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Décisions

CA Basse-Terre, 5e ch (référés), 20 août 2025, n° 25/00001

BASSE-TERRE

Ordonnance

Autre

CA Basse-Terre n° 25/00001

20 août 2025

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

5ème CHAMBRE CIVILE - REFERES

ORDONNANCE N° 57 DU 20 AOUT 2025

N° RG 25/00001 - N° Portalis DBV7-V-B7J-DYI7

Décision déférée à la cour : Ordonnance du 20 novembre 2024, rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre

DEMANDEURS AU REFERE :

Monsieur [D] [E]

[R]

[Localité 8]

Représenté par Me Nicolas DESIREE de la SELASU NICOLAS DESIREE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY

DEFENDEURS AU REFERE :

Monsieur [W] [C] [M]

[Adresse 15]

[Localité 9])

Représenté par Me Michel PRADINES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY

S.A.S. TOTAL ENERGIES MARKETING ANTILLES GUYANE

Agissant par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 16]

[Localité 10]

Représentée par Me Jeanne-Hortense LOUIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY

Représentée par Me Pierre-Edouard GONDRAN DE ROBERT, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. SAS DANMILLY SERVICES DISTRIBUTION

[Adresse 11]

[Localité 8]

Représentée par Me BRACKMORT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY

Madame [K] [O]

[Adresse 11]

[Localité 7]

Non comparante, non représentée

Madame [A] [Z] [E] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non comparante, non représentéé

Monsieur [J] [X]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Non comparant, non représenté

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

Société SCI [E], représentée par la SELARL BCM, en la personne de Me [V], administrateur provisoire

[Adresse 11]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Nicolas GONAND, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY

Représentée par Me Guillaume BRUNSCHWIG, avocat au barreau de PARIS

Société RUBIS ANTILLES GUYANE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Hervé CAMADRO de la SELARL DOLLA - VIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Hubert JABOT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY

COMPOSITION DE LA JURIDICTION :

Les conseils des parties ont été entendus à l'audience publique des référés tenue le 18 juin 2025 au Palais de justice de Basse-Terre par Michaël JANAS, premier président, assisté de Murielle LOYSON, greffier.

Réputée contradictoire, prononcé publiquement le 20 août 2025, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.

Signée par Michaël JANAS, premier président et par Murielle LOYSON, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing-privé du 1er mars 1990, Monsieur [U] [E] a donné en location-gérance à Monsieur [W] [M] pour une durée de 3 ans renouvelable annuellement par tacite reconduction un fonds de commerce de station-service ELF sis à [Localité 12], commune de [Localité 14], ledit fonds comprenant l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, l'achalandage, le matériel, le mobilier commercial et les ustensiles servant à son exploitation ainsi que le droit d'occupation des lieux où est exploité le fonds.

Par contrat du 9 novembre 2018, un contrat d'approvisionnement pour la revente au détail de carburant a été signé entre la société anonyme TOTAL ENERGIES MARKETING ANTILLES-GUYANE (ci-après nommé TOTAL) et Madame [I] [E] qui exploitait la station depuis le décès de Monsieur [U] [E].

Par contrat de bail commercial du 29 avril 2024, la société [E] a donné à bail commercial lesdits locaux à la société par actions simplifiée DANMILLY SERVICES DISTRIBUTION (ci-après nommé DANMILLY) pour une durée de neuf années à compter du 1er mai 2024.

Par acte de commissaire de justice du 16 juillet 2024, la société [E] a fait délivrer à Monsieur [M] une sommation d'avoir à quitter les lieux.

Par courrier du 8 août 2024, le conseil de Monsieur [M] a mis en demeure la société [E] d'avoir à cesser de troubler la jouissance paisible de son fonds de commerce objet du contrat de location gérance du 1er mars 1990.

Par contrat du 18 septembre 2024, les sociétés RUBIS ANTILLES GUYANE et DANMILLY ont signé un contrat de fourniture pour la revente au détail de carburants.

Par actes de commissaire de justice du 7 novembre 2024, Monsieur [M] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre la société [E], la société DANMILLY, Madame [N] [E] épouse [F], Monsieur [D] [E], Monsieur [J], [Y] [X], Madame [K] [O] et la société TOTAL aux fins notamment de voir déclarer irrégulière et illégale son expulsion diligentée par la société DANMILLY le 18 octobre 2024, voir déclarer la société [E] sans droit ni titre sur la propriété du fonds de commerce de station-service, lui déclarer inopposable le bail commercial du 29 avril 2024, et d'ordonner en conséquence l'expulsion de la société DANMILLY des locaux et sa réintégration dans la jouissance du fonds de commerce de station-service objet du contrat du 1er mars 1990.

Par ordonnance du 20 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a':

Débouté la société [E] et la société DANMYLLY de leur exception de litispendance,

Constaté l'existence d'un trouble'manifestement illicite au préjudice de Monsieur [W] [M] et de la société TOTAL,

Pour le réparer,

Ordonné l'expulsion de la société DANMYLLY et de tous occupants de son chef de la station-service [Adresse 13] et ce, sous astreinte de 500 euros par jours de retard dans les 8 jours de la signification de la présente décision, avec le concours de la force publique si besoin est,

Ordonné à Madame [N] [E] épouse [F], Monsieur [D] [E], Monsieur [J], [Y] [X] et Madame [K] [O], en leur qualité d'héritiers de Monsieur [U] [E] de réintégrer Monsieur [M] dans la jouissance du fonds de commerce de station-service [Adresse 13], objet du contrat du 1er mars 1990 et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance';

Fait interdiction à la société DANMILLY de procéder à l'enlèvement de tout matériel et stocks appartenant à la société TOTAL se trouvant dans la station-service,

Rejeté le surplus des demandes,

Condamné la société [E], la société DANMILLY, Madame [N] [E] épouse [F], Monsieur [D] [E], Monsieur [J], [Y] [X], Madame [K] [O] à payer à Monsieur [M] la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la société TOTAL la somme de 1'500 euros sur le même fondement.

Par déclaration du 22 novembre 2024, la société [E] et Monsieur [D] [E] ont interjeté appel de cette décision.

Par acte de commissaire de justice délivré le 9 décembre 2024, la société [E] et Monsieur [D] [E] ont fait assigner, devant cette juridiction, en référé, Monsieur [M], la société DANMILLY, Madame [A] [E] épouse [F], Monsieur [J] [X], Mademoiselle [K] [O], la société TOTAL aux fins de':

Ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance de référé du 20 novembre 2024,

Condamner solidairement Monsieur [M] et la société TOTAL à payer à la société [E] la somme de 6'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 10 avril 2025, ils font valoir l'existence de moyens sérieux de réformation de la décision.

Ils expliquent que faute de contrat de location gérance régulier et opposable aux tiers, Monsieur [M] ne pouvait pas exploiter l'activité de station-service, que cet argument relève d'une interprétation du contrat qui est une question qui ne peut être tranchée devant le juge des référés, cette question pouvant faire l'objet d'une contestation sérieuse. Ils précisent que Monsieur [M] ne peut justifier d'une exploitation préalable d'une durée de deux années par application des dispositions combinées des articles L144-3 et L144-10 du code de commerce. Ils estiment que l'extrait K-BIS de Monsieur [M] fait mention d'une exploitation directe et ne contient pas de formalités de mise en location gérance effectuée au greffe. Ils ajoutent que le contrat d'approvisionnement exclusif entre Madame [I] [E] et TOTAL prouve que l'exploitation est gérée par Madame [I] [E], et que par conséquent Monsieur [M] est occupant sans droit ni titre. Ils indiquent que la résiliation du contrat avec préavis de 3 mois, donnée par la délivrance de la sommation de quitter les lieux du 16 juillet 2024, est régulière. Enfin, ils ajoutent que Monsieur [M] a manifesté son accord de façon non équivoque à l'effet de quitter les lieux, suite à la novation opérée avec les SCI [E].

La société [E] et Monsieur [D] [E] estiment qu'il existe des conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution provisoire de la décision querellée.

Ils expliquent que la situation serait manifestement excessive pour les salariés de la société DANMYLLY qui seraient privés de rémunération à défaut d'exploitation.

Ils ajoutent que Monsieur [M] ne respecte pas la réglementation applicable aux stations-services.'

Aux termes de ses dernières écritures du 15 avril 2025, la société DANMILLY demande à cette juridiction de':

Constater qu'elle occupe les lieux en vertu d'un bail commercial régulier et exécutoire,

Juger que l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé du 20 novembre 2024 est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives au regard de la situation juridique du preneur, de ses investissements, de la sauvegarde de l'emploi et de la continuité de l'exploitation,

Suspendre l'exécution provisoire de ladite ordonnance,

Condamner les parties intimées aux entiers dépens,

En toute hypothèse,

Débouter Monsieur [W] [M] et la société TOTAL de toutes leurs demandes,

Condamner solidairement toutes les autres parties à lui payer la somme de 3'500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Elle considère qu'il n'existe pas de contrat de location gérance opposable entre la société [E] et Monsieur [M]. Elle indique que le bail signé le 29 avril 2024 entre elle et la société [E] répond à toutes les exigences de validité et est opposable aux tiers. Elle explique qu'elle a pris possession des lieux loués en exécution de ce bail commercial, de manière paisible, continue et transparente. Elle conteste ainsi le trouble manifestement illicite allégué par Monsieur [M].

Elle indique que son éviction de la station-service aurait des conséquences économiques, car elle a engagé des investissements significatifs'; sociales car cela entraînerait un licenciement des salariés'; environnementales car la continuité des obligations de maintenance et de sécurisation du site seraient compromises'; territoriales dans le sens où les usagers seraient privés d'un point d'accès au carburant. Par conséquent, elle soutient que son éviction aurait un impact sur l'intérêt général.

Elle conclut en indiquant que la mesure d'exécution immédiate de la décision querellée est de nature à porter atteinte de façon grave et disproportionnée à ces droits et intérêts collectifs.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 janvier 2025, Monsieur [M] demande à cette juridiction de':

«'Déclarer la société [E] et Madame [I] [E] mal fondés en leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit attachée à l'ordonnance de référé du 20 novembre 2024,

Débouter la société [E] et Madame [I] [E] de l'ensemble de leurs demandes,

Condamner solidairement Monsieur [D] [E] et la société [E] à lui payer la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens'».

Monsieur [M] soutient que les moyens sérieux invoqués par la partie adverse ont déjà été présentés en première instance. Il rappelle que la société [E] est dépourvue de qualité à agir, cette dernière n'étant pas propriétaire du fond de commerce et n'ayant aucune activité commerciale. Il indique qu'au décès de Monsieur [U] [E], ses héritiers sont devenus propriétaires du fonds de commerce. Il explique qu'aucun congé ne lui a été délivré par ces héritiers, qu'il a été victime d'une expulsion manu militari. Il rappelle que la cessation d'un trouble manifestement illicite ne requiert pas l'absence de contestation sérieuse.

S'agissant des conséquences manifestement excessives, Monsieur [M] explique que les salariés ne seront pas privés de rémunération dès lors qu'il sera réintroduit dans ses droits de locataire gérant, qu'il reprendra son activité avec ces salariés qui étaient les siens avant son expulsion manu militari. Pour le surplus, il explique que les conséquences manifestement excessives alléguées ne le concernent pas directement.

Selon ses conclusions notifiées le 24 janvier 2025, la société TOTAL demande à cette juridiction de':

Débouter la société [E] de l'intégralité de ses demandes,

Débouter Monsieur [D] [E] de l'intégralité de ses demandes concernant l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire,

Ordonner la radiation de l'appel formé par la société [E] et Monsieur [D] [E] par déclaration du 22 novembre 2024,

Condamner solidairement la société [E] et Monsieur [D] [E] à lui payer la somme de 6'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste les moyens sérieux invoqués par la partie demanderesse.

Elle indique que le contrat de location-gérance du 1er mars 1990 est dépourvu d'irrégularité, que les formalités de publicité de ce contrat ont bien été réalisées, que Madame [I] [E] a reconnu la qualité de locataire de la station-service et à plus forte raison du fonds de commerce y étant rattaché, que Monsieur [M] était le revendeur direct du carburant livré.

Elle soutient qu'il n'est pas démontré dans quelle mesure l'expulsion de la société DANMILLY de la station-service et la réintégration de Monsieur [M] engendreraient des conséquences manifestement excessives, révélées postérieurement à l'ordonnance du 20 novembre 2024.

Elle relève que les dispositions prévues par l'ordonnance querellée n'ont pas été respectées par la société [E], Monsieur [D] [E] et la société DANMILLY.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 17 mars 2025, la société par actions simplifiée RUBIS ANTILLES GUYANE demande à cette juridiction de':

Déclarer recevable son intervention volontaire,

Suspendre l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance querellée,

Condamner la société TOTAL à lui payer la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société TOTAL aux entiers dépens,

Condamner Monsieur [M] à lui payer la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Monsieur [M] aux entiers dépens.

Elle explique qu'elle s'est constituée en tant qu'intervenante volontaire dans le cadre de la procédure devant la cour d'appel de Basse-Terre, qu'elle a conclu un contrat de fourniture pour la revente au détail de carburants avec la société DANMILLY, qui a été expulsée mais qui pensait que son occupation était paisible.

Elle considère que l'exécution de la décision querellée entraînerait des conséquences manifestement excessives pour elle alors qu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision.

Elle explique qu'au décès de Monsieur [U] [E], c'est sa femme, Madame [I] [E], qui est devenue propriétaire et exploitante du fonds de commerce litigieux, qu'elle ne l'avait jamais cédé à Monsieur [M] et qu'à ce titre, les conséquences du contrat d'approvisionnement exclusif signé entre Madame [I] [E] et la société TOTAL la concernant, sont régulières.

Elle indique qu'après avoir signé le contrat de fourniture pour la revente au détail de carburants le 18 septembre 2024 en pensant que l'occupation de la station-service était paisible, elle a procédé à d'importants investissements aux fins de la réaménager pour la mettre aux couleurs de VITO. Dans le cas d'une exécution de la décision, elle serait contrainte d'abandonner cette station malgré ces investissements.

A l'audience du 16 avril 2025, Maître [L] [S], le conseil de la société [E] et Monsieur [D] [E], a indiqué qu'il n'intervenait plus que pour Monsieur [D] [E]. Maître [T] [L] [G] s'est constitué en lieu et place de Maître [L] [S], la société [E] étant représentée par la SELARL BCM, en la personne de Me [H] [V], administrateur provisoire désigné par jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 27 février 2025.

Monsieur [D] [E], Monsieur [M], la société TOTAL, la société DANMILLY et la société RUBIS ANTILLES GUYANE se sont fait représenter par leurs conseils et ont réitéré leurs demandes oralement.

Les autres parties n'ont pas comparu.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 21 mai 2025 prorogé au 28 mai 2025.

Par ordonnance rendue avant-dire droit du 28 mai 2025, le premier président a ordonné la réouverture des débats afin de permettre un débat contradictoire sur la demande de radiation de l'affaire sollicitée reconventionnellement par la société TOTAL et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 18 juin 2025.

A l'audience du 18 juin 2025, l'affaire a été renvoyée au 9 juillet 2025, pour notification de nouvelles conclusions.

Ainsi, à l'audience du 9 juillet 2025, les parties étaient représentées et le conseil de la société RUBIS ANTILLES GUYANE était en visio-conférence. Ce dernier, reprenant ses dernières conclusions notifiées le 16 juin 2025, s'est opposé à la demande reconventionnelle de radiation.

Le conseil de Monsieur [M], reprenant oralement ses dernières conclusions du 28 juin 2025, a notamment ajouté que, par ordonnances du 11 avril 2025 et du 30 avril 2025 rendues dans le cadre des procédures d'appel introduites par la société [E] et Monsieur [E] d'une part, et la société DANMYLLY d'autre part, le conseiller de la mise en état a relevé d'office la caducité des déclarations d'appel de sorte que selon Monsieur [M], il n'existe plus d'appel de l'ordonnance de référé du 20 novembre 2024. Il a également indiqué que l'absence d'appel rend la demande de radiation dépourvue d'objet.

La société TOTAL n'a pas maintenu sa demande reconventionnelle de radiation.

Monsieur [D] [E], la société [E] représentée par la SELARL BCM ont réitéré leurs prétentions et moyens formulés à l'audience du 16 avril 2025.

Les autres parties n'ont pas comparu.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 20 août 2025.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur les demandes d'intervention volontaire de la SELARL BCM et de la société RUBIS ANTILLES GUYANE

L'article 329 du code de procédure civile prévoit l'intervention volontaire pour celui qui élève une prétention au profit de celui qui la forme, la rendant recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Sur la demande de la SELARL BCM

La société [E] était initialement légitimement partie à la procédure devant le tribunal judiciaire. Par jugement du 27 février 2025, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a désigné Maître [H] [V], administrateur judiciaire associé de la SELARL BCM en qualité d'administrateur provisoire de la société [E] avec notamment la mission de «'représenter l'entreprise tant en justice qu'auprès des tiers et des administrations'».

Par conséquent, la société [E] a un intérêt à intervenir dans la présente instance et son intervention volontaire sera reçue.

Sur la demande de la société RUBIS ANTILLES GUYANE

La société RUBIS ANTILLES GUYANE a conclu un contrat de fourniture pour la revente au détail de carburants avec la société DANMILLY qui a été expulsée par l'ordonnance du 20 novembre 2024. Se préoccupant de ses intérêts financiers notamment, et invoquant la croyance que la société DANMILLY occupait le fonds de commerce litigieux légitimement, la société RUBIS ANTILLES GUYANE a un intérêt à invoquer des moyens au soutien de l'arrêt de l'exécution provisoire.

Par conséquent, elle a un intérêt à intervenir dans la présente instance et son intervention volontaire sera reçue.

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

Aux termes des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, visées à l'assignation délivrée et applicables à l'espèce': «'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.'»

Sur la recevabilité

Il résulte de ces dispositions que le premier président de la cour d'appel est compétent pour arrêter l'exécution provisoire tant que la cour d'appel n'a pas déclaré l'appel irrecevable ou qu'elle n'a pas donné acte au débiteur d'un désistement de son appel.

Il est, en l'espèce, justifié aux débats par les parties demanderesses de l'ordonnance rendue le 20 novembre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre. Il est produit aux débats la déclaration d'appel de cette ordonnance, interjeté par Monsieur [D] [E] et la société [E].

La seule condition de recevabilité posée est celle de l'existence d'un appel. S'il a été débattu des questions relatives aux ordonnances de caducité prononcées par le conseiller de la mise en état, il n'est pas contesté qu'elles sont déférées à la cour de sorte qu'elles ne sont pas définitives et n'ont pas autorité de la chose jugée. Ainsi, l'appel existe toujours et l'action entreprise dans le cadre du présent référé est en conséquence recevable.

Sur le fond

L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit des conditions cumulatives pour que l'exécution provisoire puisse être arrêtée.

S'agissant des condamnations prononcées assorties de l'exécution provisoire, dans le cas où la partie demanderesse a comparu en première instance et n'a pas formulé d'observations sur l'exécution provisoire, les conséquences manifestement excessives exposées doivent avoir été révélées postérieurement à la décision rendue en première instance.

En l'espèce, la société [E] a comparu en première instance et n'a pas fait valoir d'observations sur l'exécution provisoire. Les conséquences manifestement excessives doivent donc avoir été révélées postérieurement à l'ordonnance du 20 novembre 2024.

La société [E] produit une feuille d'émargement des salariés de la société RUBIS ANTILLES GUYANE (pièce n°13), la société DANMILLY et la société RUBIS ANTILLES GUYANE font également état de ces salariés qui seraient impactés par l'exécution de la décision. La société RUBIS ANTILLES GUYANE fait état de sa bonne foi mais ne démontre pas en quoi elle serait contrainte d'abandonner la station-service, ni la caractérisation de conséquences économiques comme des conséquences manifestement excessives pour elle. En effet, s'il n'est pas contesté que la société RUBIS ANTILLES GUYANE a investi la somme de 45'249 euros afin de procéder à des aménagements de la station-service, il n'est versé aux débats aucun élément comptable ou financier de toute autre nature permettant de démontrer la preuve de difficulté financière, et de conséquences financières irréversibles pour l'une ou l'autre de ces sociétés.

Par conséquent, il n'est pas démontré que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, de surcroît qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

La condition posée par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 514-3 du code de procédure civile n'est pas remplie.

En ce qui concerne la condition du moyen sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance de référé, il convient ici de rappeler que le juge des référés peut ordonner toutes mesures afin de mettre fin à un trouble manifestement illicite, même en présence d'une contestation sérieuse.

En l'espèce le juge des référés a notamment constaté que la SAS DANMILLY avait investi la station-service «'avec changement de serrure'», ce qui est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite dès lors que M. [M], disposait, selon lui, d'un droit d'occupation aux termes de la convention d'occupation conclue le 1er mars 1990.

Le moyen de réformation invoqué relatif à l'irrégularité du contrat de location-gérance a été analysé en première instance, le juge des référés ayant motivé sa décision en relevant notamment que «'la signature d'un nouveau contrat d'approvisionnement par le propriétaire du fonds de commerce ne remettait pas en cause le contrat de location-gérance'», que la société [E] «'ne pouvait valablement faire sommation de quitter les lieux à Monsieur [M] sans violer les droits de propriétaires du fonds de commerce desdits héritiers bénéficiant d'une redevance, et les droits du locataire-gérant'».

Il ne saurait constituer à ce stade, un moyen sérieux de réformation de l'ordonnance rendue le 20 novembre 2024.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera en conséquence rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de condamner Monsieur [D] [E], la SELARL BCM et la société RUBIS ANTILLES GUYANE, la société par actions simplifiée DANMILLY SERVICES DISTRIBUTION à payer chacun, la somme de 1'500 euros à Monsieur [M] et la somme de 1'500 euros à la société TOTAL en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [D] [B], la SELARL BCM, la société par actions simplifiée DANMILLY SERVICES DISTRIBUTION et la société RUBIS ANTILLES GUYANE seront condamnés au paiement des dépens de la présente instance, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire,

Recevons l'intervention volontaire de la SELARL BCM, exerçant les fonctions d'administrateur provisoire de la société civile immobilière [E],

Recevons l'intervention volontaire de la société par actions simplifiée RUBIS ANTILLES GUYANE,

Déclarons l'action entreprise recevable,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance rendue le 20 novembre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre,

Condamnons Monsieur [D] [E], la société par actions simplifiée RUBIS ANTILLES GUYANE, la SELARL BCM et la société par actions simplifiée DANMYLLY SERVICES DISTRIBUTION au paiement de la somme de 1'500 euros chacun à Monsieur [W] [M] et à la société par actions simplifiée TOTAL ENERGIES MARKETING ANTILLES-GUYANE,

Condamnons Monsieur [D] [E], la société par actions simplifiée RUBIS ANTILLES GUYANE, la SELARL BCM et la société par actions simplifiée DANMYLLY SERVICES DISTRIBUTION aux entiers dépens,

Rejetons toutes autres demandes,

Fait à Basse-Terre, au palais de justice, le 20 août 2025,

Et ont signé

Le greffier Le premier président

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