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CA Nîmes, retention_recoursjld, 19 août 2025, n° 25/00876

NÎMES

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CA Nîmes n° 25/00876

19 août 2025

Ordonnance N°

N° RG 25/00876 - N° Portalis DBVH-V-B7J-JVWX

Recours c/ déci TJ [Localité 3]

16 août 2025

[W]

C/

LE PREFET DE L'HERAULT

COUR D'APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 19 AOUT 2025

Nous, Mme Marine KARSENTI, Conseillère à la Cour d'Appel de Nîmes, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de Nîmes pour statuer sur les appels des ordonnances du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Audrey BACHIMONT, Greffière,

Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 19 juin 2025 notifié le 20 juin 2025, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 11 août 2025, notifiée le 12 août 2025 à 08h18 concernant :

M. [Y] [P] [W]

né le 10 Septembre 1987 à [Localité 4] (ALGER)

de nationalité Algérienne

Vu la requête reçue au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative le 14 août 2025 à 14h27, enregistrée sous le N°RG 25/04014 présentée par M. le Préfet de l'Hérault ;

Vu l'ordonnance rendue le 16 Août 2025 à 11h10 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Ordonné pour une durée maximale de 26 jours commençant 4 jours après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [Y] [P] [W] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 26 jours à compter du 16 août 2025 ,

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [Y] [P] [W] le 18 Août 2025 à 11h05 ;

Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de Nîmes régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [J] [M], représentant le Préfet de l'Hérault, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu la comparution de Monsieur [Y] [P] [W], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Isabelle VIREMOUNEIX, avocat de Monsieur [Y] [P] [W] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS :

Monsieur [W] a reçu notification le 20 juin 2025 d'un arrêté préfectoral du 19 juin 2025 lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant 4 ans.

Par arrêté préfectoral en date du 11 août 2025, qui lui a été notifié le 12 août 2025 à 8h18, à sa levée d'écrou, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par requête reçue le 14 août 2025 à 14h27, le Préfet de l'Hérault a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 16 août 2025 à 11h10, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [W] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-six jours.

Monsieur [W] a interjeté appel de cette ordonnance le 18 août 2025 à 11h05. Sa déclaration d'appel relève le défaut de diligences de la préfecture.

A l'audience, Monsieur [W] :

Déclare qu'il est titulaire d'un «'passeport d'urgence'» qui a été remis au consulat d'Algérie à [Localité 6] car il l'avait perdu et qui a sans doute été détruit depuis, qu'il est arrivé en France régulièrement en 2011 en venant d'Espagne, qu'il a deux enfants de 5 et 6 ans qui vivent à [Localité 6] avec leur mère, dont il est séparé, qu'il a commis des erreurs mais que la prison l'a sevré de l'alcool et qu'il veut sortir du CRA, qu'il est opposé au fait de quitter sa famille pour retourner en Algérie,

Sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté immédiate.

Son avocat':

Soutient le moyen tiré du défaut de diligences,

Soutient que la rétention de M. [W] est contraire à la CIDE, ses enfants demeurant à [Localité 6] et étant nés en France.

M. [W] produit une attestation d'hébergement chez sa compagne, [L] [G], [Adresse 5] à [Localité 2]. Il produit un courrier de son avocat mentionnant que le juge a rendu un jugement aux termes duquel la mère des enfants bénéficie de l'autorité parentale exclusive et M. [W] d'un droit de visite en point rencontre. Il justifie de sa volonté de mettre en 'uvre des versements de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Il justifie avoir travaillé en cuisine au cours de sa détention et avoir pleinement donné satisfaction dans ses fonctions.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance critiquée.

SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :

L'appel interjeté par Monsieur [W] à l'encontre d'une ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Nîmes dûment notifiée a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21 et R.743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.

SUR LE FOND :

L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'article L611-3 du même code énumérant limitativement les situations dans lesquelles une décision portant obligation de quitter le territoire est exclue. L'article L.612-6 du même code dispose que l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français, les effets de cette interdiction cessant à l'expiration de la durée fixée par l'autorité administrative, à compter de l'exécution de la mesure.

L'article L. 741-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que': «'l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.'»

Les cas prévus par l'article L.731-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visent l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 et auquel l'article L. 741-1 renvoie, est considéré comme établi dans les cas suivants, conformément à l'article L. 612-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »

Au motif de fond sur son appel, Monsieur [W] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches nécessaires à son départ. Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie plus et doit donc être levée.

En l'espèce, Monsieur [W] ne disposait au moment de sa levée d'écrou, d'aucun justificatif en original de son identité ni d'aucun document de voyage et n'en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu'il est nécessaire de l'identifier formellement avant de pouvoir procéder à son éloignement effectif.

Le consulat d'Algérie dont Monsieur [W] s'est affirmé être ressortissant a été saisi d'une demande d'identification et de laissez-passer le 12 août 2025, dès le placement en rétention de l'intéressé.

Les services préfectoraux ne disposent d'aucun pouvoir de coercition envers les autorités consulaires étrangères de telle sorte qu'il ne peut leur être reproché le délai pris par celles -ci pour adresser leur réponse.

L'administration n'a donc pas failli à ses obligations.

Sur la violation de l'article 8 de la CESDH ainsi que de l'article 3-1 de la CIDE':

Les moyens relatifs à la vie familiale et personnelle de M. [W] sont inopérants d'une part parce qu'ils visent à contester la mesure d'éloignement en elle-même, dont le contrôle échappe, fût-ce par voie d'exception au juge judiciaire, et d'autre part parce que la cour n'est saisie que d'une requête préfectorale aux fins de prolongation de la rétention et non d'une contestation du placement en rétention.

Il convient donc de rejeter ce moyen.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [W] :

Monsieur [W], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine, de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il justifie d'un hébergement chez sa compagne à [Localité 2].

Il ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.

Le bulletin n°2 de son casier judiciaire porte trace de 8 condamnations dont six condamnations à de l'emprisonnement ferme pour des faits de menaces, d'outrage à personne chargée d'une mission de service public, de vol aggravé. Il a été condamné le 3 mai 2022 par le tribunal correctionnel d'Albi à 30 mois d'emprisonnement pour des vols aggravés et le 25 mars 2022 à 18 mois d'emprisonnement pour des vols aggravés. M. [W] a notamment été condamné le 3 octobre 2024 à 9 mois d'emprisonnement pour des faits d'escroquerie en récidive et d'abus de faiblesse. Il a été incarcéré du 23 mars 2022 au 12 août 2025, après avoir exécuté six peines d'emprisonnement ferme.

Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.

La prolongation de sa rétention administrative se justifie afin de procéder à son éloignement.

En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention, et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux;

CONSTATANT qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [Y] [P] [W] ;

CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d'Appel de Nîmes,

Le 19 Août 2025 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [Y] [P] [W].

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [Y] [P] [W], par le Directeur du CRA de [Localité 3],

- Me Isabelle VIREMOUNEIX, avocat

,

- Le Préfet de l'Hérault

,

- Le Directeur du CRA de [Localité 3],

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de Nîmes,

- Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes.

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