalisation de l’ouvrage.
S’agissant de l’appel en garantie formé par le constructeur contre le fabricant des plaques, les
premiers juges ont considéré que la société Edilfibro SpA était fondée à invoquer les dispositions de la Convention de Vienne et notamment son article 4 qui exclut que le fabricant puisse
être tenu d’une obligation contractuelle à l’égard de quelqu’un d’autre que son propre acquéreur, et ils ont par ailleurs retenu que la société Develet Frères ne pouvait pas agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l’encontre de cette société, l’action directe du sous
acquéreur contre le fabricant pour la garantie des vices cachés de la chose vendue étant nécessairement contractuelle.
Enfin, sur l’appel en garantie dirigé par le vendeur contre le fabricant, le Tribunal, après avoir
écarté la prescription opposée par la société Edilfibro SpA, a retenu que l’expertise démontrait
suffisamment que les plaques litigieuses présentaient un défaut de fabrication, relevant que
dans son dire à l’expert, la société fabriquante n’avait pas sollicité d’analyse complémentaire
des tôles.
Monsieur E[...] a régulièrement relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe
le 29 mai 2018, intimant la SARL Develet Frères.
La SARL Develet Frères a relevé appel du jugement, par déclaration reçue au greffe le 12 juillet
2018, en intimant l’ensemble des parties au procès de première instance.
La SAS BMRA Point P a relevé appel du jugement, par déclaration reçue au greffe le 31 juillet
2018, en intimant l’ensemble des parties au procès de première instance.
La société Edilfibro SpA a également relevé appel du jugement, par déclarations reçues au
greffe les 26 et 30 novembre 2018, en intimant l’ensemble des parties au procès de première
instance.
Les déclarations d’appel ont été jointes par ordonnances du magistrat chargé de la mise en
état rendues les 24 juillet, 25 septembre 2018 et 11 avril 2019.
Par ses dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2018, Monsieur E[...] demande à la
cour de:
- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Chalon sur Saône le
24 avril 2018,
Et statuant à nouveau,
- condamner la SARL Develet Frères à lui verser la somme de 62 784 euros T.T.C au titre des
travaux de reprise avec indexation sur l’indice du coût de la construction à compter du
8 septembre 2015 et jusqu’à l’arrêt à intervenir,
- condamner la SARL Develet Frères à lui verser la somme de 26 400 euros au titre de son
préjudice d’exploitation et de jouissance, somme arrêtée au 31 décembre 2017, outre une
indemnité mensuelle de 200 euros à compter du 1er janvier 2018 et jusqu’à l’arrêt à intervenir,
- condamner la SARL Develet Frères à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de ses frais
irrépétibles en première instance.
- condamner la SARL Develet Frères à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de ses
frais irrépétibles en appel,
- condamner la SARL Develet Frères aux dépens de première instance et d’appel incluant
les frais d’expertise judiciaire.
Par conclusions notifiées le 20 mai 2019, la SARL Develet Frères demande à la Cour de:
- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Chalon sur Saône le
24 avril 2018 en ce qu’il a:
- déclaré irrecevable et rejeté l’action qu’elle a introduite à l’encontre de la société Edilfibro,
- l’a condamnée à verser à Monsieur F[...] E[...] la somme de 10 000 euros au titre des travaux de reprise et celle de 2 000 euros au titre de son préjudice de jouissance, la somme
de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
Statuant à nouveau,
- débouter Monsieur F[...] E[...] de toutes demandes formées à son encontre,
Subsidiairement,
- dire et juger que sa responsabilité à l’égard de Monsieur F[...] E[...] sera limitée à 20% du
montant des condamnations prononcées,
- condamner la société BMRA Point P et la société Edilfibro SpA à la relever et garantir de
toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, respectivement sur le
fondement de l’article 1641 du Code Civil et de l’ancien article 1382 du Code Civil,
- débouter Monsieur E[...], la société BMRA Point P, et la société Edilfibro SpA de toute demande formée à son encontre,
- condamner in solidum la société BMRA Point P, la société Edilfibro SpA et Monsieur F[...]
E[...], ou qui d’entre eux le mieux devra, à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de
l’article 700 du code de procédure civile en première instance et encore celle de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel,
- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise
judiciaire.
Par écritures notifiées le 26 décembre 2018, la société BMRA Point P demande à la Cour de:
Avant tout débat au fond,
- réformer le jugement du 24 avril 2018 en ce qu’il a retenu que l’action de la société Develet
Frères à son encontre est recevable,
Statuant à nouveau,
- constater la prescription extinctive à son profit, au visa des dispositions de l’article L 110-
4 du Code de Commerce,
- direr et juger irrecevable l’action diligentée par la société Develet Frères à son encontre et
la débouter de l’ensemble de ses demandes,
- prononcer sa mise hors de cause,
- condamner la SARL Develet Frères à lui payer une somme de 10 000 euros en application
de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Develet Frères aux entiers dépens,
A titre infiniment subsidiaire,
- constater que Monsieur E[...] ne lui réclame rien dans ses conclusions d’appel,
- dire et juger que le montant des sommes allouées à Monsieur E[...] ne pourrait en tout
état de cause pas excéder la somme de 12 000 euros TTC correspondant au montant des
travaux de reprise tel qu’estimé par l’expert et confirmer le jugement sur ce point,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que sa responsabilité ne pourrait être retenue qu’à hauteur de 70% du montant des travaux de reprise soit 8 400 euros TTC,
- débouter Monsieur E[...] de sa demande de dommages-intérêts au titre d’un prétendu
préjudice d’exploitation,
En tous les cas,
- confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit à son action récursoire à l’encontre de la
société Edilfibro,
- dire et juger, au visa des articles 1134 et 1641 et suivants du Code Civil, qu’en cas de condamnation de la concluante, la société Edilfibro serait alors condamnée à la relever et garantir de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre tant en principal
qu’en frais et dépens,
- condamner la société Edilfibro ou qui mieux le devra à lui payer une somme de 5 000 euros
en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Edilfibro ou qui mieux le devra en tous les dépens.
Par écritures notifiées le 26 avril 2019, la société SpA Edilfibro demande à la Cour de:
- infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à garantir la société BMRA
Point P en:
- disant et jugeant que Monsieur E[...] ne rapporte pas la preuve de la validité de la garantie décennale que lui doit la société Develet Frères, celui ci ayant pris possession de
l’ouvrage le 1er décembre 2004 selon ses dires lors des opérations expertales et n’ayant
assigné son constructeur que le 9 décembre 2014,
- disant et jugeant, qu’au visa de l’article 1641 du Code Civil, l’action de Monsieur E[...]
à l’égard de la société Develet Frères est prescrite, celle ci n’étant pas intervenue avant
le 19 juin 2013 date butoir d’action des anciennes livraisons intervenues avant les nouvelles règles de prescriptions issues de la loi du 17 juin 2008 modifiant les délais d’action de l’article L 110-4 du Code de Commerce,
- disant et jugeant que pareille prescription rend les actions récursoires des sociétés
Develet Frères et BMRA Point P sans objet à son égard,
- disant et jugeant, qu’au visa de l’article 4 de la Convention de Vienne et de l’article 1199 du Code Civil (ex article 1165), la société Develet Frères ne dispose d’aucune
action directe contre elle, que ce soit au plan contractuel ou au plan délictuel, n’ayant
de compte à rendre qu’à l’égard de son cocontractant la société BMRA Point P,
- disant et jugeant, qu’en tout état de cause, le recours de la société Develet Frères à
l’égard de la société BMRA Point P est prescrit au visa des dispositions de l’article L110-
4 du Code de Commerce ancienne et nouvelle rédaction, les livraisons étant intervenues le 20 octobre 2004 et celles de la société Edilfibro à BMRA en juillet 2004, soit
plus de 10 ans avant leur mise en cause respective par la SARL Develet Frères,
En conséquence,
- dire et juger que la demande de relevé indemne de la société BMRA Point P à son égard
est, par le fait, sans objet,
A titre infiniment subsidiaire, vu l’article 2243 du Code Civil et l’article 9 du code de procédure
civile,
- dire et juger irrecevable l’action récursoire de la société BMRA Point P à son égard, l’action
de la SARL Develet Frères, servant de base à l’action récursoire de la société BMRA, étant
elle même irrecevable à son égard,
- dire et juger que la société BMRA Point P ne rapporte aucunement la preuve qu’elle lui
doit sa garantie contractuelle, celle ci étant incapable de prouver la date de réception des
matériaux en ses magasins, celle ci ne pouvant de surcroît en vertu de la Convention de
Vienne arguer de son impossibilité à agir avant qu’elle ne fut elle même assignée, sa
garantie contractuelle étant objectivement expirée au moment de sa mise en cause pour
la première fois en référé,
- dire et juger que la société Develet Frères et/ou le maître d’ouvrage ont, par leur
méconnaissance ou ignorance des conditions de pose et d’utilisation des matériaux
vilipendés, contribué à la survenance des désordres allégués du fait de l’absence manifeste
de ventilation de la couverture ainsi que le prévoit les DTU, repris par la Documentation
Technique des Plaques Ondulées (DTPO) qu’elle a éditée, laquelle est filmée avec toute
palette de livraison dudit matériau,
- dire et juger, qu’en tout état de cause, le rapport de Monsieur B[...] ne peut servir de base
à l’établissement d’une quelconque responsabilité de sa part, celui ci s’étant fié à son «intime conviction» sans sacrifier aux protocoles de tests limitativement et précisément prévus par la norme EN 494 auxquels sont assujettis ses produits, la norme de leur fabrication
étant le seul élément opposable au fabricant et alors que les conditions d’utilisation du
matériau sont en l’espèce opposables au maître d’ouvrage et/ou au locateur d’ouvrage,
- condamner telle partie qui succombera dans son action aux entiers dépens outre une
somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 3 octobre 2019.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour un plus ample
exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
Sur ce
Sur la responsabilité décennale de la SARL Develet Frères
Attendu que Monsieur E[...] rappelle qu’il est lié à la société Develet Frères par un contrat de
louage d’ouvrage, que le bâtiment construit n’a pas fait l’objet d’une réception expresse mais
que sa réception tacite résulte de la prise de possession de l’ouvrage et du paiement de la
facture;
Que, sur la prescription de son action en garantie décennale soulevée pour la première fois
en cause d’appel par la société Edilfibro, au motif qu’il a assigné le constructeur le 9 décembre
2014 alors que le délai décennal était expiré dès lors que la prise de possession de l’ouvrage
était intervenue le 1er décembre 2004, l’appelant relève qu’il n’est pas démontré que la réception tacite a eu lieu le 1er décembre 2004, l’expert mentionnant que la prise de possession
est intervenue en décembre 2004 et la facture du locateur d’ouvrage étant datée du 15 décembre 2004, ce qui doit conduire à fixer la réception à cette dernière date;
Que pour mettre en œuvre la garantie décennale, le maître de l’ouvrage se fonde sur les conclusions de l’expert qui retient que les désordres affectant la couverture, qu’il a pu constater,
sont de nature décennale;
Attendu que la SARL Develet Frères qui conclut au débouté des demandes du maître de l’ouvrage fait valoir que les plaques de fibre ciment présentent un vice de fabrication ainsi que l’a
retenu l’expert, selon lequel la pose des plaques litigieuses n’est pas en cause;
Qu’elle reproche à Monsieur B[...] d’avoir retenu sa responsabilité à hauteur de 20% au motif
que les plaques ont pu être choquées lors de leur mise en œuvre par le locateur d’ouvrage, ce
qui relève d’une pure supposition et non d’une démonstration;
Qu’elle considère que le défaut de fabrication est seul à l’origine des désordres puisque les
tôles stockées présentent les mêmes défauts et qu’il s’agit d’un sinistre sériel;
Attendu qu’aucune des pièces produites par la société Edilfibro SpA n’établit que la réception
tacite de l’ouvrage a eu lieu le 1er décembre 2004, alors que la facture du constructeur est
datée du 15 décembre 2004, qu’elle a été payée le 24 décembre 2004 et que l’expert a indiqué
que la prise de possession des lieux s’était faite en décembre 2004, de sorte que l’assignation
en référé du 9 décembre 2014 a valablement interrompu le délai de prescription décennale
et que l’ordonnance de référé l’a suspendu jusqu’au dépôt du rapport de l’expert le 8 décembre 2015, l’action en garantie décennale initiée le 16 février 2016 étant ainsi recevable;
Attendu que, comme l’a justement relevé le premier juge, l’expert a constaté que les
désordres dénoncés par Monsieur E[...] existent, un certain nombre de tôles étant fissuré,
qu’il en résulte un défaut général de l’étanchéité de la toiture, donc de sa fonction première
qui est d’assurer l’étanchéité, et que les désordres rendent ainsi l’ouvrage impropre à sa
destination;
Que le Tribunal a donc considéré à bon droit que les désordres affectant l’ouvrage étaient de
nature décennale et qu’ils engageaient la responsabilité de la SARL Develet Frères sur le
fondement de l’article 1792 du Code Civil, aucun des arguments invoqués par le constructeur
ne constituant une cause d’exonération de sa responsabilité;
Qu’il a donc été exactement jugé que la SARL Develet Frères était tenue d’indemniser
intégralement les conséquences dommageables des désordres, sans qu’il y ait lieu de laisser
à la charge de Monsieur E[...] une quelconque part de responsabilité au titre de l’insuffisance
de ventilation du bâtiment de stabulation, dès lors que les contraintes de ventilation devaient
être intégrées par le locateur d’ouvrage pour la construction de ce bâtiment destiné à
l’élevage de bovins;
Sur l’indemnisation des préjudices du maître de l’ouvrage
Sur la remise en état de la couverture
Attendu que Monsieur E[...] prétend que l’ensemble des tôles livrées est affecté d’un défaut
de fabrication et qu’il s’agit d’un vice intrinsèque qui concerne toutes les plaques et pas seulement celles dont les fissures sont visibles à l’œil nu, faisant valoir que l’expert a conclu que
les tôles pouvaient être fissurées sans que cela se voit;
Qu’il ajoute que l’état des plaques s’est aggravé, ce qu’il démontre au moyen d’un procèsverbal de constat établi le 13 juin 2018 qui révèle que la totalité des tôles présente des
fissures;
Qu’il sollicite ainsi l’indemnisation du coût de la remise en état de la couverture sur la base du
devis établi par la société Develet Frères le 8 septembre 2015, et, subsidiairement, sur la base
du devis actualisé le 30 mai 2018;
Attendu que la SARL Develet Frères estime que l’indemnisation ne doit porter que sur le remplacement des 150 plaques de fibre ciment dont l’expert a constaté la fissuration et non sur
celui de l’intégralité des tôles, comme l’a justement retenu le Tribunal, en soulignant qu’il est
peu probable que la totalité des tôles se dégrade pendant le délai de dix ans alors que le maître
de l’ouvrage a assigné la veille de l’expiration de la garantie décennale;
Attendu que l’expert a bien préconisé la dépose et le remplacement de 150 à 200 tôles en
expliquant que, s’il a pu évaluer de visu que 70 à 80 tôles étaient fissurées, ce nombre était
imprécis et qu’il était certain que d’autres tôles l’étaient, sans que la fissure ne soit ouverte et
clairement apparente au jour de l’expertise, et qu’il pouvait raisonnablement évaluer à 150 à
200 le nombre de tôles affectées par le phénomène;
Que le procès-verbal de constat établi le 13 juin 2018 par Maître A[...], huissier de justice à
Autun, révèle que la totalité des plaques de fibrociment sur les bordures droite et gauche du
bâtiment présente des fissures ou des microfissures ou des amorces de fissures, certaines
plaques présentant des cassures et la situation étant généralisée sur tout le versant de toiture
visible;
Que ces constatations ne suffisent pas à démontrer que l’ensemble de la couverture est
affecté par le phénomène de fissuration, n’ayant porté que sur les bordures sans préciser le
nombre de plaques concernées, alors que l’huissier indique par ailleurs que l’état intérieur du
bâtiment présente une situation identique à celle des précédents constats, avec une
aggravation des fissures ou cassures;
Que cet élément de preuve ne permet donc pas de contredire utilement les conclusions de
l’expert évaluant entre 150 et 200 le nombre de tôles à remplacer et à 10 000 euros HT le coût
du remplacement;
Que le jugement mérite dès lors confirmation en ce qu’il a condamné la SARL Develet Frères
à payer à Monsieur E[...] la somme de 10 000 euros HT, soit 12 000 euros TTC, sauf à préciser
que l’indemnité allouée sera indexée sur l’indice du coût de la construction du second semestre 2015 jusqu’à la présente décision;
Sur le préjudice de jouissance
Attendu que Monsieur E[...] maintient qu’il subit d’un préjudice de jouissance indiscutable
dans la mesure où la stabulation à l’intérieur de laquelle sont stockés non seulement du bétail
mais également du matériel et du fourrage fait régulièrement l’objet d’infiltrations en toiture;
Qu’il fait grief au Tribunal d’avoir limité à 2 000 euros le montant de son indemnisation alors
qu’il a reconnu qu’il ne pouvait pas jouir d’une exploitation normale du bâtiment depuis plusieurs années en raison des infiltrations et qu’il subira également un préjudice de jouissance
durant la réalisation des travaux de remise en état;
Qu’il estime que son préjudice d’exploitation et de jouissance doit être évalué à 200 euros par
mois depuis 2007;
Attendu que la SARL Develet Frères estime que l’appelant ne justifie d’aucun préjudice financier et s’oppose à une indemnisation d’un préjudice de jouissance depuis 2007 alors que le
juge des référés n’a été saisi qu’en décembre 2014;
Attendu que le préjudice d’exploitation dont Monsieur E[...] sollicite l’indemnisation n’est justifié par aucune pièce probante, étant observé que l’expert a relevé que le bâtiment avait
toujours été exploité, en dépit des désordres;
Qu’en ce qui concerne le préjudice de jouissance de Monsieur E[...] lié aux désagréments résultant des infiltrations en période de pluie, qui ont nécessairement gêné l’exploitation du
bâtiment, mais également lié à la remise en état de la toiture, le Tribunal l’a justement indemnisé en allouant au maître de l’ouvrage une somme de 2 000 euros à titre de dommagesintérêts et le jugement mérite également confirmation sur ce point;
Sur la garantie de la société BMRA Point P
Attendu, qu’à titre subsidiaire, la société Develet Frères agit en garantie contre le fournisseur
des plaques de fibre ciment, la société BMRA Point P, sur le fondement de l’article 1641 du
Code Civil, et approuve le Tribunal d’avoir écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription
que lui oppose cette dernière, au motif que le point de départ du délai de l’article 1648 du
Code Civil est constitué non par la livraison de la chose mais par la date à laquelle sa responsabilité a été recherchée par le maître de l’ouvrage, s’agissant d’une action récursoire;
Qu’elle précise qu’elle a assigné son fournisseur le 22 décembre 2014 alors qu’elle avait ellemême été assignée le 9 décembre 2014;
Attendu que l’appelée en garantie prétend que l’action dirigée à son encontre par la société
Develet Frères est irrecevable pour cause de prescription, cette dernière ayant acquis les
matériaux litigieux le 20 octobre 2004 et l’ayant assignée plus de dix ans après la livraison;
Qu’elle estime que c’est à tort que la société Develet Frères soutient que le délai de
prescription court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaître les
faits lui permettant d’exercer son action, alors que le point de départ du délai de prescription
est la date de la livraison dans ses rapports avec son vendeur;
Qu’elle affirme que la garantie des vices cachés est une garantie autonome qui doit être
exercée à l’intérieur du délai de l’article L110-4 du Code de Commerce et que l’assignation du
constructeur par le maître de l’ouvrage ne peut avoir pour effet de proroger le point de départ
du délai de prescription de l’action en garantie du locateur d’ouvrage contre son fournisseur;
Mais attendu que, s’agissant d’une action récursoire, le délai dont dispose l’entrepreneur pour
agir en garantie des vices cachés à l’encontre du fabricant en application de l’article 1648 du
Code Civil court à compter de la date de l’assignation délivrée contre lui, le délai décennal de
l’article L 110-4 du Code de Commerce étant suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été
recherchée par le maître de l’ouvrage;
Que la société Develet Frères ayant été assignée le 9 décembre 2014 par Monsieur E[...], la
prescription biennale de l’article 1648 du Code Civil n’était pas expirée lorsqu’elle a pour la
première fois sollicité la garantie de la société BMRA Point P, par acte d’huissier du 22 décembre 2014, et la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a déclaré l’appel en garantie recevable;
Attendu, sur le bien fondé de l’appel en garantie, que la société BMRA Point P fait valoir que,
si l’expert a conclu à l’existence d’un vice du matériau, il a également retenu la responsabilité
du locateur d’ouvrage à hauteur de 20%, en raison des chocs causés aux tôles du fait de leurs
conditions de transport et de mise en œuvre, ainsi que la responsabilité du maître de l’ouvrage
à hauteur de 10%, en estimant que le manque de ventilation du bâtiment de stabulation participait aux désordres constatés;
Qu’elle en déduit que sa responsabilité ne peut excéder 70% du montant des travaux, soit
8 400 euros TTC;
Attendu que la société Develet Frères prétend qu’il a été parfaitement démontré que la fissuration des plaques de fibre ciment trouve son origine dans un vice du matériau vendu par la
société appelée en garantie;
Qu’elle considère que la garantie doit être intégrale, la cour ne pouvant raisonnablement homologuer le rapport d’expertise en ce qu’il laisse à sa charge une part de responsabilité de
20% après avoir retenu que les désordres provenaient essentiellement de la mauvaise qualité
du matériau et que la pose des plaques litigieuses n’était pas en cause;
Qu’elle relève que l’expert n’a pas démontré que certaines tôles avaient pu être choquées lors
de leur mise en œuvre alors que les tôles inutilisées et stockées au sol présentaient les mêmes
fissurations que celles posées en toiture;
Attendu qu’il ressort du rapport d’expertise que les désordres affectant la couverture du bâtiment construit par la société Develet Frères proviennent essentiellement de la mauvaise
qualité du matériau;
Que l’appelée en garantie qui a vendu les plaques litigieuses ne conteste pas que le vice les
affectant remplit les conditions de l’article 1641 du Code Civil, le vice de fabrication du matériau n’étant pas décelable par l’acquéreur et rendant la couverture impropre à l’usage auquel
elle était destinée, à savoir assurer la protection du bâtiment contre les intempéries;
Que, comme l’a justement retenu le Tribunal, si l’expert a considéré que la responsabilité de
la SARL Develet Frères était engagée à hauteur de 20% dans la survenance des désordres au
motif que, lors de la manutention, certains éléments ont pu être mal stockés, mal transportés
ou subir des chocs lors de la mise en œuvre, cette supposition ne repose sur aucune
constatation et n’est corroborée par aucun élément de preuve;
Qu’il a par ailleurs été précédemment retenu qu’aucune part de responsabilité ne pouvait être
laissée à la charge du maître de l’ouvrage, de sorte que le jugement entrepris mérite
également confirmation en ce qu’il a condamné la société BMRA Point P à garantir
intégralement la société Develet Frères des condamnations prononcées à son encontre au
profit de Monsieur E[...];
Sur la garantie de la société Edilfibro SpA
Attendu, qu’à titre subsidiaire, la SARL Develet Frères sollicite également la garantie totale du
fabriquant des plaques de fibre ciment, sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, concluant à l’infirmation du jugement qui a déclaré irrecevable cet appel en garantie;
Qu’elle reproche à cet égard à la société Edilfibro SpA d’avoir commis une faute en mettant
sur le marché des produits défectueux, s’agissant de plaques affectées d’un vice, qui lui a incontestablement causé un préjudice puisqu’elle voit sa responsabilité recherchée par le
maître de l’ouvrage;
Attendu que la société Edilfibro SpA conclut à l’irrecevabilité de l’appel en garantie du constructeur, revendiquant l’application de l’article 4 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980
qui instaure une relation exclusive entre le fabriquant et son acquéreur direct, laquelle exclut
toute action directe du constructeur à son encontre;
Qu’elle ajoute que sa responsabilité délictuelle ne peut être recherchée dès lors que la faute
qui lui est reprochée ne peut être détachée du contrat de fourniture des matériaux et qu’elle
reste donc par essence contractuelle;
Attendu que la société Edilfibro SpA qui est une société de droit italien est fondée à revendiquer l’application de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 qui s’applique aux contrats de
vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des états différents;
Que la société Develet Frères qui fonde son appel en garantie sur l’article 1382, devenu 1240,
du Code Civil, ne caractérise pas, à l’encontre de la société Edilfibro SpA, une faute dommageable distincte de la fabrication des plaques viciées, sanctionnée par la mise en œuvre de la
garantie des vices cachés qui relève du recours fondé sur le contrat de vente, lequel n’est pas
ouvert au sous acquéreur en vertu de la convention susvisée;
Qu’elle ne démontre ni le dol, ni la négligence fautive du fabricant, pas plus que sa connaissance au moment de la vente en 2004 des défauts affectant les matériaux;
Que le jugement mérite ainsi confirmation, en ce qu’il a débouté la société Develet Frères de
son appel en garantie formé contre la société Edilfibro SpA, fondé sur la responsabilité délictuelle du fabriquant;
Attendu que la société BMRA Point P conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a fait
droit à son action récursoire fondée sur la garantie des vices cachés dirigée contre le fabriquant des plaques de fibre ciment, lequel ne conteste pas l’origine des matériaux;
Qu’elle se fonde sur les conclusions de l’expert qui a retenu que le vice du matériau relève
d’une mauvaise qualité de celui-ci, fabriqué à une époque où la législation a changé concernant les procédés de fabrication;
Qu’elle estime n’avoir aucune part de responsabilité dans le sinistre, ne maîtrisant pas le processus de fabrication;
Attendu que la société Edilfibro SpA relève qu’elle n’a pas été mise en cause par la société
BMRA Point P mais par la société Develet Frères dont le recours à son encontre a été jugé
irrecevable, et elle conclut à l’irrecevabilité de l’appel en garantie fondé sur un recours irrecevable;
Que si l’appel en garantie formé par la société Develet Frères, fondé sur la garantie des vices
cachés a été déclaré irrecevable, son action récursoire fondée sur l’article 1382 du Code Civil
est recevable;
Attendu que, d’autre part, la société Edilfibro SpA conclut à l’irrecevabilité de l’action récursoire de la société BMRA Point P pour cause de prescription, la livraison des matériaux à cette
dernière étant antérieure de plus de dix ans à sa mise en cause au stade du référé et la vente
internationale étant totalement indépendante de la propre mise en cause du cocontractant
du fabricant;
Mais attendu que la Convention de Vienne ne déroge pas aux règles de prescription applicables aux actions récursoire;
Que la société Edilfibro SpA ne se prévaut pas de la déchéance de l’article 39 de ladite convention qui instaure un délai de dénonciation qui n’est pas un délai de prescription;
Que c’est donc à bon droit que le Tribunal a retenu que, s’agissant d’une action récursoire, le
délai dont dispose le vendeur pour agir en garantie des vices cachés à l’encontre du fabricant
court à compter de la date de l’assignation délivrée contre lui, en l’espèce le 22 décembre
2014;
Que, cependant, l’appel en garantie contre la société Edilfibro SpA a été formé par voie de
conclusions notifiées par la société BMRA Point P le 15 février 2017, soit après expiration du
délai de prescription de l’article 1648 du Code Civil;
Qu’infirmant le jugement entrepris, la société BMRA Point P sera déclarée irrecevable en ses
demandes formées contre la société Edilfibro SpA, pour cause de prescription;
Sur les demandes accessoires
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL Develet Frères aux
dépens de première instance incluant les frais de l’expertise judiciaire et au paiement d’une
indemnité de procédure de 1 800 euros au profit de Monsieur E[...];
Attendu que l’ensemble des appelants succombant principalement en leur appel, chacun
d’eux conservera la charge de ses dépens d’appel et de ses frais de procédure exposés en
cause d’appel non compris dans les dépens;
Par ces Motifs
Déclare Monsieur F[...] E[...], la SARL Develet Frères, la société BMRA Point P et la société
Edilfibro SpA recevables en leur appel principal,
Infirme le jugement rendu le 24 avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Chalon sur
Saône en ce qu’il a condamné la société Edilfibro SpA à garantir intégralement la société BMRA
Point P des condamnations prononcées à son encontre tant en principal qu’au titre des frais
irrépétibles et des dépens dans le cadre de la présente instance,
Statuant à nouveau sur ce point,
Déclare irrecevable pour cause de prescription l’action récursoire formée par la société
BMRA Point P contre la société Edilfibro SpA fondée sur la garantie des vices cachés,
Confirme le jugement pour le surplus, sauf à préciser que l’indemnité allouée à Monsieur E[...] au titre de la remise en état sera indexée sur l’indice du coût de la construction du second semestre 2015 jusqu’à la présente décision,
Ajoutant au jugement,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure
civile en cause d’appel,
Laisse à chacun des appelants la charge de ses dépens d’appel.