CA Aix-en-Provence, 4 juin 2015, n° 2015/210
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Cybernetix (SAV)
Défendeur :
CD Systems de Columbia SA (Sté)
Exposé du Litige
Selon contrat du 18 octobre 2002 conclu au terme de discussions préalables, la société de droit français C[…], spécialisée dans la fabrication de matériel robotique et de solutions industrielles complètes dans les secteurs de l’énergie, a vendu à la société de droit colombien CD S[…] une chaîne de production de cartes à puces comportant six machines, ce moyennant le prix de 910 000 euros sur lequel la société CD S[…] a réglé le 29 octobre 2002 conformément à l’annexe deux du contrat, un acompte de 135 000 euros représentant 15% du prix global.
Entre le 27 février et le 3 mars 2003, des essais de réception de la chaîne de production ont été réalisés conformément au contrat dans les locaux de la société C[…] à Marseille en présence de représentants de la société CD S[…], et un procès-verbal de réception a été signé sans réserve le 3 mars 2003 à l’issue des tests.
Les conditions de livraison de la chaîne de production, qui figurent à l’article 4 des conditions générales de vente annexées au contrat, prévoient que la société CD S[…] a la charge de:
prendre livraison de la chaîne de production dans les ateliers de la société C[…] à Marseille, transporter la chaîne de production en Colombie, installer la chaîne de production dans ses locaux avec l’assistance technique de la société C[…] qui doit envoyer des salariés pour participer à l’installation par son client des équipements afin que la réception définitive soit prononcée.
L’annexe deux du contrat prévoit le versement d’une somme de 265 000 euros par la société
CD S[…] à la date d’expédition des équipements au départ de Marseille, le solde devant être payé en vingt mensualités de 24 000 euros chacune, et un dernier versement de 30 000 euros.
Par courrier électronique du 14 mars 2003, la société CD S[…] a informé la société C[…] que la
technologie sélectionnée ne lui permettait pas d’être compétitive en Colombie sur le projet Transmilenio, que le coût des matières premières, de l’énergie, de la main d’œuvre, de l’amortissement et des frais administratifs excédaient le prix sur le marché pour une carte vendue terminée, et qu’elle suspendait son projet d’acquisition jusqu’à modification du processus de fabrication.
La société CD S[…] n’a jamais pris livraison de la chaîne de fabrication commandée dont la
société C[…] a assuré le stockage, et n’a pas réglé le solde du prix.
Par acte du 28 juillet 2004, la société C[…] a fait assigner la société CD S[…] devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Marseille qui par ordonnance du 1er février 2005 a renvoyé les parties au fond pour contestation sérieuse.
Par acte du 28 juillet 2004, la société C[…] a fait assigner la société CD S[…] au fond devant le
Tribunal de commerce de Marseille au visa de l’article 1134 du code civil, aux fins de voir:
dire que la société CD S[…] est défaillante dans l’exécution des obligations contractuelles qu’elle a souscrites par contrat du 18 octobre 2002,
condamner la société CD S[…] à verser à la société C[…]
la somme de 775 000 euros au titre du solde du prix;
la somme de 10 000 euros au titre des frais de stockage, gardiennage et assurances;
les intérêts de droit à compter du 3 mars 2003 date de la signature du procés verbal de réception;
la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile;
ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
condamner la société CD S[…] aux dépens.
Par jugement contradictoire du 15 mai 2006, le Tribunal de Commerce a: rejeté la demande de nullité de l’assignation introductive d’instance formée par la société CD S[…], condamné la société CD S[…] à payer à la société C[…] la somme de 775 000 euros au titre du solde du prix contractuel avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation; la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile; rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions, ordonné l’exécution provisoire de la décision, condamné la société CD S[…] aux dépens.
Par déclaration au greffe de la Cour du 27 septembre 2006, la société CD S[…] a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par arrêt contradictoire du 7 mai 2009, cette Cour a:
- dit que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 n’est pas applicable au litige,
- confirmé le jugement déféré en ce qu’il a:
- rejeté l’exception de nullité de l’assignation opposée par la société CD S[…]
- condamné la société CD S[…] au paiement de la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance;
- réformé le jugement déféré pour le surplus, et statuant à nouveau,
-dit que la résiliation du contrat de vente est imputable à la société CD S[…],
- condamné la société CD S[…] à verser à la société C[…] en sus de la somme de 135 000 euros conservée par le vendeur, la somme de 2 241,31 euros au titre des frais justifiés de stockage et emballage des machines d’avril à septembre 2005, outre intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2004 date de l’assignation en application de l’article 1153-1 du code civil, dit que la société CD S[…] devra lui verser en sus, à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice subi, une somme correspondant à la perte de marge brute sur cette vente,
Avant dire droit sur la fixation de son montant, ordonné la réouverture des débats:
invité la société C[…] à produire tout élément comptable et attestation de son expert comptable permettant de déterminer la marge brute dégagée sur les ventes des chaînes de production de cartes à puce sans contact et les parties à conclure le cas échéant sur ce point,
renvoyé la cause et les parties à une audience ultérieure,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
condamné la société CD S[…] à payer à la société C[…] une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la société CD S[…] aux entiers dépens, ceux d’appel avec distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile,
Par arrêt du 13 septembre 2011, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation statuant sur pourvoi formé par la société CD S[…] à l’encontre de cet arrêt, a:
«Cassé et annulé mais seulement en ce qu’il a dit que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 n’est pas applicable au litige, que la résiliation du contrat de vente est imputable à la société CD S[…], et en ce qu’il a condamné cette société à payer à la société C[…], en sus de la somme de 135 000 euros conservée par le vendeur, la somme de 2 241,31 euros au titre des frais justifiés de stockage et emballage des machines d’avril à septembre 2005, et dit que la société CD S[…] devait lui verser en sus, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant à la perte de marge brute sur cette vente, l’arrêt rendu le 7 mai 2009 entre les parties, par la cour d’appel d’Aix en Provence; remis en conséquence sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix en Provence autrement composée».
Par arrêt définitif du 18 décembre 2009, cette Cour vidant sa saisine a fixé à la somme de 14 342 398 euros le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement de la marge brute et condamné la société CD S[…] à payer à la société C[…] la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe de la Cour du 9 septembre 2013, la société CD S[…] a saisi cette cour autrement composée suite à I’ arrêt de la Cour de cassation du du 13 septembre 2011 .
Dans ses dernières conclusions du 6 janvier 2015, la société CD S[…] demande à la Cour au visa de la Convention des Nations Unis sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 (Convention de Vienne) en ses articles 7, 8, 49, 72, 25, 80, 51-2°, de:
prononcer la résiliation du contrat du 18 octobre 2002 aux torts de la société C[…] et ordonner la restitution à la société CD S[…] de l’acompte de 135 000 euros versé le 29 octobre 2002,
condamner par application des articles 74, 75, 76, 77, 78 et 79 de la Convention des Nations Unis sur les contrats de vente internationale de marchandises la société C[…] a verser à la société CD S[…] la somme de 17 940 euros, coût des composants des essais de fabrication ainsi que la somme de 910 000 euros au titre de son préjudice commercial en gain manqué,
condamner la société C[…] à verser à la société CD S[…] la somme de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens avec distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 5 février 2014, la société C[…] demande à la Cour au visa des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 (Convention de Vienne), de:
dire que la résiliation du contrat est pleinement imputable à la société CD S[…] prendre livraison des équipements,
rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société CD S[…] qui a refusé de
dire que la société C[…] commande par la société CD S[…] des conditions générales de vente,
condamner la société CD S[…] est autorisée à garder l’acompte de 135 000 euros versé lors de la passation de la notamment par application des dispositions de l’article 4.3 à verser les sommes suivantes:
342 398 euros au titre du manque à gagner subi par la société C[…]
26 597,85 euros au titre des frais de stockage supportés par la société C[…] depuis le mois d’avril 2005, évalués à la date des conclusions et dont le montant définitif sera fixé lors de l’audience de jugement;
50 000 euros au titre de la résistance abusive de la société CD S[…] les intérêts de droit à compter du 28 juillet 2004 sur la totalité des sommes restant dues;
10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile;
condamner la société CD S[…] aux entiers dépens d’appel avec distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Motifs de la Decision
La Cour est saisie par l’effet de l’arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2011 des chefs suivants du dispositifs de l’arrêt du 7 mai 2009:
application des dispositions la Convention de Vienne au litige,
résolution du contrat de vente du 18 octobre 2002 au sens de la Convention de Vienne,
dispositions financières consécutives à la résolution du contrat de vente.
Sur l’incident de procédure:
La société CD S[…] a saisi la Cour au visa de l’article 1032 du code de procédure civile par déclaration au greffe du 9 septembre 2013 et a notifié ses conclusions le 9 décembre 2013.
La société C[…] a constitué avocat le 25 septembre 2013 et a notifié ses conclusions le 5 février 2014.
L’avis de fixation à l’audience du 12 février 2015 avec ordonnance de clôture au 12 janvier 2015, a été adressé par le greffe le 16 septembre 2014.
Le 6 janvier 2015, la société CD S[…] a notifié des conclusions et communiqué deux nouvelles pièces.
Par courriers des 8 janvier et 2 février 2015, la société C[…] a demandé le rejet de ces conclusions et pièces comme étant tardives.
Par courrier du 12 janvier 2015, la société CD S[…] s’y est opposé. L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2015.
Les conclusions notifiées par la société CD S[…] sont identiques aux précédentes et n’argumentent aucun nouveau moyen, et les deux pièces communiquées constituées d’attestations n’apportent pas d’éléments nouveau et n’appellent pas de réponse.
Il n’y a pas lieu en conséquence de les écarter des débats.
Sur l’application de la Convention de Vienne:
Conformément à l’arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2011, il convient de dire que 21
la Convention des Nations Unies sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 dite Convention de Vienne est applicable au litige dès lors que les parties ont entendu placer la résolution de leurs différends éventuels sous le régime du droit substantiel français.
Sur la résolution du contrat de vente du 18 octobre 2002:
La société CD S[…] soutient: 22
- qu’en décembre 2000, le ville de Bogota a entrepris la construction d’un réseau de transports en commun publics «Transmilenio» et que la concluante s’est vu confier la fabrication des titres de transport par la société A[…], société d’économie mixte adjudicataire du marché de la vente des titres de transport,
- que la concluante et la société A[…] ont opté pour un système de cartes sans contact, que la production de ces cartes était estimée à cinq millions d’unité par trimestre et que leur usage devait être étendu à d’autres villes de Colombie, que la compétitivité économique du système de fabrication C[…] dépendait du prix des composants des cartes à puce notamment de l’antenne,
- que les prix des composants figurent à l’annexe 1 du contrat de vente qui mentionne concernant les antennes un coût unitaire de 0,21 euros alors qu’après la signature du contrat, les prix des fournisseurs se sont révélés supérieurs notamment ceux de F[…] fournisseur de l’antenne au prix unitaire de 0,34 euros,
- que cet écart de prix a remis en cause la compétitivité financière du système de fabrication et donc son intérêt pour la concluante,
- que par courrier électronique du 21 février 2003, la concluante a alerté la société C[…] sur l’écart des prix des composants qui ne permettait plus d’obtenir une marge dès lors que le prix des composants était plus élevé que le prix du produit vendu,
- qu’un échange de courrier s’en est suivi entre les parties mais que la société C[…] n’a jamais pu répondre aux demandes de la concluante de trouver des fournisseurs pratiquant les prix annoncés,
- qu’il est patent que le procédé de fabrication de la société C[…] était dépassé, que la société C[…] a contracté sans vérifier les prix des composants qu’elle donnait alors qu’il s’agit d’un élément déterminant de la volonté de contracter de l’acquéreur, et que la société C[…] avait l’obligation de vérifier que les prix annoncés étaient ceux pratiqués par le marché,
- que la société C[…] s’est engagée à vendre une unité de production de billets de transport électronique à la concluante selon une technologie indissociable des coûts de fabrication, que la mention figurant à l’annexe 1 du contrat selon laquelle le prix des composants est fourni à titre indicatif et de bonne foi est inopérante, dès lors que l’absence de vérification du prix des composants constitue une carence du vendeur et un comportement de mauvaise foi qui est sanctionné par la Convention de Vien ne dans ses articles 8, 25 et 80,
- qu’en violation du principe de bonne foi de l’article 7 de la Convention de Vienne, la société C[…] a profité de l’inexpérience de la concluante pour l’inciter de mauvaise foi à contracter avec elle, par préférence à ses concurrents, en fonction d’informations qu’elle savait erronées ou qu’elle n’avait pas vérifié,
- que la résolution du contrat s’impose par application des articles 49, 72, 25, 80 et 51-2° de la Convention de Vienne.
La société C[…] fait valoir:
que l’existence d’un marché passé entre la société CD S[…] avec la ville de Bogota concernant le projet Transmilenio n’a été invoqué que postérieurement à l’introduction de la procédure judiciaire, et que ce contrat ne constitue pas une condition du contrat du 18 octobre 2002 conclu entre les parties, que la concluante ne s’est jamais engagée sur le coût des composants dès lors qu’il résulte de l’annexe 1 du contrat que le coût des composants a été mentionné à titre indicatif sous condition de volumes sans qu’aucune garantie ne soit donnée, et que la concluante ne s’est engagée ni sur le prix de revient des composants ni sur la rentabilité financière du marché conclu avec la ville de Bogota, que le courrier électronique du 21 février 2003 concerne la procédure de réception de la marchandise à Marseille entre le 25 février et le 3 mars 2003 et ne remet pas en cause le processus d’achat et de livraison des équipements concernés,
- que la société CD S[…] évoque dans ce courrier électronique le coût des matières premières en indiquant avoir commis une possible erreur dans sa propre analyse de coût et en demandant à la concluante de l’aider à trouver de meilleures conditions financières pour rester compétitive,
- que la société CD S[…] a commandé les équipements concernés en parfaite connaissance de cause, après de longues phases de négociation technique et commerciale, et n’est pas fondée à soutenir que ces équipements seraient obsolètes et non compétitifs,
- que la société CD S[…] n’est fondée à invoquer ni l’article 7 de la Convention de Vienne qui pose un principe de bonne foi dans le commerce international, ni l’article 8 afférent à l’intention des parties, dès lors qu’elle a agi avec mauvaise foi en refusant brutalement et unilatéralement de prendre livraison des équipements et de payer le solde du prix, et que l’intention des parties était d’exclure tout engagement et responsabilité du vendeur sur le coût des composants,
- que la concluante a respecté les obligations mises à la charge du vendeur par la Convention de Vienne, alors que la société CD S[…] a violé ses obligations en refusant de prendre livraison de la marchandise et d’en payer le prix.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives.
Aux termes de l’article 25 de la Convention de Vienne :
«Une contravention au contrat commise par l’une des parties est essentielle lorsqu’elle cause à l’autre partie un préjudice tel qu’elle la prive substantiellement de ce que celleci était en droit d’attendre du contrat, à moins que la partie en défaut n’ait pas prévu un tel résultat et qu’une personne raisonnable de même qualité placée dans la même situation ne l’aurait pas prévu non plus».
Aux termes de l’article 30:
«Le vendeur s’oblige, dans les conditions prévues au contrat et par la présente Convention, à livrer les marchandises, à en transférer la propriété et, s’il y a lieu, à remettre les documents s’y rapportant».
Aux termes de l’article 53:
«L’acheteur s’oblige, dans les conditions prévues au contrat et par la présente Convention, à payer le prix et à prendre livraison des marchandises.»
Aux termes de l’article 80:
«Une partie ne peut pas se prévaloir d’une inexécution par l’autre partie dans la mesure où cette inexécution est due à un acte ou à une omission de sa part».
Selon contrat du 18 octobre 2002, les parties ont convenu de la vente par la société C[…] à la société CD S[…] d’une chaîne de production de cartes à puce moyennant le prix de 910 000 euros sur lequel la société CD S[…] a payé un acompte de 135 000 euros.
Le contrat comporte 8 annexes décrivant notamment les fournitures à livrer, les prix et termes de paiement, les performances à réaliser, les conditions de réception et incluant les conditions générales de vente signées par l’acquéreur.
Entre le 27 février et le 3 mars 2003, des essais de réception de la chaîne de production ont été réalisés conformément au contrat dans les locaux de la société C[…] à Marseille en présence de représentants de la société CD S[…], et un procès verbal de réception a été signé sans réserve le 3 mars 2003 à l’issue des tests.
Les conditions de livraison de la chaîne de production, qui figurent à l’article 4 des conditions générales de vente annexées au contrat, prévoient que la société CD S[…] a la charge de prendre livraison de la chaîne de production dans les ateliers de la société C[…] à Marseille,
transporter la chaîne de production en Colombie,
installer la chaîne de production dans ses locaux avec l’assistance technique de la société C[…] qui doit envoyer des salariés pour participer à l’installation par son client des équipements afin que la réception définitive soit prononcée.
Par courrier électronique du 14 mars 2003, la société CD S[…] a notifié à la société C[…] que le coût de production des cartes à puce au moyen de la chaîne de production acquise par elle n’était pas compétitif «sur le projet transmilenio», que le processus de fabrication devait être modifié afin de parvenir à un coût compétitif, et que l’envoi des équipements était suspendu.
La société CD S[…] a refusé de prendre livraison de la chaîne de production acquise par elle et d’en régler le prix, en violation de l’article 53 de la Convention de Vienne.
Pour s’exonérer de sa responsabilité contractuelle, la société CD S[…] se prévalant des dispositions de l’article 80 précité, allègue la violation par la société C[…] des articles 7 et 8 de la Convention de Vienne relatifs à la bonne foi et à l’intention des parties.
Aux termes de l’article 7.1:
«Pour l’interprétation de la présente Convention, il sera tenu compte de son caractère international et de la nécessité de promouvoir l’uniformité de son application ainsi que d’assurer le respect de la bonne foi dans le commerce international».
Aux termes de l’article 8.1:
«Aux fins de la présente Convention, les indications et les autres comportements d’une partie doivent être interprétés selon l’intention de celle-ci lorsque l’autre partie connaissait ou ne pouvait ignorer cette intention».
La clause 2 de l’annexe 1 du contrat prévoit que la société C[…] procurera les références de plusieurs fournisseurs de composants, notamment d’antennes, et fera à cet égard des recommandations fondées sur son expertise.
Cette clause prévoit encore qu’à titre indicatif seulement (for reference only), une information sur les prix de divers composants est fournie pour permettre à la société CD S[…] d’établir une analyse de ses coûts de production, notamment le prix des antennes «inlet with antenna» au prix minimum de 0,21 euros chez divers fournisseurs dont M[…] et F[…].
Cette clause spécifie:
«Bien que C[…] pense que cette information est exacte et représentative des conditions actuelles du marché pour de tels équipements au moment de la, signature du contrat, C[…] n’est pas tenue responsable de cette information et n’a aucun contrôle sur cette information, s’agissant de produits non fournis par C[…], et de ce fait ne sera pas tenue responsable des conséquences dans le cas où cette information s’avérerait inexacte ou subirait des variations dans le futur».
La société CD S[…] n’est pas fondée, au regard de cette clause claire et précise, à soutenir que la société C[…] aurait garanti le prix unitaire des composants des cartes à puces notamment des antennes, et qu’elle aurait de mauvaise foi induit son co-contractant en erreur.
Il est clair en revanche que la société C[…] n’a en aucune façon eu l’intention de garantir le prix unitaire des composants et notamment des antennes, s’agissant de produits non fournis par elle, et qu’il ne peut lui être reproché sa mauvaise foi.
Il appartenait à la société CD S[…] dans le cadre de l’analyse prévisionnelle de ses coûts de production de s’informer précisément des coûts des composants susceptibles de varier en fonction des fournisseurs, de l’importance des commandes et de l’évolution des prix du marché.
Par ailleurs, aucune disposition du contrat versé en intégralité au débat ne fait référence au marché passé avec la ville de Bogota ou avec la société d’économie mixte adjudicataire du marché des transports dans le cadre du projet Transmilenio, et ne fait mention du coût final de fabrication des cartes à puce requis ou attendu par la société CD S[…].
Aucune pièce ne démontre que la société C[…] aurait été informée dans le cadre des discus 45 sions préalables à la signature du contrat par la société CD S[…] ou ultérieurement, de ses projets ou de ses accords concernant le projet Transmilenio, ni des éventuelles conditions financières de celui-ci et de sa rentabilité financière attendue.
En tout état de cause, aucune pièce n’établit la réalité d’un projet de la société CD S[…] concernant le projet Transmilenio voire d’un accord avec l’adjudicataire du marché des titres de transport, étant précisé que suivant les pièces produites, le Transmilenio a été mis en service en 2001 et que la vente des titres de transport sous forme de cartes à puce a débuté plusieurs mois avant la signature du contrat du 18 octobre 2012.
La société CD S[…] n’est en conséquence pas fondée à soutenir que la société C[…] connaissait son intention ou ne pouvait l’ignorer dès lors que rien ne révèle l’existence de cette intention, et qu’elle aurait agi avec mauvaise foi.
En tout état de cause, l’analyse du marché des cartes à puce, des coûts de production de celles-ci par rapport au coût d’achat de cartes vendues terminées, de la compétitivité de l’entreprise par rapport aux autres entreprises du secteur, de la rentabilité attendue par rapport aux charges financières de l’entreprise, incombe à l’acquéreur de la chaîne de fabrication et non au vendeur qui fournit un produit industriel dont rien ne démontre en l’espèce qu’il aurait été obsolète ou non compétitif que ce soit en Colombie ou sur le plan international.
Il ressort de ces éléments d’appréciation que la société CD S[…] a brutalement rompu le contrat en refusant de prendre livraison des équipements acquis par elle selon contrat du 18 octobre 2002 ainsi que d’en régler le prix.
La contravention au contrat commise par la société CD S[…] est essentielle dès lors qu’elle cause à la société C[…] un préjudice tel qu’elle la prive substantiellement de ce que celle-ci était en droit d’attendre du contrat alors qu’aucun acte ou omission de cette dernière n’est à l’origine de l’inexécution de ses obligations par la société CD S[…].
Le contrat du 18 octobre 2002 est en conséquence résolu aux torts de l’acheteur conformément aux dispositions de l’article 64.1.a de la Convention de Vienne dès lors que l’inexécution de l’obligation de prendre livraison des marchandises et de payer le solde du prix constitue une contravention essentielle au contrat.
Sur les demandes financières de la société CD S[…]
La résolution du contrat du 18 octobre 2002 lui incombant, la société CD S[…] sera déboutée 52 de sa demande en paiement de la somme de 17 940 euros coût des composants des essais de fabrication, ainsi que de la somme de 910 000 euros au titre du préjudice commercial allégué.
Sur les demandes financières de la société C[…]
La société C[…] demande l’indemnisation de l’ensemble des préjudices subis par elle du fait de la résiliation du contrat du 18 octobre 2002 aux torts de la société CD S[…], ainsi qu’il suit:
conservation de l’acompte de 135 000 euros versé lors de la signature du contrat, par application de l’article 4.3 des conditions générales du contrat,
indemnisation du manque à gagner par application de l’article 6.2 du contrat constitué par la perte de marge brute dont le montant a été fixé à la somme de 342 398 euros par arrêt de cette Cour du 18 décembre 2009,
indemnisation des frais de stockage de la chaîne de production stockée dans les locaux de la société A[…] E[…] pour un coût mensuel de 239,20 euros soit une somme de 26 597,85 euros du 30 avril 2005 au 16 décembre 2013 à parfaire,
intérêts de droit à compter du 28 juillet 2004 date de l’assignation introductive d’instance,
dommages et intérêts pour résistance abusive à hauteur de 50 000 euros dès lors que la société CD S[…] a multiplié les recours dilatoires avec la plus grande mauvaise foi.
Aux termes de l’article 4.3 des conditions générales du contrat, le vendeur conserve les paiements partiels effectués en cas de retard de livraison plus de trente jours après la réception, imputable au client.
La société C[…] est en conséquence bien fondée en sa demande de conserver la somme de 55
135 000 euros versée à titre d’acompte par la société CD S[…]
Selon l’article 74 de la Convention de Vienne, les dommages et intérêts pour une contravention au contrat commise par une partie sont égaux à la perte subie et au gain manqué par l’autre partie par suite de la contravention.
Il a été statué par arrêt définitif de cette Cour du 18 décembre 2009 sur le préjudice résultant de la perte de marge brute qui a été fixée à la somme de 342 398 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 15 mai 2006, ce conformément aux dispositions de l’article
6.2 des conditions générales du contrat et de l’article 74 de la Convention de Vienne.
L’arrêt du 7 mai 2009 ayant été cassé notamment en ce qu’il a dit que la société CD S[…] devra verser à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice subi, une somme correspondant à la perte de marge brute sur la vente, il sera statué par le présent arrêt conformément à l’article 74 de la Convention de Vienne, la perte subie et le gain manqué correspondant en l’espèce à la perte de marge brute.
La société C[…] produit les factures de stockage de la chaîne de production dont la société CD S[…] a refusé de prendre livraison et de régler le prix, et a fait constater par huissier le 16 janvier 2014 sa présence dans les locaux de la société Art emballage située à [...].
Aux termes de l’article 85 de la Convention de Vienne:
«Lorsque l’acheteur tarde à prendre livraison des marchandises ou qu’il n’en paie pas le prix, alors que le paiement du prix et la livraison doivent se faire simultanément, le vendeur, s’il a les marchandises en sa possession ou sous son contrôle, doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour en assurer la conservation. Il est fondé à les retenir jusqu’à ce qu’il ait obtenu de l’acheteur le remboursement de ses dépenses raisonnables».
Les mesures prises par la société C[…] afin de conserver la marchandise depuis le 30 avril 2005 61
dans les locaux adaptés d’une société tierce et les dépenses engagées de ce chef à raison de 239,20 euros par mois, sont raisonnables.
La demande est en conséquence fondée et il y sera fait droit, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance du 28 juillet 2004 valant mise en demeure.
La défense à une action en justice constitue un droit, et ne dégénère en abus ouvrant droit àdes dommages et intérêts que dans les cas de mauvaise foi ou de légèreté équivalente au dol.
La société CD S[…] a refusé de prendre livraison des équipements concernés et de régler le solde du prix sans motif légitime, et a résisté de manière abusive et avec mauvaise foi à l’action engagée à son encontre par la société C[…] en multipliant les recours et en saisissant cette Cour au dernier moment alors par ailleurs qu’elle n’a pas exécuté l’arrêt définitif du 18 décembre 2009 et que la procédure dure depuis plus de dix ans.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur de 65
10 000 euros sur le fondement de l’article 1382 du code civil, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens:
La société CD S[…] qui succombe n’est pas fondée en sa demande au titre de l’article 700 du 66 code de procédure civile et supportera les entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Il convient en équité de condamner la société CD S[…] à payer à la société C[…] la somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces Motifs
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les conclusions et pièces notifiées par la société CD S[…]
le 6 janvier 2015,
Dit que la Convention des Nations Unis sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 dite Convention de Vienne est applicable au litige,
Dit que la contravention au contrat du 18 octobre 2002 commise par la société CD S[…] est essentielle,
Déclare le contrat du 18 octobre 2002 résolu aux torts de la société CD S[…] conformément aux dispositions de l’article 64.1.a de la Convention de Vienne,
Dit que les dommages et intérêts pour la contravention au contrat commise par la société CD S[…] sont égaux à la perte subi et au gain manqué par la société C, qui équivalent en l’espèce à la perte de marge brute,
Dit que cette Cour a statué par arrêt définitif du 18 décembre 2009 sur l’indemnisation du préjudice de la société C[…] résultant de la perte de marge brute en condamnant la société CD S[…] à lui payer de ce chef la somme de 342 398 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 15 mai 2006,
Dit que l’acompte de 135 000 euros versé par la société CDS reste acquis à la société C[…] par application de l’article 4.3 des conditions générales du contrat du 18 octobre 2002,
Condamne la société CD S[…] à payer en outre à la société C[…] la somme de 26 597,85 euros au titre des frais de stockage supportés par la société C[…] du 30 avril 2005 au 16 décembre 2013, par application de l’article 85 de la Convention de Vien ne, ce avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2004, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts par application de l’article 1382 du code civil, pour résistance abusive avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Déboute la société CD S[…] de ses demandes, fins et conclusions,
Condamne la société CD S[…] à payer à la société C la somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société CD S[…] aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile.