CA Rennes, ch. etrangers/hsc, 19 août 2025, n° 25/00609
RENNES
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL DE RENNES
N° 367/2025 - N° RG 25/00609 - N° Portalis DBVL-V-B7J-WC6X
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Nous, Sébastien PLANTADE, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Patricia IBARA, greffière,
Statuant sur l'appel formé par courriel de Me Enzo SEMINO, avocat au barreau de RENNES, reçu le 17 Août 2025 à 17 heures 15 pour :
M. [R] [Y]
né le 19 Septembre 2001 à [Localité 1] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
ayant pour avocat Me Enzo SEMINO, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 15 Août 2025 à 17 heures 30 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [R] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-six jours à compter du 14 août 2025 à 24 heures;
En présence du représentant de la PREFECTURE D'ILLE ET VILAINE, dûment convoquée, Monsieur [C] [J], muni d'un pouvoir, entendu en ses observations,
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 18 août 2025 lequel a été mis à disposition des parties.
En présence de Monsieur [R] [Y], assisté de Me Enzo SEMINO, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 18 Août 2025 à 14 H 30 l'appelant et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :
Suite à l'accord des autorités suisses le 04 septembre 2023, Monsieur [R] [Y] devait être remis aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile, en application du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du conseil, mais la fuite de l'intéressé a entraîné le report du transfert pour une durée de 18 mois.
Par ailleurs, Monsieur [R] [Y] a été condamné par jugement contradictoire du Tribunal correctionnel de Rennes le 06 décembre 2023 à une peine complémentaire d'interdiction temporaire du territoire français pour une durée de cinq ans. Un arrêté préfectoral fixant le pays de renvoi a été édicté le 05 juin 2025, notifié le 10 juin 2025.
Monsieur [R] [Y] a fait l'objet d'un arrêté du Préfet d'Ille-et-Vilaine le 11 août 2025, notifié le 11 août 2025, portant placement en rétention administrative, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de quatre jours.
Par requête en date du 14 août 2025, par l'intermédiaire de son conseil, Monsieur [R] [Y] a contesté la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative.
Par requête motivée en date du 14 août 2025, reçue le 14 août 2025 à 11 h 54 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet d'Ille-et-Vilaine a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention administrative de Monsieur [R] [Y].
Par ordonnance rendue le 15 août 2025, le magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Rennes a rejeté le recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [R] [Y] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 26 jours, à compter du 14 août 2025.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour d'Appel de Rennes le 17 août 2025 à 17 h 15, par l'intermédiaire de son conseil, Monsieur [R] [Y] a formé appel de cette ordonnance.
L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, d'une part que l'arrêté de placement en rétention administrative est insuffisamment motivé, entaché d'une erreur d'appréciation, d'une erreur de droit et viole les dispositions de l'article 66 de la Constitution du 04 octobre 1958 en ce que le Préfet n'a pas pris en compte le statut de demandeur d'asile de l'intéressé, dont l'examen relevait de la responsabilité de la France suite à l'expiration depuis le 04 mars 2025 du délai de transfert vers la Suisse, ne pouvait placer en rétention l'intéressé que pour une durée maximale de 48 heures et n'a pas caractérisé la menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l'ordre public que représentait l'intéressé, alors que le risque de fuite n'a pas été suffisamment caractérisé et que le Préfet n'a pas fondé sa décision sur les dispositions de l'article L.523-3 qui régissent le placement en rétention des demandeurs d'asile, et d'autre part que la requête est irrecevable comme tardive, au-delà des 48 heures prévues par les textes, et ne contenant pas les pièces essentielles relatives à la procédure d'asile, et que la procédure est entachée d'irrégularité tenant au défaut de diligences du Préfet qui n'a pas informé l'OFPRA de la nécessité de statuer selon la procédure accélérée en raison du placement en rétention de l'intéressé, demandeur d'asile. Il est formalisé également une demande au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Le procureur général, suivant avis écrit du 18 août 2025, s'en rapporte à l'appréciation de la Cour.
Comparant à l'audience, Monsieur [R] [Y] déclare être menacé de mort en Algérie, refusant d'y être renvoyé, être dépourvu de passeport et s'être rendu en Suisse après l'exécution de sa peine.
Demandant l'infirmation de la décision entreprise, le conseil de Monsieur [R] [Y] développe les moyens formés par écrit dans la déclaration d'appel, insistant sur le statut de demandeur d'asile de l'intéressé, que doit consacrer le juge judiciaire et qui devait être pris en compte par le Préfet qui devait tirer les conséquences de la libération de l'Etat responsable de son obligation de prise en charge depuis le 04 mars 2025, et par conséquent sur la procédure spécifique que devait appliquer le Préfet, à partir des articles L523-1 et suivants, en motivant spécialement le risque de fuite et la menace à l'ordre public. La demande formée au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle est réitérée à l'audience.
Comparant à l'audience, le représentant du Préfet d'Ille-et-Vilaine demande la confirmation de la décision entreprise, estimant que Monsieur [Y] n'a pas le statut de demandeur d'asile en France et a manifesté sa volonté de se rendre en Suisse, ne dispose pas du droit au maintien en France, et représente une menace à l'ordre public du fait de ses antécédents judiciaires, et ajoutant que la requête du Préfet n'était pas tardive, que les dispositions des articles L523-3 et L523-4 n'avaient pas à s'appliquer en l'espèce, le fondement du placement en rétention étant constitué de l'interdiction judiciaire du territoire français.
SUR QUOI :
L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.
' Sur le recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative
- Sur les moyens tirés de l'insuffisante motivation, de l'erreur de droit, de l'erreur d'appréciation et de la violation des dispositions de l'article 66 de la Constitution :
Il ressort des dispositions de l'article 29 du Règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères de mécanisme de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride que « le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. ['] 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. »
En l'espèce, il ressort de l'examen de la procédure que le transfert de Monsieur [R] [Y] auprès des autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile, n'a pu être opéré dans le délai normal de six mois en raison de l'état de fuite de l'intéressé, ce qui a eu pour effet de reporter le transfert dans un délai de dix-huit mois, au plus tard le 04 mars 2025. Le transfert de Monsieur [R] [Y] n'ayant pu être effectué dans le délai prévu, la Suisse, Etat membre responsable initialement de l'examen de la demande d'asile a été libérée de son obligation de prise en charge, au profit de la France.
Par suite, conformément aux dispositions de l'article L541-1 du CESEDA, le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. Suivant les dispositions de l'article L541-2, l'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent.
En l'espèce, aucun élément de la procédure ne permet de justifier que Monsieur [R] [Y] a effectivement introduit une demande auprès de l'OFPRA et bénéficierait du droit de se maintenir sur le territoire français. En tout état de cause, si l'on devait considérer, suivant la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE 25 juin 2020 n°C-36/20 PPU paragraphes 86 à 94) que la qualité de demandeur d'asile s'acquiert à compter de la manifestation de volonté auprès d'une autorité de déposer une demande de réexamen, cette manifestation de volonté n'est aucunement rapportée dans la procédure dès lors que Monsieur [R] [Y] a délibérément pris la fuite et mis en échec la procédure de transfert auprès des autorités suisses et n'a aucunement fait part d'une nouvelle procédure similaire en cours auprès de l'OFPRA ou de ses démarches voire de son intention de s'engager dans une telle demande de réexamen, aux termes de son audition du 15 mai 2025, ayant dans le cadre du recueil d'observations intervenant avant édiction de la décision de fixation du pays de renvoi, fait part de son souhait de retourner en Suisse, de sorte que Monsieur [R] [Y] ne pouvait prétendre conserver le statut de demandeur d'asile et que les dispositions prévues par les articles L 523-1 et suivants n'avaient pas à s'appliquer.
Il s'ensuit que les moyens tirés de l'insuffisante motivation, notamment quant au risque grave pour l'ordre public ou à l'absence de mention concernant la procédure de demande d'asile, à l'erreur de droit et à la violation des dispositions de l'article 66 de la Constitution ne sauraient prospérer.
L'article L.741-1 du CESEDA dispose que 'L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente'.
En outre, selon les dispositions de l'article L 612-3, 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
Par ailleurs, selon les dispositions de l'article L 741-4, 'La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention'.
Les dispositions de l'article L 731-1 prévoient en outre que 'L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
['] 7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
['] L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.
Par ailleurs, aux termes de l'article 15-1 de la directive dite retour n° 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 "À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque a) il existe un risque de fuite ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement.
Dans son arrêté de placement en rétention administrative en date du 11 août 2025, le Préfet d'Ille-et-Vilaine expose que Monsieur [R] [Y] a été condamné le 06 décembre 2023 par le tribunal correctionnel de Rennes en particulier à une peine complémentaire d'interdiction temporaire du territoire français d'une durée de 5 ans, est connu sous différents alias, déclare être célibataire, sans enfant à charge, indique que sa mère vivrait en Algérie, ne démontre pas avoir noué en France des liens dont l'intensité serait exclusive de tout autre qu'il conserverait encore dans son pays d'origine, si bien que la mesure qui lui est opposée ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au sens des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage valide, ne peut justifier d'aucune adresse exacte, ayant évoqué une domiciliation sans en justifier, que l'intéressé n'a pas respecté à deux reprises l'obligation de pointage à laquelle il a été soumis dans le cadre de mesures d'assignation à résidence prononcées les 23 novembre 2022 et 28 janvier 2023, selon les procès-verbaux joints, si bien qu'il ne peut présenter des garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque de fuite et à envisager une assignation à résidence. Le Préfet ajoute que Monsieur [R] [Y] est défavorablement connu pour avoir été condamné à de nombreuses reprises, en particulier en 2023 à 5 reprises, à des peines d'emprisonnement ferme, pour des faits d'atteintes aux biens et infractions à la législation sur les stupéfiants, et que la multiplicité des faits et leur fréquence soutiennent que l'intéressé représente une menace pour l'ordre public, tandis qu'il ne ressort d'aucun élément de la procédure que Monsieur [R] [Y] présentât un état de vulnérabilité qui s'opposerait à un placement en rétention.
Il ressort de l'examen de la procédure et en l'absence de pièces produites à l'audience que la situation de Monsieur [R] [Y] a été examinée de manière suffisamment approfondie par le Préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas commis d'erreur d'appréciation et a légitimement considéré que l'intéressé ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de fuite, conformément aux dispositions 3), 4) et 8) de l'article L 612-3 précité selon la motivation de la décision querellée de placement en rétention administrative, dans la mesure où l'intéressé s'est maintenu de façon irrégulière sur le territoire national, a fait savoir dans son audition du 15 mai 2025 et ses observations du 19 mai 2025 qu'il ne comptait pas retourner dans son pays d'origine, traduisant un refus d'être éloigné vers son pays d'origine, et n'a pas produit de document d'identité ou de voyage valide. Par ailleurs, l'intéressé ne peut justifier d'un lieu de résidence suffisamment effectif, pérenne et valide, ayant déclaré le 15 mai 2025 être sans domicile, et a mis en échec une mesure d'assignation à résidence, n'ayant pas respecté l'obligation de pointage qui lui incombait, comme en témoignent les mentions du procès-verbal de carence joint, en date du 28 novembre 2022. En outre, le Préfet a également considéré qu'au regard de son comportement et de ses antécédents judiciaires, s'agissant des 8 condamnations prononcées depuis 2021, en particulier en 2023, en majorité à des peines d'emprisonnement ferme, pour des faits essentiellement de vol aggravé et d'infractions à la législation sur les stupéfiants, alors que l'intéressé a été écroué du 26 octobre 2023 au 11 août 2025, en exécution de cinq peines d'emprisonnement, Monsieur [R] [Y] représentait par sa présence sur le sol français une menace pour l'ordre public, réelle et actuelle, pouvant ainsi justifier une décision de placement en rétention administrative conformément aux dispositions de l'article L 741-1 précité.
À cet égard le Préfet a donc ainsi justifié sa décision sans commettre d'erreur d'appréciation quant à l'opportunité de la mesure puisque le risque de fuite est caractérisé, de même que le critère de menace à l'ordre public, alors que le Préfet a examiné par ailleurs de manière précise la situation de l'intéressé au titre de son état de santé, ayant apprécié au vu des déclarations de Monsieur [Y], et en l'absence de tout certificat médical produit qui ferait état d'une contre-indication, que l'état de l'intéressé en fonction des éléments dont il disposait ne s'opposait pas à un placement en rétention administrative, d'autant plus que l'intéressé était écroué depuis le 26 octobre 2023.
Ainsi, le Préfet a donc ainsi justifié sa décision sans commettre d'erreur d'appréciation quant à l'opportunité de la mesure et en tenant compte de la situation de l'intéressé en fonction des éléments portés à sa connaissance.
Le recours en annulation contre l'arrêté de placement sera ainsi rejeté.
' Sur la régularité de la procédure
- Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête du fait du non-respect du délai de saisine du juge judiciaire et des conditions fixées par l'article R743-2 du CESEDA :
Le moyen tiré de la tardiveté de la saisine du juge judiciaire par le Préfet, aux fins de prolongation de la rétention administrative, sera rejeté dès lors que conformément aux développements supra, les dispositions des articles L. 523-1 et suivants du CESEDA ne trouvaient pas à s'appliquer au cas d'espèce et que le Préfet a saisi le juge judiciaire en vertu des dispositions de l'article L742-2 qui prévoient que « le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l'autorité administrative.»
Par ailleurs, l'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.
Il appartient au Juge Judiciaire, en application de l'article 66 de la Constitution, de contrôler par voie d'exception la chaîne des privations de liberté précédant la rétention administrative.
Exceptée la copie du registre, la Loi ne précise pas le contenu des pièces justificatives qui doivent comprendre les pièces nécessaires à l'appréciation par le Juge des Libertés et de la Détention des éléments de fait et de droit permettant d'apprécier la régularité de la procédure servant de fondement à la rétention.
En l'espèce, l'absence de pièces relatives à la précédente procédure de transfert de Monsieur [Y] auprès des autorités suisses, notamment l'arrêté préfectoral portant transfert, de même que celles qui seraient liées à la suite de la procédure d'asile en France, est sans incidence sur la régularité de la procédure puisque les dispositions des articles L523-1 et suivants du CESEDA ne sont pas applicables en l'espèce, d'autant plus que le Préfet a versé à titre d'information certaines pièces comme l'accord explicite des autorités suisses pour la reprise en charge de l'intéressé et le report du délai de transfert de l'intéressé.
Dès lors, il convient de considérer que la requête du Préfet est recevable, aucune pièce utile ne faisant défaut à l'appui de la requête et le moyen sera rejeté.
- Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture
L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet et par décisions en du 9 juin 2010, la Cour de cassation a souligné que l'autorité préfectorale se devait de justifier de l'accomplissement de ces diligences dès le placement en rétention, ou, au plus tard, dès le premier jour ouvrable suivant l'organisation de la rétention.
En l'espèce, Monsieur [R] [Y] a été placé en rétention administrative le 11 août 2025 à 09h 33, à l'issue de sa période d'incarcération et il ressort de la procédure que l'intéressé étant dépourvu de document d'identité ou de passeport original valide, la Préfecture a sollicité dès le 16 juillet 2025, les autorités consulaires algériennes aux fins de reconnaissance et éventuelle délivrance d'un laissez-passer consulaire, joignant des pièces justificatives dont un jeu d'empreintes digitales. Une relance est intervenue le 11 août 2025, avec information du placement en rétention administrative de l'intéressé.
Il ressort de l'examen de la procédure que toutes les diligences ont été effectuées par le Préfet au sens des dispositions précitées, sans qu'il ne puisse être reproché à l'administration un défaut de diligences auprès de l'OFPRA puisque les dispositions des articles L523-1 et suivants du CESEDA n'étaient pas applicables en l'espèce.
Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, toutes les diligences nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale avec une demande de délivrance des documents de voyage, opérée dès le placement en rétention de Monsieur [Y].
En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [R] [Y] à compter du 14 août 2025, pour une période d'un délai maximum de 26 jours dans des locaux non pénitentiaires.
La décision dont appel est donc confirmée.
La demande sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes en date du 15 août 2025,
Rejetons la demande formée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,
Laissons les dépens à la charge du trésor public.
Fait à [Localité 2], le 19 Août 2025 à 09 heures 30.
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. [R] [Y], à son avocat et au préfet,
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier,
N° 367/2025 - N° RG 25/00609 - N° Portalis DBVL-V-B7J-WC6X
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Nous, Sébastien PLANTADE, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Patricia IBARA, greffière,
Statuant sur l'appel formé par courriel de Me Enzo SEMINO, avocat au barreau de RENNES, reçu le 17 Août 2025 à 17 heures 15 pour :
M. [R] [Y]
né le 19 Septembre 2001 à [Localité 1] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
ayant pour avocat Me Enzo SEMINO, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 15 Août 2025 à 17 heures 30 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [R] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-six jours à compter du 14 août 2025 à 24 heures;
En présence du représentant de la PREFECTURE D'ILLE ET VILAINE, dûment convoquée, Monsieur [C] [J], muni d'un pouvoir, entendu en ses observations,
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 18 août 2025 lequel a été mis à disposition des parties.
En présence de Monsieur [R] [Y], assisté de Me Enzo SEMINO, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 18 Août 2025 à 14 H 30 l'appelant et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :
Suite à l'accord des autorités suisses le 04 septembre 2023, Monsieur [R] [Y] devait être remis aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile, en application du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du conseil, mais la fuite de l'intéressé a entraîné le report du transfert pour une durée de 18 mois.
Par ailleurs, Monsieur [R] [Y] a été condamné par jugement contradictoire du Tribunal correctionnel de Rennes le 06 décembre 2023 à une peine complémentaire d'interdiction temporaire du territoire français pour une durée de cinq ans. Un arrêté préfectoral fixant le pays de renvoi a été édicté le 05 juin 2025, notifié le 10 juin 2025.
Monsieur [R] [Y] a fait l'objet d'un arrêté du Préfet d'Ille-et-Vilaine le 11 août 2025, notifié le 11 août 2025, portant placement en rétention administrative, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de quatre jours.
Par requête en date du 14 août 2025, par l'intermédiaire de son conseil, Monsieur [R] [Y] a contesté la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative.
Par requête motivée en date du 14 août 2025, reçue le 14 août 2025 à 11 h 54 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet d'Ille-et-Vilaine a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention administrative de Monsieur [R] [Y].
Par ordonnance rendue le 15 août 2025, le magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Rennes a rejeté le recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [R] [Y] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 26 jours, à compter du 14 août 2025.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour d'Appel de Rennes le 17 août 2025 à 17 h 15, par l'intermédiaire de son conseil, Monsieur [R] [Y] a formé appel de cette ordonnance.
L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, d'une part que l'arrêté de placement en rétention administrative est insuffisamment motivé, entaché d'une erreur d'appréciation, d'une erreur de droit et viole les dispositions de l'article 66 de la Constitution du 04 octobre 1958 en ce que le Préfet n'a pas pris en compte le statut de demandeur d'asile de l'intéressé, dont l'examen relevait de la responsabilité de la France suite à l'expiration depuis le 04 mars 2025 du délai de transfert vers la Suisse, ne pouvait placer en rétention l'intéressé que pour une durée maximale de 48 heures et n'a pas caractérisé la menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l'ordre public que représentait l'intéressé, alors que le risque de fuite n'a pas été suffisamment caractérisé et que le Préfet n'a pas fondé sa décision sur les dispositions de l'article L.523-3 qui régissent le placement en rétention des demandeurs d'asile, et d'autre part que la requête est irrecevable comme tardive, au-delà des 48 heures prévues par les textes, et ne contenant pas les pièces essentielles relatives à la procédure d'asile, et que la procédure est entachée d'irrégularité tenant au défaut de diligences du Préfet qui n'a pas informé l'OFPRA de la nécessité de statuer selon la procédure accélérée en raison du placement en rétention de l'intéressé, demandeur d'asile. Il est formalisé également une demande au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Le procureur général, suivant avis écrit du 18 août 2025, s'en rapporte à l'appréciation de la Cour.
Comparant à l'audience, Monsieur [R] [Y] déclare être menacé de mort en Algérie, refusant d'y être renvoyé, être dépourvu de passeport et s'être rendu en Suisse après l'exécution de sa peine.
Demandant l'infirmation de la décision entreprise, le conseil de Monsieur [R] [Y] développe les moyens formés par écrit dans la déclaration d'appel, insistant sur le statut de demandeur d'asile de l'intéressé, que doit consacrer le juge judiciaire et qui devait être pris en compte par le Préfet qui devait tirer les conséquences de la libération de l'Etat responsable de son obligation de prise en charge depuis le 04 mars 2025, et par conséquent sur la procédure spécifique que devait appliquer le Préfet, à partir des articles L523-1 et suivants, en motivant spécialement le risque de fuite et la menace à l'ordre public. La demande formée au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle est réitérée à l'audience.
Comparant à l'audience, le représentant du Préfet d'Ille-et-Vilaine demande la confirmation de la décision entreprise, estimant que Monsieur [Y] n'a pas le statut de demandeur d'asile en France et a manifesté sa volonté de se rendre en Suisse, ne dispose pas du droit au maintien en France, et représente une menace à l'ordre public du fait de ses antécédents judiciaires, et ajoutant que la requête du Préfet n'était pas tardive, que les dispositions des articles L523-3 et L523-4 n'avaient pas à s'appliquer en l'espèce, le fondement du placement en rétention étant constitué de l'interdiction judiciaire du territoire français.
SUR QUOI :
L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.
' Sur le recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative
- Sur les moyens tirés de l'insuffisante motivation, de l'erreur de droit, de l'erreur d'appréciation et de la violation des dispositions de l'article 66 de la Constitution :
Il ressort des dispositions de l'article 29 du Règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères de mécanisme de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride que « le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. ['] 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. »
En l'espèce, il ressort de l'examen de la procédure que le transfert de Monsieur [R] [Y] auprès des autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile, n'a pu être opéré dans le délai normal de six mois en raison de l'état de fuite de l'intéressé, ce qui a eu pour effet de reporter le transfert dans un délai de dix-huit mois, au plus tard le 04 mars 2025. Le transfert de Monsieur [R] [Y] n'ayant pu être effectué dans le délai prévu, la Suisse, Etat membre responsable initialement de l'examen de la demande d'asile a été libérée de son obligation de prise en charge, au profit de la France.
Par suite, conformément aux dispositions de l'article L541-1 du CESEDA, le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. Suivant les dispositions de l'article L541-2, l'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent.
En l'espèce, aucun élément de la procédure ne permet de justifier que Monsieur [R] [Y] a effectivement introduit une demande auprès de l'OFPRA et bénéficierait du droit de se maintenir sur le territoire français. En tout état de cause, si l'on devait considérer, suivant la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE 25 juin 2020 n°C-36/20 PPU paragraphes 86 à 94) que la qualité de demandeur d'asile s'acquiert à compter de la manifestation de volonté auprès d'une autorité de déposer une demande de réexamen, cette manifestation de volonté n'est aucunement rapportée dans la procédure dès lors que Monsieur [R] [Y] a délibérément pris la fuite et mis en échec la procédure de transfert auprès des autorités suisses et n'a aucunement fait part d'une nouvelle procédure similaire en cours auprès de l'OFPRA ou de ses démarches voire de son intention de s'engager dans une telle demande de réexamen, aux termes de son audition du 15 mai 2025, ayant dans le cadre du recueil d'observations intervenant avant édiction de la décision de fixation du pays de renvoi, fait part de son souhait de retourner en Suisse, de sorte que Monsieur [R] [Y] ne pouvait prétendre conserver le statut de demandeur d'asile et que les dispositions prévues par les articles L 523-1 et suivants n'avaient pas à s'appliquer.
Il s'ensuit que les moyens tirés de l'insuffisante motivation, notamment quant au risque grave pour l'ordre public ou à l'absence de mention concernant la procédure de demande d'asile, à l'erreur de droit et à la violation des dispositions de l'article 66 de la Constitution ne sauraient prospérer.
L'article L.741-1 du CESEDA dispose que 'L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente'.
En outre, selon les dispositions de l'article L 612-3, 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
Par ailleurs, selon les dispositions de l'article L 741-4, 'La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention'.
Les dispositions de l'article L 731-1 prévoient en outre que 'L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
['] 7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
['] L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.
Par ailleurs, aux termes de l'article 15-1 de la directive dite retour n° 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 "À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque a) il existe un risque de fuite ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement.
Dans son arrêté de placement en rétention administrative en date du 11 août 2025, le Préfet d'Ille-et-Vilaine expose que Monsieur [R] [Y] a été condamné le 06 décembre 2023 par le tribunal correctionnel de Rennes en particulier à une peine complémentaire d'interdiction temporaire du territoire français d'une durée de 5 ans, est connu sous différents alias, déclare être célibataire, sans enfant à charge, indique que sa mère vivrait en Algérie, ne démontre pas avoir noué en France des liens dont l'intensité serait exclusive de tout autre qu'il conserverait encore dans son pays d'origine, si bien que la mesure qui lui est opposée ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au sens des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage valide, ne peut justifier d'aucune adresse exacte, ayant évoqué une domiciliation sans en justifier, que l'intéressé n'a pas respecté à deux reprises l'obligation de pointage à laquelle il a été soumis dans le cadre de mesures d'assignation à résidence prononcées les 23 novembre 2022 et 28 janvier 2023, selon les procès-verbaux joints, si bien qu'il ne peut présenter des garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque de fuite et à envisager une assignation à résidence. Le Préfet ajoute que Monsieur [R] [Y] est défavorablement connu pour avoir été condamné à de nombreuses reprises, en particulier en 2023 à 5 reprises, à des peines d'emprisonnement ferme, pour des faits d'atteintes aux biens et infractions à la législation sur les stupéfiants, et que la multiplicité des faits et leur fréquence soutiennent que l'intéressé représente une menace pour l'ordre public, tandis qu'il ne ressort d'aucun élément de la procédure que Monsieur [R] [Y] présentât un état de vulnérabilité qui s'opposerait à un placement en rétention.
Il ressort de l'examen de la procédure et en l'absence de pièces produites à l'audience que la situation de Monsieur [R] [Y] a été examinée de manière suffisamment approfondie par le Préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas commis d'erreur d'appréciation et a légitimement considéré que l'intéressé ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de fuite, conformément aux dispositions 3), 4) et 8) de l'article L 612-3 précité selon la motivation de la décision querellée de placement en rétention administrative, dans la mesure où l'intéressé s'est maintenu de façon irrégulière sur le territoire national, a fait savoir dans son audition du 15 mai 2025 et ses observations du 19 mai 2025 qu'il ne comptait pas retourner dans son pays d'origine, traduisant un refus d'être éloigné vers son pays d'origine, et n'a pas produit de document d'identité ou de voyage valide. Par ailleurs, l'intéressé ne peut justifier d'un lieu de résidence suffisamment effectif, pérenne et valide, ayant déclaré le 15 mai 2025 être sans domicile, et a mis en échec une mesure d'assignation à résidence, n'ayant pas respecté l'obligation de pointage qui lui incombait, comme en témoignent les mentions du procès-verbal de carence joint, en date du 28 novembre 2022. En outre, le Préfet a également considéré qu'au regard de son comportement et de ses antécédents judiciaires, s'agissant des 8 condamnations prononcées depuis 2021, en particulier en 2023, en majorité à des peines d'emprisonnement ferme, pour des faits essentiellement de vol aggravé et d'infractions à la législation sur les stupéfiants, alors que l'intéressé a été écroué du 26 octobre 2023 au 11 août 2025, en exécution de cinq peines d'emprisonnement, Monsieur [R] [Y] représentait par sa présence sur le sol français une menace pour l'ordre public, réelle et actuelle, pouvant ainsi justifier une décision de placement en rétention administrative conformément aux dispositions de l'article L 741-1 précité.
À cet égard le Préfet a donc ainsi justifié sa décision sans commettre d'erreur d'appréciation quant à l'opportunité de la mesure puisque le risque de fuite est caractérisé, de même que le critère de menace à l'ordre public, alors que le Préfet a examiné par ailleurs de manière précise la situation de l'intéressé au titre de son état de santé, ayant apprécié au vu des déclarations de Monsieur [Y], et en l'absence de tout certificat médical produit qui ferait état d'une contre-indication, que l'état de l'intéressé en fonction des éléments dont il disposait ne s'opposait pas à un placement en rétention administrative, d'autant plus que l'intéressé était écroué depuis le 26 octobre 2023.
Ainsi, le Préfet a donc ainsi justifié sa décision sans commettre d'erreur d'appréciation quant à l'opportunité de la mesure et en tenant compte de la situation de l'intéressé en fonction des éléments portés à sa connaissance.
Le recours en annulation contre l'arrêté de placement sera ainsi rejeté.
' Sur la régularité de la procédure
- Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête du fait du non-respect du délai de saisine du juge judiciaire et des conditions fixées par l'article R743-2 du CESEDA :
Le moyen tiré de la tardiveté de la saisine du juge judiciaire par le Préfet, aux fins de prolongation de la rétention administrative, sera rejeté dès lors que conformément aux développements supra, les dispositions des articles L. 523-1 et suivants du CESEDA ne trouvaient pas à s'appliquer au cas d'espèce et que le Préfet a saisi le juge judiciaire en vertu des dispositions de l'article L742-2 qui prévoient que « le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l'autorité administrative.»
Par ailleurs, l'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.
Il appartient au Juge Judiciaire, en application de l'article 66 de la Constitution, de contrôler par voie d'exception la chaîne des privations de liberté précédant la rétention administrative.
Exceptée la copie du registre, la Loi ne précise pas le contenu des pièces justificatives qui doivent comprendre les pièces nécessaires à l'appréciation par le Juge des Libertés et de la Détention des éléments de fait et de droit permettant d'apprécier la régularité de la procédure servant de fondement à la rétention.
En l'espèce, l'absence de pièces relatives à la précédente procédure de transfert de Monsieur [Y] auprès des autorités suisses, notamment l'arrêté préfectoral portant transfert, de même que celles qui seraient liées à la suite de la procédure d'asile en France, est sans incidence sur la régularité de la procédure puisque les dispositions des articles L523-1 et suivants du CESEDA ne sont pas applicables en l'espèce, d'autant plus que le Préfet a versé à titre d'information certaines pièces comme l'accord explicite des autorités suisses pour la reprise en charge de l'intéressé et le report du délai de transfert de l'intéressé.
Dès lors, il convient de considérer que la requête du Préfet est recevable, aucune pièce utile ne faisant défaut à l'appui de la requête et le moyen sera rejeté.
- Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture
L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet et par décisions en du 9 juin 2010, la Cour de cassation a souligné que l'autorité préfectorale se devait de justifier de l'accomplissement de ces diligences dès le placement en rétention, ou, au plus tard, dès le premier jour ouvrable suivant l'organisation de la rétention.
En l'espèce, Monsieur [R] [Y] a été placé en rétention administrative le 11 août 2025 à 09h 33, à l'issue de sa période d'incarcération et il ressort de la procédure que l'intéressé étant dépourvu de document d'identité ou de passeport original valide, la Préfecture a sollicité dès le 16 juillet 2025, les autorités consulaires algériennes aux fins de reconnaissance et éventuelle délivrance d'un laissez-passer consulaire, joignant des pièces justificatives dont un jeu d'empreintes digitales. Une relance est intervenue le 11 août 2025, avec information du placement en rétention administrative de l'intéressé.
Il ressort de l'examen de la procédure que toutes les diligences ont été effectuées par le Préfet au sens des dispositions précitées, sans qu'il ne puisse être reproché à l'administration un défaut de diligences auprès de l'OFPRA puisque les dispositions des articles L523-1 et suivants du CESEDA n'étaient pas applicables en l'espèce.
Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, toutes les diligences nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale avec une demande de délivrance des documents de voyage, opérée dès le placement en rétention de Monsieur [Y].
En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [R] [Y] à compter du 14 août 2025, pour une période d'un délai maximum de 26 jours dans des locaux non pénitentiaires.
La décision dont appel est donc confirmée.
La demande sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes en date du 15 août 2025,
Rejetons la demande formée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,
Laissons les dépens à la charge du trésor public.
Fait à [Localité 2], le 19 Août 2025 à 09 heures 30.
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. [R] [Y], à son avocat et au préfet,
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier,